Dix Femmes Réputées Honorables ou Infâmes en Grèce Antique

Article

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 20 août 2014
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Disponible dans ces autres langues: anglais, grec, espagnol

Dans la Grèce antique, en dehors de Sparte, les femmes n'avaient pratiquement aucun droit et aucun pouvoir politique ou juridique. Malgré cela, certaines femmes brisèrent les restrictions sociales et culturelles pour laisser leur empreinte dans l'histoire. Toutes ces femmes le firent au prix de grands risques personnels et en défiant les normes culturelles de l'époque.

Il y avait, sans aucun doute, de nombreuses femmes remarquables dans la Grèce antique, mais les livres d'histoire sont généralement muets sur les réalisations des femmes. Selon l'universitaire et romancière Helena P. Schrader, c'est parce que:

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Hérodote et les autres historiens de la Grèce antique avaient plus tendance à mentionner les reines perses que les épouses de Grecs - non pas parce que les femmes perses étaient plus puissantes que leurs homologues grecques, mais parce que les Perses avaient plusieurs épouses, et qu'il était donc parfois utile de noter de laquelle d'entre elles une certaine figure perse était née. Comme les Grecs n'avaient qu'une seule épouse légitime, cette précision n'était pas nécessaire lorsqu'il s'agissait de citoyens grecs éminents. (1)

De temps à autre, cependant, certaines femmes accomplissaient des actes que les auteurs masculins de l'histoire ne pouvaient tout simplement pas ignorer. Des femmes comme la reine Gorgô de Sparte (c. 490 av. JC) et Aspasie de Milet (c. 470-410/400 av. JC) ont toujours été connues pour leurs propres réalisations et pour leur association avec des hommes célèbres comme le roi de Sparte Léonidas (r. 490-480 av. JC) et l'homme d'État athénien Périclès (495-429 av. JC), mais il y en eut beaucoup d'autres qui menèrent des vies intéressantes et accomplirent des actes héroïques mais qui restent méconnues de nos jours.

Aspasia Surrounded by Greek Philosophers
Aspasie entourée de philosophes grecs
Michel Corneille the Younger (Public Domain)

À l'exception des représentations dramatiques ou religieuses, les femmes étaient généralement absentes des récits des historiens de Grèce antique. La liste suivante, tout en omettant manifestement de nombreuses femmes d'importance durable, représente les quelques dont les réalisations ne pouvaient être ignorées par les historiens patriarcaux qui rapportèrent l'histoire de la Grèce antique. La philosophe Hypatie d'Alexandrie (c. 370 - 415 de notre ère) est omise de cette liste uniquement parce qu'elle vécut et travailla à Alexandrie, en Égypte, à une date plus tardive que les autres. La présente liste comprend :

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Chacune de ces femmes contribua de manière significative aux disciplines qui leur ont été associées par la suite ou à la culture en général, même si leurs noms ont, en grande partie, été perdus pour l'histoire.

Cyané de Scione

Cyané et son père plongèrent sous les navires perses et coupèrent leurs amarres, ce qui fit que ces navires dérivèrent, s'échouèrent ou endommagèrent d'autres navires.

Cyané de Scione (5e siècle av. JC) fut formée à la natation par son père, Scyllis de Scione, un instructeur de plongée et nageur expert qui enseignait l'art de la natation pour gagner sa vie. Il forma sa fille dès son plus jeune âge, et elle devint célèbre pour sa capacité à plonger en profondeur et à nager sur de longues distances. Lorsque les Perses envahirent la Grèce en 480 av. JC, ils mirent Athènes à sac et traversèrent le continent après avoir vaincu les Grecs aux Thermopyles.

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La marine perse chercha ensuite à détruire le reste des forces grecques lors de la bataille navale de Salamine. Si les Perses gagnaient à Salamine, la Grèce serait perdue. Cyané et son père plongèrent sous les navires perses et coupèrent leurs amarres, ce qui fit que ces navires dérivèrent, s'échouèrent ou endommagèrent d'autres navires. Cet exploit est encore plus impressionnant si l'on considère que, pour le réaliser, Cyané et Scyllis durent nager plus de 15 km dans une mer en pleine tempête. Leur histoire est rapportée par l'historien grec Pausanias dans sa Description de la Grèce, 10.19.1, et il raconte également que, pour leur héroïsme, des statues furent érigées en leur honneur à Delphes après la défaite perse.

Anytè de Tegée

Anytè de Tégée (IIIe siècle av. JC) est l'une des poétesses citées par Antipater de Thessalonique comme l'une des neuf muses terrestres (avec d'autres comme Sappho de Lesbos et Télésille d'Argos). Anytè fut parmi les premiers poètes grecs à mettre l'accent sur le monde naturel dans ses œuvres (par opposition aux sujets surnaturels tels que les dieux) et à écrire des épigrammes. Elle était surtout connue pour ses épitaphes, notamment celles des animaux.

Ce n'était cependant pas sa seule contribution artistique, et sa poésie était si impressionnante qu'elle était comparée dans la Grèce antique aux œuvres d'Homère. Ses épitaphes pour animaux domestiques étaient très populaires, et elle était très en demande pour les écrire. En voici un exemple pour un chien de compagnie:

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Tu es donc morte, ô Maera, près d'un buisson épais, jeune Locrienne, la plus rapide des chiennes aux voix aimées. Qu'il était subtil et funeste, le poison qu'injecta dans ta patte légère une vipère au cou tacheté!

Un autre poème est écrit comme une épitaphe pour une sauterelle et une cigale pour lesquelles une jeune fille a construit une tombe:

Myro a construit pour une sauterelle, rossignol des guérets, et pour une cigale prise sur un chêne, ce tombeau qu'elle a baigné de ses larmes ; la jeune fille est bien désolée, car l'implacable Hadès lui a ravi les deux objets de sa tendresse.

Les œuvres d'Anytè sont plus nombreuses que celles de toute autre femme poète grecque et sont toujours admirées comme elles l'étaient par ses contemporains. On pense qu'elle dirigea une école pour l'étude de la poésie dans le Péloponnèse, bien que l'endroit exact soit inconnu. Anytè fut ensuite associée à une légende selon laquelle elle aurait fait un rêve dans lequel le dieu de la guérison, Asclépios, lui aurait demandé de transmettre un message à un homme nommé Phalysius qui devenait aveugle.

Polymnia - Muse of Hymns
Polymnie - Muse de la réthorique
ChrisO (CC BY-SA)

À son réveil, elle trouva près de son lit une tablette scellée qu'elle n'avait jamais vue auparavant et, à ses propres frais, elle parcourut une longue distance pour la remettre à Phalysius. Ses yeux furent guéris et lorsqu'il ouvrit le message, il lui fut demandé de donner à Anytè 2 000 pièces d'or, ce qu'il s'empressa de faire. La véracité de cette histoire n'est pas aussi importante que le message qu'elle aurait transmis à ses auditeurs: lorsque les dieux nous disent de faire quelque chose, il faut le faire.

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Télésille d'Argos

Parmi les poètes cités avec Anytè dans la liste des muses terrestres d'Antipater figure Télésille d'Argos (Ve siècle avant JC) qui, bien que célèbre pour sa poésie, le devint davantage pour avoir défendu sa ville natale contre les envahisseurs spartiates en 494/493 av. JC. Après que Cléomène Ier de Sparte (r. vers 519 - 490 av. JC) eut décimé les forces argives à Sépéia et, plus tard, au sanctuaire d'Argos, il marcha sur la ville d'Argos. Télésille enleva les armes ornementales des temples de la ville, fit une razzia dans l'armurerie pour récupérer ce qui restait, et équipa une force de femmes de la ville avec des armes et des armures. Elle organisa ensuite la défense de la ville et partit à la rencontre des Spartiates, leur infligeant de lourdes pertes.

Cléomène reconnut qu'il était confronté à une situation impossible: s'il la battait, il n'aurait aucun honneur à massacrer des femmes, tandis que si elles le battaient, Sparte aurait été battue par une bande de jeunes filles; il retira donc prudemment son armée et Argos fut sauvée. Les historiens d'aujourd'hui débattent encore de la véracité de ce récit, mais il fut repris par de nombreuses sources antiques et est considéré comme tout à fait plausible par un certain nombre de chercheurs aujourd'hui.

Phryné de Thespies

Phryné de Thespies (l. c. 370-c. 316 av. JC) était une célèbre courtisane (hétaïre) d'Athènes, surtout connue pour le procès qu'elle gagna en dénudant ses seins. Son véritable nom était Mnésareté ("commémoration de la vertu"), mais elle était appelée Phryné ("crapaud") en raison du teint jaune de sa peau. Des auteurs antiques tels qu'Athénée firent l'éloge de son extraordinaire beauté, et elle servit de modèle à de nombreux artistes et sculpteurs d'Athènes, notamment en se faisant passer pour Aphrodite (on pense que la statue existante, Aphrodite de Cnide, fut modelée sur elle). Le procès portait sur l'accusation d'impiété, et il fut suggéré que, quoi que Phryné ait fait, cela avait quelque chose à voir avec les mystères éleusiniens (rites d'initiation pour le culte de Déméter et de Perséphone). Il se pourrait, comme Alcibiade, qu'elle ait pris le Kykéon sacré (boisson potentiellement psychoactive) lors d'une fête privée avec des amis, mais ce n'est qu'une conjecture (bien que, semble-t-il, cela corresponde bien au personnage).

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Son amant Hypéride, un célèbre orateur, la défendit au tribunal et parla avec éloquence, mais il semblait que les juges allaient la condamner. C'est alors qu'Hypéride eut l'idée de déshabiller Phryné, et les juges furent si touchés par sa beauté qu'elle fut acquittée. La véracité de cette histoire, comme celle de la défense d'Argos par Télésille, est débattue depuis des siècles. Certains affirment que le plus ancien récit du procès ne mentionne pas le déshabillage de Phryné et qu'il s'agit d'une invention ultérieure créée pour se moquer du tribunal athénien; d'autres prétendent que c'est Phryné elle-même, et non Hypéride, qui retira ses vêtements et qu'elle détacha également ses cheveux pour se montrer sous les traits d'Aphrodite.

Quoi qu'il en soit, elle fut acquittée et continua à mener une vie de luxe en tant que l'une des femmes les plus belles et les plus recherchées d'Athènes. Elle devint assez riche pour vivre comme elle l'entendait et proposa même de reconstruire les murs de Thèbes, qu'Alexandre le Grand avait détruits, si le peuple consentait à son inscription : "Détruit par Alexandre, restauré par Phryné la courtisane", mais les Thébains refusèrent son offre.

Aphrodite of Knidos
Aphrodite de Cnide
Marie-Lan Nguyen (Public Domain)

Arété de Cyrène

Arété de Cyrène (IVe siècle av. JC) était une philosophe de l'école cyrénaïque et la fille du philosophe hédoniste Aristippe de Cyrène (c.435-356 av. JC) qui grandit sous l'influence de ses enseignements. Les historiens ne s'accordent pas sur la question de savoir si c'est Aristippe ou son petit-fils du même nom qui fonda l'école cyrénaïque, mais comme les sources antiques affirment qu'Arété reprit l'école à la mort d'Aristippe, il semblerait que ce soit le premier.

Arété de Cyrène aurait écrit plus de 40 livres dont aucun n'a survécu jusqu'à nos jours.

Tout comme son père, elle aurait adhéré à la philosophie "Je possède, je ne suis pas possédée", ce qui signifiait que l'on pouvait posséder autant de biens matériels que l'on voulait tant que sa vie n'était pas contrôlée par ces possessions. On peut, par exemple, avoir une maison et de nombreux beaux objets qui la meublent et l'ornent, mais il faut reconnaître que ces choses sont des possessions qui ont peut-être appartenu à quelqu'un d'autre et qui appartiendront certainement à quelqu'un d'autre après sa mort ou un changement de situation.

Il convient donc de rechercher le plaisir et de profiter des choses de ce monde sans pour autant laisser ces choses contrôler sa vie et sa liberté de mouvement. Arété de Cyrène aurait écrit plus de 40 livres dont aucun n'a survécu jusqu'à nos jours. Elle semble également avoir été une mère célibataire qui éleva Aristippe le Jeune dans la philosophie hédoniste et le scolarisa à domicile. Il prendra plus tard la direction de l'école cyrénaïque après la mort d'Arété.

Hipparchia de Maronée

Une autre femme philosophe était Hipparchia de Maronée (c. 320 - 280 av. JC), dont la vie et les enseignements austères contrastaient totalement avec l'hédonisme d'Arété de Cyrène. Hipparchia arriva à Athènes à l'adolescence avec sa famille et tomba amoureuse du philosophe cynique Cratès de Thèbes (c. 360 - 280 av. JC) qui y vivait. Son frère, Métroclès (c. 4e siècle av. JC), était l'un des étudiants de Cratès et les présenta l'un à l'autre. Hipparchia était attirée par la simplicité du style de vie cynique, qui mettait l'accent sur l'honnêteté totale, l'indépendance, le rejet du luxe et du plaisir, et la vie en accord avec la nature.

Hipparchia s'attacha si profondément à Cratès qu'elle rejeta les prétendants que ses parents encourageaient et déclara qu'elle épouserait Cratès ou se donnerait la mort. Cratès était, à cette époque, un homme âgé, et ses parents lui demandèrent de convaincre Hipparchia d'épouser quelqu'un de son âge et de vivre une vie plus traditionnelle. Cratès se serait déshabillé devant Hipparchia et lui aurait dit : "Voici l'époux et voici ses biens - choisis en conséquence", ce qui ne fit que renforcer l'amour qu'Hipparchia éprouvait pour lui.

Fresco of Hipparchia & Crates
Fresque d'Hipparchia et Cratès
Unknown (Public Domain)

Ils consommèrent le mariage en public sur le porche d'un immeuble du centre d'Athènes. Cela correspondait à la philosophie cynique selon laquelle il fallait faire sans vergogne en public ce que l'on faisait en privé, car s'il n'y avait rien de mal à ce que l'on faisait, il n'y avait pas de honte à le faire devant les autres. Elle portait des vêtements d'homme et voyageait et enseignait avec Cratès; elle lui donna deux enfants.

À sa mort, elle reprit peut-être l'enseignement de ses étudiants à Athènes et aurait écrit un certain nombre de livres qui n'existent plus. Elle est la seule femme philosophe à figurer en détail dans l'ouvrage de Diogène Laërce intitulé Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres (IIIe siècle de notre ère), aux côtés d'hommes comme Socrate et Platon.

Timycha de Sparte

Timycha de Sparte (IVe siècle av. JC) était une autre femme philosophe qui voyageait avec son mari, Myllias de Crotone, et un groupe de pythagoriciens. Elle devint un symbole de courage face à l'adversité. La philosophie de Pythagore mettait l'accent sur l'immortalité de l'âme et le caractère sacré de la vie. Les pythagoriciens étaient donc de stricts végétariens, mais il leur était interdit de manger des haricots. La raison précise de cette interdiction n'est pas claire, mais on pense qu'ils croyaient peut-être que la forme du haricot, en particulier de la fève, servait de conduit pour le retour des âmes sur terre.

La réincarnation (connue par eux sous le nom de transmigration des âmes) était une croyance fondamentale des pythagoriciens, et l'on pensait que les âmes des vivants revenaient des enfers par la terre et, en particulier, par les champs de haricots. Cette connaissance, comme la plupart des enseignements de Pythagore, était réservée aux seuls initiés aux mystères et ne devait pas être révélée à n'importe qui. Un jour, Timycha (qui était enceinte de six mois à l'époque) et sa bande de philosophes furent invités à la cour de Denys l'Ancien pour discuter de leur philosophie mais, suivant les principes de leur croyance, ils rejetèrent l'invitation du tyran parce qu'ils ne croyaient pas que ses intentions étaient honnêtes.

Denys, insulté, envoya certains de ses soldats pour les amener de force à la cour. Les philosophes auraient pu facilement s'échapper en courant à travers un champ de haricots voisin mais, en raison de leurs croyances religieuses, ils ne purent le faire et furent donc tous tués en résistant aux soldats, à l'exception de Timycha et Myllias. Eux deux furent capturés et amenés devant Denys. Il fut intrigué d'apprendre qu'ils avaient refusé d'entrer dans le champ de haricots pour s'échapper et interrogea Timycha à plusieurs reprises. Comme elle ne voulait pas lui répondre, il la fit torturer, puis la ramena devant lui. On dit qu'elle se mordit la langue et la cracha à ses pieds en signe de défi. On ignore ce qu'il advint d'elle et de Myllias après cet incident, mais il est fort probable qu'ils furent exécutés. Elle était citée par les pythagoriciens ultérieurs comme un modèle de courage et une martyre pour la cause.

Philénis de Samos

Philénis de Samos (IVe siècle av. JC) était une courtisane devenue célèbre pour avoir écrit un manuel sur les positions sexuelles lesbiennes et l'étiquette à respecter pour faire la cour à un membre du même sexe ou du sexe opposé. Son œuvre n'existe plus, mais elle est citée par des auteurs ultérieurs. Le terme "lesbienne" pour désigner une femme homosexuelle n'existait pas dans l'Antiquité et n'apparut que plus tard, lorsque les gens commencèrent à identifier les femmes homosexuelles à Sappho, de l'île de Lesbos, en raison de ses poèmes d'amour intimes orientés vers les femmes (bien qu'en fait, il n'existe aucune autre preuve que Sappho était homosexuelle).

Sappho of Lesbos, Smyrna
Sappho de Lesbos, Smyrne
Carole Raddato (CC BY-SA)

À l'époque de Philénis, une femme homosexuelle était connue sous le nom de tribade (du mot "tribo" signifiant "se frotter", en référence à l'activité sexuelle des femmes entre elles). On dit que son ouvrage couvrait les meilleures positions sexuelles, les parfums, les cosmétiques, les moyens de provoquer des avortements, l'art du baiser et l'art de la séduction, y compris la façon de faire des passes réussies.

Écrit dans le style des Histoires d'Hérodote - une sorte d'Histoire du sexe - son livre fut très populaire et largement lu, même si les gens semblent l'avoir publiquement condamné. Leur désapprobation avait moins à voir avec le sujet traité qu'avec le fait qu'une femme l'ait écrit. L'écrivain Vicki Leon, auteur de Uppity Women in Ancient Times, écrit :

N'est-ce pas toujours le cas: l'annuaire avec votre photo ringarde survit pendant des décennies, mais les lettres d'amour sont jetées! C'était la même chose dans l'Antiquité: nous avons des quantités de documents ennuyeux provenant de dizaines de philosophes masculins. Mais qu'en est-il des œuvres de l'écrivaine érotique Philénis ? Rien du tout. Et c'est bien dommage, car elle s'est fait connaître en écrivant le premier livre illustré sur la sexualité lesbienne - en vers, qui plus est. (185)

Agnodice d'Athènes

L'œuvre de Philénis fut peut-être considérée comme scandaleuse à l'époque, mais pas autant que la vie d'Agnodice (4e siècle av. JC), qui fut la première femme médecin de l'Athènes antique et dont le défi à la profession dominée par les hommes changea les lois concernant les femmes pratiquant la médecine. Les femmes avaient toujours été autorisées à exercer les services de sage-femme et pouvaient même assister les patients, jusqu'à ce qu'il ait été dit qu'elles aidaient leurs patientes à se faire avorter. Après cela, les femmes ne furent plus autorisées à pratiquer la médecine, et la peine encourue était la mort.

Agnodice se coupa les cheveux et se déguisa en homme pour étudier la médecine. Elle voyagea même en Égypte, où les femmes étaient mieux considérées et pouvaient être médecins, afin d'apprendre son métier. Toujours déguisée en homme, elle retourna à Athènes et commença à soigner les gens. Elle devint si populaire auprès des patientes (qui savaient qu'elle était une femme) qu'elle fut accusée par un groupe d'hommes (qui pensaient qu'elle était un homme) de les séduire. Elle fut jugée à l'Aréopage et, en se défendant contre cette accusation, révéla qu'elle était une femme. Les hommes la menacèrent alors d'exécution pour avoir enfreint la loi en pratiquant la médecine tout en se faisant passer pour un homme.

Agnodice
Agnodice d'Athènes
Missvain (Public Domain)

Elle fut sauvée par ses patientes qui poussèrent le tribunal à l'acquitter. Il semble qu'elles aient souligné qu'Agnodice exerçait la médecine avec succès depuis un certain temps déjà et que les médecins masculins étaient simplement jaloux. Après son procès, les lois furent modifiées afin que les femmes puissent pratiquer la médecine au même titre que les hommes.

Thargélie de Miletus

Une autre femme remarquable était la courtisane Thargélie de Miletus qui, selon Athénée, était remarquablement belle, intelligente et charmante. Elle se maria 14 fois dans sa vie, bien que la raison et la durée de ces unions n'aient pas été notées pour la postérité. Elle était une Grecque pro-persane dans une culture anti-persane et, selon Plutarque, elle réussit à convaincre de nombreux hommes influents de prendre sérieusement la cause perse en considération à l'époque où la Perse s'apprêtait à conquérir la Grèce (480 av. JC).

Elle devint donc connue comme une conspiratrice et une ennemie des partisans de la liberté grecque, et son nom fut ensuite synonyme de "traîtresse".

Elle était si séduisante que, toujours selon Plutarque, aucun homme ne pouvait lui résister et elle était capable de tirer d'eux des informations qu'elle transmettait ensuite aux Perses. Elle devint donc connue comme une conspiratrice et une ennemie des partisans de la liberté grecque, et son nom fut ensuite synonyme de "traîtresse", de la même manière que le nom de Benedict Arnold l'est de nos jours aux États-Unis d'Amérique.

Elle vivait en Thessalie et avait de nombreux clients et, par leur intermédiaire, elle répandit le programme perse dans toute la région. Elle était l'antithèse de femmes comme Cyané de Scione ou Gorgô de Sparte qui risquèrent leur vie ou perdirent leur mari pour la cause grecque. Dans le même temps, il convient de noter que de nombreux Grecs étaient favorables à la domination perse, car elle semblait plus stable que les querelles et les combats incessants entre les cités-États grecques, et ce n'est donc pas comme si Thargélie avait fait cavalier seul à l'époque.

Conclusion

Il y a beaucoup d'autres femmes remarquables dans les histoires anciennes de la Grèce qui sont également mentionnées par les écrivains de leur temps. L'athlète Phereniki, femme entraîneur aux Jeux Olympiques par exemple qui se déguisa en homme afin d'entraîner ses fils et la princesse spartiate Cynisca qui engagea des hommes pour conduire les chars tirés par les chevaux qu'elle avait entraînés, devenant ainsi la première femme à gagner aux Jeux olympiques.

Certaines femmes purent s'élever au-dessus des restrictions que la société leur imposait (comme dans le cas d'Arété ou de Télésille) et d'autres purent travailler au sein du système pour vivre comme elles le souhaitaient (comme Phryné et Thargélie). Bien que les historiens de l'Antiquité aient choisi de ne pas s'attarder sur les réalisations des femmes, ces dernières eurent un tel impact sur leur société qu'il était impossible de les ignorer.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2014, août 20). Dix Femmes Réputées Honorables ou Infâmes en Grèce Antique [Ten Noble and Notorious Women of Ancient Greece]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-737/dix-femmes-reputees-honorables-ou-infames-en-grece/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Dix Femmes Réputées Honorables ou Infâmes en Grèce Antique." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le août 20, 2014. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-737/dix-femmes-reputees-honorables-ou-infames-en-grece/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Dix Femmes Réputées Honorables ou Infâmes en Grèce Antique." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 20 août 2014. Web. 25 avril 2024.

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