
Les Bacchantes est une tragédie grecque écrite par le dramaturge Euripide (vers 484-406 av. J.-C.) en 407 av. J.-C., qui dépeint Penthée comme un roi impie, car le souverain de Thèbes a refusé le culte de Dionysos dans les murs de sa ville. Pour Penthée, le dieu est un destructeur de valeurs sociales et morales, et ce premier est revenu de l'étranger avec ses conceptions du dieu renforcées. Il découvre que cette fausse divinité a poussé ses femmes à abandonner leurs rôles domestiques pour la liberté du mont Cithéron afin d'adorer Dionysos. Malgré les efforts diligents de Penthée pour garder le contrôle de son peuple, de sa ville et de lui-même, Dionysos s'avère être une force irrésistible que le roi de Thèbes n'est pas en mesure de garder sous clé.
Euripide
Comme pour de nombreux personnages de l'Antiquité, on sait peu de choses sur la vie d'Euripide (vers 484-406 av. J.-C.). On suppose que le dramaturge serait né en 484 avant notre ère à Salamine et qu'il se produisit pour la première fois aux Grandes Dionysies en 455 avant notre ère. Prenant ses distances avec la vie publique, Euripide, contrairement à Eschyle et Sophocle, n'exerça pas de fonctions militaires ou religieuses. Euripide écrivit les Bacchantes en 407 avant notre ère, un an après avoir quitté Athènes pour passer les deux dernières années de sa vie à Pella, à la cour du roi Archélaos. Selon William Arrowsmith dans son introduction au texte, le fils d'Euripide aurait ramené les Bacchantes, ainsi que les pièces Iphigénie à Aulis et Alcméon à Corinthe, à Athènes afin qu'elles soient produites aux Dionysies de la ville. Les Bacchantes d'Euripide sont la seule tragédie des 18 textes conservés dans laquelle apparaît le dieu grec Dionysos, la divinité que la cité Dionysia honore.
Les personnages
Les Bacchantes, comme la plupart des tragédies grecques, emploient une courte liste de personnages :
- Dionysos
- le chœur composé de maénades
- Cadmos, l'ancien roi de Thèbes
- Tirésias, le voyant aveugle
- Penthée, l'actuel roi de Thèbes et fils d'Agée
- le serviteur de Penthée
- un bouvier
- Le serviteur de Penthée
- Agée, fille de Cadmos et sœur de Sémélé
La naissance de Dionysos
La Théogonie d'Hésiode (vers le VIIIe siècle av. J.-C.) nous apprend que Sémélé, la fille de Cadmos (le roi de Thèbes), a donné naissance prématurément à Dionysos après avoir eu une liaison avec Zeus. Dans le discours du prologue des Bacchantes, Dionysos raconte comment sa mère a été frappée par la foudre de Zeus, sous les coups d'une Héra jalouse et enragée. Le chœur développe ce récit dans sa première ode chorale en chantant l'histoire de Dionysos :
lui que portait Sémélé et que, dans les douleurs de l'enfantement, quand vola la foudre de Zeus, elle rejeta de son sein et mit au monde, quittant la vie sous le coup du tonnerre.
(trad. de Henri Berguin, Remacle)
Sorti prématurément du ventre de sa mère, le chœur raconte ensuite comment Zeus a semé Dionysos dans sa cuisse afin de le cacher à Héra. Dans La Bibliothèque, un ouvrage attribué à Apollodore datant du IIe siècle de notre ère, il est dit qu'Héra avait piégé Sémélé en demandant à Zeus d'apparaître devant elle comme il le ferait pour Héra. Incapable de refuser, Zeus lança un éclair qui tua Sémélé et fit sortir du ventre de sa mère l'enfant à naître. Après la mort de Sémélé, l'auteur de La Bibliothèque affirme que ses sœurs n'ont pas cru la version de Sémélé selon laquelle elle aurait eu une liaison avec Zeus, et que c'est à cause de son mensonge qu'elle aurait été frappée par la foudre. Dans les Bacchantes d'Euripide, c'est pour cette remise en question de sa divinité que Dionysos est venu à Thèbes; il s'est rendu dans la cité-État grecque pour venger la réputation diffamée de sa mère et, surtout, pour affirmer sa véritable identité en tant que divinité.
Aperçu de l'intrigue
Prologue
Les Bacchantes d'Euripide se déroulent dans la cité-État grecque de Thèbes, un lieu couramment utilisé par les tragédiens de l'Antiquité. Dionysos lui-même prononce le discours du prologue, dans lequel il révèle sa véritable identité au public. Déguisé en étranger, il s'est rendu à Thèbes avec son groupe de ménades depuis l'Asie, et il a choisi cette ville pour être la première de Grèce à le vénérer.
C'est ici la première des cités grecques où je sois venu. Là-bas j'ai déjà institué des choeurs, instauré mes rites, pour manifester ma divinité aux mortels. Thèbes est la première ville de cette terre grecque qui se soit levée à mes hurlements, où j'aie attaché sur le corps des Bacchantes la nébride et mis en leur main le thyrse, ce trait entouré de lierre. Car les soeurs de ma mère — hélas ! pourquoi elles ? — déclaraient que Dionysos n'est pas le fils de Zeus (6, ibid)
Dionysos a déjà commencé le processus d'initiation, et il a poussé les femmes thébaines à abandonner leurs maisons pour le mont Cithéron afin de participer à l'adoration du dieu. Il conclut son discours en affirmant qu'il révélera à Penthée son statut divin et qu'il forcera la ville de Thèbes à l'accepter et à le reconnaître comme la divinité qu'il est.
Strophe I
Après le prologue, Cadmos et Tirésias apparaissent sur scène, habillés en adorateurs de Dionysos. Ils ont tous deux reconnu sa nature divine et accepté son culte à Thèbes. Dans le dialogue d'ouverture du premier épisode, ils discutent l'un avec l'autre de l'endroit où ils doivent exécuter leurs danses. Cadmos demande à Tirésias:
Où faut-il aller pour prendre part aux choeurs ? Où faut-il poser le pied et secouer notre tête chenue ? Conduis-moi, toi. Vieillard, dirige ma vieillesse, Tirésias; car tu es initié, toi. (8, ibid)
Penthée entre alors en scène avec le devin et son oncle. Malgré son éloignement de la ville, il a entendu parler des actes honteux des femmes thébaines. Selon l'actuel roi de Thèbes, elles utilisent le "prétexte qu'elles sont des Ménades chargées des sacrifices", mais en fait, elles couchent avec d'autres hommes au lieu d'adorer ce faux dieu (9). Cadmos et Tirésias supplient alors Penthée de revenir à la raison et de proclamer que Dionysos est le fils de Zeus. Tirésias critique le roi:
Quand un homme sage a trouvé de belles matières à discourir, ce ne lui est pas une tâche difficile que de bien parler. Toi, tu as la langue agile et tu parais raisonnable; mais dans tes paroles il n'y a pas ombre de bon sens. L'homme audacieux, à la fois puissant et habile à parler, est un citoyen dangereux s'il n'a pas de bon sens. (11, ibid)
Cadmos fait écho au sentiment de Tirésias en disant:
O mon fils, Tirésias t'a donné de bons conseils. Demeure avec nous; ne te tiens pas en dehors de nos lois. En ce moment tu es dans les nues et en raisonnant tu déraisonnes. (13, ibid)
Malgré leurs tentatives de persuasion et de raisonnement, Penthée refuse de reconnaître Dionysos comme un dieu et le fils de Zeus, et il jure d'emprisonner l'étranger qui a contaminé ses concitoyens avec cette folie.
Strophe II
Penthée et Dionysos se rencontrent pour la première fois sur scène, mais Penthée ne sait pas que c'est au dieu lui-même qu'il s'adresse et qu'il a enchaîné. Dionysos, en tant qu'étranger, informe Penthée de ses rituels. Lorsque Penthée dit à l'étranger qu'il restera sous bonne garde, ce dernier prétend que Dionysos le libérera de son emprisonnement.
Dionysos: Le Dieu lui-même me délivrera, quand je le voudrai.
Penthée: Oui, quand tu l'invoqueras au milieu des Bacchantes.
Dionysos: En ce moment, il est ici présent, il voit le traitement que je subis.
Penthée: Où cela ? Il n'est pas visible, du moins à mes yeux.
Dionysos: Avec moi. Mais tu es un impie, tu ne le vois pas.
(20, ibid)
Dionysos tient sa promesse et, dans l'épisode suivant, il s'échappe de ses chaînes, provoquant l'effondrement du palais de Penthée. Penthée rencontre l'étranger à l'extérieur de sa maison et exige de savoir comment il s'est échappé. Dionysos et Penthée sont interrompus lorsque le gardien de troupeaux apparaît sur scène pour raconter à Penthée ce dont il vient d'être témoin sur le mont Cithéron. Avec d'autres, il a tenté de capturer Agavé pour l'amener au roi, mais ils ont été repérés par les ménades et ont dû s'enfuir. Le bouvier raconte ensuite comment les ménades ont déchiré les animaux membre par membre et détruit les deux villages Hysies et Érythres. Il conclut en exhortant Penthée à accepter le culte de Dionysos, comme l'avaient fait Tirésias et Cadmos dans la première strophe.
Strophe III
Penthée, dégoûté et indigné par le comportement de ses citoyennes, ordonne aux membres de son armée de se préparer à combattre les ménades. En tant qu'étranger, Dionysos avertit le roi de ses actions et lui propose une alternative. Dionysos demande à Penthée: "Tu veux les voir toutes, assises dans la montagne ?". (32). Étonnamment, Penthée accepte avec enthousiasme de voir les ménades, même s'il doit s'habiller en femme. Tout comme le roi de Thèbes ne connaît pas la véritable identité de l'étranger, il ignore également la punition que Dionysos va lui infliger pour son manque de révérence. Dionysos s'exclame:
Allons! je vais mettre à Penthée une parure qu'il emportera dans l'Hadès, égorgé par les mains de sa propre mère. Il connaîtra ce qu'est Dionysos, fils de Zeus, qui par son origine est, dans sa toute-puissance, le dieu le plus terrible et le plus bienfaisant pour les hommes. (35)
Strophe IV
Dionysos et Penthée, fou de rage, arrivent sur le mont Cithéron. Le dieu informe Penthée: "Tes dispositions jusqu'alors n'étaient pas saines; maintenant elles sont ce qu'elles doivent être." (39). Dionysos quitte la scène et le chœur crie ses ordres aux Ménades:
Allez, chiennes rapides de Lyssa, allez à la montagne où les filles de Cadmos tiennent leur thiase; aiguillonnez-les contre celui qui, sous des vêtements de femme, furieux, épie les Ménades. (41, ibid)
Elles terminent ensuite leur ode chorale en chantant la mort de Penthée.
Strophe V
La cinquième strophe s'ouvre sur le deuxième discours du messager, prononcé par le serviteur de Penthée. Cette fois, ce ne sont pas les animaux qui sont déchirés par les mains des Ménades, mais Penthée. Le messager parle d'Agavé qui, croyant que son fils était un lion dangereux, a déchiré son corps en morceaux. Tout comme Penthée n'a pas reconnu le dieu Dionysos, sa mère n'a pas reconnu son propre fils. Les autres Ménades, les sœurs d'Agavé, se sont jointes à la destruction du roi:
Elles mettent à nu ses flancs qu'elles déchirent. Toutes ont les mains couvertes de sang et se lancent comme des balles les chairs de Penthée. (45, ibid)
Exode
Après le discours du messager, Agavé entre en scène pour l'exode. Toujours enragée et sous l'emprise de Dionysos, elle porte la tête de Penthée sur un bâton, proclamant son triomphe sur le lion qu'elle croit avoir tué. Lorsque Cadmos apparaît sur scène, il est choqué par cette image macabre. Il ramène sa fille à la raison, et Agavé voit vraiment ce qu'elle tient. Bien qu'ils vénèrent Dionysos, Cadmos et Agavé sont tous deux punis par le dieu, qui les bannit de Thèbes.
Agavé: je gémis sur toi, père.
Cadmos: Et moi sur toi, mon enfant, et je pleure sur tes soeurs.
(47, ibid)
Analyse
Dionysos, le dieu du vin dans la mythologie grecque, permet à chacun de se débarrasser de ses inhibitions intérieures. Dans les Bacchantes d'Euripide, il amène Penthée à transcender les frontières physiques de Thèbes et celles qu'il a placées autour de son esprit. Le roi de Thèbes s'efforce de maintenir la corruption causée par Dionysos en dehors de sa ville, mais il ne peut lui-même résister à son attrait.
De nombreux spécialistes ont proposé différentes lectures de la tragédie d'Euripide. A.J. Podlecki décrit la tragédie comme suit:
[Les Bacchantes sont] une déclaration poétique des tensions qui se créent entre un individu et un groupe lorsque cet individu, après avoir été membre, ou même chef, du groupe, avec les objectifs collectifs duquel ses propres désirs individuels ont été identifiés, se retrouve soudain - comme cela arrive souvent dans la vie ordinaire - en dehors du groupe, sa propre volonté en conflit brutal, voire désastreux, avec la leur. (Podlecki, 144).
D'autre part, Christine M. Kalk analyse la transformation physique que subit Penthée tout au long de la tragédie, en particulier la façon dont il se métamorphose du roi de Thèbes en un symbole qui représente le thyrse. Cette transformation illustre le véritable pouvoir de Dionysos. Jean A. LaRue soutient que Penthée est contrôlé par son obsession sexuelle pour les Ménades. Pour citer LaRue, "l'orgueil de Penthée lutte contre sa curiosité lubrique, et c'est cette dernière qui l'emporte" (LaRue, 212).
Héritage
Les influences du corpus d'Euripide se retrouvent non seulement dans les tragédiens du IVe siècle avant notre ère, mais aussi dans les œuvres des dramaturges comiques grecs des IVe et IIIe siècles avant notre ère. Pour citer Bernard Zimmermann, "par l'intermédiaire des dramaturges romains Plaute, Térence et Sénèque, il a laissé son empreinte sur toute la tradition ultérieure du théâtre européen" (Zimmermann, 87).
Euripide a dépeint ses personnages de manière à ce qu'ils ressemblent étroitement aux individus de son public athénien, et ils continuent de ressembler aux lecteurs modernes. En ce qui concerne les Bacchantes, Euripide nous oblige à nous demander qui sont vraiment Dionysos et Penthée. Quelle partie de notre propre être intérieur ces deux personnages représentent-ils? Comment peut-on mieux se comprendre à la lecture de la tragédie?