Livie (alias Livia Drusilla, 58 av. J.-C. - 29 ap. J.-C.) était la troisième épouse de l'empereur Auguste de Rome, la mère de l'empereur Tibère et la grand-mère de l'empereur Claude. Elle est l'une des grandes femmes de l'histoire à avoir atteint la célébrité en vivant dans l'ombre d'un dirigeant puissant, en lui servant silencieusement de conseillère et de confidente. Soutenant les politiques de réforme de son mari et fermant les yeux sur ses infidélités, elle servit l'empire en tant que symbole de l'épouse romaine loyale, mais dans les coulisses de la cour impériale, elle passa une grande partie de sa vie d'adulte à assurer l'avenir de son fils en tant qu'héritier du trône d'Auguste, qu'il le veuille ou non.
Auguste monte au pouvoir
Bien que connu dans sa jeunesse sous le nom d'Octave, le fils adoptif de Jules César, le jeune Auguste finit par accéder au pouvoir après l'assassinat de son père, devenant le chef d'un empire qui s'étendait de la Gaule au nord, à l'ouest vers l'Espagne, à l'est vers la Syrie et au sud vers l'Afrique du Nord, encerclant la totalité de la mer Méditerranée. Pour y parvenir, il avait enduré des années de guerre civile, battant finalement Marc-Antoine et Cléopâtre à la bataille d'Actium et envoyant son compagnon du triumvirat Lépide en exil. Revenant à Rome et à son peuple en héros, le Sénat romain lui accorda un pouvoir illimité de "principat". Ses nombreuses réformes et innovations en tant qu'empereur transformèrent Rome d'une république faible et moribonde en un empire fort et dominant. "Il l'embellit tellement, qu'il se vanta avec raison d'avoir trouvé une ville de briques et d'en avoir laissé une de marbre.". (Vie d'Auguste, XXIX, trad. M. Cabaret-Dupaty, Remacle).
Au cours de sa longue vie active, Auguste se maria trois fois, dont une seule fois par amour. Sa première épouse fut Claudia, la belle-fille de Marc Antoine, par sa femme Fulvia - il s'agissait d'une alliance purement politique et le mariage ne fut jamais consommé. Après leur divorce, il épousa Scribonia, beaucoup plus âgée que lui, dans le cadre d'une autre alliance politique; cependant, elle donna naissance en 39 avant notre ère à son seul enfant, une fille nommée Julia. Auguste aurait déclaré qu'il avait divorcé - le lendemain de la naissance de Julia - parce qu'il ne supportait pas la façon dont elle le harcelait. Livie serait sa troisième épouse.
Jeunesse et mariage avec Auguste
Bien qu'une grande partie de sa jeunesse reste inconnue - ce qui n'est pas rare pour les femmes de l'époque -, Livie vit le jour le 30 janvier 58 ou 59 avant notre ère, probablement à Rome. Avant d'épouser Auguste, elle avait été mariée à Tiberius Néron, membre du très ancien et très important clan des Claudiens. Malheureusement, son mari ne choisit pas judicieusement ses alliances politiques: non seulement il se rangea du côté des optimates - la branche conservatrice du Sénat - mais il soutint également Marc-Antoine à Philippes. Livie suivrait son mari, avec leur fils Tibère, en exil en Grèce, avant de revenir à Rome en 39 avant notre ère. Elle aurait deux enfants de Tiberius Néron: le futur empereur Tibère, né en 42 avant notre ère, et Néron Claudius Drusus, père du futur empereur Claude. Livie était enceinte de Drusus lorsqu'elle divorça de son mari pour épouser Auguste en 37 (ou 38) avant notre ère. Ce mariage unirait deux clans importants, les Juliens (la famille d'Auguste) et les Claudiens (la famille de Livie par mariage).
Pour Auguste, ce mariage était, à toutes fins utiles, une sage décision. Livie soutiendrait fermement son mari tout en restant discrète. Et pour le peuple romain, elle serait perçue comme un "modèle de bienséance à l'ancienne", d'intelligence, de beauté et de dignité. Comme Auguste respectait son opinion, beaucoup, à l'intérieur et à l'extérieur de la cour impériale, considéraient qu'elle avait une influence significative sur les affaires administratives de son mari. Elle était également considérée comme très généreuse, encourageant Auguste à se montrer clément envers ses opposants politiques. Malheureusement, certains membres de la cour impériale n'étaient pas de cet avis: pour eux, elle était une impitoyable intrigante. Son beau-petit-fils Caius disait d'elle qu'elle avait la langue bien pendue, l'appelant Ulixes stolatus ou "Ulysse en redingote".
Bien qu'elle ait toujours prétendu avoir peu d'influence sur les décisions de son mari, l'historien contemporain Tacite, dans ses Annales, parle de ses "intrigues secrètes". Il écrit : "...elle avait acquis une telle emprise sur Auguste âgé qu'il chassa en exil dans l'île de Planaxia son unique petit-fils Agrippa Postumus, qui, bien que dépourvu de qualités louables et n'ayant que le courage brutal de la force physique, n'avait pas été condamné pour un délit grave" (5-6).
Affaires familiales
Comme beaucoup d'épouses romaines, Livie s'occupait principalement des affaires domestiques: elle veillait à la bonne marche de la maison et à l'éducation de ses enfants et petits-enfants. Comme il n'y avait pas de palais pour l'empereur, celui-ci et son épouse vivaient dans une maison sur la colline du Palatin, à côté du temple d'Apollon. Leur maison servait à la fois de résidence privée et de résidence officielle. Cependant, le fait d'être l'épouse de l'empereur présentait un certain nombre d'avantages - certains privilèges légaux. Outre des places au premier rang au théâtre, elle jouissait d'une indépendance financière et était à l'abri de toute attaque verbale ou physique - la sacro-sainteté ou l'inviolabilité. Elle était connue sous le nom de Romana princeps, un peu comme une première dame. Cependant, tout en soutenant son mari, elle se préoccupait avant tout de s'assurer que l'un de ses fils - Tibère ou Drusus - serait l'héritier du trône.
Livie avait de bonnes raisons de s'inquiéter pour l'héritier d'Auguste. Bien que Julia ne lui ait donné que des ennuis tout au long de sa vie (elle finirait par être exilée), sa fille unique donna naissance à deux filles, Julia et Agrippine, et à trois fils. Ses fils, Caius, Lucius et Agrippa Postumus (ainsi nommé parce qu'il était né après la mort de son père), étaient tous considérés comme des héritiers potentiels du trône et, comme ils étaient directement liés à Auguste par Julia (et non adoptés), ils devançaient les fils de Livie, Tibère et Drusus.
Julia avait épousé, de manière arrangée bien sûr, Caius Claudius Marcellus, le neveu d'Auguste, âgé de 17 ans. Après la mort prématurée de ce dernier, elle épousa Marcus Vipsanius Agrippa (alias Marc Agrippe), l'ami d'Auguste et son collègue commandant qui avait été contraint de divorcer de sa femme pour épouser Julia. Sa chance conjuguale se poursuivrait car Agrippa mourut en 12 avant notre ère. Toutefois, leur mariage permit à Auguste d'avoir trois héritiers possibles au trône.
Un seul héritier subsiste
Qu'il se soit agi d'un stratagème de sa part ou d'une question de chance, la promotion de ses fils par Livie serait finalement couronnée de succès. La mort amènerait Tibère sur le trône. Tout d'abord, Livie perdit son plus jeune fils, Drusus, en l'an 9 avant notre ère; il mourut au combat après une chute de cheval. Ensuite, bien que relativement jeunes, Caius et Lucius mourraient eux aussi bientôt: Caius en l'an 4 de notre ère, à l'âge de 23 ans, après avoir été blessé au combat, et Lucius, en l'an 2 de notre ère, en Gaule, à l'âge de 19 ans, des suites d'une maladie. Bien que ni l'un ni l'autre n'ait été à Rome à l'époque, l'histoire a toujours eu un doute quant au rôle de Livie dans leur mort. Le troisième fils, Agrippa Postumus, encore très jeune, fut exilé et, bien qu'il ait été adopté par l'empereur, il serait exécuté peu après la mort d'Auguste.
Curieusement, l'empire serait un jour gouverné par les descendants de Drusus, père d'un futur empereur de Rome et grand-père d'un autre. Drusus avait deux fils, l'éminent commandant Germanicus, père de l'ignoble Caligula qui régna sur Rome de 37 à 41 de notre ère, et Claude qui gouverna de 41 à 54 de notre ère. Pauvre Claude. Sa grand-mère Livie le traitait avec un mépris total car il boitait, bégayait et bavait. Elle ne supportait pas de le regarder en face. Lorsqu'on lui prédit que Claude régnerait un jour sur l'empire, elle "pria à haute voix pour que le peuple romain soit épargné d'un malheur aussi cruel et immérité". Nombreux sont ceux qui pensent que le populaire Germanicus, mort en 19 de notre ère à l'âge de 34 ans, fut empoisonné sur ordre de Tibère afin d'éliminer toute menace éventuelle pour son règne.
La mort prématurée de Lucius et de Caius propulsa Tibère sur le devant de la scène, même si Auguste n'était guère disposé à désigner Tibère comme son héritier. Tibère avait toujours soutenu que l'empereur le traitait sans ménagement. En ce qui concerne l'émergence de Tibère en tant qu' empereur suivant, Tacite a écrit,
Mais Agrippa cessa de vivre ; les deux Césars, Lucius en allant aux armées d'Espagne, Caius en revenant blessé d'Arménie, furent enlevés par une mort que hâtèrent les destins ou le crime de leur marâtre Livie ; depuis longtemps Drusus n'était plus, il ne restait à Auguste d'autre beau-fils que Tibère. Alors celui-ci fut le centre où tout vint aboutir (5)
Alors que Livie s'efforçait de faire en sorte que l'un de ses fils devienne empereur, elle ne semble pas avoir discuté de la question avec l'aîné, Tibère. Bien qu'il se soit distingué en politique et sur le terrain, il ne se sentait pas du tout à sa place dans la maison impériale. À un moment donné, il s'exila même à Rhodes pour ne revenir à Rome qu'en l'an 2 de notre ère. Il déclara qu'il était "fatigué de sa charge et avait besoin de repos". Auguste parla de désertion. Sa mère, cependant, avait d'autres projets pour son fils. Elle devait garantir sa place en tant qu'héritier légitime. Pour ce faire, Tibère fut contraint de divorcer de sa femme bien-aimée, Vispania Agrippina, enceinte, et d'épouser Julia, désormais veuve, en l'an 12 avant notre ère. En fait, il détestait Julia et s'enfuit peut-être à Rhodes pour l'éviter. Cependant, malgré ses sentiments, il défendit Julia lorsque Auguste la fit exiler. Plus tard, en l'an 4 de notre ère, Tibère, alors âgé d'une quarantaine d'années, fut adopté par Auguste. Il était désormais l'unique héritier du trône romain.
Les dernières années de Livie
Le 19 août 14 de notre ère, Auguste mourut. Au moment de la mort de l'empereur, Auguste et Livie se trouvaient hors de Rome, à plus de 160 km de là. Au cours des années qui précédèrent sa mort, Auguste, dont la santé était chancelante, s'était de plus en plus renfermé sur lui-même, ne communiquant avec sa femme que par lettres. Certains affirment que la date de sa mort est erronée car Livie avait peut-être volontairement retardé l'annonce de son décès parce que Tibère était également hors de Rome, à cinq jours de distance. Comme pour la mort de ses beaux-fils, de nombreux historiens pensent que Livie aurait pu jouer un rôle dans la mort de l'empereur, en lui servant des figues empoisonnées.
Alors qu'Auguste agonisait, sa femme resta à ses côtés, gouvernant tous ceux qui voyaient l'empereur et envoyant des bulletins sur son état de santé. Tacite écrit : "car Livie avait entouré la maison de gardes qui en fermaient soigneusement les avenues. De temps en temps elle faisait publier des nouvelles rassurantes,..." (6). Après l'arrivée de Tibère, la mort de l'empereur fut annoncée. Dans son testament, Auguste donne l'essentiel de ses biens à Livie et à Tibère. Il adopte également Livie, qui devient donc Augusta. Par la suite, Tibère se lasserait de l'ingérence de sa mère et l'écarterait de toutes les affaires publiques. Il se serait même exilé à Capri pour s'éloigner d'elle.
Livie mourrait à l'âge de 86 ans en 29 de notre ère; son fils lui survivrait de huit ans. La question de savoir si elle joua un rôle dans la mort de son mari ou même dans celle de ses petits-enfants par alliance est laissée à l'appréciation d'autres personnes. L'histoire se souvient d'elle comme d'une femme puissante qui se tint aux côtés de son empereur de mari tout en éliminant les obstacles qui auraient empêché son fils Tibère de s'asseoir sur le trône. Un membre du clan julio-claudien régnerait sur l'empire jusqu'en 68 de notre ère, lorsque Néron, le fils adoptif de Claude, se suiciderait. L'empire allait d'une certaine manière supporter les règnes de Tibère, de Caligula, de Claude et de Néron. Aucun d'entre eux n'atteignit la grandeur de leur illustre ancêtre Auguste.