Bataille de l'Hydaspe

Article

Donald L. Wasson
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 26 février 2014
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Disponible dans ces autres langues: anglais

Pendant près d'une décennie, Alexandre le Grand et son armée balayèrent l'Asie occidentale et l'Égypte, battant le roi Darius III et les Perses aux batailles du Granique, d'Issos et de Gaugamèles. Ensuite, malgré les objections de sa fidèle armée qui l'avait accompagné depuis son départ de Macédoine en 334 av. J.-C., il se tourna vers le sud, en direction de l'Inde. C'est là, en 326 av. J.-C., qu'il remporta ce que beaucoup considèrent comme sa dernière grande victoire, la bataille d'Hydaspes (dans le Pakistan moderne). De l'avis d'un historien, il s'agirait là de l'apogée d'Alexandre, le point culminant de ses conquêtes en Grèce, en Asie Mineure, en Égypte et en Perse. À Hydaspes, il rencontrera un adversaire redoutable en la personne du roi Poros, mais surtout, son savoir-faire militaire sera mis à l'épreuve comme jamais auparavant par un climat impitoyable et un nouvel ennemi encore plus grand, l'éléphant.

Battle of Hydaspes
Bataille de l'Hydaspe
Frank Martini (Public Domain)

La bataille d'Hydaspes a été considérée par beaucoup comme une entreprise ambitieuse, dépassant tout ce qu'Alexandre avait jamais fait par le passé, mais le jeune roi avait compris que pour continuer sa marche à travers l'Inde, il devait vaincre le roi Poros. La marche initiale d'Alexandre à travers l'Inde se déroula de manière relativement incontestée, gagnant un certain nombre d'alliés en cours de route. Dans l'espoir d'éviter une bataille avec le roi indien, il envoya un agent à Poros pour trouver une solution pacifique, mais le fier roi refusa de payer un tribut, disant à Alexandre qu'il le rencontrerait sur le champ de bataille. Il était confiant, car il pensait que sa plus grande défense résidait dans le fleuve lui-même, large de plus d'un kilomètre, profond et avec beaucoup de courant (contrairement au Granique). À l'arrivée d'Alexandre, le fleuve serait encore gonflé par la mousson et la fonte des neiges de l'Himalaya.

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Timing de la bataille

Poros pensait et espérait qu'Alexandre devrait soit attendre la fin de la saison des moussons pour traverser, soit simplement abandonner sa quête et faire demi-tour. En prévision de l'arrivée des Macédoniens, il plaça son armée en position défensive le long du fleuve et attendit. Bien que les chiffres exacts varient, on estime que Poros disposait de 20 à 50 000 fantassins, de plus de 2 000 cavaliers, de plus de 200 éléphants et de plus de 300 chars. Comme dans les batailles précédentes, Alexandre devrait faire face à une armée plus nombreuse que la sienne, ce qui semble ne l'avoir jamais inquiété. Malheureusement pour Poros, il avait sous-estimé l'intelligence du jeune roi macédonien.

AFIN DE SE PRÉPARER À L'INÉVITABLE BATAILLE, ALEXANDRE AVAIT RASSEMBLÉ LE SOUTIEN DE NOMBREUX RAJAHS LOCAUX, DONT CELUI DE TAXILès.

Comme Poros l'avait prévu, Alexandre établit son camp juste en face de lui, sur la rive ouest de l'Hydaspe et donna l'impression qu'il attendrait la fin de la mousson, allant même jusqu'à faire envoyer d'importantes cargaisons de céréales par son allié indien, le roi Taxilès (également connu sous le nom d'Omphis). Mais, en réalité, il n'avait aucunement l'intention d'attendre. Afin de se préparer à l'inévitable bataille, il avait rassemblé le soutien de nombreux rajahs locaux, dont Taxilès - une démarche qui, comme Alexandre l'espérait, provoquerait la colère de Poros. Alexandre était également arrivé sur l'Hydaspe bien préparé. Avant de marcher vers l'Inde, il avait recruté des troupes supplémentaires dans de nombreux territoires perses qu'il avait conquis, les entraînant au style de combat macédonien - une initiative qui avait provoqué la colère des soldats macédoniens vétérans. Enfin, anticipant l'utilisation d'éléphants par Poros, il avait ajouté des archers à cheval scythes.

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Préparatifs

De l'autre côté du fleuve, Poros se préparait également et attendait avec son armée d'éléphants, de cavalerie, d'infanterie et de chars à six hommes. L'équipage de six hommes comprenait deux conducteurs de chars ou mahouts, deux porteurs de boucliers et deux archers. Porus pensait avoir l'avantage ultime; il lui suffisait de rester dans sa position défensive, de surveiller les meilleurs points de passage potentiels et de massacrer l'armée d'Alexandre à sa sortie du fleuve. Mais si les Macédoniens réussissaient à traverser, ils devraient affronter ses éléphants. Ce fut la première fois que des éléphants furent engagés contre les Occidentaux (bien que certains prétendent que des éléphants étaient présents à Gaugamèles) . Si l'utilisation des éléphants avait un côté positif (les chevaux les détestaient), ils paniquaient facilement et étaient difficiles à contrôler. Pourtant, Alexandre et d'autres - dont le grand carthaginois Hannibal - les utiliseront dans de futures batailles. Dans sa Vie d'Alexandre, l'historien Plutarque raconte l'arrivée d'Alexandre sur l'Hydaspe:

Il a raconté lui-même, dans une de ses lettres, ce qui se passa à la bataille contre Porus. Il y dit que l'Hydaspe séparait les deux camps; que Porus tenait toujours ses éléphants rangés de front sur l'autre rive pour défendre le passage; que, de son côté, il faisait faire tous les jours beaucoup de bruit et de tumulte dans son camp, afin que ses soldats, accoutumés aux cris des Barbares, n'en fussent plus surpris ...

Alexander the Great [Profile View]
Alexandre le Grand [Vue de profil]
Egisto Sani (CC BY-NC-SA)

Alexandre et son armée étaient installés de l'autre côté de l'Hydaspe, face à Poros, chaque roi étant bien visible pour l'autre. Se rendant compte qu'il pouvait y avoir des espions dans son camp, Alexandre dit à haute voix qu'il pouvait facilement attendre la fin de la saison des moussons avant d'engager le combat contre le roi indien. Pour appuyer sa vantardise, il construisit de nombreux feux de camp le long de son côté de la rivière, fit marcher ses hommes en formation, tout en cherchant un point de passage approprié. Par curiosité, Poros suivit d'abord ces mouvements avant de décider qu'il ne s'agissait que d'une diversion et d'arrêter, tout en continuant à surveiller les lieux de passage possibles. Dans son ouvrage Expédition d'Alexandre, l'historien Arrien évoque cette recherche d'un point de passage:

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À la vue de ces dispositions, Alexandre, pour tromper et inquiéter Porus sur les siennes, divisa aussi son armée en plusieurs corps sous de nouveaux commandants, qu'il jeta sur différents points, et qui devaient reconnaître les gués et ravager le pays ennemi....

Poros continuait d'espérer qu'Alexandre abandonnerait tout simplement et partirait. Certains historiens pensent que Poros n'était pas sûr de pouvoir vaincre les Macédoniens. Il allait bientôt avoir l'occasion de le découvrir. Après une longue et fastidieuse recherche, ils trouvèrent enfin un endroit approprié pour traverser, à environ dix-huit miles du camp macédonien, à un coude de la rivière - une zone fortement boisée qui serait l'endroit parfait pour s'abriter. Il était très tard et un terrible orage faisait rage, mais Alexandre et son armée étaient fin prêts.

La traversée du fleuve

Afin que Poros ne soit pas au courant de sa traversée, Alexandre laissa Cratère au camp avec une force suffisante et l'ordre de ne traverser lui-même que plus tard. Une histoire raconte qu'Alexandre laissa un soldat déguisé en roi pour confondre davantage Poros. Alexandre prit avec lui une partie de la cavalerie des Compagnons, les archers montés, et plusieurs unités d'infanterie sous les ordres d'Héphaestion, Perdiccas et Démétrios. La traversée devait se faire en trois vagues. Afin de traverser le fleuve en toute sécurité, Alexandre fabriqua des radeaux à partir de tentes et utilisa les trente galères et bateaux de sa traversée de l'Indus. Au total, il traversa avec environ 15 000 cavaliers et 11 000 fantassins. Malheureusement, la traversée ne se déroula pas aussi facilement qu'il l'avait espéré. Alexandre fut surpris de constater qu'au lieu d'atteindre la rive opposée, il débarqua sur une grande île au milieu du fleuve. De l'île à l'autre rive, ses hommes devraient traverser à gué. Bien entendu, les avis divergent sur la question de savoir si Alexandre était au courant de l'existence de l'île - il peut s'agir d'une erreur ou d'un acte délibéré. Beaucoup ne croient pas que l'existence d'une grande île aurait pu échapper à Alexandre.

Après avoir atteint le rivage à l'aube, Alexandre regroupa son armée en formation de combat et se prépara pour sa rencontre avec Poros. La cavalerie des Compagnons était postée devant l'infanterie (toute l'infanterie n'avait pas traversé car elle devait rejoindre Alexandre plus tard) tandis que les archers montés servaient d'écran défensif contre les éléphants devant la cavalerie car Alexandre était réticent à l'idée de faire avancer sa cavalerie sans protection. Des éclaireurs de Poros avaient déjà constaté le passage du Macédonien et informé le roi indien de l'arrivée d'Alexandre. Poros se prépara alors à riposter.

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La bataille

Dans une tentative futile de retarder Alexandre, Poros envoya son fils avec 3 000 cavaliers et 120 chars. Cette tentative fut un désastre pour Poros. Alexandre tua le fils et détruisit la cavalerie et les chars ; les quelques survivants s'enfuirent vers Poros. Arrien, qui, selon la plupart, possède le récit le plus précis de la bataille, aborde cet affrontement :

... Mais bientôt instruit par ses éclaireurs du nombre des Indiens, il pousse sur eux avec toute sa cavalerie; l'ennemi qu'il vient choquer, non en ordre de bataille, mais en masse, se débande; quatre cents hommes de la cavalerie indienne et le fils de Porus sont tués; on s'empare des chevaux et de tous les chars qui n'avaient pu être employés ...

Sans attendre le passage de l'infanterie supplémentaire, Alexandre avança de six miles vers le camp indien où il attendrait l'arrivée du reste de son infanterie. "Alexandre n'avait pas l'intention de faire cadeau aux troupes ennemies fraîches de ses propres hommes essoufflés et épuisés, aussi fit-il une pause avant de passer à l'attaque." (Arrien). La plupart des sources contemporaines étant perdues, les historiens ultérieurs ne sont pas d'accord sur les faits de la bataille. Cependant, ils sont d'accord sur la façon dont Poros se prépara à rencontrer l'armée macédonienne, en plaçant sa meilleure arme, les éléphants, sur sa ligne de front devant son infanterie. La cavalerie indienne était située sur les flancs droit et gauche, protégée par les chars à six hommes. Au centre, Poros chevauchait son éléphant.

Alexander the Great in Combat
Alexandre le Grand au combat
Warner Brothers (Copyright, fair use)

Comme lors de ses autres batailles en Grèce et en Perse, Alexandre s'appuya sur les mêmes techniques qui avaient fait leurs preuves. La plupart des sources s'accordent à dire qu'Alexandre, posté sur la droite, utilisa la cavalerie des Compagnons pour attaquer les flancs de Poros tandis que ses archers à cheval bombardaient de flèches les éléphants. Coénos, dont la position initiale est incertaine, attaqua le flanc droit de Poros tandis qu'Alexandre assaillit sa gauche. Dans une manœuvre défensive, Poros envoya sa cavalerie de droite pour faire demi-tour et aider sa gauche contre Alexandre. Ensuite, Poros, qui attendait l'aide de son allié le roi Abisares du Cachemire, envoya ses éléphants contre la phalange macédonienne. Lentement, l'infanterie se retira mais sans rompre les rangs alors que les archers à cheval attaquèrent avec un barrage de flèches. Malheureusement pour l'armée indienne, les éléphants paniquèrent et se révoltèrent, causant en fait plus de dégâts aux propres hommes de Poros qu'à ceux d'Alexandre. Arrien écrit :

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on voyait alors ces animaux, énormes se traîner languissamment comme une galère fracassée; ils poussaient de longs gémissements.
Les chevaux d'Alexandre ayant enveloppé l'ennemi, il fait donner la phalange; toute la cavalerie indienne est massacrée sur le champ de bataille la plus grande partie de l'infanterie y demeure, l'autre s'enfuit par un vide que laisse la cavalerie d'Alexandre.

Pendant ce temps, Coénos encercle les arrières de Poros et attaque son flanc gauche par derrière. L'armée de Poros s'enfuit directement vers Cratère qui avait déjà traversé le fleuve - 12 000 Indiens et 80 éléphants moururent contre seulement 1 000 Macédoniens.

Poros capturé et conséquences

Tout au long de la bataille, le roi Poros resta sur son éléphant, malgré de graves blessures, choqué de voir son armée s'enfuir mais toujours réticent à admettre la défaite et à se rendre. Alexandre s'approcha du roi fier et vaincu et lui demanda comment il voulait être traité - ce à quoi Poros répondit qu'il voulait être traité comme un roi. Alexandre respecta cette réponse et dit à Poros qu'il resterait roi et qu'il lui ferait allégeance. Plutarque écrit :

Porus s'approche avec une contenance assurée; sa physionomie n'est point abattue par sa disgrâce; héros, il vient trouver un héros; prince, il a défendu contre un autre ses États. Alors Alexandre : « Comment prétendez-vous que je vous traite ? - En roi. - Je le ferai pour moi-même ; à présent que puis-je faire pour vous? parlez. - J'ai tout dit ? - Je vous rends le pouvoir et votre royaume , et j'y ajouterai encore. » C'est ainsi qu'il traita en roi un prince généreux qui fut dans la suite son ami; le plus fidèle.

Depuis l'Hydaspe, Alexandre poursuivit sa route vers l'océan Indien. Malheureusement, cette dernière marche se fera sans son bien-aimé Bucéphale. Le grand cheval qui l'accompagnait depuis sa jeunesse était mort - apparemment de vieillesse (il avait plus de trente ans) ou de blessures de combat. Alexandre construira une ville en son honneur, Bucéphalie. Malheureusement, la marche d'Alexandre vers l'océan ne se fera pas sans difficultés. Son armée finit par gagner sa propre bataille contre son roi, le convainquant de rentrer chez lui. À propos de cette décision, Plutarque écrit : "Alexandre fut d'abord si affligé et si furieux de la réticence de ses hommes qu'il s'enferma dans sa tente et se jeta à terre... mais enfin, les persuasions raisonnables de ses amis et les cris et les lamentations de ses soldats... le persuadèrent de penser à rentrer". Alexandre retournera à Babylone où il mourra en 323 av. J.-C. Après sa mort, son vaste empire sera le théâtre d'une série de guerres de succession pendant les trois décennies suivantes.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Donald L. Wasson
Donald a enseigné l’histoire antique et médiévale ainsi que l’histoire des États-Unis à Lincoln College (Illinois). Éternel étudiant d’histoire depuis qu’il a découvert Alexandre le Grand, il met toute son énergie à transmettre son savoir à ses étudiants.

Citer cette ressource

Style APA

Wasson, D. L. (2014, février 26). Bataille de l'Hydaspe [Battle of Hydaspes]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-660/bataille-de-lhydaspe/

Style Chicago

Wasson, Donald L.. "Bataille de l'Hydaspe." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le février 26, 2014. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-660/bataille-de-lhydaspe/.

Style MLA

Wasson, Donald L.. "Bataille de l'Hydaspe." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 26 févr. 2014. Web. 18 avril 2024.

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