Hypaspiste

Définition

Donald L. Wasson
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 01 novembre 2023
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Disponible dans ces autres langues: anglais
Hypaspist (by Johnny Shumate, Public Domain)
Un hypaspiste
Johnny Shumate (Public Domain)

Les hypaspistes ou hypaspistai étaient un type distinct de soldats d'infanterie qui jouaient un rôle essentiel dans les armées macédoniennes de Philippe II de Macédoine (r. de 359 av. J.-C. à 336 av. J.-C.) et de son fils et héritier Alexandre le Grand (r. de 336 à 323 av. J.-C.). Les hypaspistes devinrent un élément inestimable de l'infanterie qui contribua à l'expansion de l'empire macédonien.

Les hypaspistes faisaient partie des armées macédoniennes qui conquirent la Grèce et vainquirent les forces perses de Darius III (r. de 336 à 330 av. J.-C.) et l'armée indienne du roi Poros, contribuant ainsi à l'établissement d'un empire qui s'étendait de la péninsule du Péloponnèse vers le nord, en passant par la Macédoine et la Thrace, à travers l'Hellespont en Asie mineure et vers le sud en Syrie, en Mésopotamie et en Égypte. Si leur origine et leur fonction exactes ont été remises en question, il n'en va pas de même de leurs capacités. L'historien Stephen English, dans son ouvrage The Army of Alexander the Great, les décrit comme étant "parmi les troupes les plus capables et les plus travaillées de l'ordre de bataille macédonien..." (28).

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Débat sur leur rôle et leur armement

Bien qu'ils soient reconnus pour leur rôle courageux dans la conquête de l'Asie, de nombreux historiens modernes ne sont pas sûrs de l'évolution et du rôle exact des hypaspistes; même leur équipement et leur tenue sont remis en question. Cette confusion est évidente dans les écrits de nombreux historiens anciens qui ne parvenaient pas à se mettre d'accord sur une question aussi simple que celle de savoir s'ils portaient ou non la sarissa de dix-huit pieds (une sorte de longue lance ou de pique) des hoplites de la phalange (voir ci-dessous), une épée courte à double tranchant (le xiphos), ou un javelot. La plupart des gens s'accordent cependant à dire qu'ils étaient uniques, triés sur le volet non seulement pour leur vitesse et leur endurance, mais aussi pour leur force et leur courage.

Les hypaspistes avaient un bouclier et une lance plus grands, ce qui les rendait plus polyvalents et plus aptes à protéger la phalange.

Contrairement à leurs collègues phalangistes, ils n'étaient pas recrutés parmi l'élite sociale, mais dans la même classe que les pezhetairoi: la paysannerie. Contrairement aux pezhetairoi, ils n'étaient pas choisis en fonction de leur appartenance tribale. Certains historiens affirment qu'ils constituaient une unité sélectionnée mais distincte de la phalange. La plupart s'accordent à dire qu'ils formaient un lien direct entre l'infanterie lourde du centre, stationnée à la droite de la cavalerie de compagnie à côté d'Alexandre (une place d'honneur). C'est ce que l'on vit à la bataille d'Issos et à la bataille de Gaugamèles. D'autres suggèrent qu'ils purent servir à des occasions particulières ou lors d'événements spéciaux en tant que membres d'une garde, d'un agema - une force de frappe qui n'était pas conçue pour un assaut frontal prolongé. Leur mobilité, bien meilleure que celle des pezhetairoi, leur permettait de combattre sur des terrains accidentés, dans des guerres de siège et dans des combats rapprochés au corps à corps; en fait, partout où la sarissa des pezhetairoi était inutile.

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Map of the Expansion of Macedon
Carte de l'expansion de la Macédoine
Megistias (CC BY-SA)

Origines : La protection de la phalange

L'origine des hypaspistes est un autre sujet de discorde. La plupart s'accordent à dire qu'ils auraient évolué à partir des pezhetairoi de Philippe II. Ayant hérité d'une armée désorganisée et inefficace, Philippe transforma totalement l'armée macédonienne lorsqu'il devint roi. L'infanterie réorganisée marchait en formation serrée ou phalange, où chaque soldat portait son bouclier de manière à protéger son côté gauche et le côté droit de son voisin. Ce nouveau style de combat était principalement offensif, avançant en ligne au centre de l'ennemi. Mais Philippe avait remarqué une faiblesse: la vulnérabilité d'une attaque de flanc. La solution fut la création des hypaspistes, équipés d'un bouclier et d'une lance plus grands, ce qui les rendait plus polyvalents et plus aptes à protéger la phalange. Philippe et son fils Alexandre croyaient tous deux à l'entraînement et à la discipline,et les hypaspistes étaient bien mieux formés que les autres; Stephen English affirme que l'on attendait davantage d'un membre de la garde du corps du roi.

Les hypaspistes auraient pu avoir besoin d'un uniforme leur permettant de mieux se déplacer.

Nouveau look et formation

Cependant, avant que quiconque ne puisse être formé, le soldat macédonien typique fut doté d'un nouveau look. Pour se protéger, il portait un casque phrygien qui lui permettait de mieux entendre et de mieux voir. Il portait des jambières pour couvrir ses mollets, une cuirasse moulée qui protégeait son torse ainsi qu'une longue tunique plissée qui protégeait son abdomen et son aine. Toutefois, les preuves indiquent que l'hypaspiste se distinguait en portant un corselet en lin et des ptéryges (lanières de cuir ou de métal) pour protéger l'aine et le haut de la cuisse. Cela lui permettait de monter à cheval en cas de besoin, comme cela fut le cas lors de la poursuite de Darius après Gaugamèles. Là encore, les hypaspistes pouvaient ou non être vêtus de cette manière. Tout était une question de mobilité. Les hypaspistes auraient pu avoir besoin d'un uniforme leur permettant de mieux se déplacer. Quant au choix des armes, la sarissa aurait été beaucoup trop encombrante, une épée beaucoup plus courte aurait été un meilleur choix.

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Avec l'entraînement rigoureux, ces nouveaux uniformes donnaient à chaque homme un sentiment d'unité et de solidarité; il n'était plus loyal à une province ou à une ville particulière, mais uniquement au roi, allant même jusqu'à prêter serment d'allégeance. Quelle qu'ait été leur apparence, Philippe transforma un groupe d'hommes peu disciplinés en une armée redoutable, amenant une grande partie de la Grèce sous son influence. Après la mort de son père, Alexandre réaliserait le rêve de Philippe, emmènerait cette force remarquable en Asie et combattrait les Perses avec succès.

Greek Phalanx
Phalange grecque
CA (Copyright)

Une armée offensive

Parmi les forces qui traversèrent l'Hellespont avec Alexandre en 334 avant notre ère, on comptait 3 000 hypaspistes: trois unités (chiliarchies) de 1 000 hommes chacune. Ils resteraient aux côtés d'Alexandre à la bataille du Granique, à Issos, Gaugamèles et contre le roi Poros en Inde. Chaque chiliarchie était placée sous le commandement d'un chiliarque ou pentakosiarque - parmi les chiliarques probables figuraient Admète, Héphestion et Séleucos. Chaque chiliarque était sélectionné en fonction de sa valeur. Au départ, ils servaient sous le commandement général (archibypaspistes) de Nicanor, fils de Parménion, de 334 à 330 avant notre ère, puis sous celui de Néoptolème. Ces commandants étaient des nobles macédoniens nommés par le roi. Selon English, l'armée d'Alexandre avait été créée et conçue pour l'attaque, c'est-à-dire pour être une arme offensive ayant pour mission de détruire l'ennemi le plus rapidement possible. Il n'avait aucun intérêt à mener une opération défensive, et les hypaspistes se révélèrent être une partie intégrante de cette stratégie tout au long de sa campagne en Thrace et en Asie Mineure. English note que l'infanterie macédonienne se composait de trois éléments: les asthetairoi (infanterie bien entraînée de Haute Macédoine), les compagnons à pied ou pezhetairoi, et les hypaspistes.

Il existait trois types d'hypaspistes:

  1. Les hypaspistes royaux ou basilikoi, issus de l'aristocratie et initialement placés sous le commandement d'Héphestion puis de Séleucos, servaient de garde du corps au roi (certains avaient été des pages royaux).
  2. Les hypaspistes réguliers.
  3. Les argyraspides, qui virent le jour en 327 avant notre ère et qui étaient composés principalement de vétérans. Les argyraspides deviendraient par la suite les "boucliers d'argent" et combattraient pendant les guerres des diadoques. En 318 avant notre ère, ils rejoignirent Eumène dans sa lutte contre Antigone Ier, le Borgne. Ils finirent par se rendre à Eumène en échange de leurs femmes et de leurs bagages.

Alexandre à la tête de l'empire

Après la mort de Philippe en 336 avant notre ère, Alexandre dut prouver qu'il était un commandant capable et redoutable, non seulement au peuple grec, mais aussi à ses propres hommes. Avant de traverser l'Hellespont, il avait gagné les deux. Alexandre utilisait la ruse et la tromperie face à l'ennemi. "Il n'était pas le genre de commandant à foncer aveuglément dans la bataille. Ses rencontres étaient réfléchies et s'il pouvait tromper l'ennemi, il était tout à fait disposé à le faire". (Field Campaigns, 64). L'une des premières cibles de sa campagne dans les Balkans était les Thraces et leur défense du col de Chipka. Utilisant des chariots comme palissade défensive, ils avaient prévu de les envoyer s'écraser sur les Macédoniens qui avançaient. Alexandre comprit leurs intentions et ordonna à ses hypaspistes de rompre la formation et de se presser contre les murs du col, laissant passer les chariots; il n'y eut aucune perte. Cette tactique serait utilisée plus tard contre les chars de Darius à Gaugamèles. Utilisant à la fois les Agriens et les hypaspistes. Alexandre organisa un dernier assaut; 1500 Thraces furent tués.

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Alexander the Great in Combat
Alexandre le Grand au combat
Warner Brothers (Copyright, fair use)

En action: Issos et Gaugamèles

Après qu'Alexandre se fut remis d'une grave maladie, les Macédoniens rencontrèrent Darius à Issos le 5 novembre 333 avant notre ère. Les deux armées se firent face au niveau du fleuve Pinaros. La région offrait toutefois un avantage certain à Alexandre, car elle réduisait non seulement la mobilité de Darius, mais lui permettait également de disperser ses propres troupes. La bataille se déroula mal pour Darius. Lui et ses hommes se retrouvèrent rapidement sur la défensive, incapables de manœuvrer comme ils l'auraient souhaité. Le flanc gauche de Darius fut gêné par la vallée du fleuve, les montagnes sur sa gauche et la mer sur sa droite. Les hypaspistes et les pezhetairoi attaquèrent le centre perse tandis qu'Alexandre et sa cavalerie attaquèrent sur la droite, créant ainsi une brèche dans la ligne macédonienne. Une fois le fleuve traversé, les pezhetairoi attaquèrent les mercenaires grecs tandis que les hypaspistes avancèrent vers Darius et ses gardes du corps. Avec l'attaque combinée au centre et à l'extrême droite, les Perses battirent en retraite. Dans son ouvrage Masters of Command, Barry Strauss écrit qu'Alexandre "fit preuve d'agilité et de perspicacité, mais surtout qu'il s'agissait d'un exercice d'audace". (15)

À Gaugamèles, le 1er octobre 331 avant notre ère, comme pour les autres batailles, le centre était occupé par la cavalerie des compagnons, puis venait l'infanterie lourde sur la droite, menée par les hypaspistes sous le commandement de Nicanor. Au début de la bataille, Alexandre et ses compagnons se déplacèrent immédiatement vers la droite, en oblique. Suivant les ordres de Darius, les Perses se déplacèrent sur leur gauche, contrant Alexandre pour tenter de le déborder. Au fur et à mesure que les Perses se déplaçaient sur leur gauche, une brèche se créait. Tout ce mouvement d'Alexandre n'était qu'une feinte. Voyant l'ouverture, Alexandre forma un biseau avec ses hommes et se déplaça rapidement sur sa gauche et dans la clairière, chargeant Darius choqué avec un cri de guerre macédonien. Les hypaspistes et les pezhetairoi faisaient partie de ceux qui chargeaient. English écrit que la grande erreur des Perses fut de laisser le fossé se creuser entre la gauche et le centre. Les Perses n'avaient pas assez d'infanterie pour maintenir un "lien cohérent". "C'est un rôle qui aurait été joué par les hypaspistes d'Alexandre". (147)

Conclusion

Les historiens anciens et modernes sont en désaccord sur de nombreuses facettes des hypaspistes. Ce qui rend les choses encore plus difficiles, c'est leur langage. Par exemple, si le terme "hypaspistes" est souvent utilisé, le terme " doryphoroi " apparaît également dans certaines histoires. L'historien Arrien, dans ses Campagnes d'Alexandre, mentionne les hypaspistes non pas par leur nom, mais par leur position, en les désignant comme "les gardes". Contre les Scythes, alors que ses engins de siège s'attaquaient aux murs, Alexandre "ordonna aux gardes, aux archers, aux Agriens et à sa garde personnelle de se tenir prêts". (204) De même, les interprétations de leur origine sont contradictoires. Il y a même un désaccord sur leur équipement - sarissa ou javelot. Enfin, les informations sur leur rôle sont contradictoires: étaient-ils considérés comme des troupes légères ou lourdes ? Curieusement, si l'on met de côté ce qui peut prêter à controverse, la plupart des historiens s'accordent à dire que les hypaspistes faisaient partie intégrante de l'armée d'Alexandre, une armée qui écrasa les forces perses de Darius III. Les bases sont peu contestées: ils étaient bien entraînés et disciplinés, stationnés entre l'infanterie lourde de la phalange et la cavalerie d'accompagnement, et ils se battaient sur des terrains accidentés et au corps-à-corps. Que les historiens soient d'accord ou non, l'hypaspiste était un soldat unique, spécialement formé et inestimable pour son roi.

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Questions & Réponses

Qu'est-ce qu'un hypaspiste ?

L'hypapsiste était un type de soldat d'infanterie spécialement entraîné dans les armées de l'ancienne Macédoine.

Quel fut le rôle des Hypaspistes ?

Le rôle des hypaspistes était peut-être de protéger le flanc exposé de la phalange macédonienne. Comme ils avaient une grande force et une grande endurance grâce à un meilleur entraînement, ils étaient également utilisés pour des attaques spéciales au cours d'une bataille.

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Donald L. Wasson
Donald a enseigné l’histoire antique et médiévale ainsi que l’histoire des États-Unis à Lincoln College (Illinois). Éternel étudiant d’histoire depuis qu’il a découvert Alexandre le Grand, il met toute son énergie à transmettre son savoir à ses étudiants.

Citer cette ressource

Style APA

Wasson, D. L. (2023, novembre 01). Hypaspiste [Hypaspist]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-614/hypaspiste/

Style Chicago

Wasson, Donald L.. "Hypaspiste." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le novembre 01, 2023. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-614/hypaspiste/.

Style MLA

Wasson, Donald L.. "Hypaspiste." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 01 nov. 2023. Web. 29 avril 2024.

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