Égypte Romaine

Définition

Donald L. Wasson
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 24 octobre 2016
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Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol, Turc
Roman Statue of Anubis (by Mark Cartwright, CC BY-NC-SA)
Statue romaine d'Anubis
Mark Cartwright (CC BY-NC-SA)

Les riches terres d'Égypte devinrent la propriété de Rome après la mort de Cléopâtre VII en 30 avant notre ère, ce qui marqua la fin de la dynastie des Ptolémées qui régnait sur l'Égypte depuis la mort d'Alexandre le Grand en 323 avant notre ère. Après l'assassinat de Gaius Julius Caesar (alias Jules César) en 44 avant notre ère, la République romaine fut plongée dans la tourmente. Craignant pour sa vie et son trône, la jeune reine s'allia au commandant romain Marc Antoine, mais leur défaite retentissante à la bataille d'Actium en 31 avant notre ère amena le fils adoptif et héritier présomptif de César, Gaius Julius Octavius (alias Octave qui deviendrait l'empereur Auguste), sur les côtes égyptiennes. Désespérée, Cléopâtre choisit de se suicider plutôt que de subir l'humiliation d'être capturée. Selon un historien, elle était simplement du mauvais côté d'une lutte de pouvoir.

Premiers contacts avec Rome

La présence de Rome en Égypte était en fait antérieure à Jules César et à Octave. Les Romains avaient été périodiquement impliqués dans la politique égyptienne depuis l'époque de Ptolémée VI, au IIe siècle avant notre ère. L'histoire de l'Égypte, depuis l'éviction des Perses sous Alexandre jusqu'à l'arrivée de Jules César, en passant par le règne des Ptolémées, vit une nation souffrir de conquêtes, de troubles et de luttes intestines. Le pays survécut pendant des décennies sous l'égide d'une famille régnante de langue grecque. Bien que centre culturel et intellectuel, Alexandrie soit restée une ville grecque entourée de non-Grecs. Les Ptolémée, à l'exception de Cléopâtre VII, n'avaient jamais voyagé en dehors de la ville, et encore moins appris la langue du pays. Pendant des générations, ils s'étaient mariés au sein de la famille, le frère épousant la sœur ou l'oncle épousant la nièce.

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Ptolémée VI servit auprès de sa mère, Cléopâtre I, jusqu'à la mort inattendue de celle-ci en 176 avant notre ère. Malgré de graves problèmes avec un frère qui contestait son droit au trône, il entama un règne chaotique. Sous son règne, l'Égypte fut envahie à deux reprises entre 169 et 164 avant notre ère par le roi séleucide Antiochos IV; l'armée d'invasion s'approcha même des faubourgs de la capitale, Alexandrie; cependant, avec l'aide de Rome, Ptolémée VI reprit le contrôle. Alors que les pharaons suivants n'eurent que peu voire même aucun impact sur l'Égypte, en 88 avant notre ère, le jeune Ptolémée XI succéda à son père exilé, Ptolémée X. Après avoir cédé l'Égypte et Chypre à Rome, Ptolémée XI fut placé sur le trône par le général romain Cornelius Sulla et gouverna avec sa belle-mère Cléopâtre Bérénice jusqu'à ce qu'il l'assassine. Les relations peu judicieuses de Ptolémée XI avec Rome lui valurent le mépris de nombreux Alexandrins, et il fut donc expulsé en 58 avant notre ère. Il finit cependant par retrouver le trône, mais ne put s'y maintenir que grâce à des pots-de-vin et à ses liens avec Rome.

Lorsque le commandant romain Pompée fut battu à plate couture par Jules César en 48 avant notre ère lors de la bataille de Pharsale, il se réfugia en Égypte; cependant, pour gagner les faveurs de César, Ptolémée VIII tua et décapita Pompée. À l'arrivée de César, le jeune pharaon lui présenta la tête coupée de Pompée. César aurait pleuré, non pas parce qu'il pleurait la mort de Pompée, mais parce qu'il avait manqué l'occasion de tuer lui-même le commandant déchu. De plus, selon certaines sources, il s'agissait à ses yeux d'une façon honteuse de mourir. César resta en Égypte pour assurer le trône à Cléopâtre, car les actions de Ptolémée l'avaient poussé à se ranger du côté de la reine contre son frère. Avec la défaite du jeune Ptolémée, le royaume ptolémaïque devint un État client de Rome, mais à l'abri de toute ingérence politique du Sénat romain. Les Romains en visite étaient bien traités, et même "choyés et divertis" par des visites touristiques sur le Nil. Malheureusement, un Romain qui tua accidentellement un chat - sacré par tradition pour les Égyptiens - ne fut pas épargné et fut exécuté par une foule d'Alexandrins.

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Cleopatra and Caesar
Cléopâtre et César
Jean-Léon Gérôme (1824–1904) (Public Domain)

L'Histoire et Shakespeare ont raconté ad nauseam la sordide histoire d'amour entre César et Cléopâtre, mais l'assassinat inattendu de ce dernier obligea la reine à chercher de l'aide pour sauvegarder son trône. Elle fit un mauvais choix: Antoine n'était pas celui qu'il lui fallait. Son arrogance lui avait attiré les foudres de Rome. Antoine croyait qu'Alexandrie était une autre Rome, choisissant même d'y être enterré à côté de Cléopâtre. Octave rallia les citoyens et le Sénat contre Antoine et, lorsqu'il débarqua en Égypte, le jeune commandant devint le maître de toute l'armée romaine. Sa victoire sur Antoine et Cléopâtre offrit à Rome le plus riche royaume de la Méditerranée. Son avenir était assuré. Les greniers débordants du pays étaient désormais la propriété de Rome; il devint le "grenier à blé" de l'empire, le "joyau de la couronne de l'empire". Cependant, selon un historien, Octave pensait que l'Égypte était désormais son royaume privé, il était l'héritier de la dynastie des Ptolémées, un pharaon. Il était même interdit aux sénateurs de se rendre en Égypte sans autorisation.

L'Égypte devient une province romaine

Au terme d'une longue guerre civile, Octave bénéficia de la loyauté de l'armée et, en 29 avant notre ère, il retourna à Rome et à l'admiration de son peuple. La République était morte avec César. Avec Octave - bientôt acclamé Auguste - un empire était né; un empire qui allait surmonter des dirigeants médiocres et d'innombrables obstacles pour régner pendant près de cinq siècles. Il rétablit l'ordre dans la ville, dont il devint le "premier citoyen", et, avec la bénédiction du Sénat, gouverna sans poser de questions. Lors de son entrée triomphale dans la ville, l'empereur exhiba son butin de guerre. Le héros conquérant, paré d'une toge brodée d'or et d'une tunique à fleurs, parcourut les rues de la ville dans un char tiré par quatre chevaux. Bien que Cléopâtre n'ait plus été en vie (il avait espéré l'exhiber et l'humilier en public), une effigie de la défunte reine, allongée sur un divan, fut exposée à la vue de tous. Les enfants survivants de la reine, Alexandre Hélios, Cléopâtre Séléné et Ptolémée Philadelphe (Césarion ayant été exécuté), marchaient dans le cortège. Peu après, Auguste ordonna la construction immédiate d'un temple à la gloire de César (construit à l'endroit où il avait été incinéré) et d'une nouvelle salle du Sénat, la Curia Julia; l'ancienne avait été incendiée après les funérailles de César.

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Les greniers débordants du pays étaient désormais la propriété de Rome, l'égypte devint le "grenier à blé" de l'empire, le "joyau de la couronne de l'empire".

L'empereur Auguste prit le contrôle absolu de l'Égypte. Bien que le droit romain ait supplanté toutes les traditions et formes juridiques égyptiennes, de nombreuses institutions de l'ancienne dynastie ptolémaïque subsistèrent, moyennant quelques changements fondamentaux dans la structure administrative et sociale. L'empereur remplit rapidement les rangs de l'administration avec des membres de la classe équestre. Dotée d'une flottille sur le Nil et d'une garnison de trois légions, soit 27 000 hommes (plus les auxiliaires), la province fut placée sous la direction d'un gouverneur ou d'un préfet, nommé par l'empereur (comme tous les grands fonctionnaires). Plus tard, la région n'ayant pas connu de menaces extérieures, le nombre de légions fut réduit. Curieusement, le premier gouverneur, Cornelius Gallus, fit imprudemment des "déclarations grandioses" au sujet de sa campagne victorieuse dans le Soudan voisin. Auguste n'apprécia guère et le gouverneur se suicida mystérieusement - la frontière de la région resterait fixe par la suite.

Divisions sociales et culturelles

Les temples et les prêtres égyptiens conservèrent la plupart de leurs privilèges, même si le culte impérial fit son apparition. Si la ville-mère de chaque région bénéficiait d'une autonomie partielle, le statut de nombreuses grandes villes de la province changea sous l'occupation romaine, Alexandrie (dont la population atteindrait 1 000 000 d'habitants) bénéficiant des plus grandes concessions. Auguste tint un registre des résidents "hellénisés" de chaque ville. Les non-Alexandrins étaient simplement appelés Égyptiens. Rome introduisit également une nouvelle hiérarchie sociale, avec de sérieuses connotations culturelles. Les résidents hellénisés - ceux qui avaient des ancêtres grecs - formaient l'élite sociopolitique. Les citoyens d'Alexandrie, de Ptolémaïs et de Naucratis furent exemptés d'une nouvelle taxe d'habitation, tandis que les "colons d'origine" des villes-mères bénéficiaient d'une taxe d'habitation réduite.

Mummy Portrait of a Girl
Portrait funéraire, une jeune fille
Carole Raddato (CC BY-SA)

La principale séparation culturelle se fit, comme toujours, entre la vie hellénique des villes et les villages égyptianophones; ainsi, la majeure partie de la population resta, comme auparavant, composée de paysans qui travaillaient comme métayers. Une grande partie de la nourriture produite dans ces fermes était exportée vers Rome pour nourrir sa population toujours croissante. Comme elle l'avait fait pendant des décennies, la ville devait importer des denrées alimentaires de ses provinces - à savoir l'Égypte, la Syrie et Carthage - pour survivre. Les denrées alimentaires, ainsi que les produits de luxe et les épices en provenance de l'Est, descendaient le Nil jusqu'à Alexandrie, puis jusqu'à Rome. Aux IIe et IIIe siècles de notre ère, de grands domaines privés virent le jour, exploités par l'aristocratie grecque propriétaire de terres.

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Au fil du temps, cette structure sociale stricte fut remise en question, car l'Égypte, et Alexandrie en particulier, connut un changement important de sa population. L'arrivée d'un plus grand nombre de Juifs et de Grecs dans la ville entraîna des problèmes qui mirent à l'épreuve la patience des empereurs de Rome. Sous le règne de l'empereur Claude (41-54 de notre ère), des émeutes éclatèrent entre les Juifs et les habitants d'Alexandrie de langue grecque. Son prédécesseur, Caligula, avait déclaré que les Juifs devaient être plaints et non haïs. Plus tard, sous l'empereur Néron (54-68 de notre ère), 50 000 personnes furent tuées lorsque des Juifs tentèrent d'incendier l'amphithéâtre d'Alexandrie - deux légions furent nécessaires pour réprimer l'émeute.

Attitude à l'égard du contrôle romain

Au départ, l'Égypte accepta le contrôle romain. Sa capitale, Alexandrie, jouerait même un rôle majeur dans l'ascension de l'un des empereurs les plus célèbres de l'empire. Après le suicide de Néron en 68 de notre ère, quatre hommes se disputèrent le trône - Galba, Othon, Vitellius et Vespasien - au cours de ce que l'on a appelé l'année des quatre empereurs. Finalement, c'est Vitellius et Vespasien qui remportèrent la bataille. Dans l'espoir de retarder les livraisons de céréales à Rome, Vespasien se rendit à Alexandrie. Au même moment, Mucianus, commandant romain et allié de Vespasien, marcha sur Rome. Vitellius, vaincu, fut capturé et, alors qu'il plaida pour sa vie, il fut traîné dans les rues, torturé et tué. Son corps fut jeté dans le Tibre. À Alexandrie, les armées de Vespasien le déclarèrent empereur à l'unanimité.

En 115 de notre ère, cependant, plusieurs émeutes juives éclatèrent en Cyrénaïque, à Chypre et en Égypte, afin d'exprimer leur mécontentement à l'égard du pouvoir romain et ils se déchaînèrent contre les sanctuaires païens. Les émeutes furent finalement réprimées par les troupes romaines, mais des milliers de Romains et de Grecs furent tués au cours de ce que l'on a appelé la révolte babylonienne ou la guerre de Kitos. Le mécontentement à l'égard du contrôle romain devint partie intégrante de la psyché égyptienne. Jusqu'à la chute de Rome à l'ouest, la révolte et le chaos hanteraient les préfets égyptiens. Au début des années 150 de notre ère, l'empereur Antonin le Pieux réprima des rébellions en Maurétanie, en Dacie et en Égypte. Plus d'un siècle plus tard, en 273 de notre ère, l'empereur Aurélien réprima un autre soulèvement égyptien. Après la division de l'empire sous Dioclétien, des révoltes éclatèrent en 295 et 296 de notre ère.

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Egyptian sphinx from Diocletian's Palace
Le sphinx égyptien vu du palais de Dioclétien
Carole Raddato (CC BY-SA)

Deux catastrophes majeures frappèrent l'Égypte, ce qui perturba le contrôle romain. La première fut la peste antonine du IIe siècle de notre ère, mais la plus grave des deux survint en 270 de notre ère avec l'invasion de la plus improbable des envahisseurs, la reine Zénobie de Palmyre, une ville indépendante située à la frontière de la Syrie. Lorsque le roi Odénat mourut dans des circonstances suspectes, sa femme prit la relève en tant que régente, menant une armée à la conquête de l'Égypte (dont elle chassa et décapita le préfet), de la Palestine, de la Syrie et de la Mésopotamie, et proclamant son jeune fils Wahballat (Vahballat) empereur. Elle s'attira l'ire de Rome en interrompant l'approvisionnement en maïs de la ville. Le nouvel empereur de Rome, Aurélien, finit par la vaincre en 271 de notre ère. Sa mort, cependant, est entourée de mystère. Selon un récit, l'empereur l'aurait emmenée à Rome en tant que prisonnière (elle aurait bénéficié d'une villa privée), tandis que selon un autre récit, elle serait morte en chemin.

Fin de l'Égypte romaine

Lorsque l'empereur Dioclétien arriva au pouvoir à la fin du IIIe siècle de notre ère, il se rendit compte que l'empire était beaucoup trop grand pour être gouverné efficacement. Il divisa donc l'empire en une tétrarchie avec une capitale, Rome, à l'ouest et une autre, Nicomédie, à l'est. Tout en continuant à fournir des céréales à Rome (la plupart des ressources étaient détournées vers la Syrie), l'Égypte fut placée dans la moitié orientale de l'empire. Malheureusement, une nouvelle capitale à l'est, Constantinople, devint le centre culturel et économique de la Méditerranée. Au fil du temps, la ville de Rome sombra dans le chaos et devint vulnérable aux invasions, pour finalement s'effondrer en 476 de notre ère. La province d'Égypte resta dans l'empire romain et byzantin jusqu'au 7e siècle, lorsqu'elle passa sous le contrôle des Arabes.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Donald L. Wasson
Donald a enseigné l’histoire antique et médiévale ainsi que l’histoire des États-Unis à Lincoln College (Illinois). Éternel étudiant d’histoire depuis qu’il a découvert Alexandre le Grand, il met toute son énergie à transmettre son savoir à ses étudiants.

Citer cette ressource

Style APA

Wasson, D. L. (2016, octobre 24). Égypte Romaine [Roman Egypt]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-10885/egypte-romaine/

Style Chicago

Wasson, Donald L.. "Égypte Romaine." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le octobre 24, 2016. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-10885/egypte-romaine/.

Style MLA

Wasson, Donald L.. "Égypte Romaine." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 24 oct. 2016. Web. 25 avril 2024.

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