Anastase Ier régna sur l'empire byzantin de 491 à 518 de notre ère. Bien que ses réformes fiscales et monétaires aient été à la fois populaires et fructueuses, l'empereur ne fut pas en mesure de réparer la scission préjudiciable de l'Église chrétienne créée par ses prédécesseurs. Il dut faire face à une rébellion majeure à l'intérieur de l'empire et à l'extérieur de ses frontières, ses campagnes militaires furent aussi inefficaces que son célèbre mur en Thrace. Néanmoins, Anastase posa au moins les fondations sur lesquelles le grand Justinien Ier allait construire de façon si spectaculaire au cours des cinq décennies du VIe siècle de notre ère.
Succession
Flavius Anastasios (alias Anastase) fut arraché à l'obscurité relative de son rôle de préposé à la cour et fut soutenu par l'impératrice Ariane en tant que successeur à son défunt mari, l'empereur Zénon (r. de 474 à 491). L'héritier de Zénon, Léon II, était mort prématurément en 474 et son frère aîné Longin était une sorte de scélérat sans principes, de sorte que les candidats légitimes au trône byzantin étaient rares. Ariane, elle-même fille de l'empereur Léon Ier (r. de 457 à 474), ignora les conseils de son défunt mari et choisit d'épouser Anastase, déjà sexagénaire. Longin organisa une sorte de rébellion, mais elle n'aboutit à rien et il fut exilé avec ses partisans isauriens en 492 de notre ère (Zénon ayant été le chef de cette tribu d'Asie centrale mineure). Toute la famille de Zénon fut également bannie, dans un grand nettoyage typique de l'approche minutieuse que le nouvel empereur aurait dans tous les domaines de son règne.
Campagnes militaires
Anastase eut quelques succès limités sur le front militaire, réussissant à reprendre la forteresse d'Amida sur la frontière byzantine avec la Perse vers 504 après sa conquête par le shah Kavad. Les fortifications le long de la frontière orientale de l'empire avec les Perses furent encore renforcées par la construction d'une nouvelle forteresse à Anastasiopolis (Dara) entre 505 et 507. En 506, une paix fut signée avec les Perses.
Ailleurs, c'était une toute autre histoire. Théodoric, le roi d'Italie, était un puissant ennemi des intérêts byzantins en Méditerranée occidentale, même si Anastase l'avait officiellement reconnu en tant que roi en 497 de notre ère. La Pannonie, une province d'Europe centrale située le long du Danube, était une pomme de discorde particulière entre les deux États, les Ostrogoths ayant capturé Sirmium. Des preuves archéologiques suggèrent que plusieurs forteresses byzantines furent construites le long du Danube pendant le règne d'Anastasie et non, comme le veut la tradition, par Justinien Ier (r. de 527 à 575). Anastase contra également la menace de Théodoric en faisant de Clovis Ier, le roi des Francs en Gaule, un consul honoraire et en lui envoyant une flotte pour l'aider dans sa guerre contre les Ostrogoths en 507.
Les frontières nord de l'empire furent attaquées par les Bulgares à partir de 493 de notre ère, ce qui conduisit Anastase à construire son célèbre mur pour mieux protéger la Thrace. Le mur s'étendait de Sélymbrie, sur la rive nord de la mer de Marmara, jusqu'à la mer Noire et s'étendait sur environ 45 kilomètres. Situé à 65 kilomètres de Constantinople, il était destiné à protéger la capitale mais, malheureusement, à long terme, il se révéla inefficace car des tremblements de terre en endommagèrent certaines parties et la garnison chargée de le défendre s'avéra ne pas disposer de troupes de premier ordre. L'effet durable du mur fut plutôt d'ordre psychologique, et ce sur les Byzantins eux-mêmes, car il rappellait à tous que la frontière nord de l'empire était pratiquement la porte arrière de Constantinople désormais.
Les affaires intérieures
Anastase n'avait peut-être pas de pedigree royal, mais il ne manquait pas de compétences politiques ni fiscales. Le nouvel empereur réforma le monnayage byzantin, très mal en point, en introduisant des pièces nouvelles et améliorées, notamment les grands follis de cuivre, dont 288 valaient un nomisma d'or, la pièce standard par rapport à laquelle toutes les autres étaient évaluées. La collecte des impôts fut réformée et confiée à des fonctionnaires de l'État plutôt qu'à des collecteurs locaux. En 498 de notre ère, Anastase abolit le chrysargyron, une taxe sur les transactions commerciales effectuées par n'importe qui, des marchands aux prostituées - même les mendiants étaient assujettis. Cet impôt devait être payé en or ou en argent tous les quatre ans, et son abolition eut pour effet de renforcer la popularité de l'empereur dans tout l'empire. Le manque à gagner dans les caisses de l'État fut comblé par les revenus des domaines impériaux et peut-être par un nouvel impôt, la chrysoteleia, dont l'objectif et l'application restent incertains. Toutes ces réformes eurent certainement l'effet escompté, et le trésor de l'État pouvait vanter un excédent de 320 000 livres d'or à la fin du règne d'Anastase.
Dans les affaires religieuses, les interventions d'Anastase furent nettement moins réussies et moins populaires que ses réformes financières. L'intérêt de l'empereur pour la théologie remontait à l'époque où il était courtisan et donnait des séminaires dans l'église de Sainte-Sophie, il n'était donc pas surprenant qu'il utilise son nouveau pouvoir pour tenter d'influencer la doctrine de l'Église. En l'an 482, Zénon avait publié l'édit Henotikon qui espérait régler le différend au sein de l'Église chrétienne sur la question de savoir si le Christ avait deux natures (divine et humaine) ou une seule. L'édit, qui ne fut jamais à la hauteur de son nom "Édit d'unité", ne satisfit ni l'un ni l'autre camp, et le pape Félix III se sentit assez fort pour le condamner et excommunier l'évêque de Constantinople, Acace. La division devint connue sous le nom de Schisme d'Acace, et Anastase ne put rien faire pour la réparer.
En effet, le soutien ouvert de l'empereur au monophysisme (le camp de la nature unique) et ses tentatives de nommer des évêques partageant les mêmes idées dans les grandes villes ne firent qu'enflammer les choses et provoqèruent plusieurs protestations publiques à Constantinople. L'empereur insista pour que le chant du Trisagion de la liturgie dans les églises orientales fût modifié de sorte que le standard "Dieu saint, Dieu fort, Dieu immortel, aie pitié de nous" soit complété par "qui a été crucifié pour nous", ce qui suggère que la nature divine de Dieu était sujette à la souffrance, une position impossible pour les chrétiens orthodoxes. En 512, Anastase regagna les faveurs de son peuple en apparaissant à l'Hippodrome de Constantinople; il enleva son diadème devant les 20 000 personnes présentes et offrit de se retirer si elles désignaient un successeur. L'habile politique de tribune fit son effet, et personne ne put trouver de raison valable de déposer son empereur.
Les grondements de mécontentement se poursuivirent néanmoins, et la conséquence la plus grave du débat sur le monophysisme fut la révolte de Vitalien, du nom du commandant militaire qui mena la rébellion en Thrace entre 513 et 515. Il s'agissait d'un nouvel exemple de l'interdépendance des mouvements populaires et du dogme de l'Église dans la vie byzantine. Vitalien profita d'une vague populaire de sentiments orthodoxes après qu'Anastase ait tenté d'installer un évêque monophysite à Constantinople. La menace de l'usurpateur sur le trône, bien qu'elle ne se soit jamais concrétisée, ne serait supprimée qu'après une conciliation avec Justin Ier (r. de 518 à 527) et son assassinat en 520, probablement sous les ordres de son rival, le futur Justinien Ier. La faille ecclésiastique entre Rome et Constantinople devrait également attendre le successeur d'Anastase, lorsqu'elle serait comblée, bien que temporairement, en l'an 519.
Pour les gens ordinaires, la vie sous Anastase avait donc certains avantages, la stabilité était toujours la bienvenue, et il n'y avait pas trop de guerres ou d'invasions avec leurs horreurs trop fréquentes de pillage et de morts prématurées. Pourtant, cette période avait quelque chose de terne et, comme l'explique l'historien J. J. Norwich, la vie des Byzantins sous Anastase manquait un peu de l'amusement dont jouissaient les empereurs moins zélés sur le plan religieux :
Son principal défaut était la parcimonie - un défaut qui, associé à une forte tendance puritaine, rendait Constantinople plus ennuyeuse que jamais. Les concours de bêtes sauvages furent interdits; les citoyens n'avaient plus le droit d'organiser des fêtes nocturnes, sous prétexte qu'elles menaient à un désordre débridé - ce qui était souvent le cas. (57-8)
Mort et successeur
Anastase, alors âgé de quatre-vingt-dix ans, mourut de causes naturelles en 518 et, n'ayant pas d'enfants, Justin Ier lui succéda. Ce commandant de la garde du palais, âgé et sans éducation, fut, selon la légende, choisi par Anastase simplement parce qu'il était la première personne à entrer dans les chambres de l'empereur un matin. Justin régna jusqu'en 527, date à laquelle son neveu Justinien Ier monta sur le trône et inaugura un nouvel âge d'or pour l'Empire byzantin dont Anastase Ier avait jeté les bases grâce à sa politique fiscale frugale et novatrice.