Bellérophon

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Yves Palisse
publié le 27 mars 2020
X
translations icon
Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol
Bellerophon riding Pegasus and the Chimera (by Carole Raddato, CC BY-SA)
Bellérophon chevauchant Pégase et la Chimère
Carole Raddato (CC BY-SA)

Bellérophon (ou Bellérophontès) est un héros corinthien de la mythologie grecque, célèbre pour avoir vaincu la monstrueuse chimère, redoutable créature à la tête de lion, au corps de chèvre, à la queue de serpent et qui, en outre, crachait du feu. Bellérophon était le fils de Poséidon et il est aussi connu pour avoir dompté Pégase, le cheval ailé, cadeau de son père.

Au nombre de ses aventures se trouvent de fameux combats contre les féroces Solymes, les Amazones et les pirates cariens, toutes ces épreuves accomplies à la demande du roi Iobatès de Lycie. Puis, un jour, ayant perdu tout sens de la mesure, le héros enfourcha Pégase et, d'un seul bond de sa monture, se lança à l'assaut du ciel en une tentative aussi vaine que dérisoire de se joindre aux dieux sur le mont Olympe, mais Bellérophon fut précipité à terre et perdit la vie.

Supprimer la pub
Advertisement

Bellérophon et Pégase

Dans la mythologie grecque, Bellérophon était le fils de Poséidon, bien que sa paternité véritable soit généralement attribuée à Glaucos, ce qui fait de lui le petit-fils de Sisyphe, le roi de Corinthe puni par Zeus pour avoir défié les dieux et contraint de faire rouler sans fin une énorme pierre sur une colline du royaume d'Hadès, les enfers grecs. Selon Homère (c. 750 avant J.-C.), Bellérophon a davantage bénéficié de la faveur divine que son grand-père, car 'les dieux lui ont accordé la beauté et tout ce qu'il y a de beau dans la virilité' (l'Iliade, 6, 155). Le dieu de la mer offrit également à son fils un magnifique cadeau, Pégase, le cheval ailé né de la tête tranchée de la gorgone Méduse lorsqu'elle fut tuée par le héros Persée. Selon d'autres récits, Bellérophon aurait trouvé le cheval à la source sacrée de Pirène, près de Corinthe, et l'écrivain grec Hésiode (c. 700 avant notre ère) suggère que ce fait explique le nom de Pégase, qui dérive du mot grec pour l'’eau’ - pēgē. En domptant le cheval avec l'aide de la déesse Athéna, Bellérophon a pu monter Pégase et voler avec lui, une aptitude qui lui sera bien utile au cours de ses aventures ultérieures, et qui lui permettra de venir à bout de diverses créatures fantastiques. L'historien Robin Lane Fox note d'ailleurs que le nom même du héros indique sa carrière passée et future, le suffixe ‘phontès’ signifiant 'tueur'. On dit que Bellérophon avait tué un homme appelé Belléros, puis son propre frère Déliadès, ce qui explique pourquoi il dut quitter Corinthe pour se lancer dans une vie d’aventures à Tirynthe, ce qui le conduisit à commettre d'autres meurtres.

Bellérophon et la Chimère

MONTÉ SUR SON CHEVAL AILÉ PÉGASE, BELLÉROPHON RÉUSSIT DE CETTE FAÇON À SURVOLER LA CHIMÈRE ET AINSI À CRIBLER SON DOS DE FLÈCHES.

Bellérophon livra à la Chimère une bataille restée célèbre. Elle prit place après que le roi Proétos de Tirynthe se soit indigné suite aux accusations de Sthénébée (Antéia dans certaines versions), sa femme qui prétendait que Bellérophon avait tenté de la violer. Elle s'était éprise de notre héros, mais Bellérophon, en convive exemplaire ne souhaitant pas déshonorer son hôte, repoussa ses avances. Proétos crut les allégations de sa femme et mit Bellérophon au service de son beau-père (ou frère dans d'autres versions) Iobatès, roi de Lycie (dans la Turquie moderne). Proétos donna même à notre héros une tablette à remettre à Iobatès, sur laquelle étaient inscrites des instructions visant à se débarrasser de Bellérophon à la première occasion. Le libellé exact de cette missive mensongère était le suivant :

Supprimer la pub
Advertisement

‘Je te prie de retirer de ce monde le porteur de cette lettre. Il a essayé de violer ta fille qui est ma femme’.

Chimera, Corinthian Plate
Chimère, assiette corinthienne
Carole Raddato (CC BY-SA)

Iobatès accueillit d'abord son hôte avec tous les honneurs qui lui étaient dus, organisant une série de festins qui se prolongèrent neuf jours durant. Puis le roi demanda à voir la tablette de son gendre. Après avoir lu les instructions criminelles gravées dans la cire, Iobatès confia à notre héros la tâche incroyablement périlleuse de tuer la Chimère, une créature fantastique crachant du feu, dotée d'un corps de lion, d'une queue de serpent et d'une tête de chèvre sortant de son dos. Hésiode en fait la description suivante dans sa Théogonie :

[La] Chimère qui, exhalant des feux inextinguibles, monstre terrible, énorme, rapide, infatigable, portait trois têtes, la première d'un lion farouche, la seconde d'une chèvre, la troisième d'un dragon vigoureux. (319).

Cette étrange créature hybride était considérée comme la progéniture de Typhon, le monstre aux 100 têtes qui crachait du feu et émettait tous les sons du règne animal, et d'Echidna, le monstre mi-serpent, mi-femme qui donna également naissance à Cerbère, le chien à trois têtes qui gardait les portes des enfers. Dans d'autres versions, notamment dans l'Iliade d'Homère, c'est Amisodaros qui avait élevé la Chimère.

Supprimer la pub
Advertisement

Monté sur son cheval ailé Pégase, Bellérophon réussit de cette façon à survoler la Chimére et cribler son dos de flèches. Ainsi affaiblie, la Chimère trouva finalement la mort lorsque Bellérophon attacha un morceau de plomb à l'extrémité de sa lance et l'enfonça dans la bouche du monstre. Le souffle enflammé de la créature fit fondre le plomb qui se coula ensuite dans sa gorge et se solidifia dans ses organes vitaux.

Chimera, Black-Figure Amphora
Chimère, amphore à figures noires
Carole Raddato (CC BY-SA)

Interprétation du mythe de la Chimère

Il n'est pas impossible que le mythe de Bellérophon soit basé sur une certaine réalité historique. En effet, les flancs du mont Olympe, en Lycie, sont encore aujourd'hui enflammés par des jets de gaz naturel (le yanar en turc). En outre, il est tout à fait possible qu'un chasseur local ait effectivement tué un lion et un serpent problématiques, donnant ainsi naissance à la légende d'un tueur-héros où les animaux étaient réunis en un seul. Robin Lane Fox note également que la racine du mot feu dans les langues sémitiques était chmr. Cette créature de feu a-t-elle donné naissance à la Chimère ? Selon une autre théorie, la Chimère aurait représenté une ancienne déesse qui elle-même représentait l'année sacrée, divisée en trois parties, chacune ayant son propre symbole : un lion pour le printemps, une chèvre pour l'été et un serpent pour l'hiver. Bellérophon, qui représente les Grecs, peut également symboliser la conquête historique des anciens peuples cariens, qui vénéraient une déesse de la lune dont la Chimère était le symbole sur le calendrier. Enfin, l'apprivoisement de Pégase par Bellérophon pourrait bien refléter un autre aspect de la même histoire, le cheval étant un symbole de cette déesse de la lune.

Les Solymes, les Amazones et la mort du héros

Pour en revenir à la mythologie, lorsque Bellérophon revint triomphant à Iobatès, on lui demanda d'aller combattre les redoutables Solymes, un peuple tristement célèbre pour son amour de la guerre. Une fois de plus, Pégase permit au héros de survoler ses ennemis et cette fois, il les bombarda de gros rochers. Une fois de plus, Bellérophon revint en vainqueur, mais Iobatès lui confia une tâche apparemment impossible : combattre les Amazones, ces guerrières légendaires qui vivaient sur les rives de la mer Noire. Naturellement, le héros grec, toujours monté sur Pégase, l'emporta en utilisant la même stratégie que celle qu'il avait employée contre les Solymes. Pour sa quatrième tâche, Bellérophon devait vaincre une bande de pirates cariens dirigée par un certain Cheirmarrhus.

Supprimer la pub
Advertisement

Greek & Amazons, Frieze from Bassae
Combat des Grecs contre les Amazones, Frise du temple de Bassae
Carole Raddato (CC BY-SA)

La dernière action de Iobatès contre Bellérophon fut de mobiliser ses guerriers et de tendre une embuscade au puissant héros. Bellérophon les extermina, aidé par son père Poséidon qui inonda la plaine de Xanthie. Finalement, le roi, voyant que ce jeune homme était effectivement béni des dieux et croyant désormais sa version de l'histoire de Sthénébée, revint sur ses positions et le fit héritier de son royaume. De plus, le héros épousa la fille de Iobatès, Philonoé, et reçut de vastes domaines riches en vignes et en terres cultivables fertiles, en tout pas moins de la moitié du royaume. Bellérophon éleva ainsi trois enfants : Isandros, Hippoloque, et Laodamie (mère du héros guerrier Sarpédon).

Cependant, aveuglé par l'orgueil et persuadé de pouvoir voler suffisamment haut sur son coursier ailé pour prendre la place qui lui était due aux côtés des immortels sur le mont Olympe, Bellérophon fut désarçonné par Pégase et retomba brutalement sur terre. Zeus en son courroux avait envoyé un taon qui avait piqué l'arrière train du cheval fabuleux. La disparition du héros, décrit par Homère comme 'haï de tous les dieux', était un avertissement pour l'humanité sur les dangers de l'hybris (orgueil démesuré). Dans certaines versions de l'histoire, Bellérophon atterrit en toute sécurité en Cilicie (sud de la Turquie) où il fonda la ville de Tarse. Dans une troisième version, le héros devint infirme et erra sur la terre comme une âme en peine jusqu'à sa mort. Pendant ce temps Pégase poursuivit son vol et, lorsqu'il atteignit le mont Olympe, il fut chargé de transporter la réserve de foudre de Zeus avant d'être confié aux bons soins d'Eos, qui avait pour tâche de faire apparaître l'aube dans le ciel chaque jour.

Représentation dans les arts

Bellérophon, Pégase et la Chimère apparurent pour la première fois sur une céramique corinthienne du milieu du VIIe siècle avant notre ère. Tous trois sont représentés ensemble sur une assiette à figures rouges réalisée par le peintre Baltimore, originaire des Pouilles, dans le sud de l'Italie, et datant de la seconde moitié du IVe siècle avant notre ère, ce qui témoigne de la longévité de l'histoire dans l'art. La Chimère apparaît seule sur des céramiques corinthiennes du VIIe au VIe siècle avant J.-C. et sur des amphores à figures noires du VIe siècle avant J.-C. provenant du sud de l'Étrurie. La Chimère, comme Méduse, était également un motif décoratif courant dans l'art et l'architecture. Pégase, quant à lui, est apparu sur les pièces de Corinthe aux VIe et Ve siècles avant notre ère. Curieusement, il n'existe aucune représentation sur des céramiques grecques de Bellérophon combattant les Amazones ou les Solymes. L'histoire de Bellérophon était le thème principal de trois pièces de deux des grands auteurs de tragédie grecque, Sophocle (c. 496 - c. 406 avant J.-C. - Iobatès) et Euripide (c. 484 - 407 avant J.-C. - Sthénébée et Bellérophon), mais il ne reste de ces trois ouvrages au mieux qu'une ébauche ou des fragments.

Supprimer la pub
Advertisement

Bellérophon demeura très populaire auprès des artistes de la civilisation étrusque de l'Italie centrale (VIIIe-IIIe siècle avant J.-C.). L'une des plus célèbres sculptures étrusques en bronze est la Chimère d'Arezzo, qui date du Ve ou du IVe siècle avant notre ère. Aujourd'hui conservée au Musée archéologique national de Florence, cette créature grandeur nature mesure 78,5 cm de haut et 129 cm de long. Elle a été coulée en bronze, selon le procédé de la cire perdue. La tête de chèvre qui sort de son dos s'incline sur le côté à cause d'une plaie sanglante et une deuxième blessure est visible sur la patte arrière de la créature. Ces détails suggèrent fortement que la pièce faisait probablement partie d'une composition plus vaste comprenant Bellérophon et Pégase. Enfin, le mythe de Bellérophon et Pégase était un sujet populaire dans l'art romain - en particulier les camées en pierre semi-précieuse gravés et les mosaïques de sol - où le cheval ailé était devenu un symbole d'immortalité. Une magnifique mosaïque de Parundorf, datant du IIIe siècle de notre ère, montre un Bellérophon monté transperçant la chimère de sa lance dans une pose qui ressemble beaucoup aux futures représentations de Saint Georges terrassant le dragon.

Supprimer la pub
Publicité

Traducteur

Yves Palisse
Linguiste passionné d'Histoire, Yves P Palisse est un traducteur indépendant possédant des années d’expérience dans les domaines de la traduction, de l’analyse des médias et du service à la clientèle. Après avoir beaucoup voyagé dans toute l'Europe, Il a fini par poser ses bagages à londres en 1999. Il a une passion pour les sciences humaines, le droit et la justice sociale.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2020, mars 27). Bellérophon [Bellerophon]. (Y. Palisse, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-13510/bellerophon/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Bellérophon." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. modifié le mars 27, 2020. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-13510/bellerophon/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Bellérophon." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 27 mars 2020. Web. 19 avril 2024.

Adhésion