Les Éléphants dans I'Histoire et I'Art Hellénistiques

Article

Branko van Oppen
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 20 mai 2019
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Disponible dans ces autres langues: anglais

Dans l'Antiquité, les éléphants étaient considérés comme des monstres féroces et effrayants, bien réels mais rarement vus jusqu'à la période hellénistique. Ils étaient déployés sur le champ de bataille pour terroriser l'ennemi, mais comme la peur était considérée comme étant d'inspiration divine, les éléphants peuvent être interprétés comme des symboles religieux, même en temps de guerre. À partir du règne d'Alexandre le Grand, les éléphants furent associés aux processions militaires hellénistiques et la monnaie exprime souvent le lien symbolique entre les éléphants et les victoires militaires.

Elephant & Griffon
Éléphant et griffon
Branko van Oppen (CC BY)

"Vois l’animal par excellence que j’ai créé" Dieu dit à Job et il continue à décrire un monstre redoutable et puissant, littéralement un Béhémoth (littéralement "bête sauvage"), semblable à des taureaux, avec des os en bronze et des membres pareils à des barres de fer (Job 40:15-24). Cette bête se trouve près des papyrus, des roseaux et des carex, elle frappe la rivière pour verser de l'eau dans sa bouche et ne craint pas le déluge. Quel que soit l'animal que le Béhémoth biblique pourrait représenter, il est intéressant de noter que plus tard, selon Pline, les Romains appelaient les éléphants "taureaux" après les avoir rencontrés pour la première fois lors de la campagne contre Pyrrhus. Le premier auteur classique à avoir écrit sur les éléphants, Hérodote, les mentionne parmi diverses créatures et bêtes sauvages plus ou moins fabuleuses, telles que des lions, des ours, des serpents, des licornes, des hommes à tête de chien, des hommes sans tête et des sauvages.

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Plus tard, au Ve siècle avant notre ère, Ctésias, qui, contrairement à Hérodote, avait dû voir lui-même des éléphants, déclare que les Indiens chassaient le martichore mangeur d'hommes (appelé ailleurs manticore) à dos d'éléphant, un paragraphe avant de parler des griffons qui protègent les mines d'or dans les montagnes indiennes. Ensuite, le vénérable Aristote parle également des éléphants dans le même contexte que le martichore et estime qu'ils peuvent vivre jusqu'à 300 ans et "qu'on peut leur apprendre à s'agenouiller en présence du roi". (Histoire des animaux 2.1, 8.9 et 9.46).

Les auteurs grecs continuèrent à associer les éléphants à des légendes et à des monstres fabuleux, c'est-à-dire, pour notre esprit moderne, à des figures inexistantes de l'imagination antique. Diodore de Sicile raconte que les éléphants indiens étaient équipés pour semer la terreur dans la guerre contre la reine assyrienne envahissante Sémiramis. Strabon mentionne les éléphants une cinquantaine de fois, citant Onésicrite qui affirmait que les éléphants pouvaient vivre jusqu'à 500 ans, Mégasthène qui prétendait avoir vu des éléphants lors d'une chasse bacchique, et Artémidore qui décrivait des éléphants en Éthiopie aux côtés de sphinx et de dragons. Même des auteurs plus tardifs pourraient être cités pour confirmer que, dans la littérature classique grecque et latine, les éléphants appartiennent au même ordre de monstres fabuleux féroces et effrayants que la martichore, la licorne, le griffon, le sphinx, le dragon et l'hippocampe.

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D'Alexandre à Hannibal

Lors de la campagne orientale d'Alexandre le Grand (356-323 av. J.-C.), les soldats grecs et macédoniens rencontrèrent pour la première fois des éléphants en Assyrie, à la bataille de Gaugamèle (331 av. J.-C.), où ils ne furent apparemment pas déployés. L'utilisation d'éléphants dans la guerre s'était répandue en Perse au cours des siècles précédents, en provenance de l'Inde où les éléphants étaient utilisés depuis des millénaires. Après Gaugamèle, 15 éléphants furent capturés dans le camp perse, avec les bagages, les chars et les chameaux. Lorsque les portes de Suse furent ouvertes à Alexandre, ses forces acquirent douze autres éléphants.

Plus loin dans la campagne, 125 à 150 éléphants supplémentaires furent obtenus dans la vallée de l'Indus grâce au don d'un prince local et à la chasse. L'armée macédonienne rencontra ensuite des éléphants sur le terrain lors de la bataille de l'Hydaspes (326 avant notre ère; l'affluent le plus à l'ouest de l'Indus, aujourd'hui appelé Jhelum) contre un roi appelé Poros (peut-être Paurava). Au cours du combat qui s'ensuivit, les éléphants de l'ennemi piétinèrent sans distinction les fantassins dans la confusion lorsqu'ils furent attaqués de flanc par la cavalerie macédonienne. Quatre-vingts autres éléphants furent capturés après la bataille, ce qui porta leur nombre à environ 250.

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Alexander & Porus
Alexandre et Poros
The Trustees of the British Museum (Copyright)

L'armée macédonienne s'abstint néanmoins d'avancer dans la vallée du Gange, car elle avait reçu des informations non seulement sur l'immensité du pays, mais aussi sur la puissance présumée de ses forces (dont au moins 3 000 éléphants). À leur retour en Perse (c. 325 av. J.-C.), il est fait mention de quelque 200 éléphants arrivés par l'Arachosie et la Carmanie. À la mort d'Alexandre, son carrosse funéraire était décoré, entre autres, d'une tablette d'éléphants indiens conduits par des cornacs, suivis par les troupes macédoniennes.

Pendant la crise de succession qui éclata à la mort soudaine d'Alexandre, les éléphants furent utilisés non seulement lorsque les factions opposées étaient sur le point de s'affronter, mais aussi pour exécuter la sentence de mort après que les rivaux aient été jugés de manière ad hoc. Lorsque Ptolémée (c. 367-282 av. J.-C.), le gouverneur désigné de l'Égypte, transféra ledit cortège funéraire à Memphis, le régent macédonien Perdiccas riposta en envahissant l'Égypte avec l'armée royale, y compris des éléphants (c. 321/0 av. J.-C.). Après la défaite désastreuse de Perdiccas, environ 50 à 60 éléphants seraient tombés aux mains de Ptolémée. Ce dernier frappa des pièces de monnaie exprimant le lien symbolique entre les éléphants et les victoires militaires d'Alexandre.

L'importance symbolique des éléphants pour Carthage est exprimée sur une série de pièces de monnaie d'Hannibal.

Son fils, Ptolémée Kéraunos, qui n'avait pas été retenu pour la succession, imita les monnaies de son père lorsqu'il revendiqua la succession de Lysimaque. En effet, après la mort de ce dernier à la bataille de Couroupédion (280 av. J.-C.), Kéraunos avait d'abord rejoint Séleucos, puis l'avait assassiné pour venger la mort de Lysimaque, et avait émis des statères d'or portant le portrait d'Alexandre à l'avers et celui d'Athéna Niképhoros au revers, ainsi que des symboles plus petits tels qu'un éléphant et une tête de lion. Kéraunos trouva la mort sur le dos d'un éléphant contre les Galates qui étaient entrés dans la péninsule grecque par les Balkans (279 av. J.-C.).

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Lorsque Pyrrhus d'Épire (319-272 av. J.-C.) demanda du soutien pour sa campagne italienne à venir, Ptolémée II put se permettre de lui fournir 50 éléphants, parmi d'autres forces. Pyrrhos possédait déjà 20 éléphants de guerre (sans que l'on sache exactement où et par qui il les avait obtenus). Cette campagne finalement infructueuse fut commémorée sur une assiette en céramique de Capena (aujourd'hui à la Villa Giulia, à Rome), qui montre un éléphant surmonté d'une tourelle et portant sur son dos un cavalier et des combattants, suivis d'un petit. C'était la première fois que les habitants de la péninsule italienne voyaient des éléphants.

La campagne de Pyrrhos incita les Carthaginois à acquérir des éléphants de guerre au moment de la deuxième guerre punique (218-201 av. J.-C.). Lorsque Hannibal (247 - c. 182 av. J.-C.) s'attaqua à Rome, il traversa les Pyrénées depuis l'Espagne avec 37 éléphants parmi ses vastes forces. Bien que les Carthaginois aient subi de lourdes pertes en traversant les Alpes, un nombre indéterminé d'éléphants pénétra dans la vallée du Pô et écrasa les armées consulaires romaines à la rivière Trebia. Si des renforts d'éléphants de forêt africains finirent par atteindre Hannibal, ils n'eurent pas d'effet décisif, même lors de la dernière bataille de Zama (201 av. J.-C.). Néanmoins, leur importance symbolique pour Carthage est exprimée sur une série de pièces de monnaie d'Hannibal qui représentent un cavalier masqué avec un aiguillon à la main, mais sans tourelle.

De Rome à l'Inde

Le nom de Caius Julius Caesar (100-44 av. J.-C.) proviendrait du mot maure pour "éléphant"(caesai), plutôt que de caesius ou caeruleus (relatif à la couleur du ciel). (Hist. Aug., Ael. 2.3.) En outre, César serait entré en Grande-Bretagne à dos d'éléphant en 54 avant notre ère (Polyaen. 8.23.5.) Plus historiquement, Juba de Numidie (environ le nord de l'Algérie actuelle) fournit des éléphants aux forces pompéiennes pendant la guerre civile romaine (49-45 av. J.-C.). Néanmoins, César réussit à vaincre Metellus Scipion à la bataille de Thapsus en Tunisie (46 av. J.-C.) et il captura plus de 60 éléphants après sa victoire en Afrique et en exposa 40 lors d'un triomphe romain. En effet, les denarii d'argent frappés par César (c. 50-45 av. J.-C.) utilisent de manière significative l'éléphant piétinant un serpent lorsqu'il franchit le Rubicon, en allusion à la victoire du bien sur le mal.

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L'un des objets les plus précieux du trésor de Boscoreale découvert en 1895 (aujourd'hui au Louvre) - et peut-être l'une des plus belles œuvres d'art antique - est un plat avec emblema en argent orné d'un portrait allégorique attribué à Cléopâtre Séléné (40-5 av. J.-C.), la fille de Cléopâtre et de Marc Antoine. Après la mort de ses parents, Octave l'emmena à Rome et la maria au roi Juba II de Numidie, fils de Juba I. Ils devinrent souverains de Maurétanie (environ le nord du Maroc actuel) et leur fils Ptolémée fut le dernier descendant connu de la dynastie ptolémaïque. Sur l'emblema, Cléopâtre Séléné porte un scalp d'éléphant en guise de coiffe et est entourée d'une profusion de symboles religieux et d'attributs particulièrement associés à l'Égypte ptolémaïque.

Cleopatra Selene II, Boscoreale
Cléopâtre Séléné II, boscoreale
Hervé Lewandowski (Copyright)

Revenons brièvement à la période hellénistique et repartons rapidement vers l'est. La plupart des éléphants de guerre déployés à l'époque hellénistique provenaient d'Inde. Séleucos Ier (c. 358-281 av. J.-C.) aurait obtenu 400 à 500 éléphants qu'il aurait utilisés contre Antigone Ier et Lysimaque, mais on n'en entendit plus jamais parler. Antiochos Ier (324/3-261 av. J.-C.) déploya des éléphants de guerre contre les Galates qui avaient traversé les Balkans pour entrer en Grèce, puis en Asie Mineure (c. 275/4 av. J.-C.). Les 16 éléphants d'Antiochos auraient semé la panique parmi les Galates, provoquant un grand carnage et une victoire au combat. Les monnaies séleucides propageaient régulièrement l'importance militaire symbolique des éléphants comme expression de leur puissance. D'ailleurs, Eleazar Maccabée fut écrasé par un éléphant séleucide, après l'avoir transpercé de sa lance lors de la bataille de Beth Zechariah en 162 avant notre ère. (1-Macc. 6:34.)

Sur de nombreuses pièces de monnaie de style hellénistique, bagues sigillaires et pierres de sceau des royaumes greco-bactrien et indo-grec, des éléphants sont représentés - une tradition qui remonte aux cachets harappan des 3e et 2e millénaires avant notre ère. L'iconographie comprend des rois de Bactriane portant le scalp d'un éléphant comme coiffure, ainsi que des divinités hindoues accompagnées d'un éléphant. Fondateur del'empire maurya, Chandragupta établit son pouvoir peu après la mort d'Alexandre (r. c. 322/1-299/8 av. J.-C.). Il émit des pièces d'argent poinçonnées portant des symboles religieux représentant un éléphant et un taureau, le soleil et un arbre sur une colline, ainsi que le chakra (un "disque" faisant référence à un nœud nerveux tantrique). Bien après le début de notre ère, l'éléphant continua à figurer fréquemment sur les pièces de monnaie de Kushan (1er-4e siècle de notre ère), y compris sur les rois chevauchant des éléphants.

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Les éléphants comme symboles religieux

Historiquement, les éléphants étaient déployés sur le champ de bataille pour terroriser les troupes ennemies qui n'avaient pas l'habitude de les voir. Les chevaux de cavalerie, en particulier, étaient effrayés par leur odeur. Cependant, les animaux se retournaient souvent contre leurs propres rangs, piétinant sans discernement quiconque se trouvait sur leur chemin. On peut donc se demander pourquoi les généraux voudraient recruter ces monstres pachydermes pour faire la guerre, alors qu'il n'y avait guère d'avantage stratégique à les déployer les uns contre les autres. Nous pourrions nous inspirer de l'ancienne notion selon laquelle la peur, comme la panique, était d'inspiration divine, et que les éléphants devaient avant tout être interprétés comme des symboles religieux - même dans la guerre.

Turreted War Elephant, Hermitage Museum
Éléphant de guerre à tourelle, musée de l'Ermitage
State Hermitage Museum (Copyright)

Cette suggestion est corroborée par les récits de la bataille de Raphia (217 av. J.-C.), qui mit fin à la quatrième guerre de Syrie entre les forces de Ptolémée IV et d'Antiochos III en faveur du premier. Il s'agissait de l'une des plus grandes batailles de terrain de la période hellénistique et, semble-t-il, de la seule bataille antique au cours de laquelle des éléphants d'Afrique affrontèrent des éléphants indiens. Avant le combat, les éléphants de Ptolémée auraient levé leur trompe pour prier le soleil levant. Le roi commémora sa victoire en sacrifiant quatre éléphants de son ennemi. Lorsque le dieu du soleil Hélios (Amon-) lui apparut en rêve pour lui exprimer sa colère, Ptolémée érigea quatre éléphants de bronze en ex-voto pour apaiser le dieu.

Il existe en outre des liens et des influences religieuses évidents entre les éléphants et les divinités hindoues. Par exemple, Indra, le seigneur du ciel, chevauche un éléphant blanc, symbole de sa victoire sur le dragon Vritra, son adversaire. D'ailleurs, Indra, comme Zeus et même Alexandre le Grand, manie la foudre. L'effrayante émanation de Shiva Bhairava et la déesse mère Varahi sont représentées assises sur un éléphant; lui vêtu d'une peau d'éléphant et d'une peau de tigre, avec un tambour, un cadavre, un trident, un bol, un bâton et un cervidé dans ses six mains; elle avec une charrue, un arbre sacré, un aiguillon d'éléphant et un nœud coulant. Le dieu éléphant indien Ganesha, le Seigneur des armées, fait partie de la suite de Shiva. Alors que le culte et l'iconographie de Ganesha ne se sont développés qu'à partir du 4e siècle de notre ère, le statut sacré de l'éléphant en Inde est bien établi depuis le 3e millénaire avant notre ère.

La filiation divine d'Alexandre

La coiffe d'éléphant d'Alexandre est généralement considérée comme l'emblème de sa victoire sur Poros. Elle apparaît fréquemment en tant qu'attribut de la puissance militaire sur des figurines et des éléments décoratifs hellénistiques en bronze (dont plusieurs exemples se trouvent dans des musées du monde entier). L'une de ces statuettes de petite taille (aujourd'hui à New York), peut-être inspirée d'une sculpture à grande échelle, représente Alexandre en plein combat, chevauchant un animal (aujourd'hui disparu) et portant sur la tête un scalp d'éléphant.

Le portrait posthume d'Alexandre fut tout d'abord conçu sous Ptolémée en Égypte, puis imité par Lysimaque, Séleucos et Kéraunos. Les traits du visage d'Alexandre sont empreints de pathos, son diadēma (bandeau) signifie sa royauté, ses grands yeux globuleux évoquent sa divinité. Ce portrait est surtout connu par les premières pièces de monnaie hellénistiques, mais il apparaît également sur des pierres précieuses gravées. La combinaison du scalp d'éléphant avec une corne de bélier sur la tempe et l'égide (une toison de chèvre sacrée) jetée sur l'épaule revêt une importance particulière. La combinaison de ces trois attributs reste mal comprise, bien que le portrait dans son ensemble n'ait guère de sens dans une perspective gréco-macédonienne classique.

Elephant Symbolism on the Coins of Ptolemy I
Symbolisme de l'éléphant sur les pièces de monnaie de Ptolémée Ier
Branko van Oppen (CC BY-NC-SA)

En commençant par l'association avec le triomphe indien d'Alexandre, l'exuvie (scalp d'éléphant) pourrait être mieux comprise comme un attribut d'une divinité indienne, telle qu'Indra, Shiva ou Krishna. Remarquez en particulier la protubérance sur le front de l'éléphant, qui est propre à l'éléphant indien. La trompe semble se recourber comme pour prier, à la manière d'un cobra dressé (uraeus). En outre, le scalp est porté sur la tête comme Héraclès portait le scalp du lion de Némée. En d'autres termes, la coiffe représente l'appropriation héroïque d'un attribut monstrueux comme emblème de la victoire sur un ennemi légendaire.

On croyait qu'Alexandre descendait d'Héraclès, le fils de Zeus. Les auteurs anciens reconnaissaient Héraclès dans une divinité hindoue non spécifiée et l'identification reste incertaine parmi les chercheurs modernes. Indra, le dieu du ciel, qui manie le tonnerre et la foudre, pourrait être comparé à Zeus. Indra est cependant le fils de Dyaus Pitrā ("Père du ciel"), qui fait le parallèle avec Zeus Pater et Jupiter. La divinité suprême Shiva est considérée à la fois comme bénigne et effrayante. L'effrayant Shiva, également considéré comme une émanation d'Indra, est un destructeur, un tueur de démons. Il incarne donc des aspects d'Héraclès et de Dionysos, et Alexandre était également considéré comme descendant de Dionysos, par l'intermédiaire de Déjanire, l'épouse d'Héraclès. Krishna, un avatar de Vishnou, est un héros princier. Il est donc possible qu'il ait lui aussi été la divinité hindoue identifiée à Héraclès par les Grecs et les Macédoniens.

Les trois attributs étaient associés à trois divinités suprêmes de trois cultures différentes: l'égide pour Zeus, les cornes de bélier pour Ammon et l'exuvie pour Indra.

Ensuite, la corne de bélier qui entoure la tempe d'Alexandre est considérée comme un attribut d'Ammon, la divinité oraculaire libyenne, dont le culte se trouve dans l'oasis désertique de Siwa. Ammon était identifié à la fois à Zeus et à Amon-Rê, le dieu créateur suprême. Après son couronnement à Memphis, le prêtre de Siwa confirma qu'Alexandre était reconnu comme le fils d'un dieu.

Le troisième attribut, l'égide, appartenait à Zeus, qui l'offrit à Athéna, laquelle, à son tour, est généralement représentée portant la toison. Dans le portrait posthume d'Alexandre, la toison semble être attachée autour de son cou par deux serpents qui se tortillent. Les serpents pourraient faire allusion à la légende selon laquelle Olympias aurait été fécondée par un dieu sous la forme d'un serpent. Les serpents peuvent également faire référence à l'uræus (cobra dressé) ou aux serpents qui s'enroulent autour de la tête de Méduse.

Les trois attributs étaient associés à trois divinités suprêmes de trois cultures différentes: l'égide à Zeus, les cornes de bélier à Ammon et l'exuvie à Indra. Ces trois attributs symbolisent la filiation divine d'Alexandre et le présentent comme le descendant héroïque du tueur de démons, ce qui sous-tend les associations entre les figures mythiques de Dionysos et Héraclès (tous deux fils de Zeus), Shiva (une émanation d'Indra) et Krishna (un avatar de Vishnou), ainsi qu'Horus (la réincarnation d'Osiris). En d'autres termes, le portrait posthume d'Alexandre le présente en tant que souverain légitime de ces cultures et du monde connu.

Le triomphe de la renommée sur la mort

L'un des quatre célèbres triomphes de Pétrarque, le "Triomphe de la renommée sur la mort", a fréquemment été illustré par des générations d'artistes. Sur une tapisserie flamande du début du XVIe siècle (aujourd'hui à New York), la personnification de la Renommée se tient dans un char tiré par deux éléphants blancs qui piétinent la mort et le destin. La Renommée est accompagnée de Platon et d'Aristote, d'Alexandre et de Charlemagne. La forme des trompes des éléphants ressemble à la trompette que la Renommée fait sonner. La gloire éternelle d'Alexandre est donc davantage due aux éléphants qu'on ne l'admet généralement.

Triumph of Fame
Triomphe de la Renommée
Metropolitan Museum of Art (Copyright)

Considéré comme un emblème de puissance militaire, dans l'Antiquité et bien au-delà, j'ai soutenu que l'éléphant était un monstre mythique. Employée historiquement dans la guerre pour effrayer l'ennemi, il ne faut pas oublier que la panique était considérée comme d'inspiration divine. L'association religieuse de l'éléphant avec la victoire et le pouvoir est donc évidente. Cette association peut être comparée à l'égide, qui avait pour fonction apotropaïque d'éloigner les forces maléfiques et était elle-même liée à la protection divine et à la défense militaire. Même la corne de bélier - dérivée du dieu Ammon de Siwa et d'Amon-Rê de Memphis - avait pour fonction d'inspirer la terreur. Dans la mythologie grecque, Pan et les satyres de la suite de Dionysos étaient représentés avec des cornes de bélier. La corne de bélier était donc un attribut divin associé à la panique et à la folie. Bref, dans la pensée antique, l'éléphant était considéré comme un monstre mythique appartenant à la même catégorie que les bêtes fabuleuses telles que le griffon et le sphinx, la martichore et la licorne, le dragon et l'hippocampe, bien réels mais rarement vus jusqu'à l'époque hellénistique.

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Branko van Oppen
Branko van Oppen est commissaire d'exposition et chercheur indépendant, spécialisé dans la royauté ptolémaïque et dans l'art et l'idéologie hellénistiques.

Citer cette ressource

Style APA

Oppen, B. v. (2019, mai 20). Les Éléphants dans I'Histoire et I'Art Hellénistiques [Elephants in Hellenistic History & Art]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1381/les-elephants-dans-ihistoire-et-iart-hellenistique/

Style Chicago

Oppen, Branko van. "Les Éléphants dans I'Histoire et I'Art Hellénistiques." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le mai 20, 2019. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1381/les-elephants-dans-ihistoire-et-iart-hellenistique/.

Style MLA

Oppen, Branko van. "Les Éléphants dans I'Histoire et I'Art Hellénistiques." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 20 mai 2019. Web. 26 avril 2024.

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