Jerash (alias Gérase ou Gerasa dans l'antiquité) est la capitale et la plus grande ville du gouvernorat de Jerash en Jordanie, mais dans l'Antiquité, c'était l'une des villes les plus riches et les plus cosmopolites du Proche-Orient. Peuplée dès le néolithique (vers 7500-5500 av. J.-C.) et fondée en tant que ville hellénistique au IIe siècle ava. J.-C., Jerash est aujourd'hui connue pour ses magnifiques ruines romaines et byzantines qui comptent parmi les plus grandes et les mieux conservées au monde. Jerash est située à 48 km (30 miles) au nord d'Amman - la capitale de la Jordanie - et à 40 km (25 miles) au sud d'Irbid, en Jordanie. Le site est l'un des plus visités de Jordanie après la cité nabatéenne de Petra.
Géographie et histoire ancienne
La région de Jerash et de ses environs est assez fertile et a accès à l'eau toute l'année grâce à un ancien réservoir. Les ruines de Jerash se trouvent à une altitude de 500 m (1640,42), ce qui donne à la ville une vue impressionnante sur les basses terres environnantes, et le climat de la ville est relativement tempéré par rapport à celui de la ville voisine d'Amman. Les collines et les vallées fertiles qui entourent Jerash ont permis à l'homme de s'y installer et d'y vivre depuis au moins 6 500 ans. Le paysage autour de la ville en ruines est entouré d'oliviers, de pruniers, de figuiers, de blé, d'eucalyptus, de divers arbustes et de cèdres. Les collines autour de Jerash ont également fourni de bons pâturages pour le bétail tout au long de l'histoire, et l'extraction de minerai de fer dans la région d'Ajloun a favorisé l'implantation humaine.
Il est tout à fait possible qu'une petite garnison macédonienne ait existé dans ou près de l'actuelle ville de Jerash vers 332 avant J.-C., et certaines traditions associent l'établissement d'une colonie par Alexandre le Grand (r. de 336 à 323 av. J.-C.) ou son général Perdiccas (vers 355-320 av. J.-C.) dans la région, mais cela n'a pas été confirmé par des fouilles archéologiques. La fondation de Jerash, en tant que ville, eut probablement lieu vers 175-164 avant J.-C. sous le règne d'Antiochos IV Épiphane (r. de 175 à 164 av. J.-C.) de l'Empire séleucide. Jerash connut une croissance rapide à cette époque, car la ville était dotée de ressources naturelles. Jerash se trouvait également au carrefour des échanges commerciaux et des communications entre Damas et Petra, ainsi que des routes commerciales allant vers le nord et l'ouest en direction des ports méditerranéens de Tyr et de Joppé (Jaffa), dans ce qui est aujourd'hui le Liban et Israël. Les Séleucides construisirent à Jérash des temples dédiés à Zeus, Héra, Apollon, Poséidon, Artémis et Némésis.
La domination séleucide sur Jerash fut brève, et après la mort d'Antiochos VII Sidêtês (r.) en 129 av. J.-C. lors d'une bataille contre les Parthes, Jérash tomba sous le contrôle d'une série de rois guerriers successifs qui gouvernèrent la ville jusqu'en 102 avant J.-C.. Les principaux bénéficiaires de la vacance du pouvoir consécutive à l'effondrement de l'empire séleucide furent les Juifs qui établirent rapidement leur propre royaume avec Jérusalem comme capitale, sous le règne de la dynastie des Hasmonéens (140 avant J.-C. - 37 avant J.-C.). Le royaume hasmonéen atteignit son apogée sous le règne du roi guerrier Alexandre Jannée (r. de 103 à 76 av. J.-C.), qui assiégea et conquit Jerash au début du IIe siècle avant J.-C.. Le royaume des Hasmonéens contrôlera Jerash jusqu'en 63 avant J.-C., et leur héritage durable à la ville est l'établissement d'une colonie juive ainsi que la facilitation de liens commerciaux plus forts entre Jerash et les villes côtières sous contrôle juif.
En 63 avant J.-C., à la suite de l'installation de Pompée en Orient, Jerash (pour les Romains : Gerasa) faisait partie de la Décapole, un groupe de dix villes semi-autonomes situées dans la province romaine de Syrie, qui dura de 63 avant J.-C. à 106 de notre ère. Chacune de ces villes conservait un degré mesurable de liberté mais dépendait de Rome pour sa défense et certaines questions étaient la prérogative du légat romain de Syrie. Les Romains vainquirent les Parthes en Syrie en 38 avant J.-C., et Jérash entra dans une période d'immense influence nabatéenne au 1er siècle de notre ère, en raison de la richesse de villes nabatéennes comme Petra (en Jordanie), Madâin Sâlih (en Arabie Saoudite), Bosra (en Syrie) et Avdat (en Israël). Les archéologues ont découvert des pièces de monnaie nabatéennes et des œuvres d'art nabatéennes dans toute la ville de Jerash, ainsi que de nombreuses inscriptions invoquant des dieux nabatéens. Un temple dédié au dieu nabatéen Pakidas est situé près de celui dédié à la déesse grecque Artémis. L'historien romain et juif Josèphe mentionne Jerash au 1er siècle de notre ère, comme une ville riche peuplée à la fois de Syriens et de Juifs. De plus, Jerash est mentionnée dans le Nouveau Testament de la Bible comme étant "la région des Géraséniens" (Luc 8:26).
L'âge d'or romain et byzantin
L'"âge d'or" de Jerash date du règne de l'empereur romain Trajan (98-117 de notre ère), qui incorpora la ville de Jerash à la nouvelle province romaine d'Arabie en 106 de notre ère. Située à proximité de la capitale de la province, Bosra, Jerash profita de son emplacement privilégié à l'intersection de plusieurs routes commerciales. Trajanen personne est en partie responsable de l'essor de Jerash, car il ordonna la construction de nouvelles routes, dont la Via Nova Traijana (nouvelle route de Trajan), qui reliait Bosra à la ville d'Aila, porte d'entrée de la mer Rouge, située dans le golfe d'Aqaba. La plupart des structures que l'on peut voir à Jerash datent du deuxième siècle de notre ère. L'empereur romain Hadrien (117-138 de notre ère) séjourna à Jerash pendant l'hiver 129 de notre ère, et ce séjour prolongé fut célébré par la construction d'un arc de triomphe connu sous le nom d'"arc d'Hadrien". La richesse de Jerash permit d'entreprendre un ambitieux programme de travaux publics, notamment la construction d'un nouveau temple d'Artémis au milieu du deuxième siècle de notre ère. On estime que la population de Jerash se situait entre 10 000 et 25 000 habitants vers 175 de notre ère.
Bien que Jerash soit devenue une colonie romaine - elle s'appelait Aurealia Antoniniana - pendant le règne de l'empereur Marcus Aurelius Antoninus (r. de 121 à 180 de notre ère), Jerash n'échappa pas complètement aux difficultés du tumultueux IIIe siècle de notre ère. La pression exercée par les Perses sassanides et les Palmyréniens interrompit les échanges et le flux commercial entre Jerash et le bassin méditerranéen au sens large. Les tribus arabes menèrent également des raids dans la région de Jerash et ses environs, ce qui entrava la croissance économique et la construction de nouvelles structures. Sous le règne de l'empereur Dioclétien (r. de 284 à 305), la fortune de Jerash fut restaurée et il existe des preuves de travaux de reconstruction.
Jerash prospéra également sous la domination de l'Empire byzantin, mais on ignore quand le christianisme arriva dans la ville. Jerash était la résidence d'un évêché - un évêque nommé Exeresius, originaire de Jerash, participa au Conseil de Séleucie en 359 de notre ère - et la ville comptait 15 églises vers 600 de notre ère. Nombre de ces églises contenaient autrefois d'exquises mosaïques qui furent ensuite endommagées par les armées arabes envahissantes ainsi que par les tremblements de terre dans la région. L'église la plus ancienne est la cathédrale de Jerash, qui date de la fin du IVe siècle de notre ère. La dernière inscription chrétienne trouvée à Jerash est datée d'environ 611 et se trouve dans l'église de l'évêque Genesio.
Des monuments publics continuèrent à être érigés pendant que Jerash était sous la domination byzantine, notamment les thermes de Flaccus, construits vers 454-455 de notre ère et rénovés en 584. La ville semble avoir prospéré sous le règne de l'empereur Justinien (r. de 527 à 565). On sait que l'hippodrome de Jerash resta en service, mais les autres structures monumentales furent de plus en plus souvent converties en entrepôts ou utilisées comme écuries. Néanmoins, les Byzantins construisirent un théâtre et un bassin spéciaux vers 535 pour la fête des eaux dite Maiuma. Il est probable que les habitants de Jerash aient conservé un goût prononcé pour le faste, même après leur conversion progressive au christianisme : Saint Epiphane de Salamine (vers 310-403 de notre ère), fournit un récit de la fin du IVe siècle de notre ère qui mentionne les citoyens de Jerash commémorant le miracle de Jésus-Christ à Cana par une fête du vin.
Histoire et archéologie ultérieures
Les Perses sassanides capturèrent, pillèrent et occupèrent Jerash entre 614 et 630. Jerash était tellement affaiblie à l'arrivée des armées arabes en 636 qu'elle se rendit immédiatement. Bien que Jerash ait perduré sous le califat omeyyade (661-750), la ville était beaucoup plus petite et plus humble. Les citoyens les plus riches de Jerash déménagèrent probablement à Damas, le siège du gouvernement omeyyade, et la ville souffrit beaucoup de leur départ. Comme les nouvelles routes commerciales contournaient la région de Jerash, la ville entra dans une période de déclin rapide. Lorsque le califat abbasside (750-1258) déplaça la capitale de Damas à Bagdad en 750, Jerash subit un nouveau coup dur, étant si éloignée du nouveau centre de gouvernance et de patronage. Une série de tremblements de terre rendit Jerash inhabitable au cours des deux premiers siècles du haut Moyen Âge. Lorsque le chroniqueur et prélat médiéval Guillaume de Tyr (vers 1130-1186) visita Jerash, il écrivit que la ville était depuis longtemps abandonnée et en ruines.
Les vestiges archéologiques de Jerash, malgré les ravages du temps, restent très bien conservés, et des fouilles fréquentes de la ville ont eu lieu depuis les années 1920 et 1930. Il reste encore beaucoup à fouiller et à mettre au jour, et l'importance de Jerash commence tout juste à être comprise et mieux appréciée.