Siège de Damas

Article

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 22 août 2018
Disponible dans ces autres langues: anglais, portugais
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Le siège de Damas de 1148 fut le dernier acte de la deuxième croisade (1147-1149). D'une durée de quatre jours seulement, du 24 au 28 juillet, le siège mené par une alliance différentes armées d'Europe occidentale ne fut pas couronné de succès, et la croisade prit fin, ses chefs rentrèrent chez eux plus amers et plus en colère les uns contre les autres que contre l'ennemi musulman. D'autres croisades suivraient, mais le mythe de l'invincibilité des chevaliers occidentaux serait définitivement brisé lors de la débâcle de Damas.

Contexte : La deuxième croisade

La deuxième croisade était une campagne militaire organisée par le pape et les nobles européens pour reprendre la ville d'Édesse en Mésopotamie, tombée en 1144 aux mains des Turcs musulmans seldjoukides. Édesse était un important centre commercial et culturel et était aux mains des chrétiens depuis la première croisade (1095-1102). Cependant, lorsque le pape Eugène III (r. de 1145 à 1153) lança un appel formel à la croisade le 1er décembre 1145, les objectifs de la campagne furent présentés de manière assez vague comme un vaste appel à la protection des réalisations de la première croisade, des chrétiens et des reliques sacrées au Levant.

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Siege of Damascus, 1148 CE
Siège de Damas en 1148
Unknown Artist (Public Domain)

La deuxième croisade connut des campagnes réussies dans la péninsule ibérique et dans la Baltique, respectivement contre les Maures musulmans et les Européens païens, mais c'est le Levant qui restait l'objectif principal de la guerre sainte de la chrétienté. L'armée des croisés au Moyen-Orient, qui comptait quelque 60 000 hommes, était dirigée par le roi allemand Conrad III (r. de 1138 à 1152) et Louis VII, le roi de France (r. de 1137 à 1180). Comme lors de la première croisade, le gros de l'armée passa par Constantinople, où les Byzantins et leur empereur Manuel Ier Comnène (r. de 1143 à 1180) l'accueillirent avec réticence. La principale préoccupation de Manuel était que les croisés ne s'intéressaient en fait qu'aux parties choisies de l'Empire byzantin. En conséquence, Manuel insista pour que les chefs de la croisade, à leur arrivée en septembre et octobre 1147, lui prêtent personnellement serment d'allégeance. Dans le même temps, les puissances occidentales considéraient que les Byzantins étaient trop préoccupés par leurs propres affaires et peu enclins à saisir les nobles opportunités qu'offrait une croisade. Les anciennes divisions entre les églises d'Orient et d'Occident n'avaient pas non plus disparu. Il est significatif que Manuel, malgré les efforts diplomatiques, ait renforcé les fortifications de Constantinople et fourni une escorte militaire pour permettre aux croisés de poursuivre leur route le plus rapidement possible.

Le contingent allemand de l'armée des croisés, qui avait déjà subi des pertes considérables lors d'une terrible crue soudaine dans son camp près de Constantinople, ne tint pas compte du conseil de Manuel de s'en tenir à la sécurité de la côte une fois en Asie Mineure et connut un autre désastre, encore plus grave. À Dorylée, le 25 octobre 1147, une force de Turcs seldjoukides musulmans sema le désordre chez les Occidentaux en mouvement lentement et, contraint de se replier sur Nicée, Conrad III fut blessé mais finit par rentrer à Constantinople.

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La cible de la croisade était désormais choisie, non pas Édesse, déjà détruite, mais Damas, tenue par les musulmans, la menace la plus proche de Jérusalem et un trophée prestigieux.

Pendant ce temps, l'armée dirigée par Louis VII, bien que choquée d'apprendre l'échec des Allemands, poursuivit sa route et parvint à vaincre une armée seldjoukide en décembre 1147. Le succès fut cependant de courte durée, car le 6 janvier 1148, les Français furent battus à plate couture au cours de la bataille du défilé de Pisidie, alors qu'ils traversaient les monts Cadmos. Ce fut une ouverture désastreuse pour une campagne qui n'avait même pas atteint son objectif, le nord de la Syrie, et une triste histoire de mauvaise planification, de logistique déficiente et de conseils locaux ignorés.

Louis VII et son armée ravagée finirent par arriver à Antioche en mars 1148. Il choisirent de ne pas tenir compte de la proposition de Raymond d'Antioche de combattre dans le nord de la Syrie et marchèrent vers le sud. De toute façon, un conseil des dirigeants occidentaux se réunit à Acre et la cible de la croisade fut désormais choisie, non pas Édesse, déjà détruite, mais Damas, sous contrôle musulman, la menace la plus proche pour Jérusalem et un prestigieux trophée compte tenu de l'histoire et de la richesse de la ville.

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La grande ville de Damas

Bien que Damas, située dans le sud-ouest de la Syrie, ait été un allié du royaume de Jérusalem dirigé par les croisés, les loyautés changeantes entre les différents États musulmans du Levant ne permettaient pas de garantir l'avenir et, face à la nécessité de prendre au moins une grande ville ou de rentrer chez eux en ayant complètement échoué, Damas était un choix aussi bon qu'un autre pour les croisés. En effet, les Francs, nom donné aux colons occidentaux du Moyen-Orient, avaient déjà tenté à deux reprises de s'emparer de la ville, en 1126 et 1129. La situation était d'autant plus urgente qu'il existait une réelle possibilité que les musulmans de Damas rejoignent ceux d'Alep sous le commandement du dernier conquérant d'Édesse, l'ambitieux Nour ad-Din (parfois aussi appelé Nour al-Din, r. de 1146 à 1174). En effet, le commandant militaire musulman ou atabeg de Damas, le dirigeant de la ville en termes pratiques, était Mu'in ad-Din Unur (alias Mu‘īn ad-dīn Anur, r. de 1138 à 1149), et en 1147, il avait arrangé le mariage de sa fille avec Nour ad-Din. Le monde musulman commençait à s'unir contre les attaques répétées des armées occidentales.

The Near East in 1135 CE
Le Proche Orient en 1135
MapMaster (CC BY-SA)

Damas tirait sa richesse de sa position avantageuse sur les routes des caravanes et la route de la soie, ainsi que de son contrôle sur un vaste arrière-pays riche en cultures. La ville avait également une importance religieuse pour les chrétiens et les musulmans. Capitale de l'empire omeyyade de 661 à 750, la ville avait été un grand centre d'apprentissage et d'arts et s'enorgueillissait d'une architecture de qualité, comme la Grande Mosquée du VIIIe siècle, qui contenait l'une des reliques les plus sacrées de l'islam, le Coran du calife Othman, l'un des premiers successeurs de Mahomet. En outre, le mont Qassioun situé à proximité, était considéré comme le lieu de naissance d'Abraham et, selon la tradition musulmane, Damas devait être le lieu d'arrivée du Messie avant le jour du Jugement dernier. Cette ville valait la peine d'être défendue, tant pour des raisons idéologiques que financières.

L'armée musulmane chargée de défendre Damas était composée d'un noyau professionnel, les askars, et d'un ensemble hétéroclite de forces supplémentaires comprenant une milice, les ahdath, issue des éléments les plus pauvres de la ville et de son vaste territoire environnant, des volontaires turkmènes et kurdes, des troupes fournies par les États sous la domination de Damas - notamment un important contingent d'archers du Liban - et, enfin, des alliés bédouins arabes. Ce sont ces forces qui devraient tenir la ville contre les redoutables chevaliers occidentaux.

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Le siège

Lorsque la nouvelle de l'approche de l'armée croisée parvint à Mu'in ad-Din, le commandant entreprit de détruire tous les puits et toutes les sources d'eau sur l'itinéraire d'approche probable des envahisseurs. L'armée croisée, divisée en trois contingents dirigés chacun par Louis VII, Conrad III et Baudouin III de Jérusalem (r. de 1143 à 1163), arriva à Damas le 24 juillet 1148 et attaqua immédiatement. En effet, bien que les récits historiques soient notoirement confus et contradictoires, il semble que les croisés s'attendaient à ce que la ville tombe en quelques jours et qu'ils n'aient prévu aucun plan B en cas de défense prolongée.

Après que les croisés eurent traversé les canaux d'irrigation périphériques de la ville, Mu'in ad-Din envoya son armée pour empêcher la force croisée de traverser la rivière Barada. Les forces de Baudouin et de Louis furent retenues, mais celles de Conrad percèrent les lignes et les musulmans furent contraints de battre en retraite à travers le terrain difficile des vergers et des bosquets aux murs bas (qui s'étendait sur quelque 8 km depuis les murs de la ville) pour finalement atteindre la sécurité des murs défensifs de la ville.

L'armée des croisés, qui comptait peut-être 50 000 hommes, avança et prit le contrôle des abords à l' ouest de la ville.

L'armée croisée, qui compte peut-être alors quelque 50 000 hommes, avança et prit le contrôle des abords à l'ouest de la ville. À Al-Rabwa, des fortifications furent construites pour couper Damas de la vallée de la Biqa'a. Les faubourgs de Faradis furent les premiers à être attaqués et, le 25, une fortification fut construite à l'extérieur de la porte Bab al-Jabiya en utilisant le bois des vergers de la ville. Le siège était en cours, mais Mu'in ad-Din avait déjà envoyé chercher de l'aide auprès de Nour ad-Din à Alep et de Sayf ad-Din Ghazi à Mossoul (r. de 1146 à 1149).

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À la fin de la journée du 25 juillet, l'armée croisée établit son camp sur le Maïdân vert (Maïdân al-Akhdar), la zone herbeuse utilisée par la cavalerie de damas comme terrain d'entraînement. La ville envoya une force pour repousser les assaillants et une journée de combats acharnés s'ensuivit, en particulier au nord de Damas. Les défenseurs subirent de lourdes pertes, mais il est probable qu'ils réussirent à dégager cette zone, ce qui permit aux renforts d'arriver du Liban et de Sayf ad-Din les 26 et 27 juillet. Il est également probable que les croisés aient eu l'intention de se concentrer sur la périphérie orientale ou méridionale de la ville et sur la plus faible des portes, la Bab al-Saghir ou "petite porte", construite uniquement en briques de terre, même si ces zones étaient beaucoup moins avantageuses pour l'approvisionnement en eau et en nourriture. Cependant, Mu'in ad-Din organisa d'importantes attaques contre les camps croisés avec une force comprenant tous ceux qui pouvaient porter des armes, comme le décrit ici l'historien musulman Abu Chama (1203-1268) :

Un grand groupe d'habitants et de villageois... mit en fuite toutes les sentinelles, les tua, sans craindre le danger, prenant les têtes de tous les ennemis qu'ils tuaient et voulant toucher ces trophées. Le nombre de têtes qu'ils recueillirent fut considérable. (Nicolle, 71)

Pendant ce temps, les habitants de la ville renforcèrent leurs propres fortifications, plutôt médiocres, à l'aide de palissades en bois. Damas s'avérait être une cible beaucoup plus difficile que les Occidentaux ne l'avaient prévu et, pour améliorer le moral des troupes, une relique de la Vraie Croix fut exhibée dans les camps croisés.

Second Crusade Battle Scene
Scène de bataille de la deuxième croisade
Unknown Artist (Public Domain)

Le 28 juillet, les croisés déplacèrent leur principal camp de base du Maïdan vert mais, avant de s'installer sur un nouveau site et après seulement quatre jours de siège, les chefs décidèrent de se retirer de Damas le lendemain. Même alors, les Occidentaux durent faire face à de féroces attaques de harcèlement sur leurs arrières, alors qu'ils tentaient de se regrouper vers le sud. Le siège de Damas fut le dernier épisode de la campagne, et rien de moins qu'une débâcle au regard des intentions glorieuses initiales de ceux qui avaient organisé la deuxième croisade.

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Causes de l'échec

Les causes de l'échec de la croisade sont multiples :

  • les difficultés présentées par les défenses - principalement le terrain et la taille de la ville
  • les tactiques de guérilla des défenseurs et leur ténacité
  • le harcèlement continu des milices locales dans les territoires périphériques de Damas
  • et le manque cruel de nourriture et d'eau pour les assaillants.

Tous ces facteurs combinés entraînèrent l'abandon du siège. Il est également intéressant de noter que ni les sources chrétiennes ni les sources musulmanes ne mentionnent la présence d'engins de siège. Une fois de plus, une mauvaise planification et une logistique défaillante allaient causer la perte des croisés. Les combats autour de la ville avaient été féroces, avec de lourdes pertes de part et d'autre, mais aucune avancée réelle n'avait été réalisée au cours des quatre jours. L'absence d'un plan préétabli et déterminé, soutenu par une logistique et un armement de siège appropriés, s'avéra fatale. Les échecs de la deuxième croisade remirent en perspective les succès déjà légendaires de la première croisade.

L'effondrement du siège en si peu de temps conduisit certains, notamment Conrad III, à soupçonner les défenseurs d'avoir soudoyé les habitants chrétiens pour les pousser à l'inaction. D'autres soupçonnèrent une ingérence byzantine. Il y avait probablement des désaccords et des soupçons entre les factions croisées, en particulier entre celles qui étaient déjà établies au Levant et les nouvelles arrivées, et entre les chefs sur ce qu'il fallait faire exactement de Damas si et quand elle serait capturée. Le zèle des défenseurs pour conserver leur bien le plus précieux et l'arrivée d'une grande armée musulmane de secours à 150 kilomètres de là, envoyée par Nur ad-Din, furent peut-être également négligés. Avec des effectifs et des approvisionnements limités, et face à un délai très court pour prendre la ville avant que les secours n'arrivent et ne menacent leurs propres défenses, les chefs croisés préférèrent sans doute l'option de la retraite pour se battre un autre jour. Mais il n'y aurait pas d'autre combat, et l'armée se retira dans le royaume de Jérusalem. Conrad III retourna en Europe en septembre 1148, et Louis, après une visite touristique de la Terre sainte, en fit de même six mois plus tard. La deuxième croisade, pourtant si prometteuse au départ, s'éteignit de manière décevante, comme un feu d'artifice qui aurait prit l'eau.

Retombées

Nur ad-Din, comme les croisés l'avaient sans doute craint, continua à consolider son empire et prit Antioche le 29 juin 1149 après la bataille d'Inab, décapitant son souverain Raymond d'Antioche. Raymond, le comte d'Édesse, fut capturé et emprisonné, et l'État latin d'Édesse fut éliminé en 1150. Ensuite, Nur ad-Din s'empara de Damas en avril 1154 après la mort naturelle de Mu'in ad-Din, unifiant ainsi la Syrie musulmane. Les musulmans constituaient alors une menace permanente pour l'Empire byzantin et l'Orient latin. La conquête de l'Égypte par le général Shîrkûh de Nour ad-Din en 1168 ouvrit la voie à une menace encore plus grande pour la chrétienté: le grand chef musulman Saladin (r. de 1169 à 1193), sultan d'Égypte, dont la victoire à la bataille de Hattin en 1187 déclencherait la troisième croisade (1189-1192).

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2018, août 22). Siège de Damas [The Siege of Damascus, 1148 CE]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1260/siege-de-damas/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Siège de Damas." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le août 22, 2018. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1260/siege-de-damas/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Siège de Damas." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 22 août 2018. Web. 08 oct. 2024.

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