Destruction mutuelle de Sennachérib et de Babylone

Article

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 22 août 2014
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Disponible dans ces autres langues: anglais

Le règne du roi assyrien Sennachérib (705-681 av. J.-C.) fut principalement caractérisé par ses difficultés avec Babylone. Tout au long de l'histoire de l'empire assyrien, Babylone avait posé des problèmes et avait même été détruite par le roi assyrien Tukulti-Ninurta Ier vers 1225 avant notre ère. Malgré cela, il existait des liens culturels directs entre Babylone et Assur, capitale de l'empire assyrien, et la ville fut toujours reconstruite et repeuplée. Dans l'esprit des Mésopotamiens, Babylone était plus qu'une simple ville de briques et de rues: c'était un centre culturel d'une immense importance. La profanation de Babylone et de ses dieux par Tukulti-Ninurta Ier conduisit d'ailleurs directement à son assassinat. En raison de son statut parmi les peuples de Mésopotamie, le peuple de Babylone semblait avoir l'impression qu'il pouvait impunément se débarrasser de l'autorité de l'instance dirigeante de la région, quelle qu'elle ait été, et l'on peut comprendre qu'un roi puisse se lasser d'une telle attitude. C'est précisément ce qui arriva à Sennachérib dans ses rapports avec la grande ville.

The Defeat of Sennacherib
La défaite de Sennachérib
The Yorck Project: 10.000 Meisterwerke der Malerei (Public Domain)

Sargon II et Sennachérib

Les problèmes de Sennachérib avec Babylone étaient en grande partie hérités de son père. Son père, Sargon II (722-705 av. J.-C.) avait vaincu le chef de tribu Merodach-Baladan et l'avait chassé de Babylone, mais lui avait laissé la vie sauve. Après la mort de Sargon II et l'accession au trône de Sennachérib, Merodach-Baladan retourna à Babylone et reprit le trône. Les Babyloniens l'accueillirent favorablement, car Sennachérib n'avait rien fait pour s'attirer les faveurs de la ville. En tant que nouveau roi, il aurait dû participer à la cérémonie au cours de laquelle il aurait dû prendre la main de la statue du dieu Mardouk en signe de respect pour le dieu, Babylone et le peuple présidé par Mardouk. Au lieu de cela, Sennachérib s'était contenté de leur faire savoir qu'il était désormais roi de Babylone et n'avait même pas pris la peine de visiter la ville. Merodach-Baladan ne s'inquiétait pas le moins du monde du nouveau roi. Sennachérib était considéré comme un faible. Il n'avait jamais participé aux campagnes militaires de son père et avait passé sa vie de prince héritier à des tâches administratives, alors que Sargon II avait remporté de glorieuses victoires sur le champ de bataille. Lorsque Sennachérib apprit que Merodach-Baladan s'était emparé de Babylone, il n'envoya même pas de force pour la reprendre lui-même, mais son commandant en chef à la tête d'une armée. Celle-ci fut rapidement vaincue par les forces combinées de Babylone et de ses alliés, les Élamites et les Araméens, en 703 avant notre ère. Babylone organisa alors ses troupes, au cas où les Assyriens reviendraient, et se concentra sur ses propres occupations.. Selon l'historienne Susan Wise Bauer:

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Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Sennachérib en personne déferla comme la colère d'Assur et perça la ligne de front des alliés, sans faire de pause. Merodach-Baladan quitta le champ de bataille et se cacha dans les marais salés qu'il connaissait bien; Sennachérib fit le reste du chemin jusqu'à Babylone, qui ouvrit prudemment ses portes dès qu'elle aperçut le roi assyrien à l'horizon. Sennachérib franchit la porte ouverte, mais choisit d'envoyer un message à Babylone: il saccagea la ville, emmena près d'un quart de million de captifs, et détruisit les champs et les bosquets de tous ceux qui s'étaient alliés contre lui (384).

Le peuple de Babylone se rendit rapidement compte que la piètre opinion qu'il avait de Sennachérib était erronée. Au cours de cette première campagne, le nouveau roi se révéla un tacticien habile, un chef militaire compétent et un ennemi impitoyable.

Sennachérib monta une énorme expédition pour envahir l'Élam, avec des navires phéniciens et toute la puissance de l'armée assyrienne.

Sennachérib attend son heure

Bien qu'il ait mis la ville à sac, il ne la détruisit pas complètement. Merodach-Baladan s'échappa après la bataille et se réfugia en Élam où il allait provoquer de nouveaux ennuis pour les Assyriens. Après avoir pris Babylone, Sennachérib plaça sur le trône un fonctionnaire de confiance nommé Bel-ibni pour gouverner à sa place. Bel-ibni avait été élevé aux côtés de Sennachérib à la cour assyrienne et était considéré comme digne de confiance. Il s'avéra que, malgré sa loyauté, Bel-ibni était un dirigeant incompétent qui, avec le temps, commença à laisser les régions méridionales agir à leur guise. Quelques années plus tard, vers 700 avant notre ère, Merodach-Baladan revint de sa cachette et incita à nouveau à la rébellion dans la région. Sennachérib marcha à nouveau vers le sud pour réprimer les révoltes. Il renvoya Bel-ibni à Ninive et nomma son fils préféré et héritier désigné, Assur-nadin-shumi, à la tête de Babylone. En 698 avant notre ère, Assur-nadin-shumi fut enlevé par les Élamites qui revendiquèrent alors Babylone. Sennachérib marcha sur la ville, vainquit les Babyloniens et exécuta les rebelles, mais il n'y eut aucune information sur le sort de son fils et aucune rançon ne fut demandée pour son retour. Cette action "provoqua une véritable guerre entre l'Assyrie, Babylone et l'Élam. Les combats durèrent quatre ans" (Bauer, 388). Sennachérib monta une gigantesque expédition pour envahir l'Élam, avec des navires phéniciens et toute la puissance de l'armée assyrienne. Les Assyriens perdirent la guerre et Assur-nadin-shumi fut présumé mort (les spécialistes actuels pensent qu'il fut exécuté vers 694 av. J.-C.). Sennachérib retourna dans sa capitale de Ninive et s'occupa de projets de construction pendant les cinq années suivantes. Il semble avoir oublié Babylone mais, en réalité, il attendait son heure.

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Sennachérib frappe

En 689 avant notre ère, le roi élamite mourut et Sennachérib ne tarda pas à frapper Babylone. La ville tomba et il renvoya le prétendant au trône à Ninive, enchaîné. Au cours de son règne, Sennachérib avait passé plus de temps à s'occuper de Babylone et des Élamites, et avait dépensé plus d'hommes et de ressources pour s'occuper de cette ville que pour n'importe quelle autre campagne. À bout de patience, il ordonna de raser la ville. Son inscription se lit en partie comme suit:

J'ai marché rapidement vers Babylone que j'avais l'intention de conquérir. J'ai soufflé comme un ouragan et j'ai enveloppé la ville comme un brouillard. Je l'ai complètement encerclée et je m'en suis emparé en ouvrant des brèches et en escaladant les murailles. Je n'ai pas épargné ses puissants guerriers, jeunes ou vieux, mais j'ai rempli la place de la ville de leurs cadavres... J'ai confié à mes hommes la garde des biens de la ville, l'argent, l'or, les pierres précieuses, tous les biens meubles. Mes hommes se sont emparés des statues des dieux de la ville et les ont brisées. Ils ont pris possession des biens des dieux. Les statues d'Adad et de Shala, dieux de la ville d'Ekallati, que Marduk-nadin-ahe, roi de Babylonie, avait emmenées à Babylone à l'époque de Tiglath Phalazar Ier, roi d'Assyrie, je les ai ramenées de Babylone après quatre cent dix-huit ans. Je les ai ramenées dans la ville d'Ekallati. J'ai détruit la ville et les maisons, depuis les fondements jusqu'aux toits, et j'y ai mis le feu. J'ai détruit les murs intérieurs et extérieurs de la ville, les temples, les tours de briques et d'argile - autant qu'il y en avait - et j'ai jeté le tout dans le canal d'Arahtu. J'ai creusé un fossé à l'intérieur de la ville et j'ai ainsi nivelé la terre sur son emplacement avec de l'eau. J'ai détruit jusqu'au tracé de ses fondations. Je l'ai aplatie plus qu'aucune inondation n'aurait pu le faire. Afin que l'on ne se souvienne jamais du site de cette ville et de ses temples, je l'ai dévasté avec de l'eau, de sorte qu'il est devenu une simple prairie (Nagle, 26).

Babylone fut détruite et la statue de leur dieu, Mardouk, fut ramenée à Ninive comme trophée de guerre. Sennachérib n'avait plus à s'inquiéter de qui régnait à Babylone ou des problèmes qu'il pouvait causer, car la ville n'existait plus. Il pensait peut-être que Babylone ne lui causerait plus de problèmes, mais il se trompait. Comme sous le règne de Tukulti-Ninurta Ier, le peuple fut indigné par la destruction de la grande ville par Sennachérib et, plus encore, par le sacrilège qu'il commit en pillant les temples et en emportant la statue de Mardouk. Bauer écrit: "Transformer Babylone en lac - recouvrir d'eau la terre civilisée, ramener la cité de Marduk au chaos primordial - était une insulte au dieu. Sennachérib aggrava la situation en ordonnant que la statue de Marduk soit ramenée en Assyrie" (389). Les Assyriens et les Babyloniens vénéraient un grand nombre de dieux identiques - même s'ils portaient souvent des noms différents - et cette insulte à Marduk, le dieu qui avait fait sortir l'ordre du chaos, était intolérable.

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Sennacherib
Sennachérib
Dbachmann (Public Domain)

Mort de Sennachérib

Le livre de II Rois 19:37 dit : "Un jour que [Sennachérib] se prosternait dans le temple de son dieu Nisrok, ses fils Adrammelek et Sharezer le tuèrent par l'épée, et ils s'enfuirent au pays d'Ararat. Assarhaddon, son fils, lui succéda comme roi". Les inscriptions assyriennes affirment également qu'il fut tué par ses fils, mais divergent sur la question de savoir s'il fut poignardé ou écrasé à mort. L'historien Stephen Bertman écrit : "Sennachérib fut poignardé par un assassin (peut-être l'un de ses fils) ou, selon un autre récit, il aurait été écrasé par le poids monumental d'un taureau ailé sous lequel il se tenait par hasard" (102). Quelle que soit la manière dont il fut tué, on pense qu'il fut assassiné en raison de sa destruction de la ville de Babylone.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2014, août 22). Destruction mutuelle de Sennachérib et de Babylone [The Mutual Destruction of Sennacherib & Babylon]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-745/destruction-mutuelle-de-sennacherib-et-de-babylone/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Destruction mutuelle de Sennachérib et de Babylone." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le août 22, 2014. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-745/destruction-mutuelle-de-sennacherib-et-de-babylone/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Destruction mutuelle de Sennachérib et de Babylone." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 22 août 2014. Web. 28 avril 2024.

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