Théophile

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 11 janvier 2018
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Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol
Coronation of Theophilos (by Unknown Artist, Public Domain)
Couronnement de Théophile
Unknown Artist (Public Domain)

Théophile fut empereur de l'Empire byzantin de 829 à 842. Il était le deuxième souverain de la dynastie Amorienne fondée par son père Michel II. Populaire durant son règne et responsable d'une reconstruction somptueuse des palais et des fortifications de Constantinople, Théophile est surtout connu aujourd'hui pour une défaite majeure contre le califat arabe en 838 et comme le dernier empereur à avoir soutenu la politique de l'iconoclasme, c'est-à-dire la destruction des icônes et leur vénération considérée comme une hérésie.

Succession et popularité

Théophile était originaire d'Amorium (alias Amorion), la ville de Phrygie qui donna son nom à la dynastie initiée par son père Michel II (r. de 820 à 829). Le règne de Michel, terni dès le début par l'assassinat brutal de son prédécesseur Léon V (r.de 813 à 820), continua sa spirale descendante avec une grave révolte menée par Thomas le Slave et d'importantes défaites aux mains des Arabes en Sicile et en Crète.

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Théophile était populaire en raison de sa personnalité exubérante, participant même une fois à une course de chars dans l'Hippodrome.

Accédant au trône en 829, à l'âge de 25 ans, Théophile était perçu comme un nouvel espoir pour que l'empire se remette sur pied. Le retour à la gloire passée n'eut pas lieu, mais Théophile était au moins populaire en raison de sa personnalité exubérante, participant même une fois à une course de chars dans l'hippodrome de Constantinople (qu'il gagna, bien sûr). L'empereur jouissait également d'une réputation d'amateur de savoir et de justice, en particulier lorsqu'il introduisit la tradition selon laquelle l'empereur se rendait à l'église le vendredi et permettait à tout roturier de lui soumettre des questions de justice ou des appels. L'historien J. Herrin relate un de ces épisodes:

À l'une de ces occasions, une veuve se plaignit à Théophile d'avoir été spoliée d'un cheval par l'éparque de la ville. En effet, elle prétendait qu'il s'agissait du même cheval que celui qu'il montait ! Théophile ordonna une enquête et découvrit que son histoire était exacte: l'éparque avait pris son cheval et l'avait donné à l'empereur. Théophile rendit immédiatement le cheval à son propriétaire légitime et fit punir le très haut fonctionnaire. (75)

Une autre excentricité de l'empereur était l'habitude de se promener dans les rues de sa capitale, déguisé, pour demander aux gens ce qu'ils pensaient des problèmes du jour et vérifier si les marchands vendaient leurs marchandises à des prix équitables. La réputation d'érudition de Théophile ne tenait pas seulement à sa propre éducation, mais aussi au fait qu'il approuvait celle des autres. Il augmenta les facultés de l'université de la capitale, multiplia le nombre de scriptoria où les manuscrits étaient reproduits et veilla à ce que les enseignants soient rémunérés par l'État.

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Follis Coin of Theophilos
Follis de Théophile
Classical Numismatic Group, Inc. (CC BY-SA)

Projets de construction

Parmi les autres réalisations de Théophile, on peut citer la restauration somptueuse du palais royal et de ses jardins qui, au fil des siècles, étaient devenus un véritable capharnaüm architectural. Les bâtiments furent démolis et de nouveaux bâtiments homogènes avec des couloirs de liaison furent construits en marbre blanc, avec de fines mosaïques murales et des colonnes en marbre rose et en marbre porphyre. La plus belle salle d'entre toutes, la salle du trône, décrite ici par l'historien L. Brownworth:

Aucun autre endroit dans l'empire - ou peut-être dans le monde - n'était recouvert d'or de façon aussi extravagante ou ne présentait un étalage de richesses aussi magnifique. Derrière le trône d'or massif se trouvaient des arbres faits d'or et d'argent martelés, avec des oiseaux mécaniques incrustés de joyaux qui se mettaient à chanter sur simple pression d'un levier. Autour de la base de l'arbre, des lions et des griffons dorés regardaient d'un air menaçant depuis chaque accoudoir, comme s'ils pouvaient surgir à tout moment. Dans ce qui devait être une expérience terrifiante pour les ambassadeurs sans méfiance, l'empereur donnait un signal et un orgue d'or jouait un air assourdissant, les oiseaux chantaient et les lions agitaient leur queue et rugissaient. (162)

Parmi les autres projets, probablement financés par la découverte de mines d'or en Arménie, on peut citer la construction du palais d'été de Bryas dans la capitale, l'ajout des portes de bronze à Sainte-Sophie, qui existent encore aujourd'hui, l'extension des fortifications du port de la ville et l'introduction d'une nouvelle pièce de monnaie en cuivre, le follis. La réputation de Theophile en matière de dépenses extravagantes fut illustrée par la parade nuptiale qu'il organisa pour se trouver une épouse. La gagnante fut une Arménienne nommée Théodora qui reçut comme prix, outre l'empereur lui-même, bien sûr, une magnifique pomme d'or, comme dans l'histoire du jugement de Pâris dans la Grèce antique. S'il fut un empereur qui sut faire croire à son peuple que le bon temps était revenu, ce fut bien Théophile.

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Défendre l'Empire

Dans le domaine des affaires étrangères, Théophile bénéficia de la défaite de Léon V contre les Bulgares en 814 et de la mort soudaine de leur chef, le Khan Kroum. Une paix de 30 ans permit aux Bulgares et aux Byzantins de se concentrer sur d'autres menaces. Théophile renforça les défenses de l'empire, notamment en construisant la forteresse de Sarkel à l'embouchure du Don vers 833, afin de se protéger contre les invasions des Rus Vikings qui avaient formé l'État de Kiev. Dans le même ordre d'idées, de nouvelles provinces ou thèmes furent créés: Cherson (en Crimée, protégée par la forteresse de Sarkel), la Paphlagonie et la Chaldée (toutes deux destinées à mieux protéger la région au sud de la mer Noire). Des districts militaires plus petits (kleisourie) furent créés à Charsianon, en Cappadoce et à Séleucie, dans le centre et le sud-est de l'Asie mineure, pour protéger les cols de montagne les plus susceptibles d'être empruntés par les armées d'invasion.

The Byzantine Empire in the mid-9th century CE
L'Empire byzantin au milieu du 9ème siècle
Bigdaddy1204 (CC BY)

Ailleurs, alors qu'en Orient le califat arabe avait été tenu tranquille par ses propres problèmes internes, les Byzantins perdirent l'initiative au profit des Arabes occidentaux en Italie lorsque Tarente tomba en 839, divisant le territoire byzantin en deux. Théophile se concentra alors sur la menace arabe en Asie Mineure et fit des incursions en Cilicie en 830 et 831, ce qui lui valut un triomphe. Les relations ne furent pas toujours hostiles entre les deux États puisque, au milieu de son règne, l'empereur envoya à deux reprises le savant ecclésiastique Jean VII le Grammairien en mission diplomatique chez les Arabes, d'où il rapporta de nouvelles connaissances scientifiques et des idées qui influencèrent l'art et l'architecture byzantins.

L'acquisition d'Amorium - la ville natale de l'empereur - fut une douce revanche pour le calife arabe al-Muʿtaṣim.

Le calife al-Muʿtaṣim (r. de 833 à 842) était cependant ambitieux et il envoya une immense armée sur le territoire byzantin en 838. Malgré la présence de deux généraux de talent, Theophobos et Manuel, les Byzantins ne parvinrent pas à éviter la défaite lors de la bataille de d'Anzen (alias bataille de Dazimon) à Pontos (nord de l'Asie mineure), le 22 juillet 838. L'armée arabe victorieuse, dirigée par le propre général vedette du calife, Afshin, put alors mettre à sac et prendre les villes stratégiquement importantes d'Ankara et d'Amorium. L'acquisition d'Amorium - la ville natale de l'empereur - était une douce revanche pour al-Muʿtaṣim, dont la ville paternelle de Zapetra avait été mise à sac par Théophile l'année précédente. Ce fait peut également expliquer le déplacement forcé de toute la population civile par le calife et l'exécution tristement célèbre des 42 martyrs d'Amorium qui avaient tous refusé de se convertir à l'islam après sept ans d'emprisonnement.

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Iconoclasme

Les affaires intérieures de l'empereur se concentrèrent essentiellement sur la bataille au sein de l'Église pour savoir si la vénération des icônes était acceptable ou non en tant que pratique orthodoxe. Léon V avait lancé une deuxième vague d'iconoclasme dans l'Église byzantine (la première ayant eu lieu entre 726 et 787), au cours de laquelle toutes les icônes religieuses importantes étaient détruites et ceux qui les vénéraient étaient persécutés en tant qu'hérétiques. Après une période d'accalmie sous le règne de Michel II, successeur de Léon, Théophile reprit la main et s'attaqua avec véhémence aux iconophiles. Dans cette campagne, il fut aidé par le fervent iconoclaste Jean VII le Grammairien, qui avait servi sous Léon V et qui fut nommé patriarche (évêque) de Constantinople vers 837. Le fait que Jean ait été le tuteur et le conseiller de Théophile, une force majeure derrière les politiques d'iconoclasme de Léon V, conduisit à une nouvelle vague d'attaques contre les icônes et leurs partisans, ce qui n'est peut-être pas surprenant.

Byzantine Iconoclasm
Iconoclasme byzantin
Unknown Artist (Public Domain)

Les frères Théodore et Théophane Graptos, ainsi que le peintre d'icônes Lazare, comptent parmi les personnalités importantes qui souffrirent de leurs convictions en faveur des icônes. Les frères Graptos acquirent leur nom après avoir été marqués au front (graptos). Théophile ordonna que douze pentamètres iambiques soient tatoués sur les deux frères afin d'avertir tout le monde des dangers de la superstition et de la désobéissance à la loi. La punition de Lazare fut différente mais non moins douloureuse: il fut fouetté et ses mains furent brûlées avec des clous chauffés au rouge. Le peintre fut cependant autorisé à quitter Constantinople et se réfugia dans le monastère de Phoberou, à l'extrémité nord du Bosphore.

Si Théophile réussit à faire plier le clergé à sa façon de penser, il n'eut pas le même succès dans son entourage. L'épouse de l'empereur, Théodora, continuait à vénérer les icônes en secret, même à l'intérieur du palais royal. Après la mort de Théophile, Jean VII le Grammairien fut exilé en 843 et, en mars de la même année, Théodora mit rapidement fin à l'iconoclasme dans un geste largement connu sous le nom de "Restauration de l'orthodoxie" ou même de "Triomphe de l'orthodoxie", qui fut célébré par une nouvelle explosion de l'art religieux.

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Mort et successeurs

Lorsque Théophile, âgé de 38 ans, mourut de dysenterie en janvier 842, son fils Michel III lui succéda, mais comme il était encore mineur, Théodora exerça la régence jusqu'en 855. En plus de mettre fin à l'iconoclasme, ce qui lui valut plus tard d'être nommée sainte, elle veilla à ce que la mémoire de son mari ne soit pas condamnée par l'Église, réussissant à persuader les évêques que Théophile s'était repenti de son zèle iconoclaste sur son lit de mort. Théophile a acquis l'immortalité littéraire en devenant l'un des juges de l'enfer dans la célèbre satire Timarion (milieu du XIIe siècle), ce qui montre que la réputation de justice de l'empereur n'était pas usurpée. Son fils Michel serait le dernier souverain de la dynastie Amorienne, car il se lia imprudemment d'amitié avec Basile l'Arménien qui finirait par le tuer et s'emparer du trône en 867, sous le nom de Basile Ier, fondant ainsi la dynastie macédonienne.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2018, janvier 11). Théophile [Theophilos]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-16666/theophile/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Théophile." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le janvier 11, 2018. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-16666/theophile/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Théophile." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 11 janv. 2018. Web. 28 avril 2024.

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