Commerce Phénicien

Article

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 01 avril 2016
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Disponible dans ces autres langues: anglais, italien, espagnol

Les Phéniciens, établis sur une étroite bande côtière du Levant, mirent à profit leurs excellentes compétences maritimes et créèrent un réseau de colonies et de comptoirs commerciaux dans toute la Méditerranée antique. Leurs principales routes commerciales étaient les suivantes: les îles grecques, le sud de l'Europe, la côte atlantique de l'Afrique et l'ancienne Grande-Bretagne. En outre, l'Arabie et l'Inde étaient accessibles par la mer Rouge et de vastes régions d'Asie occidentale étaient reliées à la patrie par des routes terrestres où les marchandises étaient transportées par caravane. Au 9e siècle av. J.-C., les Phéniciens s'étaient imposés comme l'une des plus grandes puissances commerciales du monde antique.

Phoenician-Punic Ship
Navire punico-phénicien
NMB (CC BY-SA)

L'étendue géographique

Le commerce et la recherche de marchandises de valeur nécessitèrent l'établissement de comptoirs permanents et, comme les navires phéniciens naviguaient généralement près de la côte et seulement de jour, de stations de passage régulières. Ces avant-postes s'établirent de plus en plus fermement afin de contrôler le commerce de produits spécifiques disponibles à cet endroit précis. Avec le temps, ils se développèrent pour devenir des colonies à part entière, de sorte qu'une influence phénicienne permanente s'étendit sur tout le littoral de la Méditerranée antique et de la mer Rouge. Leurs cargos à voile unique et à large fond transportaient des marchandises du Liban vers la côte atlantique de l'Afrique, la Grande-Bretagne et même les îles Canaries, et ramenaient des marchandises dans le sens inverse, en s'arrêtant dans les centres commerciaux situés nà divers endroits entre les deux. Le commerce ne se limitait pas non plus aux routes maritimes, puisque les caravanes phéniciennes opéraient également dans toute l'Asie occidentale, puisant dans des zones commerciales bien établies comme la Mésopotamie et l'Inde.

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Le commerce maritime phénicien peut donc être divisé en deux catégories: le commerce avec les colonies et le commerce avec les autres civilisations. Par conséquent, les Phéniciens ne se contentaient pas d'importer ce dont ils avaient besoin et d'exporter ce qu'ils cultivaient et fabriquaient eux-mêmes, mais ils pouvaient également jouer le rôle d'intermédiaires en transportant des marchandises telles que du papyrus, des textiles, des métaux et des épices entre les nombreuses civilisations avec lesquelles ils étaient en contact. Ils pouvaient ainsi réaliser d'énormes gains en vendant une marchandise de faible valeur, comme le pétrole ou la poterie, pour en acheter une autre, comme l'étain ou l'argent, qui n'était pas elle-même valorisée par ses producteurs mais pouvait atteindre des prix énormes ailleurs. Les commerçants phéniciens apparaissent dans toutes sortes de sources anciennes, des reliefs mésopotamiens aux œuvres d'Homère et d'Hérodote, de l'art des tombes égyptiennes au livre d'Ézéchiel dans la Bible. Les Phéniciens étaient l'équivalent des camions de transport international d'aujourd'hui et étaient tout aussi omniprésents.

Phoenician Trade Network
Réseau commercial phénicien
Akigka (CC BY-SA)

Méthodes d'échange

Comme beaucoup d'autres civilisations antiques, les Phéniciens échangeaient des biens en utilisant diverses méthodes. Les biens de prestige pouvaient être échangés sous forme de cadeaux réciproques, mais ceux-ci pouvaient être plus que des gages de bonne volonté mutuelle car, en conférant au destinataire une obligation, ils étaient une méthode pour initier des partenariats commerciaux. Les articles de luxe offerts en cadeau peuvent également avoir été une tentative délibérée des Phéniciens de créer une demande pour d'autres articles de ce type et d'aider les Phéniciens à acquérir les ressources locales qu'ils convoitaient.

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Les marchandises étaient achetées ou vendues d'une manière relativement contrôlée, les quantités et les prix étant fixés à l'avance par l'élaboration d'accords et de traités commerciaux.

Les marchandises pouvaient être collectées sous forme de tribut en échange de protection militaire ou sous la contrainte. Elles étaient ensuite stockées en grandes quantités puis redistribuées localement ou échangées ailleurs. Les marchandises pouvaient être troquées et échangées en nature sur place. Une autre méthode, peut-être la plus courante chez les Phéniciens, consistait à acheter ou à vendre des marchandises d'une manière relativement contrôlée, les quantités et les prix étant fixés à l'avance par le biais d'accords et de traités commerciaux contrôlés par l'État. La valeur d'échange des marchandises était donc fixe et la frappe de monnaie n'était pas nécessaire, ce qui ne veut pas dire qu'il n'existait pas de système de valeurs arbitraires écrites et d'accords de crédit. Si les Phéniciens ne produisirent pas de monnaie, c'est précisément parce que leur commerce était véritablement international et qu'ils n'avaient pas besoin de pièces qui ne pouvaient être utilisées loin du lieu de leur frappe.

Le commerce totalement libre, où les prix fluctuent en fonction de l'offre et de la demande, est un mécanisme que certains historiens estiment ne pas avoir fonctionné avant le IVe siècle av. J.-C., mais cette opinion est très controversée parmi les spécialistes. Le commerce phénicien était donc vraisemblablement pratiqué par des fonctionnaires travaillant sur commande, mais aussi par des consortiums de commerçants étroitement associés aux maisons royales. Ces derniers devaient être des nobles de haut rang, comme le décrit Isaïe 23:8, "Tyr, la ville suprême, dont les marchands sont des princes, dont les trafiquants sont les hommes les plus honorables de la terre". Peut-être qu'à partir du VIIIe siècle avant notre ère environ, la quantité de commerce effectuée par les marchands privés augmenta et l'intervention directe de l'État fut réduite, là encore, ce point fait encore l'objet de débats académiques. Le commerce des marchandises avait le plus souvent lieu dans des centres commerciaux sanctionnés par l'État qui étaient généralement reconnus comme neutres par les différents États régionaux. La ville phénicienne de Tyr en est un exemple classique.

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Marchandises exportées - Le bois

La Phénicie n'était qu'une simple bande côtière adossée à des montagnes. Malgré la rareté des terres disponibles, les Phéniciens parvinrent à produire des céréales grâce à l'irrigation des terres arables et à cultiver à petite échelle des denrées alimentaires telles que les olives, les figues, les dattes, les noix, les amandes, les grenades, les prunes, les abricots, les melons, les citrouilles, les concombres et le vin. Cependant, les Phéniciens étaient surtout connus en tant qu'exportateurs de bois. Cette marchandise provenait de leurs abondantes forêts de cèdres et de sapins et était commercialisée depuis la nuit des temps. Le cèdre est un grand arbre avec une circonférence épaisse, ce qui le rend idéal pour le bois d'œuvre. Il a également l'avantage de posséder une odeur aromatique. La Mésopotamie et l'Égypte étaient les clients les plus importants, la première recevant les troncs par caravane jusqu'à l'Euphrate, tandis que les navires transportaient le bois jusqu'à la côte africaine. Ce commerce est attesté par des reliefs de Sargon II et une inscription de Nabuchodonosor. Selon l'historien George Rawlinson, le bois de cèdre phénicien fut utilisé par le roi Salomon pour son célèbre temple, par Hérode pour le temple de Zerubbabel et par les Éphésiens pour le toit du temple d'Artémis à Éphèse, l'une des sept merveilles du monde antique.

The Phoenician Expansion c. 11th to 6th centuries BCE
L'expansion phénicienne du XIe au VIe siècle avant notre ère.
Simeon Netchev (CC BY-NC-SA)

Les textiles

L'autre exportation phénicienne célèbre était le textile qui utilisait la laine, le fil de lin, le coton et, plus tard, la soie. La laine (mouton et chèvre) dominait probablement et provenait de Damas et d'Arabie. Le fil de lin était importé d'Égypte tandis que la soie provenait de Perse. Les Phéniciens transformaient ces matières premières en articles aux couleurs uniques, notamment en vêtements et en tapis. Les vêtements fins et multicolores de la Phénicie sont mentionnés à la fois dans Homère - où Pâris offre à Hélène un tissu en cadeau avant de l'emmener à Troie - et dans l'art égyptien lorsqu'il représente des Phéniciens de Sidon. Les tissus teints étaient ensuite réexportés, par exemple à Memphis, où les Phéniciens avaient même leur propre quartier dans la ville.

Les tissus teints en violet à l'aide du liquide provenant du murex firent la renommée des Phéniciens dans le monde antique.

Les tissus teints en violet (en fait des nuances allant du rose au violet) à l'aide du liquide provenant des mollusques Murex trunculus, Purpura lapillus, Helix ianthina et surtout Murex brandaris firent la renommée des Phéniciens dans le monde antique. Vivant dans des eaux relativement profondes, ces mollusques étaient capturés dans des pièges suspendus à des flotteurs. La teinture était ensuite extraite de milliers de coquillages putréfiés laissés à cuire au soleil. Ces textiles étaient si populaires que de vastes dépôts de coquillages ont été mis au jour aux abords de Sidon et de Tyr et que cette espèce fut pratiquement éradiquée des côtes de la Phénicie. Les tissus de la plus haute qualité étaient connus sous le nom de Dibapha, ce qui signifie "trempé deux fois" dans la teinture pourpre. Les Phéniciens exportaient non seulement les tissus teints, mais aussi le processus d'extraction de la teinture, comme l'indiquent les dépôts de coquillages découverts dans les colonies phéniciennes de toute la Méditerranée. Outre leurs couleurs vives, les textiles phéniciens étaient également célèbres pour leurs fines broderies. Les motifs populaires comprenaient des motifs répétés tels que des scarabées, des rosettes, des globes ailés, des fleurs de lotus et des monstres mythiques.

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Le verre

Les Phéniciens faisaient également le commerce de la verrerie. Les Égyptiens en produisaient déjà depuis longtemps, mais à partir du VIIe siècle avant notre ère, les Phéniciens commencèrent à produire du verre transparent, par opposition à la simple verrerie opaque. Les centres importants de production de verre étaient Sidon, Tyr et Sarepta. Le verre transparent était utilisé pour la fabrication de miroirs, d'assiettes et de verres à boire, mais les Phéniciens semblent avoir apprécié le verre coloré semi-transparent (bleu, jaune, vert et brun) pour leurs productions plus élaborées ainsi que pour les bijoux et les petites plaques cousues sur les vêtements. La verrerie phénicienne, notamment sous forme de petits flacons de parfum, a été retrouvée jusqu'à Chypre, en Sardaigne et à Rhodes.

Phoenician Glassware
Verrerie phénicienne
Remi Mathis (CC BY-SA)

Marchandises importées

Les Phéniciens importaient des métaux, notamment du cuivre de Chypre, de l'argent et du fer d'Espagne, et de l'or d'Éthiopie (et peut-être d'Anatolie). Cette matière première était transformée en récipients et objets d'art ornés dans les ateliers phéniciens, puis exportée. L'étain (Grande-Bretagne), le plomb (îles Scilly et Espagne) et les objets en laiton étaient également commercialisés, ces derniers provenant principalement d'Espagne. L'ivoire était importé de Pount ou d'Inde, tout comme l'ébène, tous deux atteignant la Phénicie à travers l'Arabie. L'ambre, qui provenait de la Baltique ou de la côte adriatique, était utilisé dans la bijouterie phénicienne. Le lin et les céréales brodés étaient importés d'Égypte et les tissus fins et travaillés de Mésopotamie. Les céréales, l'orge, le miel et le bois de chêne utilisé pour les rames des navires phéniciens provenaient de Palestine.

Les marchés phéniciens commercialisaient également des esclaves (en provenance de Cilicie et de Phrygie mais aussi capturés par les Phéniciens eux-mêmes), des moutons (d'Arabie), des chevaux et des mules (d'Arménie), des chèvres, de la laine (de Damas et d'Arabie), du corail, des parfums (de Judée), de l'agate et des pierres précieuses comme les émeraudes (de Syrie et de Saba). Les épices provenaient de la péninsule arabique (certaines venaient de la lointaine Inde) et comprenaient la cannelle, l'acore odorant, la casse, le labdanum, l'encens et la myrrhe.

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L'héritage

À partir du 7e siècle av. J.-C., le réseau commercial des Phéniciens fut éclipsé par les efforts de l'une de ses colonies les plus prospères - Carthage - par les Grecs, puis par les Romains. Mais les Phéniciens avaient été la première superpuissance commerciale de la Méditerranée et leur domination précoce conduisit les empires qui suivirent à adopter des pratiques commerciales similaires et même à adopter des noms phéniciens pour certains produits exotiques provenant de pays lointains. Les Phéniciens avaient osé naviguer au-delà de l'horizon et transporter des marchandises là où elles étaient le plus prisées. Comme l'affirme le prophète Isaïe (23, 2), "vous, marchands de Sidon, dont les marchandises ont voyagé sur la mer, sur de larges océans".

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2016, avril 01). Commerce Phénicien [Trade in the Phoenician World]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-881/commerce-phenicien/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Commerce Phénicien." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le avril 01, 2016. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-881/commerce-phenicien/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Commerce Phénicien." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 01 avril 2016. Web. 26 avril 2024.

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