![Lighthouse of Alexandria [Artist's Impression] (by Ubisoft Entertainment SA, Copyright, fair use) Lighthouse of Alexandria [Artist's Impression] (by Ubisoft Entertainment SA, Copyright, fair use)](/img/r/p/500x600/7615.jpg?v=1668233103)
Alexandrie est une ville portuaire située sur la mer Méditerranée, au nord de l'Égypte, fondée en 331 avant Jésus-Christ par Alexandre le Grand. C'est là que se trouvait le Phare, l'une des sept merveilles du monde antique, et la légendaire Bibliothèque d'Alexandrie. Elle était autrefois le centre culturel le plus important du monde antique, rivalisant même avec Athènes, en Grèce.
La ville s'était développée à partir d'un petit port connu sous le nom de Rhatokis après l'arrivée d'Alexandre, qui traça les grandes lignes de ce qu'il voulait avant de partir à la conquête de la Perse. Sous la dynastie ptolémaïque (323-30 av. J.-C.), la ville se développa pour devenir la plus grande ville de son temps, puis le célèbre centre des débuts du christianisme. Elle devint également tristement célèbre pour les conflits religieux qui résultèrent de l'affrontement des religions païenne, juive et chrétienne après la montée du christianisme aux 4e et 5e siècles de notre ère. Parmi les événements les plus mémorables de cette période figure le martyre de la philosophe néo-platonicienne Hypatie d'Alexandrie en 415 de notre ère.
Une fois le christianisme devenu la foi dominante, des sites païens tels que le temple de Serapis et le Serapion - tous deux associés à la bibliothèque d'Alexandrie - furent détruits et les intellectuels qui y enseignaient et étudiaient fuirent vers des régions plus tolérantes. Lorsque les Arabes musulmans conquirent la région au 7e siècle, d'autres sites antiques autour de la ville connurent le même sort et la métropole d'Alexandrie, autrefois superbe, continua à décliner.
Fondation par Alexandre
Après avoir conquis la Syrie en 332 avant J.-C., Alexandre le Grand débarqua en Égypte avec son armée. Il fonda Alexandrie dans la petite ville portuaire de Rhakotis, au bord de la mer, et s'attela à la tâche de la transformer en une grande capitale. On dit que c'est lui qui conçut le plan de la ville qui fut tant admirée plus tard par l'historien Strabon (63 av. J.-C. - 21 av. J.-C.) qui écrivit:
A leur tour, les magnifiques jardins publics et les palais des rois couvrent le quart, si ce n'est même le tiers de la superficie totale, et cela par le fait des rois, qui, en même temps qu'ils tenaient à honneur chacun à son tour d'ajouter quelque embellissement aux édifices publics de la ville, ne manquaient jamais d'augmenter à leurs frais de quelque bâtiment nouveau l'habitation royale elle-même
Les palais et les grandes demeures dont parle Strabon n'existaient pas à l'époque où Alexandre avait fondé la ville. Bien qu'il ait été grandement admiré par les Égyptiens (il fut même déclaré demi-dieu par l'Oracle de Siwa), Alexandre quitta l'Égypte quelques mois seulement après son arrivée pour marcher sur Tyr en Phénicie. C'est à son commandant, Cléomène, que revint la tâche de construire la ville qu'il avait imaginée.
Si Cléomène accomplit de grandes choses, la pleine expansion d'Alexandrie n'eut lieu que sous le règne du général d'Alexandre, Ptolémée, et de la dynastie ptolémaïque qui suivit. Après la mort d'Alexandre en 323 avant J.-C., Ptolémée ramena son corps à Alexandrie pour qu'il y soit enterré et, à la suite des guerres des Diadoques, il commença à gouverner l'Égypte depuis Alexandrie, supplantant l'ancienne capitale de Memphis. Tyr avait été une ville importante pour le commerce et les échanges dans la région et, après sa destruction par Alexandre, Alexandrie combla le vide laissé. Carthage (dont la prospérité résulta en grande partie du sac de Tyr) était encore une jeune ville portuaire lorsque Alexandrie commença à prospérer. L'historien et érudit Mangasarian écrit,
Sous les Ptolémées, une lignée de rois grecs, Alexandrie prit rapidement de l'importance et, accumulant culture et richesse, devint la métropole la plus puissante d'Orient. Servant de port à l'Europe, elle attira le commerce lucratif de l'Inde et de l'Arabie. Ses marchés s'enrichissaient des superbes soies et tissus des bazars d'Orient. La richesse apportait les loisirs, et ceux-ci, à leur tour, les arts. Elle devint, avec le temps, le foyer d'une merveilleuse bibliothèque et d'écoles de philosophie, représentant toutes les phases et les nuances les plus délicates de la pensée. A un moment donné, la croyance générale était que le manteau d'Athènes était tombé sur les épaules d'Alexandrie. (5)
La ville se développa pour devenir la plus grande du monde connu de l'époque, attirant des savants, des scientifiques, des philosophes, des mathématiciens, des artistes et des historiens. Eratosthène (c. 276-194 av. J.-C.) calcula la circonférence de la terre à 80 km près à Alexandrie. Euclide enseigna à l'université de cette ville. Archimède (287-212 av. J.-C.), le grand mathématicien et astronome, y enseigna peut-être et y étudia certainement. Le plus grand ingénieur et mathématicien de son temps, Héron (10-70 de notre ère) naquit et vécut à Alexandrie. On attribue à Héron des exploits étonnants en matière d'ingénierie et de technologie, notamment le premier distributeur automatique, la pompe à force et un théâtre de personnages automatisés qui dansaient, parmi ses nombreuses autres inventions.
La bibliothèque d'Alexandrie
La bibliothèque, commencée sous Ptolémée Ier (r. de 305 à 285 av. J.-C.), fut complétée par Ptolémée II (r. de 285 à 246 av. J.-C.), qui envoya des invitations aux souverains et aux érudits pour leur demander de fournir des livres. Selon les historiens Oakes et Gahlin :
Il y avait de la place pour jusqu'à 70 000 rouleaux de papyrus. La plupart des articles étaient achetés mais d'autres moyens étaient parfois utilisés. Afin de se procurer les ouvrages convoités, tous les navires entrant dans le port étaient fouillés. Chaque livre trouvé était apporté à la Bibliothèque où l'on décidait de le rendre ou de le confisquer et de le remplacer par une copie. (230)
Personne ne sait combien de livres se trouvaient dans la bibliothèque d'Alexandrie, mais on estime qu'il y en avait 500 000. On dit que Marc-Antoine aurait donné à Cléopâtre 200 000 livres pour la bibliothèque, mais cette affirmation est contestée depuis l'Antiquité. Mangasarian écrit,
Après sa magnifique bibliothèque, dont les étagères supportaient un fret plus précieux que l'or battu, l'édifice le plus stupéfiant de la ville était peut-être le temple de Sérapis. On raconte que les constructeurs du célèbre temple d'Édesse se vantaient d'avoir réussi à créer quelque chose que les générations futures compareraient au temple de Sérapis à Alexandrie. Cela devrait donner une idée de l'ampleur et de la beauté du Sérapis d'Alexandrie, et de la haute estime dont il jouissait. Les historiens et les connaisseurs affirment que c'était l'un des plus grands monuments de la civilisation païenne, juste après le temple de Jupiter à Rome et l'inimitable Parthénon à Athènes. Le temple de Sérapis était construit sur une colline artificielle, à laquelle on accédait par une centaine de marches. Il ne s'agissait pas d'un seul édifice, mais d'un vaste ensemble de bâtiments, tous regroupés autour d'un édifice central de plus grandes dimensions, s'élevant sur des piliers d'une ampleur considérable et aux proportions gracieuses. Certains critiques ont avancé l'idée que les constructeurs de ce chef-d'œuvre avaient voulu en faire une structure composite, combinant les divers éléments de l'art égyptien et grec en un tout harmonieux. Le Sérapéon était considéré par les anciens comme marquant la réconciliation entre les architectes des pyramides et les créateurs de l'Acropole athénienne. Il représentait à leurs yeux le mélange du massif de l'art égyptien avec la grâce et la beauté de l'art hellénique. (6)
Lorsque Carthage arriva à l'apogée de sa puissance, Alexandrie fut relativement épargnée, car le commerce était établi depuis longtemps et la ville ne représentait aucune menace pour la puissance maritime des Carthaginois. Même après la chute de Carthage à la suite des guerres puniques (264-146 av. J.-C.), lorsque Rome devint suprême et qu'Alexandrie tomba sous son emprise, la ville resta prospère et continua à attirer des visiteurs du monde entier.
Les tensions croissantes à Rome entre Jules César et Pompée eurent un premier impact négatif sur Alexandrie en 48 avant Jésus-Christ. Avant cette date, bien que la ville ait certainement connu sa part de problèmes, elle était restée un environnement stable. Cependant, à la suite de la bataille de Pharsale, au cours de laquelle César vainquit Pompée, ce dernier se réfugia à Alexandrie et fut tué par le corégent Ptolémée XIII. César arriva et, que cela ait été réel ou feint, se dit indigné par la mort de son ancien ami et allié. Il déclara alors la loi martiale, s'empara du palais royal et fit venir la corégente en exil, Cléopâtre VII. Dans la guerre civile qui s'ensuivit, une grande partie d'Alexandrie fut brûlée, y compris, selon certains spécialistes, la célèbre bibliothèque.
Alexandrie romaine
Après l'assassinat de César en 44 avant J.-C., son bras droit, Marcus Antonius (Marc-Antoine) devint l'époux de Cléopâtre et quitta Rome pour Alexandrie. La ville devint sa base d'opérations pendant les treize années suivantes, jusqu'à ce que lui et Cléopâtre ne soient vaincus par Octavien César (Octave) à la bataille d'Actium en 31 avant Jésus-Christ. L'année suivante, Cléopâtre et Antoine se suicidèrent tous deux et, avec la mort de Cléopâtre, la lignée ptolémaïque prit fin. Octave devint le premier empereur de Rome et prit le titre d'"Auguste". Alexandrie devint alors une simple province de l'Empire romain sous le règne d'Auguste César.
Auguste consolida son pouvoir dans les provinces et fit restaurer Alexandrie. Les chercheurs qui contestent le rôle de Jules César dans l'incendie de la grande bibliothèque soulignent qu'il existe des preuves qu'elle existait toujours sous le règne d'Auguste et que les visiteurs étaient toujours attirés par la ville en tant que siège du savoir. Alexandrie fut à nouveau ruinée en 115 de notre ère lors de la guerre de Kitos et fut à nouveau restaurée, cette fois par l'empereur Hadrien, qui, en tant qu'homme d'étude, s'intéressait beaucoup à Alexandrie. Selon la tradition, la Septante grecque (la traduction grecque de la Bible) fut composée à Alexandrie, achevée en 132 de notre ère, afin qu'elle puisse prendre sa place parmi les grands livres de la bibliothèque de la ville.
On dit que les érudits religieux fréquentaient la bibliothèque pour faire des recherches et Alexandrie attirait depuis longtemps des personnes de nombreuses confessions différentes qui se disputaient la domination de la ville. Sous le règne d'Auguste, il y eut des disputes entre juifs et païens et, à mesure que le christianisme gagnait en popularité, les chrétiens ajoutèrent à l'agitation publique. Après que l'empereur romain Constantin le Grand (272-337 de notre ère) eut adopté l'édit de Milan en l'an 313 (décrétant la tolérance religieuse), les chrétiens n'étaient plus passibles de poursuites judiciaires et commencèrent non seulement à réclamer davantage de droits religieux, mais aussi à attaquer plus vigoureusement les païens et les juifs.
Le christianisme et le déclin d'Alexandrie
Alexandrie, qui avait été une ville de prospérité et d'apprentissage, devint une arène de conflits religieux entre la nouvelle foi des chrétiens et l'ancienne foi de la majorité païenne. Les chrétiens se sentaient de plus en plus audacieux et s'attaquaient aux symboles de l'ancienne foi pour tenter de la renverser. Magasarian écrit,
Ce n'est pas tant la religion qui fait le caractère d'un peuple, que le peuple qui détermine le caractère de sa religion. La religion n'est que le résumé des idées, des pensées et du caractère nationaux. La religion n'est rien d'autre qu'une expression. Ce n'est pas, par exemple, le mot ou la langue qui crée l'idée, mais l'idée qui provoque l'existence du mot. De même, la religion n'est que l'expression de la mentalité d'un peuple. Et pourtant, la religion ou la philosophie d'un homme, bien qu'elle ne soit que le produit de son propre esprit, exerce une influence réflexe sur son caractère. L'enfant influence le parent dont il est la progéniture ; le langage affecte la pensée dont il n'est, à l'origine, que l'instrument. Il en va de même pour la religion. La religion chrétienne, dès qu'elle a pris le pouvoir, a bouleversé le monde. (8)
Ce revirement n'est peut-être nulle part aussi évident qu'à Alexandrie. Sous le règne de Théodose Ier (r. de 379 à 395 de l'ère chrétienne), le paganisme était proscrit et le christianisme encouragé. En 391, le patriarche chrétien Théophile suivit l'exemple de Théodose et fit détruire ou convertir en églises tous les temples païens d'Alexandrie. En l'an 400 de notre ère, Alexandrie était en proie à des troubles religieux constants qui aboutirent, en 415, au meurtre de la philosophe néo-platonicienne Hypatie et, selon certains spécialistes, à l'incendie de la grande bibliothèque et à la destruction complète du temple de Sérapis. Alexandrie déclina rapidement après cette date, les savants, les scientifiques et les penseurs de toutes disciplines quittant la ville pour des lieux plus sûrs.
Après la montée du christianisme, la ville s'appauvrit progressivement, tant sur le plan financier que culturel, et devint de plus en plus un champ de bataille entre les différentes religions. Elle fut conquise par les Perses sassanides en 619. L'Empire byzantin chrétien, sous la direction d'Héraclius, reprit la ville en 628 de notre ère, mais la perdit face aux envahisseurs arabes musulmans du calife Omar en 641. Les forces des Byzantins chrétiens et des Arabes musulmans se battirent alors pour le contrôle de la ville et de l'Égypte, jusqu'à ce que les forces arabes ne l'emportent en 646 et que l'Égypte ne tombe sous la domination islamique. Les églises furent alors détruites ou transformées en mosquées et la légende chrétienne prétend que c'est à cette époque que la grande bibliothèque fut brûlée par les conquérants musulmans.
Ce qui ne fut pas détruit par la guerre fut détruit par la nature et, en 1323, la majeure partie de l'Alexandrie ptolémaïque avait disparu. Le grand phare avait été régulièrement détruit par des tremblements de terre, tout comme une grande partie du port. En 1994, on a fait les premières découvertes d'un certain nombre de reliques, de statues et de bâtiments dans le port d'Alexandrie. Ces vestiges ont été régulièrement fouillés par le professeur Jean-Yves Empereur et son équipe qui continuent à mettre en lumière l'âge d'or perdu d'Alexandrie.