Les pezhetairoi (compagnons fantassins) faisaient partie de l'imposante armée qui accompagnait le commandant macédonien Alexandre le Grand (r. de 336 à 323 av. J.-C.) lorsqu'il traversa l'Hellespont pour affronter le roi perse Darius III en 334 avant notre ère. Armés de longues piques (sarissas ou sarisses), les pezhetairoi combattaient en formation de phalange grecque et jouèrent un rôle important dans le bataille du Granique, la bataille d'Issos et la bataille de Gaugamèles.
Origine
Comme pour l'hypaspiste, l'origine et l'évolution des pezhetairoi (singulier: pezhetairos) sont entourées de mystère. À l'exception des références aux pezhetairoi dans les discussions sur Philippe II et Alexandre, le terme pezhetairoi n'apparaît pratiquement pas dans la littérature ancienne. Dans son ouvrage The Army of Alexander the Great, l' historien Stephen English écrit qu'à un certain moment, la paysannerie fut recrutée sur le territoire et organisée en infanterie, et que, selon l'historien Anaximène, elle aurait reçu le nom de pezhetairoi. Il ajoute que les pezhetairoi étaient "essentiellement une évolution de la phalange standard" (3).
Cependant, des désaccords persistent: certains érudits désignent toute l'infanterie macédonienne comme des pezhetairoi, tandis que d'autres pensent qu'ils n'étaient pas des fantassins de première ligne, mais des gardes du corps du roi. English soutient que les pezhetairoi pourraient avoir été créés en tant qu'infanterie d'élite sélectionnée agissant en tant que gardes du corps royaux sous le roi macédonien Alexandre Ier (498-454 av. J.-C.). Certains prétendent que cette infanterie d'élite finit par devenir les hypaspistes. C'est Alexandre III (le Grand) qui étendit le terme pezhetairoi à toute l'infanterie lourde de la phalange, à l'exception des hypaspistes.
Réformes militaires de Philippe II
En 359 avant notre ère, Philippe II de Macédoine (r. de 359 à 336 av. J.-C.) hérita d'un royaume qui avait grand besoin de réformes militaires. La Macédoine était connue pour son excellente cavalerie, mais ne disposait pas d'une infanterie aussi puissante. À l'époque, les hommes qui combattaient dans une phalange grecque n'avaient été recrutés que pour servir en cas de besoin et manquaient donc d'entraînement. Ils ne constituaient pas une armée professionnelle et étaient considérés comme inflexibles et incapables de manœuvrer. Philippe, qui croyait fermement à l'entraînement et à la discipline, transforma des hommes indisciplinés en une armée redoutable qui plaça une grande partie de la Grèce sous son influence. Pour ce faire, il entreprit un certain nombre de réformes. Il fit passer la taille de l'armée de 10 000 à 24 000 hommes et créa un corps d'ingénieurs chargé de mettre au point des engins de siège tels que des tours et des catapultes. Mais l'un des premiers obstacles à surmonter était l'appartenance régionale des troupes, notamment dans l'infanterie, où la loyauté envers le roi était faible, voire inexistante.
Pour surmonter cette disparité et effacer les liens régionaux, l'une des premières réformes de Philippe fut de fournir de nouveaux uniformes: une idée simple qui donna à chaque homme un sentiment d'unité et de solidarité. Un pezhetairos typique portait un casque phrygien avec des pommettes pour améliorer l'audition et la visibilité, une cuirasse légère composée de couches de lin collées (linothroax), une tunique à manches courtes, des cretons, peu ou pas d'armure (le premier rang de la phalange portait une armure), et une écharpe en cuir portée sur l'épaule pour soutenir le bouclier concave (aspis).
Vint ensuite leur équipement: la sarisse, longue de 5 à 7 mètres, était idéale pour les pezhetairoi, tandis qu'une lance plus courte servait aux hypaspistes. La sarisse était munie d'une lame de fer tranchante et d'un rayon à l'extrémité de la hampe qui servait à empaler un cavalier ou un fantassin en train de charger. Les historiens ne s'accordent pas sur le fait que les pezhetairoi portaient ou non une arme secondaire; certains affirment qu'ils disposaient d'un xiphos, une arme tranchante à double tranchant. Après les nouveaux uniformes et équipements, la dernière réforme essentielle consistait à rompre complètement tous les liens régionaux. Pour ce faire, un serment d'allégeance au roi était exigé.
Infanterie macédonienne
L'infanterie lourde macédonienne devint une force de frappe professionnelle hautement entraînée, extrêmement flexible et capable de combattre sur n'importe quel terrain. Ce dernier aspect s'avéra bénéfique pour Alexandre le Grand lors de la bataille de Gaugamèles (331 av. J.-C.) contre Darius III (r. de 336 à 330 av. J.-C.). L'armée qui suivit Alexandre en Asie Mineure était purement offensive, conçue pour attaquer l'ennemi le plus rapidement possible. Les rois macédoniens n'avaient aucun intérêt à mener des opérations défensives. Les pezhetairoi en faisaient partie intégrante. Selon certaines sources, les pezhetairoi comprenaient un corps d'élite recruté en Haute Macédoine: les asthetairoi, bien entraînés, à ne pas confondre avec les hypaspistes. Les 9 000 pezhetairoi qui accompagnaient Alexandre sur l'Hellespont étaient répartis en six taxis. Sous le commandement d'un taxiarque, chaque taxi pouvait être utilisé en tant qu'unité tactique distincte ou comme une seule unité. Les six taxiarques étaient Coénos, Perdiccas, Méléagre, Polyperchon, Philippos et Cratère. Il n'y avait pas de commandant général.
Une phalange macédonienne comprenait au moins 16 rangs. Chaque phalange pouvait facilement avancer pour faire face à une attaque. La sarisse était une arme parfaite pour les pezhetairoi, car elle leur permettait d'atteindre plus facilement les lances de l'ennemi. Les hommes des quatre premiers rangs abaissaient leurs sarisses, tandis que ceux qui se tenaient à l'arrière les tenaient vers le haut, empêchant ainsi les missiles aériens lancés par les archers et les frondeurs de l'ennemi d'attaquer la formation. Pour être une force de combat efficace, la phalange devait maintenir son rang en toutes circonstances. La nature même de la phalange exigeait un entraînement constant, et Philippe et Alexandre exigeaient tous deux une obéissance stricte. Cependant, la phalange avait un inconvénient: il s'agissait d'une formation linéaire, donc vulnérable aux attaques de flanc. Pour y remédier, Philippe et Alexandre utilisèrent de l'infanterie légère pour protéger leurs flancs. Dans son ouvrage Masters of Command, l'historien Barry Strauss écrit qu'"une bataille macédonienne représentait un équilibre orchestré entre la cavalerie et l'infanterie" (32). Après un entraînement intensif, dans l'esprit de Philippe, l'armée était prête à engager la bataille contre les Perses. Après avoir amené une grande partie de la Grèce sous son influence et avoir prouvé ses capacités, Philippe désirait ardemment affronter l'empire achéménide. Pour lui, il s'agissait d'un acte de vengeance pour les guerres perses, les invasions de Darius Ier et de Xerxès en 490 et 480 avant notre ère. Mais cela n'eut pas lieu.
Bataille du Granique
Après la mort de Philippe II en 336 avant notre ère, le jeune Alexandre, âgé d'à peine 20 ans, devait faire ses preuves auprès du peuple grec et de ses propres hommes. Avant même de traverser l'Hellespont pour entrer en Asie Mineure, il avait déjà accompli les deux. Après la traversée, Alexandre visita d'abord le site de Troie pour rendre hommage à Achille, puis se dirigea vers le sud pour faire face aux Perses au fleuve Granique, mais Darius III n'avait guère prêté attention à l'inconnu Alexandre, malgré les avertissements de son commandant grec Memnon de Rhodes, qui suggérait une politique de la terre brûlée. Darius et les satrapes (anciens gouverneurs perses) rejetèrent cette idée. Ils considéraient avec arrogance que la guerre perse était bien supérieure aux tactiques des envahisseurs grecs.
Pour avancer rapidement et atteindre le Granique, Alexandre pensait n'avoir besoin que de l'infanterie macédonienne (les six taxis de pezhetairoi porteurs de sarisses), des hypaspistes et, après mûre réflexion, de toute la cavalerie disponible. À l'approche du Granique, Alexandre fit marcher son armée en formation de double phalange: deux phalanges d'infanterie lourde, flanquées de la cavalerie et protégées par l'infanterie légère. Après que les éclaireurs eurent signalé la présence des Perses sur la rive opposée du fleuve, Alexandre disposa son armée en formation de combat: la phalange pezhetairoi au centre, avec la cavalerie d'accompagnement et Alexandre stationnés à droite. La cavalerie perse était au bord du fleuve et l'infanterie derrière elle. La cavalerie perse ne pouvait ni avancer à cause des rives du fleuve, ni reculer à cause de l'infanterie. Au cours de la bataille du Granique, Alexandre et sa cavalerie engagèrent la cavalerie perse sur la droite tandis que les pezhetairoi avançaient de l'autre côté de la rivière.
Tout au long de la bataille, l'infanterie mercenaire grecque resta sur ses positions et ne bougea pas. Strauss décrit la rencontre: "Avec une efficacité terrifiante et leurs énormes piques tendues devant eux, les hommes de la phalange traversèrent le fleuve et firent reculer l'ennemi." (52) Alexandre et sa cavalerie ayant mis en déroute la cavalerie perse sur la droite, celle-ci fut désorganisée et s'effondra. Pour beaucoup, Alexandre avait démontré non seulement la supériorité de son armée, mais aussi sa capacité à commander. Le roi choisit de ne pas poursuivre les Perses; au lieu de cela, les mercenaires grecs furent attaqués en masse. Encerclés par la cavalerie sur trois côtés et par les pezhetairoi sur le quatrième, 2 000 d'entre eux furent emmenés enchaînés.
Bataille d'Issos
Après s'être remis d'une grave maladie, Alexandre et son armée se dirigèrent vers le sud pour affronter Darius au fleuve Pinaros, au sud d'Issos. En arrivant à la rivière, son ordre de bataille montre l'infanterie lourde, comme toujours, au centre (une place d'honneur) avec les hypaspistes et la cavalerie à droite. Les Perses avaient leur cavalerie lourde à gauche, protégée par des archers et des frondeurs. Le terrain ne favorisait pas les Perses. Les mercenaires grecs qui combattaient pour Darius étaient postés en face des pezhetairoi et des hypaspistes. Au fur et à mesure que la bataille progressait, les pezhetairoi et les hypaspistes attaquaient le centre perse, mais la rive escarpée de la rivière leur rendait la tâche difficile. Lorsqu'une brèche s'ouvrit entre Alexandre et la phalange d'infanterie, les mercenaires entrèrent en jeu, ce qui leur permit de forcer les pezhetairoi à reculer vers le fleuve. Ils subirent un certain nombre de pertes, mais avec l'aide d'Alexandre, les mercenaires furent repoussés.
Selon une version de l'histoire, deux taxis de pezhetairoi plus les hypaspistes traversèrent le fleuve et encerclèrent l'infanterie mercenaire tandis que les quatre taxis restants attaquèrent le front. Cette attaque à la rivière et l'attaque de flanc d'Alexandre obligèrent les Perses à battre en retraite. Finalement, les hypaspistes avancèrent vers Darius tandis qu'Alexandre attaqua par l'extrême droite. Voyant peu de chances de victoire, le roi perse s'enfuit et ses soldats lui emboîtèrent le pas. Strauss estime qu'"Issos s'est déroulée comme elle l'a fait pour trois raisons: les manœuvres avant la bataille, l'habileté de l'armée macédonienne et le grand jugement d'Alexandre" (79). À propos d'Alexandre, il ajoute: "Sa capacité à évaluer un ennemi sur un champ de bataille et à trouver une réponse rapide et efficace a fait de lui l'incarnation de l'intuition stratégique." (239)
Bataille de Gaugamèles
Après les succès remportés à Tyr, à Gaza et en Égypte, Alexandre et son armée se préparèrent à faire face à Darius à Gaugamèles. Gaugamèles représentait un défi pour le roi macédonien: le terrain favorisait la cavalerie de Darius et les chars à faux, ce que les éclaireurs d'Alexandre lui avaient signalé. L'ordre de bataille du roi perse était conçu pour contrer les tactiques utilisées par Alexandre à Issos. Lors de ses précédentes batailles, Alexandre n'avait utilisé que le noyau de son armée; cependant, Gaugamèles fut la première occasion où il eut besoin de tous les hommes disponibles. Pour s'adapter au terrain, la formation d'Alexandre différait légèrement de celle qu'il utilisait habituellement. Au centre se trouvait la cavalerie d'accompagnement; à gauche, les hypaspistes et les pezhetairoi. Les six taxis de pezhetairoi étaient sous le commandement de Cratère - la seule fois où les six étaient sous le commandement d'un seul individu.
L'une des principales qualités d'Alexandre était sa capacité à anticiper. Sachant que la phalange pouvait se retrouver isolée, Alexandre l'organisa de manière à ce qu'elle puisse étendre sa base ou resserrer ses rangs avant d'engager la bataille. Dans son ouvrage Alexander the Great at War, Ruth Sheppard écrit que les phalanges étaient organisées pour agir en tant qu'"unité autonome et indépendante" capable de garder sa position et de fonctionner jusqu'à l'arrivée des secours.
Au début de la bataille, Darius échoua dans une première tentative d'encerclement d'Alexandre, qui riposta en attaquant le centre perse. Le roi perse, comme Alexandre l'avait supposé, envoya alors ses chars à faux vers la phalange pezhetairoi, mais alors que les chars approchaient, la phalange s'ouvrit, permettant aux chars de passer. Dans une autre démonstration de sa compréhension innée de l'esprit de Darius, Alexandre avait ordonné à l'infanterie de la phalange de joindre les boucliers et de les frapper avec leurs sarisses. Lorsque les chars s'approchèrent, le bruit effraya les chevaux qui partirent au galop, et lorsque la brèche apparut, les chars s'y engouffrèrent; ils furent alors attaqués par les troupes à l'arrière de la phalange. Pendant ce temps, Alexandre et la cavalerie qui l'accompagnait se déplacèrent vers l'extrême droite, sur un terrain accidenté. Le commandant perse Bessos (alias Bessus) sous les ordres de Darius, les suivit, ce qui créa une brèche. Alexandre forma un angle avec ses hommes et s'engagea dans la brèche. Voyant son armée s'effondrer, Darius, comme il l'avait fait à Issos, s'enfuit du champ de bataille. Alexandre le poursuivit, mais avant qu'il ne puisse atteindre le roi déchu, Darius avait été tué par Bessos. Les hommes de Bessos le livrèrent à Alexandre, qui le fit torturer et exécuter.
Après Gaugamèles, Alexandre saccagea et brûla Persépolis et s'empara de Suse. Après avoir capturé la Bactriane et épousé Roxanne, Alexandre affronta le roi indien Poros à la bataille de l'Hydaspe. Il utilisa les six taxis de pezhetairoi pour remporter une victoire décisive.