Phénicie

Définition

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 19 mars 2018
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Disponible dans ces autres langues: anglais, catalan, japonais, persan, espagnol, Turc
Phoenician Small Ship (by Marie-Lan Nguyen, Public Domain)
Petit navire phénicien
Marie-Lan Nguyen (Public Domain)

La Phénicie était une ancienne civilisation composée de cités-états indépendantes situées le long de la côte de la mer Méditerranée et s'étendant sur ce qui est aujourd'hui la Syrie, le Liban et le nord d'Israël. Les Phéniciens étaient un grand peuple maritime, connu pour ses puissants navires ornés de têtes de chevaux en l'honneur de leur dieu de la mer, Yamm, le frère de Mot, le dieu de la mort.

La cité insulaire de Tyr et la ville de Sidon étaient les États les plus puissants de Phénicie, Gebal/Byblos et Baalbek étant les centres spirituels/religieux les plus importants. Les cités-états phéniciennes commencèrent à prendre forme vers 3200 av. JC et étaient fermement établies vers 2750 av. JC. La Phénicie prospéra en tant que centre de commerce maritime et de fabrication entre 1500 et 332 av. JC. Elle était très réputée pour ses compétences en matière de construction navale, de fabrication de verre, de production de teintures et pour son niveau impressionnant de savoir-faire dans la fabrication de produits de luxe et de biens courants.

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Le peuple pourpre

La teinture pourpre fabriquée et utilisée à Tyr pour les robes de la royauté mésopotamienne donna à la Phénicie le nom que nous lui connaissons aujourd'hui (du grec Phoinikes pour Pourpre de Tyr) et explique également que les Phéniciens aient été appelés "peuple pourpre" par les Grecs (comme le raconte l'historien grec Hérodote) parce que la teinture tachait la peau des ouvriers.

EN SON TEMPS, LA PHÉNICIE ÉTAIT CONNUE SOUS LE NOM DE CANAAN ET C'EST LA TERRE À LAQUELLE FONT RÉFÉRENCE LES ÉCRITURES HÉBRAÏQUES.

Hérodote cite la Phénicie comme le lieu de naissance de l'alphabet, affirmant qu'il fut apporté en Grèce par le Kadmus phénicien (quelque temps avant le 8e siècle av. JC) et qu'avant cela, les Grecs n'avaient pas d'alphabet. L'alphabet phénicien est la base de la plupart des langues occidentales écrites aujourd'hui et leur ville de Gebal (appelée par les Grecs "Byblos") donna son nom à la Bible (du grec Ta Biblia, les livres) car Gebal était le grand exportateur de papyrus (bublos pour les Grecs) qui était le papier utilisé pour écrire dans l'Égypte et la Grèce antiques.

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On pense également que de nombreux dieux de la Grèce antique furent importés de Phénicie, car il existe des similitudes indiscutables dans certaines histoires concernant les dieux phéniciens Baal et Yamm et les divinités grecques de Zeus et Poséidon. Il est également à noter que la bataille entre le Dieu chrétien et Satan, telle qu'elle est relatée dans le livre biblique de l'Apocalypse, semble être une version beaucoup plus tardive du même conflit, avec de nombreux détails identiques, que l'on retrouve dans le mythe phénicien de Baal et Yamm.

Map of Phoenicia
Carte de Phénicie
Wikipedia user Kordas, based on Alvaro's work (CC BY-SA)

En son temps, la Phénicie était connue sous le nom de Canaan et c'est la terre à laquelle les Écritures hébraïques font référence, vers laquelle Moïse conduisit les Israélites hors d'Égypte et que Josué conquit ensuite (selon les livres bibliques de l'Exode et de Josué, mais sans être corroboré par d'autres textes anciens et sans être étayé par les preuves matérielles fouillées jusqu'à présent). Selon l'expert Richard Miles :

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[Les habitants du pays] partageaient une identité ethnique en tant que Can'nai, habitants du pays de Canaan; pourtant, malgré un héritage linguistique, culturel et religieux commun, la région était très rarement unie politiquement, chaque ville fonctionnant comme un État souverain dirigé par un roi (26).

Les cités-États de Phénicie prospérèrent grâce au commerce maritime entre 1500 et 322 av. JC, lorsque les principales villes furent conquises par Alexandre le Grand et, après sa mort, la région devint un champ de bataille entre ses généraux pour la succession et l'empire. Des artefacts provenant de la région ont été retrouvés aussi loin qu'en Grande-Bretagne et aussi près qu'en Égypte et il est clair que les produits de luxe phéniciens étaient très prisés par les cultures avec lesquelles ils commerçaient.

Des intermédiaires

Les Phéniciens étaient avant tout connus comme de bons marins qui avaient développé un haut niveau de compétence dans la construction navale et étaient capables de naviguer sur les eaux souvent turbulentes de la Méditerranée. La construction navale semble avoir été perfectionnée à Byblos où la conception de la coque incurvée fit son apparition. Richard Miles note que:

...au cours des siècles suivants, Byblos et d'autres États phéniciens tels que Sidon, Tyr, Arvad et Beyrouth se taillèrent une place importante en transportant des produits de luxe et des matières premières en vrac des marchés d'outre-mer vers le Proche-Orient. Ces nouvelles routes commerciales englobaient une grande partie de la Méditerranée orientale, notamment Chypre, Rhodes, les Cyclades, la Grèce continentale, la Crète, la côte libyenne et l'Égypte. (28)

Cependant, on sait que des marins phéniciens se sont également rendus en Grande-Bretagne et dans des ports mésopotamiens.

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Phoenician-Punic Ship
Navire punico-phénicien
NMB (CC BY-SA)

Les preuves recueillies dans les épaves de navires phéniciens fournissent aux archéologues modernes des preuves de première main de certaines des cargaisons que ces navires transportaient:

Il y avait des lingots de cuivre et d'étain, ainsi que des récipients de stockage qui auraient contenu des onguents, du vin et de l'huile, du verre, des bijoux en or et en argent, des objets précieux en faïence, des outils en poterie peinte et même de la ferraille. (Miles, 28)

Comme leurs marchandises étaient très prisées, la Phénicie était souvent épargnée par les incursions militaires dont souffraient d'autres régions du Proche-Orient. La plupart du temps, les grandes puissances militaires préféraient laisser les Phéniciens à leur commerce, mais cela ne signifiait pas qu'il n'y avait pas de jalousie de la part de leurs voisins. La Bible qualifie les Phéniciens de "princes de la mer" dans un passage d'Ezéchiel 26:16 où le prophète semble prédire la destruction de la ville de Tyr et semble tirer une certaine satisfaction de l'humiliation de ceux qui étaient auparavant si renommés.

Phoenician Glassware
Verrerie phénicienne
Remi Mathis (CC BY-SA)

Quoi qu'il en soit, il n'y a aucun doute quant à la popularité des produits fabriqués en Phénicie. L'habileté des artistes de Sidon dans la fabrication du verre était si extraordinaire qu'on a longtemps cru que les Sidoniens avaient inventé le verre. Ils fournirent le modèle pour la fabrication égyptienne de la faïence et établirent la norme pour le travail du bronze et de l'argent. De plus, les Phéniciens semblent avoir développé l'art de la production de masse, car des objets similaires, façonnés de la même manière et en grande quantité, ont été retrouvés dans les différentes régions avec lesquelles les Phéniciens commerçaient. Miles note:

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Les motifs favoris comprenaient des symboles magiques égyptiens tels que l'œil d'Horus, le scarabée et le croissant solaire, qui étaient censés protéger ceux qui les portaient des mauvais esprits qui rôdaient dans le monde des vivants (30).

La teinture pourpre phénicienne, déjà mentionnée plus haut, devint la parure standard de la royauté depuis la Mésopotamie, en passant par l'Égypte, jusqu'à l'Empire romain. Tout cela fut accompli grâce à la concurrence entre les cités-États de la région, à l'habileté des marins qui transportaient les marchandises et au haut niveau d'art atteint par les artisans dans la fabrication de ces produits.

La concurrence était particulièrement vive entre les villes de Sidon et de Tyr, sans doute les plus célèbres des cités-États de Phénicie qui, avec les marchands de Byblos, transportaient et transmettaient les croyances culturelles et les normes sociétales des nations avec lesquelles elles commerçaient. Les Phéniciens, en fait, ont été appelés les "intermédiaires anciens" de la culture par de nombreux chercheurs et historiens en raison de leur rôle dans le transfert culturel.

LA VILLE DE SIDON ÉTAIT INITIALEMENT LA PLUS PROSPÈRE, MAIS ELLE perdit PROGRESSIVEMENT DU TERRAIN AU PROFIT DE SA VILLE SŒUR, TYRE.

Tyr et Sidon

La ville de Sidon (aujourd'hui au Liban) était initialement la plus prospère, mais elle perdit progressivement perdu du terrain face à sa sœur Tyr. Tyr forma une alliance avec le nouveau royaume d'Israël qui s'avéra très lucrative et permit d'accroître sa richesse en diminuant le pouvoir du clergé et en distribuant plus efficacement les richesses aux citoyens de la ville.

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Sidon, espérant former un commerce tout aussi prospère avec Israël, tenta de cimenter le commerce et l'alliance par le mariage. Sidon était le lieu de naissance de la princesse Jézabel, mariée au roi d'Israël, Achab, comme le relatent les livres bibliques I et II des Rois. Le refus de Jézabel de renoncer à sa religion, à sa dignité et à son identité culturelle au profit de celle de son mari ne plaisait pas à nombre de ses sujets, notamment au prophète hébreu Élie qui la dénonçait régulièrement. Le règne d'Achab et de Jézabel prit fin par un coup d'État, inspiré par Élie, au cours duquel le général Jéhu prit le contrôle de l'armée et usurpa le trône. Suite à cela, les relations commerciales entre Sidon et Israël cessèrent. Tyr, en revanche, continua à prospérer.

Phoenician Bronze Bowl from Nimrud
Bol en bronze phénicien de Nimroud
Osama Shukir Muhammed Amin (Copyright)

Alexandre conquiert la Phénicie

En 332 av. JC, Alexandre le Grand conquit Baalbek (qu'il rebaptisa Héliopolis) et poursuivit sa marche pour soumettre les villes de Byblos et de Sidon la même année. À son arrivée à Tyr, les citoyens suivirent l'exemple de Sidon et se soumirent pacifiquement à la demande de soumission d'Alexandre. Alexandre souhaita ensuite offrir un sacrifice dans le temple sacré de Melqart à Tyr, ce que les Tyriens ne purent autoriser.

Les croyances religieuses des Tyriens interdisant aux étrangers de sacrifier ou même d'assister à des services dans le temple, ils proposèrent à Alexandre un compromis selon lequel il pourrait offrir un sacrifice dans la vieille ville sur le continent, mais pas dans le temple du complexe insulaire de Tyr. Alexandre jugea cette proposition inacceptable et envoya des émissaires à Tyr pour exiger leur reddition. Les Tyriens tuèrent les envoyés et jetèrent leurs corps par-dessus les murs.

À ce moment-là, Alexandre ordonna le siège de Tyr et était si déterminé à prendre la ville qu'il construisit une chaussée à partir des ruines de la vieille ville, de débris et d'arbres abattus, du continent à l'île (ce qui, en raison des dépôts de sédiments au cours des siècles, explique pourquoi Tyr n'est pas une île aujourd'hui), et, après sept mois, fit une brèche dans les murs et massacra la majeure partie de la population.

On estime que plus de 30 000 citoyens de Tyr furent massacrés ou vendus comme esclaves, et que seuls ceux qui étaient assez riches pour soudoyer Alexandre purent avoir la vie sauve et quitter la ville (à part ceux qui ont trouvé un moyen de s'échapper furtivement). Après la chute de Tyr, les autres cités-États suivirent l'exemple de Sidon et se soumirent à Alexandre, mettant ainsi fin à la civilisation phénicienne et ouvrant la voie à l'âge hellénistique.

La Phénicie romaine

En 64 av. JC, les parties démantelées de la Phénicie furent annexées par Rome et, en 15 de notre ère, elles devinrent des colonies de l'Empire romain. Héliopolis resta un important lieu de pèlerinage qui s'enorgueillit du plus grand édifice religieux (le temple de Jupiter Baal) de tout l'Empire, dont les ruines sont encore bien préservées aujourd'hui. L'héritage le plus célèbre de la Phénicie est sans aucun doute l'alphabet, mais sa contribution aux arts et son rôle dans la diffusion des cultures du monde antique sont tout aussi impressionnants.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2018, mars 19). Phénicie [Phoenicia]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-183/phenicie/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Phénicie." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le mars 19, 2018. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-183/phenicie/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Phénicie." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 19 mars 2018. Web. 25 avril 2024.

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