Aristippe de Cyrène

Définition

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 16 août 2014
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Disponible dans ces autres langues: anglais
Aristippus of Cyrene (by Pasicles, Public Domain)
Aristippe de Cyrène
Pasicles (Public Domain)

Aristippe de Cyrène (c. 435-356 av. J.-C.) était un philosophe grec hédoniste, l'un des élèves de Socrate et le fondateur de l'école de philosophie de Cyrène, qui enseignait que le plaisir et la recherche du plaisir étaient le bien suprême et la voie la plus noble à laquelle on pouvait se consacrer.

Il étudia auprès de Socrate (c. 470/469 - 399 av. J.-C.) et aux côtés d'autres élèves tels que Platon (c. 428/427 - 348/347 av. J.-C.), Xénophon (430 - c. 354 av. J.-C.), Antisthène d'Athènes (c. 445 - 365 av. J.-C.) et Phédon d'Elis (c. 4e siècle avant J.-C.). Aristippe fut le premier élève de Socrate à demander des honoraires pour enseigner et, comme Socrate n'avait pas demandé d'honoraires, cela, ainsi que l'accusation d'avoir trahi la philosophie de Socrate, créa une friction à vie entre Aristippe et les autres disciples de Socrate.

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Puisqu'il croyait et enseignait que le sens de la vie était le plaisir, ce qui était en contradiction avec l'orientation des autres écoles (en particulier celle de Platon), il semble avoir été une sorte de paria parmi eux. Il est difficile de comprendre, à première vue, comment Aristippe avait pu être un élève de Socrate, tant leurs philosophies semblent différentes. Cependant, la phrase la plus célèbre d'Aristippe, "Je possède, je ne suis pas possédé", est tout à fait conforme à la vision de la vie de Socrate telle qu'elle est présentée par Platon et Xénophon, les deux principales sources sur la vie de Socrate. Comme Aristippe, Socrate n'avait aucun problème à apprécier un festin, une fête ou une beuverie, mais il pouvait tout aussi bien s'en passer.

La philosophie d'Aristippe

Platon présente Socrate comme un homme qui aimait souvent boire du vin mais qui ne s'enivrait jamais, qui assistait à des fêtes mais qui n'avait jamais l'argent pour en organiser une lui-même, et qui semble avoir vécu principalement - du moins dans les dernières années de sa vie - des dons en argent de ses amis et admirateurs. Xénophon ne contredit Platon sur aucun de ces points. Bien que Socrate ne puisse en aucun cas être considéré comme un hédoniste, il est assez facile de comprendre comment un jeune disciple de Socrate put en arriver à la conclusion que profiter des choses que l'argent pouvait acheter, sans devenir esclave de l'argent avec lequel on achetait ces choses, semblait une philosophie valable. De plus, l'habitude qu'avait Socrate de boire beaucoup, sans jamais paraître ivre ni essayer d'acquérir plus de vin, serait conforme à la philosophie d'Aristippe, qui consiste à posséder, ou à jouir, de quelque chose sans être possédé par cette chose.

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Aristippe affirmait que la plus haute vérité que l'on puisse atteindre était de reconnaître que le plaisir était le but de l'existence humaine.

Alors que Socrate recherchait la vérité et la compréhension, Aristippe simplifiait l'enseignement de son maître en affirmant que la plus haute vérité que l'on puisse atteindre était de reconnaître que le plaisir était le but de l'existence humaine et que la recherche du plaisir était le sens de la vie. En cela, et dans son mépris pour ceux qui compliquent les choses en y réfléchissant de manière trop précise, il serait un esprit proche du philosophe hédoniste chinois Yang Zhu (440-360 av. J.-C.) qui affirmait que les préoccupations concernant le "bien" et le "mal" étaient une perte de temps parce qu'il n'y avait pas de dieu, pas de vie après la mort, et pas de récompense pour souffrir inutilement en se reniant soi-même alors qu'on pourrait tout aussi bien, et de manière plus sensée, profiter de la vie dans le présent.

Le dialogue de Platon, Phédon, décrit le dernier jour de la vie de Socrate, lorsque ses disciples viennent lui rendre visite dans sa cellule de prison à Athènes et qu'ils ont leur dernière discussion philosophique. Le dialogue commence par la rencontre du philosophe pythagoricien Échécrate avec Phédon, l'élève de Socrate (qui était présent à la prison et qui a assisté à la mort de Socrate), et lui demande de raconter l'expérience vécue dans la prison le dernier jour. Phédon énumère ceux qui étaient présents et Échécrate demande : "Mais Aristippe et Cléombrote, étaient-ils présents ?" Ce à quoi Phédon répond : "Non, ils ne l'étaient pas. On a dit qu'ils étaient à Égine" (59c). L'île d'Égine étant connue comme un lieu de villégiature, Platon savait certainement ce qu'il faisait en y plaçant le philosophe hédoniste au lieu d'assister aux dernières heures de Socrate.

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On ne sait pas si le Cléombrote mentionné dans le Phédon est le même homme dont Callimaque dit qu'il se jeta dans la mort après avoir lu la description que fait Platon de la vie après la mort et du voyage de l'âme dans le dialogue du Phédon, mais si Cléombrote était avec Aristippe à Égine, on peut supposer sans risque qu'ils n'étaient pas là en train de tenir un discours philosophique, tel que Platon l'aurait défini, mais qu'ils recherchaient le plaisir.

Comme Platon n'appréciait guère Aristippe (comme, semble-t-il, il n'appréciait pas la plupart des autres disciples de Socrate, ce qui était réciproque), la phrase faisant référence à la préférence d'Aristippe pour le plaisir à Égine plutôt que pour une conversation philosophique dans une cellule de prison athénienne aurait été voulue par Platon pour montrer à quel point Aristippe et sa philosophie étaient superficiels. L'écrivain antique Diogène Laërce (3e siècle de notre ère) mentionne le coup de gueule de Platon contre Aristippe dans le Livre sur l'âme de Platon , surnom donné au Phédon.

Socrates' Prison
Prison de Socrate
Jasmine Sahu (CC BY-NC-SA)

Malgré tout, Aristippe, comme Socrate, concentrait son attention sur l'éthique pratique ; la question "Qu'est-ce que le bien ?" était au premier plan de son système de croyances. Les valeurs que les humains qualifient de "bien" ou de "mal" sont réductibles au plaisir et à la douleur ; la satisfaction de soi est donc un grand bien, tandis que la retenue, face à un plaisir certain, serait mauvaise. Pourtant, Aristippe soutenait qu'il ne fallait pas se laisser posséder par les choses qui procurent du plaisir.

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Selon Diogène Laërce, lorsqu'on a reproché à Aristippe de maintenir une maîtresse très coûteuse nommée Lais, il aurait répondu : "C'est moi qui ai Lais, pas elle". Il n'y avait donc rien de mal à profiter de ce que l'on voulait, tant que l'on connaissait la valeur ultime de cette chose ou de cette personne et que l'on ne confondait pas cette valeur avec sa propre liberté personnelle. Selon Aristippe, on ne doit jamais échanger sa liberté contre quoi que ce soit. La retenue et la satisfaction personnelle sont donc d'égale valeur pour préserver sa liberté personnelle tout en recherchant le bien de la vie : le plaisir.

Aristippe à la cour

Aristippe vivait à la cour du tyran Denys Ier de Syracuse (r. de 432 à 367 av. J.-C.) ou, peut-être, de son fils Denys le Jeune (r. de 397 à 343 av. J.-C.) où il était grassement payé pour son enseignement et ses écrits. Lorsqu'il arriva pour la première fois au palais, Denys lui demanda ce qu'il faisait là et il aurait répondu : "Quand je voulais la sagesse, je suis allé voir Socrate ; mais maintenant que je veux de l'argent, je suis venu te voir." L'incertitude quant à savoir avec quel roi Aristippe vivait est due au fait que les sources primaires font référence à "Denys" sans préciser s'il s'agit du père ou du fils, et comme leurs personnalités étaient similaires, cela pourrait être l'un ou l'autre. Platon avait tenté de faire de Denys le Jeune son Roi Philosophe et avait échoué. Ainsi, si Aristippe servait ce roi, cela expliquerait davantage l'inimitié de Platon envers Aristippe (même si aucune autre explication n'est nécessaire que la philosophie du plaisir d'Aristippe). Diogène Laërce nous dit que

Aristippe savait se faire aux temps, aux lieux et aux personnes; il était l’homme de toutes les situations. Aussi Denys avait-il pour lui une affection toute particulière, parce qu’il s’accommodait de tout, prenant le plaisir quand il se présentait, sans se donner jamais la peine de le poursuivre. (III)

Sa position à la cour était essentiellement celle d'un "sage" ou d'un "conseiller" mais, selon les rapports anciens, il semble avoir passé une grande partie de son temps à s'amuser aux dépens de Denys. Diogène Laërce en donne une illustration :

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Comme il demandait de l’argent à Denys, celui-ci lui dit: « Ne m’as-tu pas déclaré que le sage ne manquait jamais de rien ? — Donne toujours, reprit-il, et nous verrons cela ensuite. » Puis, lorsqu’il eut obtenu, il ajouta : « Tu vois bien que je ne manque de rien. ». (IV)

Il vivait apparemment très luxueusement à la cour où, parmi ses élèves, il enseignait à sa fille Arété l'hédonisme philosophique. Celle-ci, à son tour, transmit son enseignement à son fils, Aristippe-le-jeune (également connu sous le nom d'Aristippe-la-mère-enseignante parce qu'il avait été élevé par sa mère seule), qui formalisa les enseignements dans ses propres écrits. Les enseignements d'Aristippe et de son école cyrénaïque influenceraient plus tard la pensée d'Épicure et sa philosophie concernant la primauté du plaisir dans la compréhension du sens ultime de la vie.

Diogenes Laërtius: Lives and Opinions of Eminent Philosophers
Vies et doctrines des philosophes de l'Antiquité, Diogène Laërce
unknown (Public Domain)

Écrits et vie ultérieure d'Aristippe

Selon certaines sources antiques, Aristippe écrivit de nombreux livres et, selon d'autres, aucun. La principale source d'anecdotes concernant sa vie est Diogène Laërce qui fut critiqué pour ne pas citer ses sources mais qui mentionne les œuvres écrites d'Aristippe dans le même passage où il dit qu'il n'avait rien écrit. L'une des œuvres qui lui est attribuée est À ceux qui lui reprochent le luxe de sa table, qui n'existe plus, et qui semble avoir été une sorte de feuille de scandale détaillant les affaires moins philosophiques et les dalliances des philosophes grecs avec de jeunes garçons (avec une attention particulière portée à Platon). S'il est tout à fait possible qu'Aristippe ait pu écrire un tel ouvrage, cela ne semble pas correspondre à son caractère. Il semble s'être régulièrement considéré comme supérieur à ses contemporains, en particulier aux autres élèves de Socrate, et il est peu probable qu'il ait fait l'effort d'écrire quoi que ce soit sur eux.

Aristippe vécut jusqu'à un âge avancé après une vie de luxe et de plaisir et se retira dans sa ville natale de Cyrène où il mourut. Sa fille et son petit-fils systématisèrent sa philosophie, et on pense qu'Aristippe le Jeune fonda officiellement l'école de philosophie de Cyrène (l'une des premières écoles dites socratiques, fondée à l'origine par Aristippe lui-même) sur la base des enseignements de son grand-père.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2014, août 16). Aristippe de Cyrène [Aristippus of Cyrene]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-13141/aristippe-de-cyrene/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Aristippe de Cyrène." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le août 16, 2014. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-13141/aristippe-de-cyrene/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Aristippe de Cyrène." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 16 août 2014. Web. 25 avril 2024.

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