La Chine antique a produit ce qui est devenu la plus ancienne culture encore existante au monde. Le nom 'Chine' vient du sanscrit Cina (dérivé du nom de la Dynastie Qin, prononcé 'Tchin') qui fut traduit par 'Cin' par les Perses, et semble s'être popularisé par le commerce le long de la Route de la Soie, depuis la Chine vers le reste du monde.
Les Romains et les Grecs connaissaient le pays comme "le pays des Sères", "le pays d'où vient la soie". Le nom 'Chine' n'apparaît pas dans les textes en Occident jusqu'à 1516 EC, date du Livre de Duarte Barbosa relatant ses voyages en Orient (bien que les Européens connaissaient le pays depuis longtemps par le commerce via la Route de la Soie). Marco Polo, le célèbre explorateur qui familiarisa l'Europe avec la Chine au 13ème siècle EC, faisait référence au pays sous le nom de 'Cathay'. En chinois mandarin, le pays est connu sous le nom de «Zhongguo», qui signifie «État central» ou «Empire du Milieu».
Préhistoire
Bien avant l'avènement d'une civilisation reconnaissable dans la région, le pays était occupé par des Hominidés. L’Homme de Pékin, un fossile de crâne découvert en 1927 EC près de Pékin, vivait dans la région il y a 700 000 à 200 000 ans, et l’Homme de Yuanmou (Yunnan), dont les restes ont été trouvés en 1965 EC, habitait le pays il y a 1,7 million d'années. Les restes mis au jour avec ces découvertes montrent que ces premiers habitants savaient fabriquer des outils en pierre et utiliser le feu.
Alors qu'il est communément admis que les êtres humains sont originaires d'Afrique et migrèrent ensuite vers d'autres points du globe, les paléoanthropologues chinois "soutiennent la théorie de ‘l'évolution régionale’ de l'origine de l'homme" (china.org.cn) qui prone le concept d'une base indépendante pour l’apparition des êtres humains en Chine. Par ailleurs, "le Singe Shu, un primate pesant seulement 100 à 150 grammes et ressemblant à une souris, vivait [en Chine] il y a 4,5 à 4 millions d'années au Moyen-Éocène. Sa découverte posa un grand défi à la théorie de l’origine africaine de l’espèce humaine" (china.org.cn). Ce défi est considéré comme plausible en raison des liens génétiques entre le fossile du Singe Shu et à la fois des primates avancés et des primates inférieurs, le plaçant ainsi comme un ‘chaînon manquant’ dans le processus d'évolution.
Quelle que soit la manière dont on interprète ces données (les conclusions chinoises sont contestées par la communauté internationale), des preuves solides fournies par d'autres découvertes soutiennent l'existence d'une très ancienne lignée d'Hominidés et d'êtres humains en Chine, et un haut niveau de sophistication dans la culture primitive. Un exemple de ceci est le village de Banpo, près de Xi'an, découvert en 1953 EC. Banpo est un village néolithique qui a été habité entre 4500 et 3750 AEC et qui comprend 45 maisons avec des sols abaissés par rapport à la surface, pour une plus grande stabilité. Une tranchée entourant le village constituait à la fois une protection contre les attaques et un drainage (tout en aidant à former clôture pour les animaux domestiques), tandis que des grottes artificielles creusées sous terre étaient utilisées pour stocker la nourriture. La conception du village et les objets découverts (comme la poterie et les outils) plaident en faveur d'une culture très avancée à l'époque de sa construction.
Il est généralement admis que le ‘berceau de la civilisation chinoise’ est la vallée du Fleuve Jaune, qui donna naissance à des villages vers 5000 AEC. Même si cela a été contesté et que l’on dispose d’arguments pour un développement plus étendu de communautés, il ne fait aucun doute que la province du Henan, dans la vallée du Fleuve Jaune, fut très tôt le site de nombreux villages et communautés agricoles.
En 2001 EC, les archéologues ont découvert sur le site de Lajia (Qinghai) deux squelettes "ensevelis dans une maison effondrée, qui était recouverte d'une épaisse couche de dépôts de limon du Fleuve Jaune. Dans la couche de dépôts, on a trouvé plus de 20 squelettes, un autel, une équerre, de la poterie , et des ustensiles en pierre et en jade » (china.org.cn). Ce site n'est que l'un des nombreux villages préhistoriques de la région.
Les Premières Dynasties
A partir de ces petits villages et communautés agricoles se développa un gouvernement centralisé. Le premier fut la dynastie préhistorique Xia (vers 2070-1600 AEC). La Dynastie Xia a été considérée, pendant de nombreuses années, être plus un mythe qu'une réalité, jusqu'à ce que des fouilles aient découvert, dans les années 1960 et 1970 CE, des sites qui plaident fortement en faveur de son existence. Des objets en bronze et des tombes indiquent clairement une période évolutive de développement entre des villages disparates de l'Âge de Pierre, et une civilisation cohérente reconnaissable.
La Dynastie Xia a été fondée par Yu le Grand qui travailla sans relâche pendant 13 ans pour contrôler les inondations du Fleuve Jaune qui détruisaient régulièrement les cultures. Il était tellement concentré sur son travail qu'on disait qu'il n'était pas rentré chez lui une fois pendant toutes ces années, même s'il semble qu’il y soit passé au moins en trois occasions, et ce dévouement inspira d'autres à le suivre.
Après avoir maîtrisé les inondations, Yu conquit les tribus San Miao. L’empereur d'alors, Shun, le nomma successeur, et il régna jusqu'à sa mort. Yu établit le système héréditaire de succession, et donc le concept de dynastie, qui est devenu le plus habituel. La classe dirigeante et l'élite vivaient dans des rassemblements urbains tandis que la population paysanne, qui permettait le mode de vie de l'élite, restait largement agraire, vivant dans les zones rurales. Le fils de Yu, Qi, régna après lui et le pouvoir resta entre les mains de la famille jusqu'à ce que le dernier dirigeant Xia, Jie, soit renversé par Cheng Tang qui établit la Dynastie Shang (1600-1046 AEC).
Cheng Tang était du royaume de Shang. Les dates qu'on lui attribue habituellement (1675-1646 AEC) ne correspondent pas aux événements connus auxquels il participa et doivent être considérées comme erronées. Ce que l'on sait, c'est qu'il était le souverain, ou du moins un personnage très important dans le royaume de Shang qui, vers 1600 AEC, mena une révolte contre Jie et a défit ses forces à la Bataille de Mingtiao.
L'extravagance de la cour Xia et le fardeau qui en résultait pour la population auraient conduit à ce soulèvement. Cheng Tang prit alors la direction du pays, baissa les impôts, suspendit les projets de construction grandioses commencés par Jie (qui épuisaient les ressources du royaume) et régna avec une telle sagesse et efficacité que l'art et la culture purent s'épanouir. L'écriture se développa sous la dynastie Shang, ainsi que la métallurgie du bronze, l'architecture et la religion.
Avant les Shang, les gens adoraient de nombreux dieux avec un dieu suprême à la tête du panthéon, Shangdi (un modèle que l'on retrouve dans d'autres cultures). Shangdi était considéré comme 'le grand ancêtre' qui présidait à la victoire à la guerre, à l'agriculture, au temps, et au bon gouvernement. Cependant, du fait qu'il était tellement éloigné et occupé, il semble que les gens aient eu recours à des intercesseurs plus immédiats pour leurs besoins spirituels et c'est ainsi que la pratique du culte des ancêtres commença.
Quand quelqu'un mourait, pensait-on, il acquérait des pouvoirs divins et pouvait être appelé à l'aide en cas de besoin (pratique semblable à la croyance romaine en les parentes). Ce culte mena à des rituels très sophistiqués destinés à l'apaisement des esprits des ancêtres, comprenant de riches inhumations dans de grandes tombes remplies de tout le nécessaire pour profiter d'une vie confortable après la mort.
Le roi, en plus de ses devoirs séculiers, servait de chef officiant et médiateur entre les vivants et les morts, et ses actions étaient considérées comme ordonnéés par la loi divine. Bien que l'idée du célèbre Mandat du Ciel ait été développée plus tard par la Dynastie Zhou, l'idée de lier un souverain juste à la volonté divine trouve ses racines dans les croyances adoptées par les Shang.
La Dynastie Zhou
Vers 1046 AEC, le roi Wu Wang (règne 1046-1043 AEC), de la province de Zhou, se rebella contre le Roi Zhou des Shang (ou Di Xin) et en vainquit les forces à la Bataille de Muye, établissant la dynastie Zhou (1046-256 AEC). La période 1046-771 AEC marque la période des Zhou occidentaux, et 771-256 AEC celle des Zhou orientaux. Wu Wang se rebella contre le Shang au pouvoir, Zhou, après que celui-ci ait tué son frère aîné injustement. Wu Wang et sa famille invoquèrent le Mandat du Ciel pour légitimer la révolte car Wu estimait que le Shang n'agissait plus dans l'intérêt du peuple et avait donc perdu le mandat entre la monarchie et le dieu de la loi, de l'ordre et de la justice, Shangdi.
Le Mandat du Ciel fut ainsi défini comme la bénédiction des dieux sur un souverain juste, et un gouvernement par mandat divin. Le gouvernement qui ne servirait plus la volonté des dieux serait renversé. De plus, il était stipulé qu'il ne pouvait y avoir qu'un seul souverain légitime de la Chine, et que son règne devait être légitimé par sa conduite appropriée en tant qu'intendant des terres qui lui avaient été confiées par le Ciel. La règle pouvait être transmise de père en fils, mais seulement si l'enfant possédait la vertu nécessaire pour régner. Ce mandat sera plus tard souvent manipulé par divers dirigeants qui confièrent la succession à une progéniture indigne.
Sous les Zhou, la culture et la civilisation se s'épanouirent et s'étendirent. L'écriture fut codifiée et la métallurgie du fer devint de plus en plus sophistiquée. Les philosophes et poètes chinois les plus grands et les plus connus, Confucius, Mencius, Mozi (Mo Ti, Mo Tzu), Laozi (Lao Tzu), Tao Yuanming (Tao Chien), et le stratège militaire Sun Tzu (s'il exista tel que décrit), viennent tous de la période Zhou, à l’époque des Cent Ecoles de Pensée.
Le char, qui fut introduit dans le pays sous les Shang, fut plus largement développé sous les Zhou. Il faut noter que ces périodes et dynasties n'ont pas commencé ni ne se sont terminée aussi nettement qu'elles le semblent dans les livres d'histoire, et que la dynastie Zhou partageait beaucoup d’aspects avec les Shang (y compris la langue et la religion). Les historiens ont besoin, pour des raisons de clarté, de diviser les événements en périodes, et la Dynastie Zhou s’est étendue tout au long des époques suivantes, connues sous les noms de Période des Printemps et des Automnes et Période des Royaumes Combattants.
Périodes des Printemps & des Automnes & des Royaumes Combattants
Au cours de la période des Printemps et des Automnes (vers 772-476 ACE, ainsi appelée à partir des Annales des Printemps et des Automnes, chronique officielle de l'état à l'époque (et source ancienne mentionnant le général Sun Tzu), le gouvernement de Zhou se décentralisa en se déplaçant dans la nouvelle capitale de Luoyang (Henan), marquant la fin de la période des 'Zhou occidentaux' et le début de celle des 'Zhou orientaux'. C'est la période la plus connue pour les progrès de la philosophie, de la poésie et des arts, et c’est celle qui a vit l'essor des pensées Confucéenne, Taoïste et Mohiste (de Mozi).
Dans le même temps cependant, différents états rompaient avec le pouvoir central de Luoyang et se proclamaient souverains. Cela a conduit à la période dite des Royaumes Combattants (vers 481-221 AEC) au cours de laquelle sept états se battirent entre eux pour le contrôle du pays. Les sept états, Chu, Han, Qi, Qin, Wei, Yan et Zhao, se considéraient tous comme souverains, mais aucun d'eux ne se sentait suffisamment confiant pour revendiquer le Mandat du Ciel, toujours détenu par les Zhou de Luoyang. Les sept États utilisaient les mêmes tactiques et observaient les mêmes règles de conduite au combat, si bien qu’aucun ne pouvait prendre l'avantage sur les autres.
Cette situation fut exploitée par le philosophe pacifiste Mozi, un ingénieur compétent, qui se donna pour mission de fournir à chaque état une connaissance égale des fortifications et des échelles de siège, dans l'espoir de neutraliser l'avantage d'un état pourrait prendre, et ainsi de mettre fin à la guerre. Ses efforts échouèrent cependant et, entre 262 et 260 AEC, l'état du Qin gagna la suprématie sur celui du Zhao, le défaisant finalement à la Bataille de Changping.
Un homme d'état Qin du nom de Shang Yang (mort en 338 AEC), grand convaincu de l'efficacité et de la loi, avait revu la stratégie de l’état Qin concernant la guerre afin de se concentrer sur la victoire à tout prix. Que cette réforme du protocole et de la stratégie militaires en Chine doive revenir à Sun Tzu ou à Shang Yang dépend de l'acceptation de l'historicité de Sun Tzu. Si Sun Tzu existait comme on le dit, il est très probable que Shang Yang avait la connaissance de son fameux ouvrage, L’Art de la Guerre.
Avant ces réformes, la guerre chinoise était considérée comme un jeu d'adresse aristocratique, avec des règles très strictes dictées par la courtoisie et la perception de la volonté du Ciel. On n'attaquait ni les faibles, ni les non préparés, et l’on s'attendait à ce que l'on retarde l'engagement jusqu'à ce que l'adversaire se soit mobilisé et ait formé ses rangs sur le terrain. Shang Yang prônait la guerre totale vers la victoire, et conseillait la prise des forces ennemies par tous les moyens disponibles. Les principes de Shang Yang étaient connus de l’état Qin et furent utilisés à Changping (où plus de 450 000 soldats Zhao capturés furent exécutés après la bataille) donnant aux Qin l'avantage qu'ils attendaient.
Ils n'ont cepensant pas fait d’autre usage efficace de ces tactiques jusqu'à l'avènement de Ying Zheng, Roi de Qin. En utilisant les instructions de Shang Yang, avec une armée considérable, employant des armes de fer et des chars, Ying Zheng sortit victorieux du conflit suprême des Royaumes Combattants en 221 AEC, soumettant et unifiant les six autres états sous sa domination, et se proclamant Shi Huangdi, 'Premier Empereur' de Chine.
La Dynastie Qin
Shi Huangdi établit ainsi la dynastie Qin (221-206 AEC), également connue sous le nom d’Ere Impériale en Chine. Il ordonna la destruction des fortifications qui avaient séparé les différents états et commanda la construction d'une grande muraille le long de la frontière nord de son royaume. Bien que peu de choses restent aujourd'hui du mur original de Shi Huangdi, la Grande Muraille de Chine a été commencée sous son règne.
Elle s'étendait sur plus de 5 000 kilomètres à travers les collines et les plaines, des frontières de la Corée à l'est jusqu'à l’hostile désert d'Ordos [sud de la Mongolie intérieure] à l'ouest. Ce fut une entreprise logistique énorme même si, sur une grande partie de son parcours, elle incorporait des longueurs de murs antérieurs construits par les royaumes chinois séparés pour défendre leurs frontières nord aux 4ème et 3ème siècles. (Scarre et Fagan, 382)
Shi Huangdi renforca également les infrastructures par la construction de routes, ce qui facilita les déplacements et contribua à accroître le commerce.
Cinq routes nationales partaient de la capitale impériale Xianyang (Shaanxi), chacune dotée de forces de police et de stations. La plupart de ces routes étaient en pisé et mesuraient 15 mètres de largeur. La plus longue s'étendait vers le sud-ouest sur 7 500 kilomètres jusqu'à la région frontalière du Yunnan. L’environnement était si abrupt que des tronçons de route ont dû être construits le long de falaises verticales, en saillie sur des galeries en bois. (Scarre et Fagan, 382)
Shi Huangdi élargit également les frontières de son empire, construisit le Grand Canal dans le sud, et redistribua les terres. Il fut initialement un souverain équitable et juste.
Alors qu'il fit de grandes avancées pour les projets de construction et les campagnes militaires, il se montra de plus en plus avec la main dure en politique intérieure. Tout en prétendant au Mandat du Ciel, il supprima toutes les philosophies à l'exception du Légisme (pronant la prééminence de la loi) qui avait été développé par Shang Yang et, suivant les recommandations de son premier conseiller, Li Si, il ordonna la destruction de tout livre d'histoire ou de philosophie qui ne concernait pas le Légisme, sa lignée familiale, l'état de Qin, ou lui-même.
Comme les livres étaient alors écrits sur des bandes de bambou brochées, et qu'un volume pouvait avoir un certain poids, les lettrés qui cherchaient à échapper à la prescription pouvaient rencontrer beaucoup de difficultés. Un certain nombre d'entre eux furent détectés, et la tradition dit que beaucoup furent envoyés travailler sur la Grande Muraille, et que 460 furent mis à mort. Cependant, certains des lettrés mémorisèrent les œuvres complètes de Confucius et purent les transmettre fidèlement par bouche à oreille. (Durant, 697)
Cet acte, ainsi que la suppression par Shi Huangdi des libertés générales, y compris la liberté de parole, le rendirent progressivement plus impopulaire. Le culte des ancêtres et le pays des morts commencèrent à intéresser l'empereur plus que son royaume des vivants, et Shi Huangdi devint de plus en plus absorbé par ce en quoi cet autre monde consistait et comment il pourrait éviter de s'y retrouver. Semblant avoir développé une obsession pour la mort, il devint de plus en plus paranoïaque quant à sa sécurité personnelle, et recherchait ardemment l'immortalité.
Son désir d’accéder à une vie après la mort à la mesure de sa vie actuelle le conduisit à commander un palais pour en faire sa tombe, et une armée de plus de 8 000 guerriers en terre cuite pour le servir dans l'éternité. Cette armée de céramique enterrée avec lui comprenait également des chars en terre cuite, de la cavalerie, un commandant en chef, et divers oiseaux et animaux. Il serait mort en 210 AEC alors qu'il était en quête d'un élixir d'immortalité. Li Si, dans l'espoir de prendre le contrôle du gouvernement, garda sa mort secrète jusqu'à ce qu'il puisse modifier la volonté de l’empereur de nommer son fils faible, Hu Hai, comme héritier.
Ce plan s'avéra intenable cependant, car le jeune prince se montra très instable, exécutant beaucoup, et lançant une rébellion généralisée dans le pays. Peu de temps après la mort de Shi Huangdi, la dynastie Qin s'effondra rapidement du fait des intrigues et de l'incompétence de gens comme Hu Hai, Li Si et un autre conseiller, chef des eunuques, Zhao Gao. Ce fut alors le début de la Dynastie Han, avec l'accession de Liu Bang.
Le Conflit Chu-Han
Avec la chute de la dynastie Qin, la Chine fut plongée dans une période de troubles liée au Conflit Chu-Han (206-202 AEC). Deux généraux émergèrent parmi les forces qui se rebellèrent contre les Qin: Liu Bang des Han (vers 256-195 AEC) et le général Xiang Yu des Chu (232-202 AEC), qui se battirent pour le contrôle du gouvernement. Xiang Yu, qui avait prouvé qu'il était l'adversaire le plus redoutable des Qin, décerna à Liu Bang le titre de 'Roi des Han' en reconnaissance de son rôle dans la défaite décisive des forces Qin dans leur capitale de Xianyang.
Cependant, les deux anciens alliés devinrent rapidement des antagonistes dans la lutte de pouvoir connue comme le Conflit Chu-Han, jusqu'à ce que Xiang Yu négocie le traité du canal Hong et installe une paix temporaire. Xiang-Yu suggéra de diviser la Chine sous le pouvoir des Chu à l'est, et celui des Han à l'ouest, mais Liu Bang voulait une Chine unie sous le règne des Han et, rompant le traité, il reprit les hostilités. Lors de la bataille de Gaixia en 202 AEC, le grand général de Liu Bang, Han Xin, piégea et vainquit les forces de Chu menées par Xiang Yu, et Liu Bang fut proclamé empereur (connu de la postérité sous le nom d'empereur de Gaozu des Han). Xiang Yu se suicida, mais sa famille fut autorisée à vivre, et même à occuper des postes au gouvernement.
Le nouvel empereur Gaozu traita tous ses anciens adversaires avec respect et unit le pays sous sa gouvernance. Il repoussa les tribus nomades Xiongnu, qui faisaient des incursions en Chine, et fit la paix avec les autres états qui s'étaient révoltés contre la dynastie Qin défaite. La Dynastie Han (qui tire son nom de la maison de Liu Bang dans la province de Hanzhong) devait régner sur la Chine, avec une brève interruption, pendant les 400 années suivantes, de 202 AEC à 220 EC. La période Han est divisée en deux périodes: les Han occidentaux ou antérieurs (202 ACE-9 EC) et Han orientaux ou postérieurs (25-220 EC).
La dynastie Han
La paix qui en résulta, instituée par Gaozu, apporta la stabilité nécessaire pour que la culture prospère et se développe à nouveau. Le commerce avec l'Occident commenca à cette époque, et les arts et la technologie gagnèrent en sophistication. Les Han sont considérés comme la première dynastie à écrire son histoire, mais cette affirmation est souvent contestée du fait que Shi Huangdi détruisit tellement de documents écrits de ses prédécesseurs. Il ne fait aucun doute cependant, que de grands progrès furent réalisés sous les Han dans tous les domaines de la culture.
Le Canon de Médecine de l'Empereur Jaune, le premier document écrit sur la médecine en Chine, fut codifié sous la dynastie des Han. La poudre à canon, que les Chinois avaient déjà inventée, devint plus raffinée. Le papierfut inventé à cette époque et l'écriture devint plus sophistiquée. Gaozu embrassa le confucianisme et en fit la philosophie exclusive du gouvernement, instituant un modèle qui s’est mainenu jusqu'à aujourd'hui.
Malgré cela, contrairement à Shi Huangdi, il pratiqua la tolérance pour toutes les autres philosophies et, par conséquent, la littérature et l'éducation ont prospéré sous son règne. Il réduisit les impôts et dissolut son armée qui, néanmoins, se ralliait sans délai quand elle était appelée.
Après sa mort en 195 AEC, sa femme, l'Impératrice Lu Zhi (241-180 AEC), installa une série de rois-marionnettes, en commençant par le prince héritier Liu Ying (Empereur Hui Di, règne 195-188 AEC), qui servit les intérêts de sa mère, tout en menant sa propre politique. Ces régimes maintinrent la stabilité et la culture permettant au plus grand des empereurs de la dynastie, Han Wudi (vers 141-87 AEC), de se lancer dans ses entreprises d'expansion, de travaux publics et d'initiatives culturelles. Il envoya son émissaire Zhang Qian à l'ouest en 138 AEC, ce qui amena à l'ouverture officielle de la Route de la Soie en 130 AEC.
Le confucianisme fut en outre incorporé comme doctrine officielle du gouvernement et Wudi créa des écoles dans tout l'empire pour favoriser l'alphabétisation et enseigner les préceptes confucéens. Il réforma également les transports, les routes et le commerce et décréta de nombreux autres projets publics, employant des millions de personnes comme fonctionnaires dans ces entreprises. Après lui, les successeurs de Wudi maintinrent plus ou moins sa vision de la Chine et connurent un succès égal.
L'augmentation de la richesse du pays conduisit à l'essor de grandes propriétés et à la prospérité générale mais, pour les paysans qui travaillaient la terre, la vie devenait de plus en plus difficile. En 9 EC, le régent par intérim, Wang Mang (45 AEC-23 EC) usurpa le contrôle du pouvoir, réclamant le Mandat du Ciel pour lui-même et déclarant la fin de la dynastie Han. Wang Mang fonda la dynastie Xin (9-23 EC), sur un programme de réforme agraire et de redistribution des richesses.
Il reçut d'abord un soutien massif de la population paysanne, mais se heurta à l'opposition des propriétaires terriens. Ses programmes étaient mal conçus et mis en oeuvre, ce qui entraîna un chômage et un ressentiment généralisés. Les crues et les inondations étendues du Fleuve Jaune ont déstabilisèrent encore le régime de Wang Mang. Il fut assassiné par une foule en colère de paysans au nom desquels il avait ouvertement pris le pouvoir et engagé ses réformes.
La Chute des Han & la Montée de la Dynastie Xin
L’avènement de la dynastie Xin mit fin à la période des Han occidentaux, et leur chute conduisit à l'établissement de la période des Han orientaux. L'empereur Guangwu (règne 25-57 EC) rendit les terres aux riches propriétaires fonciers et rétablit l'ordre dans le pays, en maintenant les politiques des premiers Han occidentaux. Guangwu, en récupérant les terres perdues sous la dynastie Xin, fut contraint de passer une grande partie de son temps à réprimer les rébellions et à rétablir la domination chinoise dans les régions de Corée et du Vietnam d'aujourd'hui.
Au Vietnam, la rébellion menée par les deux Sœurs Trung, en 39 EC, nécessita environ «dix mille hommes» (selon le bilan officiel de l'état des Han), et quatre ans pour la réprimer. Malgré tout, l'empereur consolida son règne et même élargit ses frontières, offrant une stabilité qui mena à un accroissement du commerce et de la prospérité. À l'époque de l'empereur Zhang (75-88 CE), la Chine était si prospère qu'elle était partenaire commercial avec toutes les grandes nations de l'époque, et cela continua après la mort de l’empereur. Les Romains sous Marc-Aurèle, en 166 CE, considéraient la soie chinoise plus précieuse que l'or, et la payaient quel que soit le prix demandé.
Les différends entre l’aristocratie terrienne et les paysans continuèrent cependant à causer des problèmes au gouvernement, comme le montrèrent les Rébellions des Cinq Pics de Riz (142 EC) et des Turbans Jaunes (184 EC). Alors que la Rébellion des Cinq Pics de Riz commenca comme un mouvement religieux, elle impliqua un grand nombre d’éléments de la classe paysanne, en opposition avec les idéaux confucéens du gouvernement et de l'élite. Ces deux révoltes survirent en réponse à la négligence du gouvernement vis à vis du peuple, laquelle s'est aggravée du fait qu'à la fin, la dynastie Han est devenue de plus en plus corrompue et inefficace. Les chefs des deux rébellions affirmèrent que les Han avaient perdu le Mandat du Ciel, et devaient abdiquer.
Le pouvoir du gouvernement sur le contrôle du peuple commençait à se désintégrer jusqu'à ce qu'une révolte à grande échelle éclate dans tout le pays du fait que la Rébellion des Turbans Jaunes, autre soulèvement paysan, prenait de l'ampleur. Des généraux Han furent envoyés pour mettre fin à la rébellion mais, dès qu'une poche était écrasée, une autre surgissait. La révolte fut finalement réprimée par le général Cao Cao (155-220 EC). Cao Cao et son vieil ami et allié Yuan Shao (mort en 202 EC) se battirent ensuite pour le contrôle du pays, et finalement, Cao Cao sortit victorieux dans le nord.
Cao tenta une unification complète de la Chine en envahissant le sud, mais fut vaincu à la Bataille de la Falaise Rouge (Hubei) en 208 EC, laissant la Chine divisée en trois royaumes distincts (Cao Wei, Wu oriental, et Shu), chacun revendiquant le Mandat du Ciel. Cette ère est connue sous le nom de Période des Trois Royaumes (220-280 EC), une période de violence, d'instabilité et d'incertitude qui inspirera plus tard quelques unes des plus grandes œuvres de la littérature chinoise.
La dynastie Han n'était maintenant qu'un souvenir, et d'autres dynasties de plus courte durée (telles que les Wei, les Jin, les Wu Hu, et les Sui) prirent le contrôle du gouvernement tout à tour et lancèrent leurs propres programmes à partir d'environ 208-618 EC. La dynastie Sui (589-618 EC) réussit finalement à réunir la Chine en 589 EC. L'importance de la dynastie Sui réside dans sa mise en œuvre d'une bureaucratie hautement efficace qui rationalisa le fonctionnement du gouvernement et conduisit à une plus grande facilité de maintien de l'empire. Sous l'Empereur Wen, puis son fils Yang, le Grand Canal fut achevé, la Grande Muraille fut étendue et des parties furent restaurées. L'armée devint la plus grande au monde à cette époque, et la monnaie fut normalisée à travers le royaume.
La littérature prospéra, et on pense que la célèbre Légende de Hua Mulan, sur une jeune fille qui prend la place de son père dans l'armée et sauve le pays, fut développée à cette époque (bien que le poème original aurait été composé pendant la Période des Wei du nord, 386-535 EC). Malheureusement, Wen et Yang ne se contentèrent pas de la stabilité intérieure et ils organisèrent des expéditions massives contre la péninsule coréenne. Wen avait déjà mis en faillite le trésor à travers ses projets de construction et ses campagnes militaires, et Yang suivit l'exemple de son père et échoua également dans ses tentatives de conquête militaire. Yang fut assassiné en 618 EC, ce qui déclencha ensuite le soulèvement de Li Yuan qui prit le contrôle du gouvernement et se proclama Empereur Gaozu des Tang (règne 618-626 EC).
La dynastie Tang
La dynastie Tang (618-907 EC) est considérée comme 'l'âge d'or' de la civilisation chinoise. Gaozu prudemment maintint et améliora la bureaucratie initiée par la dynastie Sui tout en se dispensant d'opérations militaires extravagantes et de projets de construction. Avec des modifications mineures, les politiques bureaucratiques de la dynastie Tang sont toujours en usage dans le gouvernement chinois de nos jours.
Malgré son règne efficace, Gaozu fut déposé par son fils, Li Shimin, en 626 EC. Après avoir assassiné son père, Li Shimin tua ensuite ses frères et d'autres membres de la noble maison, et a pris le titre d'Empereur Taizong (règne 626-649 EC). Après le coup d'État sanglant cependant, Taizong décréta que des temples bouddhistes seraient construits sur les sites des batailles et que les soldats tombés seraient commémorés.
Continuant et s'appuyant sur les concepts du culte des ancêtres et du Mandat du Ciel, Taizong revendiquait la volonté divine dans ses actions et laissait entendre que ceux qu'il avait tués étaient maintenant ses conseillers dans l'au-delà. Comme il s'est avéré être un dirigeant remarquablement efficace, ainsi qu'un stratège militaire et un guerrier talentueux, son coup d'état ne fut pas contesté et il se consacra à gouverner son vaste empire.
Taizong a suivi les préceptes de son père en gardant une grande partie de ce qui était bon de la Dynastie Sui et en l'améliorant. On peut voir cela en particulier dans le code juridique de Taizong, qui est fortement inspiré des concepts Sui, mais plus développé sur le plan des crimes et des punitions. Cependant, il ignora le modèle de politique étrangère de son père, et se lança dans une série de campagnes militaires réussies, qui prolongèrent et sécurisèrent son empire, et ont également servi à répandre son code juridique et la culture chinoise.
A Taizong succéda son fils Gaozong (règne 649-683 EC) dont l'épouse, Wu Zetian, allait devenir la première - et la seule - monarque féminine de Chine. L'impératrice Wu Zetian (règne 690-704 EC) lanca un certain nombre de politiques qui ont amélioré les conditions de vie en Chine et renforcé la position de l'empereur. Egalement, elle utilisa largement une force de police secrète et des canaux de communication très efficaces pour garder toujours une longueur d'avance sur ses ennemis, tant étrangers que nationaux.
Le commerce prospéra au sein de l'empire et, le long de la Route de la Soie, avec l'Occident. Rome étant maintenant tombée, l'Empire Byzantin devint un acheteur de premier plan de la soie chinoise. À l'époque du règne de l'empereur Xuanzong (règne 712-756 EC), la Chine était le pays le plus grand, le plus peuplé et le plus prospère du monde. Grâce à son importante population, des armées de plusieurs milliers d'hommes pouvaient être enrôlées et les campagnes militaires contre les nomades turcs ou les rebelles nationaux furent rapides et fructueuses. L'art, la technologie et la science prospérèrent tous sous la Dynastie Tang (bien que le point culminant des sciences soit considéré comme étant vers la fin de la Dynastie Song, 960-1234 EC), et certaines des pièces les plus impressionnantes de la sculpture et de l'argenterie chinoises proviennent de cette période.
La Chute des Tang et la Montée de la Dynastie Song
Pourtant, le gouvernement central n'était pas universellement admiré et les soulèvements régionaux étaient une préoccupation régulière. La plus importante d'entre elles fut la Révolte d’An Lushan, de 755 CE. Le général An Lushan, favori de la cour impériale, s'opposait à ce qu'il considérait comme une extravagance excessive du gouvernement. Avec une force de plus de 100 000 soldats, il se rebella et se déclara nouvel empereur selon les préceptes du Mandat du Ciel.
Bien que sa révolte ait été réprimée vers 763 EC, les causes sous-jacentes à l'insurrection et d'autres actions militaires continuèrent de harceler le gouvernement en 779 EC. La conséquence la plus apparente de la Révolte d'An Lushan fut une réduction spectaculaire de la population chinoise. On estime que près de 36 millions de personnes moururent des suites directes de la révolte, soit au combat, soit en représailles, soit par maladie et manque de ressources.
Le commerce souffrait, les impôts n'étaient pas perçus et le gouvernement, qui avait fui la capitale Chang'an (Xi’an) lorsque la révolte a éclaté, fut incapable de maintenir une quelconque présence. La Dynastie Tang continua à souffrir de révoltes locales et, après la Rébellion de Huang Chao (874-884 E), elle ne s'est jamais remise. Le pays se disloqua dans la période connue sous le nom des Cinq Dynasties et Dix Royaumes (907-960 EC), chaque régime revendiquant sa légitimité, jusqu'à l’avènement de la dynastie Song.
Avec les Song, la Chine devint stable à nouveau et les institutions, les lois et les coutumes furent encore plus codifiées et intégrées dans la culture. Le Néoconfucianisme devint la philosophie la plus populaire du pays, influençant les lois et les coutumes, et façonnant la culture de la Chine que nous connaissons de nos jours. Pourtant, malgré les progrès dans tous les domaines de la civilisation et de la culture, les conflits séculaires entre les riches propriétaires terriens et les paysans qui travaillaient cette terre se poursuivirent au cours des siècles suivants.
Les révoltes paysannes périodiques furent écrasées aussi rapidement que possible, mais aucun remède aux doléances du peuple ne fut jamais offert, et chaque action militaire a continuait à traiter le symptôme au lieu du problème lui-même. En 1949 EC, Mao Zedong mena la révolution populaire en Chine, renversant le gouvernement et instituant la République Populaire de Chine.