Cylindre de Cyrus

Article

Antoine Simonin
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 18 janvier 2012
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Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol

Le cylindre de Cyrus est un document émis par Cyrus le Grand, consistant en un cylindre d'argile inscrit en écriture cunéiforme akkadienne. Le cylindre fut créé en 539 avant notre ère, certainement sur ordre de Cyrus le Grand, lorsqu'il prit Babylone à Nabonide, mettant ainsi fin à l'empire néo-babylonien. Ce document est considéré comme un document de propagande, faisant l'éloge du souverain achéménide Cyrus et traitant Nabonide comme un roi impie et mauvais.

Cyrus Cylinder
Cylindre de Cyrus
kourosh e kabir (CC BY-SA)

Le texte peut être divisé en deux parties:

  • Les lignes 1 à 18 racontent les faits et gestes de Cyrus à la troisième personne: le document parle de Nabonide, le dernier roi babylonien, qui aurait interdit le culte de Marduk, entre autres, et aurait opprimé ses sujets. Ceux-ci se plaignirent donc aux dieux et Marduk trouva Cyrus pour en faire le souverain du monde. Tous les habitants de son nouvel empire étaient très heureux de le voir en tant que nouveau roi.
  • Dans la deuxième partie, Cyrus parle à la première personne. Il commence par ses titres et continue en disant qu'il s'est occupé du culte de Marduk à Babylone, et qu'il leur a "permis de trouver le repos de leur épuisement, de leur servitude". Il raconte aussi que beaucoup de rois lui apportent des redevances, qu'il a restauré les cultes dans tous les anciens royaumes qui font maintenant partie du sien, et qu'il a libéré les anciens déportés.

Différentes interprétations de ce document peuvent être et ont été faites:

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  • Autrefois, certains historiens spécialisés ont pris le texte comme un témoignage proche de la réalité, mais aujourd'hui cette interprétation est largement dépassée.
  • D'autres voient dans ce document une confirmation de la Bible dans son historicité, avec Marduk assimilé à Yahvé. Dans la Bible, Cyrus est présenté comme l'objet de Yahvé, qui lui donne le pouvoir de créer son royaume et la volonté de libérer les Juifs captifs et de les aider à reconstruire leur temple. Le cylindre montre Cyrus disant: "Les dieux qui habitaient là, je les ai renvoyés chez eux et je les ai fait entrer dans une demeure éternelle. J'ai rassemblé tout leur peuple et je l'ai ramené chez lui" (ligne 32), ce qui pourrait confirmer la libération des Juifs captifs, même si ceux-ci ne sont pas nommés dans le texte. Une chose est claire: Cyrus choisit de montrer qu'il avait un Dieu puissant à ses côtés, Mardouk, qui lui donnait la légitimité de renverser Nabonide et de conquérir son empire.
  • De nombreux historiens s'accordent aujourd'hui à dire que ce document est un document de propagande, dans lequel Nabonide est dépeint comme pire qu'il ne l'était, utilisant la colère des cultistes de Marduk contre le dernier roi babylonien pour donner cette fausse image.
  • Une théorie récente consiste à considérer le cylindre de Cyrus comme la première charte des droits de l'homme. Cette interprétation a débuté lorsque, en 1971, à l'occasion du 2500e anniversaire de la monarchie perse, le shah Mohammed Reza Pahlavi fit de Cyrus le Grand une figure clé de l'idéologie gouvernementale, afin d'établir une légitimité préislamique de son gouvernement. La même année, sa dynastie offrit une réplique du cylindre de Cyrus aux Nations unies, avec une "traduction" en anglais largement tronquée et manipulée afin de montrer que Cyrus avait rédigé la première charte des droits de l'homme.

Le problème est que cette dernière traduction est largement diffusée par l'ONU et sur le web, contribuant à cette idée, alors que parler de droits de l'homme ou de charte est un anachronisme. En effet, Cyrus avait effectivement fait une politique de tolérance sur certains points mineurs, notamment concernant les cultes, et cette politique fut poursuivie par ses successeurs plus de 200 ans plus tard. Mais prendre "(...) trouver le repos (...) de leur servitude (...)" (L.26) comme une abolition de l'esclavage, par exemple, est un anachronisme total, comme le prouve l'existence de multiples sortes d'esclaves sous la domination achéménide. Il faut sûrement comprendre ces politiques de tolérance plutôt comme un moyen d'assimiler rapidement les nouveaux sujets dans son empire, afin d'y avoir le moins de problèmes possibles.

Voici une traduction en français de la traduction plus récente d'Irving Finkel, gardien adjoint, départment du Moyen-Orient, British Museum (source) :

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  1. [Quand ... Mar]duk, roi de l'ensemble du ciel et de la terre, le ....... qui, dans son ..., met à sac son.......
  2. [........................................................................] large ? en intelligence, ...... qui inspecte ( ?) les quartiers (régions) du monde)
  3. [.................................................................] son [premier] fils (=Belshazzar), un homme de basse condition, a été mis à la tête de son pays,
  4. mais [..................................................................................] il a mis en place [un (...) contre-pied] sur eux.
  5. Il fit une contrefaçon d'Esagil, [et ...............]... pour Ur et le reste des villes cultuelles.
  6. Des rites inappropriés pour eux, des offrandes [impures] ..........................................................] irrespectueuses [...] étaient quotidiennement itérées, et, en guise d'insulte, [...] il fit cesser les offrandes quotidiennes,
  7. il fit cesser les offrandes quotidiennes; il s'immisça dans les rites et institua [.......] à l'intérieur des sanctuaires. Dans son esprit, la crainte révérencielle de Marduk, roi des dieux, prit fin.
  8. Il fit chaque jour plus de mal à sa cité; ... son [peuple ...................], il les ruina tous par un joug sans répit.
  9. Enlil-des-dieux se mit en colère contre leurs plaintes et [...] leur territoire. Les dieux qui les habitaient quittèrent leurs sanctuaires,
  10. furieux qu'il les ait fait entrer à Shuanna (Babylone). Ex[alta Marduk, Enlil-des-Die]ux, céda. Il changea d'avis au sujet de tous les villages dont les sanctuaires étaient en ruines,
  11. et de la population du pays de Sumer et d'Akkad qui était devenue comme des cadavres, et il eut pitié d'eux. Il inspecta et contrôla tous les pays,
  12. à la recherche d'un roi droit de son choix. Il prit la main de Cyrus, roi de la ville d'Anshan, et l'appela par son nom, le proclamant à haute voix roi de tout.
  13. Il fit prosterner à ses pieds le pays de Guti et toutes les troupes mèdes, tandis qu'il faisait paître dans la justice et l'équité le peuple à tête noire
  14. qu'il avait mis sous sa garde. Marduk, le grand seigneur, qui nourrit son peuple, vit avec plaisir ses belles actions et son cœur sincère,
  15. et ordonna qu'il se rende à Babylone. Il lui fit prendre la route de Tintir (Babylone), et, comme un ami et un compagnon, il marcha à ses côtés.
  16. Ses vastes troupes, dont le nombre, comme l'eau d'un fleuve, ne pouvait être compté, marchaient toutes armées à ses côtés.
  17. Il le fit entrer sans combat ni bataille dans Shuanna; il sauva sa ville Babylone de la misère. Il lui remit Nabonide, le roi qui ne le craignait pas.
  18. Tout le peuple de Tintir, de tout Sumer et de tout Akkad, nobles et gouverneurs, se prosterna devant lui et lui baisa les pieds, se réjouissant de sa royauté, et leurs visages resplendirent.
  19. Le seigneur grâce auquel tous ont été sauvés de la mort et qui les a tous sauvés de la détresse et de l'épreuve, ils l'ont béni avec douceur et ont loué son nom.
  20. Je suis Cyrus, roi de l'univers, grand roi, roi puissant, roi de Babylone, roi de Sumer et d'Akkad, roi des quatre parties du monde,
  21. fils de Cambyse, le grand roi, roi de la ville d'Anshan, petit-fils de Cyrus, le grand roi, roi de la ville d'Anshan, descendant de Teispes, le grand roi, roi de la ville d'Anshan,
  22. le germe perpétuel de la royauté, dont Bel (Marduk) et Nabu aiment le règne, et dont ils se préoccupent, pour leur plus grande joie, de la royauté. Lorsque je me suis rendu à Babylone en tant qu'annonciateur de la paix, j'ai fondé ma résidence souveraine dans le palais du roi.
  23. j'ai fondé ma résidence souveraine dans le palais, au milieu des fêtes et des réjouissances. Marduk, le grand seigneur, m'avait accordé comme destin la grande magnanimité de celui qui aime Babylone, et je le recherchais chaque jour avec admiration.
  24. Mes vastes troupes marchaient paisiblement dans Babylone, et toute la région de [Sumer] et d'Akkad n'avait rien à craindre.
  25. Je recherchais la sécurité de la ville de Babylone et de tous ses sanctuaires. Quant à la population de Babylone [...], qui avait enduré, comme sans intention divine, un joug qui n'avait pas été décrété pour elle, j'ai apaisé sa lassitude,
  26. j'ai apaisé leur lassitude, je les ai libérés de leurs liens ( ?). Marduk, le grand seigneur, s'est réjoui de [mes] bonnes actions,
  27. et il a prononcé une douce bénédiction sur moi, Cyrus, le roi qui le craint, et sur Cambyse, le fils que j'ai engendré, [et sur] toutes mes troupes,
  28. afin que nous vivions heureux en sa présence, dans le bien-être. Tous les rois qui siègent sur des trônes sont soumis à ses ordres,
  29. de tous les coins, de la mer supérieure à la mer inférieure, ceux qui habitent des districts éloignés, et les rois du pays d'Amurru qui habitent sous des tentes, tous ceux-là,
  30. apportèrent leur lourd tribut à Shuanna et me baisèrent les pieds. De [Shuanna], j'ai renvoyé à leurs places la ville d'Assur et celle de Suse,
  31. Akkad, le pays d'Eshnunna, la ville de Zamban, la ville de Meturnu, Der, jusqu'à la frontière du pays de Guti - les sanctuaires de l'autre côté du Tigre - dont les sanctuaires s'étaient délabrés,
  32. les dieux qui y vivaient, et je leur ai fait des sanctuaires permanents. J'ai rassemblé tous leurs habitants et je les ai ramenés dans leurs villages,
  33. et les dieux du pays de Sumer et d'Akkad que Nabonide, à la fureur du seigneur des dieux, avait amenés à Shuanna, sur l'ordre de Marduk, le grand seigneur,
  34. Je les ai ramenés sains et saufs dans leurs cellules, dans les sanctuaires qui les rendent heureux. Puissent tous les dieux que j'ai ramenés dans leurs sanctuaires,
  35. chaque jour, devant Bel et Nabu, me demandent une longue vie, mentionnent mes bonnes actions et disent à Marduk, mon seigneur, ceci: "Cyrus, le roi qui te craint, et Cambyse, son fils,
  36. qu'ils soient les pourvoyeurs de nos sanctuaires jusqu'à des jours lointains ( ?), et que la population de Babylone appelle des bénédictions sur ma royauté. J'ai permis à tous les pays de vivre en paix".
  37. Chaque jour, j'ai augmenté de [...] oies, de deux canards et de dix pigeons les [anciennes offrandes] d'oies, de canards et de pigeons.
  38. Je me suis efforcé de renforcer les défenses de la muraille Imgur-Enlil, la grande muraille de Babylone,
  39. et [j'ai achevé] le quai en briques cuites sur la rive du fossé, qu'un roi précédent avait construit sans l'achever.
  40. Je [...... qui n'entourait pas la ville] à l'extérieur, qu'aucun roi antérieur n'avait construit, sa main d'œuvre, la digue [de sa terre, dans/à Shuanna.
  41. [... ......................................................................avec du bitume et de la brique cuite, j'ai reconstruit, et j'ai achevé son oeuvre.
  42. J'ai construit [..............................................................] de grandes [portes en bois de cèdre] avec des revêtements de bronze,
  43. [et j'ai installé] toutes leurs portes, les dalles de seuil et les ferrures de porte avec des pièces en cuivre. [..........................]. J'y ai vu une inscription d'Assurbanipal, un roi qui m'a précédé ;
  44. [...................................................] à sa place. Que Marduk, le grand seigneur, me fasse cadeau d'une longue vie et de la plénitude de l'âge,
  45. [un trône sûr et une retraite durable, [et que je puisse ...... dans] ton cœur pour toujours.
    a. [Écrit et vérifié] [d'un...] ; (cette) tablette (est) de
    b. Qishti-Marduk, fils de [...].

Les lignes 1-2 et 44-5 sont restaurées sur la base de deux fragments d'argile provenant d'une tablette babylonienne tardive, dont le texte reproduit celui du cylindre de Cyrus.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Antoine Simonin
Passionné par l'Asie centrale ancienne, il gère le site From Bactria to Taxila (De la Bactriane à Taxila). Il participe également au projet Europa Barbarorum.

Citer cette ressource

Style APA

Simonin, A. (2012, janvier 18). Cylindre de Cyrus [The Cyrus Cylinder]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-166/cylindre-de-cyrus/

Style Chicago

Simonin, Antoine. "Cylindre de Cyrus." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le janvier 18, 2012. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-166/cylindre-de-cyrus/.

Style MLA

Simonin, Antoine. "Cylindre de Cyrus." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 18 janv. 2012. Web. 26 avril 2024.

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