L. Mestrius Plutarchus, plus connu sous le nom de Plutarque, était un écrivain et philosophe grec qui vécut entre 45-50 et 120-125 de notre ère. Écrivain prodigieux et extrêmement influent, il est aujourd'hui surtout connu pour ses travaux biographiques dans ses Vies parallèles qui présentent une histoire divertissante de certains des personnages les plus importants de l'Antiquité.
Biographie
Plutarque vit le jour dans une ancienne famille aristocratique thébaine à Chéronée, en Grèce centrale, peu avant l'an 50 de notre ère. Son père s'appelait Autobulus et son grand-père Lamprias, et sont tous deux mentionnés dans son œuvre. Bien que Plutarque ait souvent visité Athènes, où il étudia la philosophie sous la direction d'Ammonius, et qu'il ait voyagé à Alexandrie en Égypte et en Italie, il vécut la première partie de sa vie à Chéronée, où il participa à la vie publique et occupa plusieurs postes de magistrat. Il épousa une femme nommée Timoxena avec laquelle il eut au moins cinq enfants. Dans la force de l'âge, Plutarque fut prêtre au site sacré de Delphes avec son célèbre oracle d'Apollon. On lui attribue le mérite d'avoir contribué au regain d'intérêt pour ces cultes antiques sous les règnes de Trajan et d'Hadrien. En effet, Plutarque supervisa les nouveaux projets de construction des deux empereurs à Delphes.
Plutarque fréquentait des cercles influents et comptait parmi ses amis les consuls C. Minicius Fundanus, L. Mestrius Florus (qui lui accorda la citoyenneté romaine) et Q. Sosius Senecio. Les Vies parallèles ont été dédiées à ce dernier. D'autres preuves de la proximité de Plutarque avec les échelons supérieurs de l'élite romaine sont l'octroi par Trajan du rare titre honorifique d'ornamenta consularia et sa nomination par Hadrien en tant que procurateur impérial en Achaïe. Plutarque transmit son expérience de la haute politique dans ses Préceptes pour les hommes d'État, un traité donnant des conseils aux jeunes aspirants fonctionnaires. Outre ces fonctions pratiques, Plutarque était également philosophe. Il adhérait aux principes platoniciens et enseignait lui-même la philosophie dans sa propre école à Chéronée.
Les œuvres de Plutarque
Plutarque était un écrivain prolifique qui devint de plus en plus productif à mesure qu'il vieillissait, mais, malheureusement, un grand nombre de ses œuvres ont été perdues. Une liste du IVe siècle, connue sous le nom de Catalogue de Lamprias, indique ce qui manque. On y trouve 227 ouvrages, dont des biographies et un ensemble éclectique d'écrits désignés collectivement sous le nom de Moralia. Ces derniers comprennent des ouvrages de rhétorique, de la philosophie morale, des descriptions religieuses et des discussions sur des sujets tels que la prophétie et l'au-delà. On y trouve également une discussion du Timée de Platon, ainsi que des critiques des écoles de philosophie stoïcienne et épicurienne. L'histoire n'est pas négligée non plus puisque Plutarque écrivit plusieurs ouvrages sur les pratiques religieuses anciennes dans les mondes grec et romain ainsi que des descriptions sur des sujets aussi variés que l'éducation et la musique. À tout cela s'ajoutent de nombreuses discussions et traités apparemment aléatoires, tels que Manuel des époux et Comment distinguer le flatteur de l'ami. Le catalogue de Lamprias n'est cependant pas complet, car certaines des 128 œuvres de l'écrivain qui ont survécu n'y figurent pas.
Les manuscrits qui subsistent comprennent 50 Vies. Des biographies de Plutarque sur les Césars (d'Auguste à Vitellius), hélas, seuls Galba et Othon ont survécu. Les autres textes absents notables écrits par Plutarque sont les biographies du poète lyrique grec Pindar et du grand général thébain Épaminondas. Néanmoins, les biographies qui subsistent constituent un matériel suffisant pour établir que Plutarque fut l'un des plus grands écrivains de l'Antiquité et une source historique essentielle sur certains des personnages les plus importants de l'histoire.
Plutarque a écrit dans un style riche en métaphores, et son œuvre a souvent une qualité personnelle et affectueuse, aidée par sa mention fréquente des membres de sa famille et de ses amis proches. En effet, Plutarque est souvent un orateur dans ses œuvres, en particulier celles sous forme de dialogue qui contiennent de longs discours et une caractérisation personnelle.
Vies parallèles
L'approche de Plutarque en matière de biographies consistait à prendre deux personnages historiques - l'un grec et l'autre romain - et à les présenter en comparaison parallèle, d'où leur titre collectif fréquent de Vies parallèles. Les deux biographies hautes en couleur étaient ensuite suivies d'une synkrisis ou comparaison finale plus austère. 23 paires ont survécu, 19 avec leur synkrisis. Parmi les exemples de couples, citons Alexandre et Jules César, Épaminondas et Scipion l'Africain (aujourd'hui perdu), et Démosthène et Cicéron. Comme la plupart des écrivains de l'Antiquité, Plutarque ne s'intéressa pas à un récit chronologique détaillé de la vie du sujet, mais chercha plutôt à en dégager les qualités et les défauts essentiels et à en dresser un portrait d'un point de vue moral. Comme le dit éloquemment le traducteur Ian Scott-Kilvert,
Plutarque a un sens infaillible du drame des hommes dans les grandes situations. Son regard embrasse un champ d'action humaine plus vaste que celui de n'importe quel historien classique. Il étudie la conduite des hommes à la guerre, au conseil, en amour, dans l'utilisation de l'argent... en religion, dans la famille, et il juge en homme de grande tolérance et de grande expérience. (11)
Les biographies sont donc, après un examen initial des années de formation et de l'éducation du sujet, une série d'anecdotes et d'incidents divertissants qui, selon Plutarque, illustrent le caractère de la personne, ses vertus et ses vices. Cette approche a, bien évidemment, frustré les historiens ultérieurs, car les informations de Plutarque pouvaient être fondées sur des faits, des expériences personnelles, des ouï-dire ou tout simplement des ragots.
Héritage
Il n'y a jamais vraiment eu d'époque où Plutarque ne fut pas lu. Ses œuvres, en particulier celles qui traitent de la philosophie et de l'éducation, continuèrent à être très appréciées et populaires dans l'Antiquité tardive par les érudits et les premiers chrétiens, à l'époque byzantine et à la Renaissance. Les récits de Plutarque sur les personnages historiques ont également été utilisés comme source d'information par un grand nombre d'écrivains ultérieurs, dont Shakespeare, Rousseau et Montaigne. Nous avons vu que l'approche éclectique de Plutarque en matière d'histoire a sapé l'estime des historiens modernes à son égard, mais il a fait un retour en force ces dernières années et est désormais reconnu comme une source précieuse qui donne un aperçu unique de la façon dont le monde classique était perçu de l'intérieur.
Vous trouverez ci-dessous une sélection d'extraits de l'œuvre de Plutarque.
Sur Thémistocle :
On vante encore l'intervention de Thémistocle à propos du traducteur adjoint aux gens envoyés par le Roi pour demander la terre et l'eau. Il fit appréhender et décréter la mort de cet interprète parce qu'il avait osé prêter la langue grecque aux injonctions des barbares.
Sur Périclès :
Bien conformé dans tous ses membres, l’enfant avait seulement la tête un peu oblongue et mal proportionnée. C’est pour cela sans doute que presque toutes les statues de Périclès ont le casque en tête : les sculpteurs auront craint de faire ressortir ce défaut.
Sur Alcibiade :
À la vérité, ses largesses envers le peuple, ses dépenses excessives pour donner à la ville des spectacles et des jeux dont on n'eût pu surpasser la magnificence; la gloire de ses ancêtres, le pouvoir de son éloquence, la beauté de sa personne, sa force de corps, son courage, son expérience dans la guerre, et tant d'autres qualités brillantes, faisaient supporter patiemment toutes ses fautes aux Athéniens, qui, toujours indulgents pour lui, les déguisaient sous des noms favorables, et les appelaient des traits de jeunesse, des écarts d'un bon naturel.
Sur Alexandre le Grand :
... il alla lui-même le voir. Diogène était couché au soleil ; et lorsqu'il vit venir à lui une foule si nombreuse, il se souleva un peu, et fixa ses regards sur Alexandre. Ce prince, après l'avoir salué, lui demanda s'il avait besoin de quelque chose : « Oui, lui répondit Diogène; ôte-toi un peu de mon soleil. » Alexandre, frappé de cette réponse et du mépris que Diogène lui témoignait, admira sa grandeur d'âme; et, comme ses officiers, en s'en retournant, se moquaient de Diogène : «Pour moi, leur dit ce prince, si je n'étais pas Alexandre, je voudrais être Diogène. ».
Sur Pyrrhus :
L'opinion générale à son sujet était que pour l'expérience guerrière, l'audace et la bravoure personnelle, il n'avait pas d'égal parmi les rois de son temps ; mais ce qu'il gagnait par les exploits de ses armes, il le perdait en se livrant à de vains espoirs, et par son désir obsessionnel de saisir ce qui se trouvait au-delà de sa portée, il échouait constamment à sécuriser ce qui s'y trouvait. C'est pourquoi Antigonus l'a comparé à un joueur de dés qui fait beaucoup de bons lancers, mais ne comprend pas comment les exploiter lorsqu'ils sont faits".