Murs Romains

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Victor Labate
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 31 août 2016
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Les nombreux murs romains encore visibles aujourd'hui dans toute l'Europe et la Méditerranée, qu'il s'agisse de murs défensifs comme le mur Servien (ou muraille Servienne) ou de murs de maisons et de monuments, nous en apprennent beaucoup sur l'évolution des techniques de construction romaines. Les murs romains sont passés de la pierre sèche et des briques séchées au soleil au début de la civilisation romaine à des murs construits avec un noyau en béton et un parement en briques au début de l'Empire. Ces murs fournissent également de nombreux indices sur l'histoire de la Rome antique et sur les différentes étapes de l'économie et de la société romaines.

Roman Opus Mixtum Wall
Mur romain de type Opus Mixtum
Mark Cartwright (CC BY-NC-SA)

Premiers murs romains

Murs en pierre

Les premiers murs romains étaient des murs de pierres sèches construits en plaçant des pierres de différentes tailles les unes sur les autres sans utiliser de mortier pour lier les pierres entre elles. Ces murs sont parfois appelés cyclopéens, en référence aux géants de la mythologie grecque, les cyclopes, qui étaient considérés comme les seuls capables de soulever des pierres d'un poids aussi énorme. L'évolution des techniques de taille de la pierre permit de construire avec des pierres de taille et de forme plus semblables et, au VIe siècle avant notre ère, les Romains mirent au point une méthode de construction des murs qui en augmentait la solidité, l'opus quadratum, décrite par l'auteur latin Vitruve dans son ouvrage De Architectura. Des blocs de pierre de même hauteur étaient posés en rangs parallèles, sans mortier, en alternant, sur la face du mur, le côté le plus long et le côté le plus court du bloc de pierre. Les Romains utilisaient des blocs de calcaire ou de tuf, qui étaient abondants à Rome et dans ses environs, par exemple dans des carrières comme celle de la Grotta Oscura.

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Murs en briques séchées au soleil

Avant l'invention du béton, les murs des maisons étaient construits avec des pierres ou des briques de terre séchées au soleil. La brique de boue séchée au soleil ou adobe est utilisée dans le monde entier depuis des milliers d'années. Elle est durable dans les climats secs et est connue pour ses excellentes propriétés d'isolation thermique. L'adobe est fabriqué en mélangeant de la terre (sable, limon et argile) avec de l'eau et une matière organique telle que de la paille ou du fumier, puis coupé en petites unités afin qu'il puisse sécher rapidement sans se fissurer. Afin de s'assurer que les murs ne se fissurent pas, des socles en pierre ou en moellons d'environ 35 cm de large pour les maisons à un étage et plus larges pour les maisons à deux étages étaient posés sur le sol en guise de fondations. Des briques de terre séchées au soleil étaient ensuite placées et collées avec de la boue.

Les murs sous la République et l'Empire

La révolution du béton

À la fin du IIIe siècle avant notre ère, les Romains révolutionnèrent la construction en inventant le béton. Le béton fut mis au point en expérimentant un type de construction en moellons mortifiés appelé opus caementicium. Il était fabriqué en ajoutant une poussière volcanique appelée pouzzolane à un mortier composé d'un mélange de morceaux de briques ou de roches, de chaux ou de gypse et d'eau. La pouzzolane, qui contient à la fois de la silice et de l'alumine, crée une réaction chimique qui renforce considérablement la cohésion du mortier. Le béton moderne est environ dix fois plus résistant que le béton romain, mais la pouzzolane contenue dans l'opus caementicium rendait le béton romain plus résistant aux éléments. Par exemple, des recherches récentes menées par des scientifiques américains et italiens ont montré que les ports romains de la Méditerranée construits en béton romain sont restés intacts après 2 000 ans de martelage constant par la mer, alors que le béton des ports modernes commence à s'éroder après seulement 50 ans d'exposition à l'eau de mer.

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City Wall of Stone & Opus Caementicium, Roman Empuries (Detail)
Muraille de pierre et Opus Caementicium, Empuries romaines (détail)
Mark Cartwright (CC BY-NC-SA)

Avec la découverte de l'opus caementicium, les Romains commencèrent à construire des murs en béton à un rythme beaucoup plus rapide que les constructions en pierre de taille. Les murs avaient un noyau intérieur constitué de caementa (pierres de la taille d'un poing) posées dans un mortier abondant et un parement en pierre ou en brique, ce qui rendait également les murs plus agréables à regarder. Le parement et le cœur du mur étaient posés et montés ensemble comme une seule unité, deux maçons travaillant de part et d'autre. Il existe plusieurs types de parements. L'Opus incertum, introduit vers la fin du IIIe siècle avant notre ère, était un parement constitué de petits blocs de pierre disposés de manière aléatoire. L'opus reticulatum, introduit vers la fin du IIe siècle avant notre ère, était un parement plus régulier, composé de blocs de tuf de forme carrée ou pyramidale disposés selon une grille diagonale. De nombreux spécialistes pensent que l'opus re ticulatum était un moyen plus efficace de construire des murs et qu'il nécessitait une main-d'œuvre moins qualifiée, les tâches pouvant être facilement divisées. L'apparition de la technique de l'opus reticulatum coïncide également avec l'augmentation du nombre d'esclaves.

Au cours du 1er siècle de notre ère, la technique de construction des murs en opus testaceum supplanta l'opus reticulatum. L'opus testaceum était un béton revêtu de briques plutôt que de tuf ou d'autres pierres. Au milieu du premier siècle de notre ère, la plupart des murs étaient principalement revêtus de petites briques de forme triangulaire. Le développement de l'industrie de la brique et le grand incendie de Rome en 64 de notre ère sous Néron, qui conduisit à la construction de structures résistantes au feu, furent des raisons de l'essor du parement en briques. L'opus mixtum est un autre type d'opus reticulatum et est une technique qui se répandit aux 1er et 2e siècles de notre ère. Dans la technique de l'opus mixtum, les panneaux de réticulatum sont séparés par des bandes de briques de parement. On pense que cette technique permettait d'économiser de la main d'œuvre et des briques, qui étaient relativement chères à l'époque. Le motif en bandes qui en résulte est visible dans de nombreux bâtiments du Bas-Empire et sur les murs de Constantinople. Le motif en bande fut également couramment utilisé dans l'Empire byzantin ultérieur et influença même la conception de cathédrales médiévales telles que la cathédrale d'Orvieto en Italie.

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Opus Reticulatum Wall, Pompeii
Mur de type Opus Reticulatum, Pompéi
Jensens (Public Domain)

Introduction des briques d'argile cuites

Les briques de terre séchées au soleil étaient beaucoup plus fragiles que les briques d'argile cuite et ne pouvaient être utilisées que pour des constructions plus petites. C'est pourquoi les constructions plus importantes, dépourvues de béton, nécessitaient des pierres ou des renforts en pierre. Ce n'est qu'à partir du règne d'Auguste (27 av. J.-C. - 14 ap. J.-C.) que les techniques inventées par les Grecs furent largement adoptées pour fabriquer des briques en terre cuite. Les briques de terre cuite étaient fabriquées à partir d'argile: l'argile devait être extraite de gisements, broyée, mélangée à de l'eau et façonnée sous forme de briques. Ces briques étaient séchées puis cuites dans une chambre à des températures avoisinant les 1 000 °C. Les briques d'argile, d'abord vertes, prenaient une couleur rouge-brun à mesure que les minéraux de fer naturellement contenus dans l'argile s'oxydaient.

Les Romains développèrent des techniques de fabrication de briques et les briques devinrent le principal matériau de construction au 1er siècle de notre ère pour les murs des maisons, les thermes romains et les monuments. En Italie, les briques servaient principalement de parement aux murs en béton, tandis que dans les provinces, elles pouvaient être utilisées comme matériau structurel principal du mur, avec des bandes de briques s'étendant sur toute l'épaisseur du mur. Contrairement à la croyance populaire, le marbre n'était pas courant à Rome. En fait, on ne le trouvait nulle part à proximité de Rome et il était donc rarement utilisé jusqu'au règne d'Auguste, le fondateur de l'Empire romain, qui déclara: "J'ai trouvé à Rome une ville de briques et je l'ai laissée une ville de marbre". Même à l'époque d'Auguste, le marbre n'était utilisé que comme revêtement des murs de quelques monuments tels que le temple de Vénus et la basilique Julia.

Roman Stamped Bricks
Briques estampillées romaines
Hartmann Linge (CC BY-SA)

Les briques romaines étaient plus longues et moins hautes que les briques modernes. Elles étaient fabriquées dans une grande variété de formes et de tailles (carrées, rectangulaires, triangulaires, rondes), les briques les plus longues mesurant plus de 90 cm de long. La taille de brique la plus courante était de 1,5 pied romain sur 1 pied (1 pied romain = 0,97 pied moderne ou environ 30 cm). Les légions romaines, qui apposaient leur marque sur les briques, diffusèrent également le savoir-faire de Rome en matière de fabrication de briques dans tout l'empire. Au début du IIe siècle de notre ère, les tampons des briques comportaient le nom des consuls pour l'année de production, ce qui permet aux archéologues de dater plus facilement une construction spécifique.

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Murs défensifs

Le mur Servien

Les Romains construisaient des murs massifs pour défendre leurs villes et parfois leurs camps militaires. La méthode de construction de ces murs changea au fur et à mesure de l'évolution des méthodes de construction. Au début, les murs étaient construits à l'aide de blocs de pierre massifs, irréguliers et bien ajustés, semblables aux murs construits par les Mycéniens. L'un des premiers murs défensifs importants est le mur Servien (11 km de long), nommé d'après le roi romain Servius Tullius et construit aux alentours du 6e siècle avant notre ère. Le mur avait une épaisseur de 3,6 m à la base et une hauteur pouvant atteindre 10 m. Il fut amélioré après le sac de Rome par les Gaulois au IVe siècle avant notre ère et s'avéra très efficace contre l'armée d'Hannibal pendant la deuxième guerre punique. Il fut construit à l'aide de grands blocs de tuf, facilement disponibles près de Rome, placés les uns sur les autres selon la technique de l'opus quadratum . Certaines sections du mur comportaient un fossé profond pour le rendre plus haut et d'autres sections comportaient des rampes de terre le long de l'intérieur du mur pour le rendre plus épais et servir de base aux soldats romains.

Les murs d'Aurélien

Au début de l'Empire, Rome se développa en dehors du périmètre du mur Servien et le mur fut progressivement supprimé au cours des trois premiers siècles de l'Empire, à mesure que le territoire et la puissance militaire de Rome s'accroissaient. Ce n'est que lors des invasions germaniques du IIIe siècle de notre ère que l'empereur Aurélien fit construire autour de Rome les murs d'Aurélien, d'une longueur de 19 km, qui englobaient une zone plus vaste que les précédents murs serviens. Ils comportaient une tour tous les 30 mètres environ et, au VIe siècle de notre ère, ils possédaient 383 tours, 18 portes principales et étaient équipés d'une panoplie d'armes défensives sophistiquées, dont des catapultes.

Hadrian's Wall
Mur d'Hadrien
zoonabar (CC BY)

Les murs frontaliers

Rome n'avait que quelques murs pour défendre ses frontières. Le mur d'Hadrien fut construit de 122 à 128 de notre ère sur la frontière picte pour protéger les frontières de la province romaine de Britannia. Il fut construit en utilisant uniquement des matériaux locaux, pas de béton qui nécessitait de grandes quantités d'eau, ni de briques qui ne pouvaient pas être produites localement en grandes quantités. Le mur avait un noyau de terre ou d'argile avec des pierres et était revêtu de grosses pierres dans un mortier doux. Il mesurait 117,5 km de long, de 3 à 6 m d'épaisseur et jusqu'à 6 m de haut. Le mur comportait un fort tous les cinq milles romains (7,5 km ou 4,7 miles) comprenant des garnisons d'infanterie et de cavalerie.

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Le mur d'Antonin fut construit de 142 à 154 de notre ère, plus au nord du mur d'Hadrien, principalement pour protéger la frontière contre les Calédoniens. Il mesurait environ 63 km de long, 5 m de large et 3 m de haut. Le mur avait des fondations en pierre, mais il était construit en gazon et non en pierre, ce qui explique qu'il soit à peine visible aujourd'hui. Il fut abandonné seulement huit ans après son achèvement en raison de son efficacité limitée.

Conclusion

L'évolution des techniques de construction s'accompagna de celle des méthodes de construction des murs. La construction des murs dans la Rome antique fut également influencée par des facteurs externes tels que la disponibilité des matériaux de construction et la facilité d'approvisionnement en esclaves ou en main-d'œuvre, comme dans le cas de nombreux murs défensifs construits par des soldats romains. Qu'il s'agisse de murs défensifs ou de murs pour des bâtiments ou des monuments, le grand nombre de murs romains antiques encore debout aujourd'hui nous offre de nombreuses informations sur l'histoire de la Rome antique et des preuves convaincantes de leur durabilité.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Victor Labate
Victor is an ancient history enthusiast currently residing in Greece and the owner of Romae Vitam, a website focused on ancient Roman history.

Citer cette ressource

Style APA

Labate, V. (2016, août 31). Murs Romains [Roman Walls]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-942/murs-romains/

Style Chicago

Labate, Victor. "Murs Romains." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le août 31, 2016. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-942/murs-romains/.

Style MLA

Labate, Victor. "Murs Romains." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 31 août 2016. Web. 31 oct. 2024.

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