Art d'Urartu

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 12 février 2018
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Disponible dans ces autres langues: anglais, chinois
Urartu Bull Wall Painting (by EvgenyGenkin, Public Domain)
Peinture murale de taureau d'Urartu
EvgenyGenkin (Public Domain)

L'art produit par la civilisation d'Urartu, qui s'épanouit dans l'ancienne Arménie, l'est de la Turquie et le nord-ouest de l'Iran entre le 9e et le 6e siècle avant notre ère (voir Royaume d'Urartu), est surtout visible dans les figurines en bronze de divinités, les chaudrons en bronze décorés de têtes d'animaux et de déesses, et les éclatantes peintures murales. Un mélange de sujets mésopotamiens et indigènes, associé à un savoir-faire artisanal exceptionnel, fait des œuvres d'art d'Urartu l'une des attractions vedettes des collections du Proche-Orient des musées du monde entier, de Londres à Saint-Pétersbourg.

Idées et influences

Éclipsé par son voisin plus puissant, l'Assyrie (dans le passé comme aujourd'hui), sans exemple de texte étendu qui lui soit propre, et ayant vu une grande partie de sa précieuse culture matérielle détruite ou pillée, il peut être difficile de distinguer l'art d'Urartu de celui des civilisations qui furent ses prédécesseurs, ses contemporains, et même ses successeurs. Il est plus sûr d'examiner les objets isolément que de chercher à les relier les uns aux autres et à l'art d'autres cultures. Certains points deviennent alors clairs - les Urartéens étaient des maîtres du travail du métal, les chaudrons étant particulièrement appréciés. Les peintres muraux étaient aussi accomplis que dans n'importe quelle autre culture. De telles compétences avaient été acquises et développées au cours de nombreuses décennies, voire de siècles, et l'on peut supposer que de telles compétences donnèrent également lieu à des innovations, tant sur le plan technique que sur le plan des idées. L'histoire montre que les artistes experts ne copient pas très longtemps avant de commencer à expérimenter.

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La civilisation urartéenne ne fut redécouverte qu'au 19e siècle, et elle a beaucoup de retard à rattraper par rapport à ses cultures contemporaines plus célèbres, mais les fouilles en cours permettent de se faire une idée plus précise des capacités, des inspirations et de l'héritage de l'une des cultures les plus importantes de la région à l'âge du bronze et à l'âge du fer. Il est clair que l'art urartéen fut particulièrement influencé par l'art assyrien et proche-oriental contemporain, ainsi que par les cultures antérieures des Hittites et des Hurriens. Des sujets tels que les lions, les taureaux, les créatures mythologiques (par exemple les griffons et les centaures), les cavaliers et les thèmes militaires constituent un lien fort entre toutes ces cultures. Enfin, l'art égyptien n'était pas non plus inconnu, et des objets portant des hiéroglyphes, notamment des bols et des statuettes en faïence, ont été trouvés sur des sites urartéens.

Des fouilles approfondies, comme celles de Teishebaini, ont révélé le large éventail de matériaux, de supports et de sujets de l'art urartéen.

Une conséquence de ces liens culturels, associée à l'absence d'inscriptions d'identification dans de nombreux cas, est qu'il peut être difficile d'identifier avec certitude certaines œuvres d'art comme ayant été réalisées par des artistes d'Urartu, d'Assyrie ou de l'Empire achéménide. Une difficulté supplémentaire réside dans le fait que de nombreuses œuvres d'art urartéennes conservées proviennent de sites assyriens où elles furent prises comme butin ou furent produites spécifiquement pour ce marché par des artisans urartéens. Or, ces œuvres pourraient bien avoir été produites pendant une période de déclin politique et artistique, lorsque l'art urartéen avait perdu une partie de son caractère unique. Heureusement, des fouilles approfondies, comme celles de Teishebaini (Karmir-Blur), ont révélé le large éventail de matériaux, de supports et de sujets typiques de l'art urartéen.

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Matériaux et supports

Le travail du métal a une longue histoire dans la région remontant au 10e millénaire avant notre ère. Les artisans du royaume d'Urartu avaient accès aux gisements minéraux locaux d'or, d'argent, de cuivre, de plomb, de fer et d'étain. Les artisans et les artistes d'Urartu pouvaient également utiliser d'autres métaux, notamment des alliages tels que le bronze (cuivre et étain), le laiton (cuivre et zinc) et l'électrum (or et argent). Les artistes utilisaient également le bois, le bois dur, la pierre, l'os, les cornes de cerf, les pierres semi-précieuses (sardonyx, agate et cornaline), l'émail, la faïence et l'ivoire. Les supports courants de l'art urartéen sont les figurines, les armes et armures gravées et incrustées, les poteries, les peintures murales et les meubles très décoratifs.

Bas Relief of Teisheba
Bas-relief de Teisheba
James Blake Wiener (CC BY-NC-SA)

Sculpture à grande échelle

Malheureusement, aucune sculpture de grande envergure n'a survécu, si ce n'est sous forme de fragments. L'exemple le plus important est celui des six morceaux d'une statue en basalte représentant le dieu de la tempête Teisheba. Datant du VIIe siècle avant notre ère, la figure originale se tenait sur un taureau et faisait face à une deuxième figure avec un triple fer de lance entre les deux. Elle a été mise au jour à Adilcevaz, au nord du lac de Van, et une reconstitution complète a été réalisée. Elle peut être admirée dans la réserve historique et archéologique d'Erebuni, à Erevan, en Arménie.

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La plus grande sculpture suggérée par un fragment conservé est une figure grandeur nature d'un souverain. Seul le torse de la figure a survécu, mais la barbe étroite et les pointes de cheveux longs suggèrent un personnage royal. La main gauche tient un arc et quelques flèches, tandis que la main droite tient une massue ou un fouet. Des inscriptions et des œuvres d'art assyriennes décrivant et illustrant des attaques contre l'Urartu au milieu et à la fin du VIIIe siècle avant notre ère attestent que des statues de cette taille furent érigées dans les temples urartéens.

Travail du métal

Les métallurgistes taillaient, coulaient, estampaient, gravaient et incrustaient le métal pour produire des objets ornés tels que des bijoux de toutes sortes, des casques, des boucliers, des carquois, des pectoraux, de petits sceaux et des amulettes en forme de cloches, des pièces de harnachement de chevaux, des mors de chevaux, des ceintures, des boucles, des figurines et des candélabres. Le bronze et le cuivre semblent avoir été les matériaux de prédilection. Les grands chaudrons en bronze étaient une spécialité, souvent ornés de têtes humaines ou animales tridimensionnelles sur le pourtour et en guise d'anse. Un magnifique ornement de poignée à tête de taureau en bronze se trouve aujourd'hui au British Museum de Londres.

Bronze Bull Head from Urartu
Tête de taureau en bronze d'Urartu
Osama Shukir Muhammed Amin (Copyright)

Les déesses ailées étaient un autre choix courant pour la décoration des chaudrons. Elles représentent peut-être la déesse Tushpuea, l'épouse de Chivini, le dieu du soleil. Un splendide exemple se trouve aujourd'hui au musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg. Les chaudrons, à fond arrondi, étaient posés sur des bases ou des trépieds estampés. Le type, en général, est très similaire aux chaudrons étrusques, qui furent probablement été inspirés par le modèle urartéen; en effet, certains exemples pourraient bien être de fabrication urartéenne.

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Les plaques de bronze, placées dans les niches des murs intérieurs, étaient gravées de motifs géométriques et de scènes de cavaliers et de chars, parfois même de bâtiments. Certaines plaques sont décorées de feuilles d'or et d'argent. Les ceintures de bronze étaient gravées de scènes de chasse, par exemple de chasses au lion. Les boucliers comportaient de grandes bosses centrales en forme de créatures mythiques, de lions et de taureaux. Les boucliers peuvent également présenter des bandes concentriques de lions et de taureaux gravés, comme sur les deux exemples conservés au British Museum de Londres. Les objets en bronze, tels que les boucliers et les armes les plus ornés, appartenant à la maison royale sont identifiés par des inscriptions qui ont également permis d'identifier des œuvres urartéennes trouvées en dehors de l'Asie.

Urartu Decorated Quiver
Carquois Décoré d'Urartu
EvgenyGenkin (CC BY-SA)

Peintures murales et sols

Les fouilles ont révélé que les bâtiments publics et privés des villes urartéennes étaient ornés de peintures murales. Le complexe palatial du site de la forteresse d'Erebuni comptait à lui seul plus de 2 000 mètres carrés de peintures murales. Peintes sur plâtre, les sections et fragments qui ont survécu montrent des scènes avec des animaux, des créatures mythiques, des processions de dieux et des scènes de la vie quotidienne telles que l'agriculture, l'élevage et la chasse. Les scènes sont généralement encadrées de larges bordures décoratives composées de palmettes, de formes géométriques ou de petites figures humaines répétées. Les fonds sont généralement blancs, les contours sont dessinés en noir, et le bleu et le rouge sont les couleurs les plus couramment utilisées.

Le sol était en pierre dans les bâtiments les plus prestigieux, les exemples conservés présentant soit de grandes dalles de basalte, soit des mosaïques polychromes en pierre de grande taille avec des motifs géométriques. Les murs intérieurs pouvaient être creusés de cavités dans lesquelles étaient placées non seulement les plaques de bronze décoratives décrites ci-dessus, mais aussi des dalles de pierre taillée décoratives de couleur rouge, blanche ou noire.

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Urartian Horse Mural Fragment
Fragment mural de cheval urartéen
James Blake Wiener (CC BY-NC-SA)

Le mobilier

Des meubles étaient placés dans les tombes d'élite, en particulier des trônes et des tabourets assortis. Peut-être fabriqués en grande partie en bois, ils n'ont pas survécu dans leur intégralité, mais des fragments en métal moulé ou massif, généralement en bronze ou en cuivre, ont survécu. Ces vestiges sont très décoratifs et prennent la forme de figures humaines se tenant debout et finement sculptées ou de créatures mythiques telles que des taureaux ailés à tête humaine ou des hybrides oiseau-lion ailés qui étaient destinés à protéger la personne assise sur le trône. Dans certains cas, le visage peut avoir été réalisé en or ou en pierre semi-précieuse et, par conséquent, cette partie a été enlevée depuis longtemps par les pilleurs. Les cavités de beaucoup de ces sculptures miniatures contiennent des traces de feuilles d'or, ce qui suggère que l'ensemble était autrefois recouvert d'or brillant.

La poterie

Une large gamme de récipients a été fabriquée, tant pour l'usage quotidien que pour les cérémonies. Le type le plus courant a une surface rouge polie et une forme typique est la cruche à une anse. De grandes jarres étaient fabriquées et coulées dans le sol des entrepôts où étaient conservées les denrées alimentaires, en particulier les céréales, l'huile et le vin. Les plus grandes d'entre elles pouvaient contenir 750 litres (200 gallons). Une étiquette gravée en cunéiforme indique très souvent le contenu des récipients de stockage. Une forme inhabituelle est le récipient en forme de botte, avec des coutures et des lacets peints. Plusieurs exemples ont été exhumés de la ville forteresse de Teishebani et datent du 8e siècle avant notre ère. Enfin, les pyxides (petites boîtes à couvercle) étaient produites et décorées de reliefs ou de scènes peintes de la vie religieuse et quotidienne. Plusieurs exemples de pyxides en pierre ont été conservés.

Urartu Deity & Bull
Déité et taureau d'Urartu
Metropolitan Museum of Art (Copyright)

Art religieux

L'art religieux comprend des figurines en bronze représentant des dieux importants tels que Haldi, Teisheba et Chivini. Haldi, divinité principale et dieu de la guerre, est souvent représenté sous la forme d'un homme, avec ou sans barbe, debout sur un lion, symbole de sa puissance, de son courage et de sa virilité. En revanche, Teisheba, le dieu de l'orage, est représenté debout sur un taureau et tenant des foudres dans ses mains. Chivini, le dieu du soleil, était souvent représenté agenouillé tenant un disque solaire ailé, et était donc probablement inspiré par le dieu égyptien de la même association, Râ (alias ).

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Certaines figurines de divinités ne sont pas identifiées, comme une déesse en os, et il existe également d'étranges figurines hybrides d'un homme-poisson, d'un homme-oiseau et d'un homme-scorpion. Ces dernières créatures, souvent peintes sur les murs intérieurs des entrepôts, étaient probablement considérées comme des esprits protecteurs. L'arbre de vie, autre motif de l'art mésopotamien, apparaît sur différents supports, généralement avec un personnage debout de part et d'autre de l'arbre et faisant des offrandes.

Urartu God & Worshipper
Dieu et adorateur d'Urartu
Metropolitan Museum of Art (Copyright)

Les armes étaient fabriquées à partir de matériaux précieux qui n'étaient pas destinés à un usage militaire mais à être offerts aux dieux dans les temples. Les inscriptions assyriennes décrivent des temples d'Urartu contenant des arcs et des flèches en argent, des épées en or, des javelots et des lances en argent, et même des chars en argent. Enfin, comme on peut s'y attendre pour un dieu de la guerre, Haldi est fréquemment représenté sur des armes, des ceintures, des boucliers et des médaillons gravés.

Héritage

Comme nous l'avons déjà mentionné, l'art et les objets produits en Urartu et dans d'autres cultures du Proche-Orient, mais aussi plus loin dans la Grèce archaïque, notamment en Crète, à Rhodes, à Samos, à Delphes, à Corinthe et ailleurs, présentent des similitudes frappantes. L'art étrusque présente également des similitudes. La question de savoir si ces idées virent le jour indépendamment les unes des autres ou si elles furent transmises par l'intermédiaire de commerçants, par l'échange d'objets ou par le mouvement des artistes eux-mêmes n'est pas tranchée. Le point de contact entre ces différentes cultures méditerranéennes fut probablement le port prospère de Poséidon (Al Mina) à l'embouchure de l'Oronte, dans le sud-est de la Turquie, qui était contrôlé par l'Urartu dans la première moitié du VIIIe siècle avant notre ère.

Certains motifs de l'art d'Urartu ont continué à apparaître dans l'art de la région à une époque bien plus tardive, tout comme la langue urartéenne a perduré longtemps après la prise de contrôle des villes par les Mèdes et les puissances successives. Le motif de l'arbre de vie, par exemple, était encore utilisé dans les chansons folkloriques et les manuscrits illustrés produits en Arménie pendant la période médiévale.

This article was made possible with generous support from the National Association for Armenian Studies and Research and the Knights of Vartan Fund for Armenian Studies.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2018, février 12). Art d'Urartu [Urartu Art]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-16794/art-durartu/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Art d'Urartu." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le février 12, 2018. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-16794/art-durartu/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Art d'Urartu." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 12 févr. 2018. Web. 27 avril 2024.

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