Philosophie Romaine

Définition

Donald L. Wasson
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 27 octobre 2023
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Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol, Turc
Bust of Marcus Aurelius (by Osama Shukir Muhammed Amin, Copyright)
Buste de Marc-Aurèle
Osama Shukir Muhammed Amin (Copyright)

La philosophie romaine joua un rôle important dans la croissance et le développement de la pensée occidentale. Bien qu'elle n'ait pas participé directement au développement d'une pensée philosophique originale, Rome apporta des contributions significatives de deux manières: en transmettant la philosophie grecque au peuple de l'Empire romain et en développant la terminologie latine qui constitua la base de la diffusion de la philosophie au Moyen-Âge.

Rome fut le berceau d'un certain nombre de grands écrivains et penseurs: Cicéron, Sénèque, Épictète et Marc Aurèle, entre autres. Après la chute de l'Empire romain d'Occident, la religion et la philosophie ne firent plus qu'un, et la relation entre la foi et la connaissance fut remise en question.

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Du grec au latin

À l'origine, le grec et le latin étaient les langues de l'écriture romaine: histoire, poésie, théâtre et philosophie. Le grec était une seconde langue pour la plupart des Romains instruits, et leurs fils étaient toujours envoyés à Athènes pour y étudier la rhétorique et la philosophie, dont l'essentiel était enseigné en grec. Cependant, des changements se profilaient à l'horizon. Au 1er siècle avant notre ère, le poète et philosophe romain Lucrèce écrivit son De rerum Natura (De la nature des choses) en latin. Saint Augustin d'Hippone, auteur de La Cité de Dieu, et Boèce, traducteur de Platon et d'Aristote aux IVe et Ve siècles de notre ère, écrivirent tous deux en latin. L'orateur et homme d'État romain Cicéron (106-43 av. J.-C.), philosophe stoïcien, traduisit la philosophie grecque en latin, apportant à Rome son éthique et sa théorie politique. Le vocabulaire qu'il créa permit au latin de devenir la langue principale par rapport au grec; il le resterait jusqu'à la Renaissance.

AU 1er siècle de notre ère, La philosophie, comme les œuvres des stoïciens et des épicuriens, avait été latinisée.

Selon l'historienne Sara Appel-Rappe, "le développement philosophique dans l'Empire romain a profondément influencé la façon dont nous concevons aujourd'hui la philosophie grecque antique"(Companion, 524). Elle ajoute qu'au cours des dernières années de la République romaine, les gens étudiaient encore à Athènes, mais qu'après les guerres mithridatiques (87-86 av. J.-C.), les philosophes grecs commencèrent à arriver à Rome. Toutefois, à cette époque, Rome était encore dans un monde "où les aspirations intellectuelles revenaient toujours au grec comme langue de prédilection". Les philosophes Calcidius et Apulée (tous deux platoniciens) choisirent d'écrire en latin et, peu à peu, le latin devint la langue de prédilection. Il y a bien sûr des exceptions - à la fin du IIe siècle de notre ère, l'empereur romain et philosophe stoïcien Marc Aurèle (r. de 161 à 180 de notre ère) écrivit ses Méditations en grec parce qu'on lui avait enseigné cette langue - mais Appel-Rappe soutient que la philosophie du Ier siècle de notre ère, comme les œuvres des stoïciens et des épicuriens, avait fini par être latinisée.

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Bien qu'il y ait eu des adeptes du platonisme et de l'épicurisme - le poète Horace (65-8 av. J.-C.) en était un - la majorité des philosophes romains, tels que Cicéron, Sénèque, Épictète et Marc Aurèle, étaient des adeptes du stoïcisme, une école de philosophie fondée par Zénon de Citium au début du IIIe siècle avant notre ère. Les stoïciens axaient leurs croyances sur les concepts de nature et de raison, réprimant leurs émotions et leurs désirs, indifférents au plaisir et à la douleur.

Cicéron

Dans les derniers jours de l'ancienne République, le philosophe, orateur et homme d'État stoïcien Marcus Tullius Cicéron (106-43 av. J.-C.) se battit pour ses principes, ce qui mit fin à sa vie de manière dramatique. Il était né dans la petite ville d'Arpinum, au sud de Rome. Au début de sa carrière, alors qu'il pratiquait le droit, le franc-parler de Cicéron s'attira les foudres du dictateur romain Sulla (138-78 av. J.-C.) et il décida, dans son propre intérêt, de quitter la ville pour aller étudier la philosophie à Athènes. C'est là qu'il fut exposé aux principes du stoïcisme. Cicéron étudia la philosophie de la Grèce antique et c'est à ses traductions de Platon et d'Aristote que l'on doit une grande partie de ce que l'on sait de la pensée grecque. Le stoïcisme deviendrait la base d'une grande partie de ses pensées et de ses écrits. Il admirait la doctrine stoïcienne de la vertu, de l'ordre et de la providence divine. Il appliqua sa connaissance de la philosophie grecque et de ses croyances éthiques à la fois à la politique et au comportement des Romains.

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Cicero
Cicéron
Mary Harrsch (Photographed at the Capitoline Museum) (CC BY-NC-SA)

Parmi ses nombreux ouvrages, citons l'Academica, le De Officiis et le Tusculanae Quaestiones, ce dernier étant consacré à la philosophie grecque et au stoïcisme. Enfin, son De la nature des dieux (De Natura Deorum) et son De la divination (De Divinatione) traitent de questions théologiques. S'il critiquait certains principes stoïciens, il considérait les épicuriens comme complaisants. Dans une lettre à son fils, il écrivit qu'ils avaient un avantage en ce qui concerne les vertus de sagesse, de force d'âme et de maîtrise de soi, mais qu'ils échouaient dans les domaines de la justice et des principes d'intégrité, de générosité, d'amitié et de courtoisie.

De retour à Rome après la mort de Sulla, Cicéron occupa diverses fonctions au sein du gouvernement romain, mais il ne put soutenir Jules César (100-44 av. J.-C.) après qu'il eut pris le titre de dictateur. Il se retira alors dans sa propriété où il commença à rédiger ses ouvrages philosophiques. Plus tard, il justifierait l'assassinat de Jules César en le qualifiant d'acte légitime de tyrannicide. Après s'être élevé contre Marc Antoine (83-30 av. J.-C.) dans ses Philippiques, Cicéron scella son destin: il fut traîné hors de sa maison et exécuté avant de pouvoir s'enfuir. Sa tête et ses mains furent présentées à Antoine, puis exposées sur les rostres du Forum romain. Comme de nombreux stoïciens, il écrivit qu'il ne fallait pas craindre la mort: "Malheureux l'homme qui, au cours d'une longue vie, n'a pas appris que la mort n'est pas à craindre."(Sur la vieillesse, 139) Il ajouta: "La meilleure fin de vie vient avec un esprit clair et un corps sain quand la nature elle-même dissout l'œuvre qu'elle a créée." (151)

Sénèque

Le philosophe stoïcien Lucius Annaeus Seneca (alias Sénèque, 4 av. J.-C. à 65 ap. J.-C.) vit le jour à Cordoue, en Espagne, et vécut et mourut selon les principes stoïciens. Il avait étudié la philosophie à Rome, mais était plus intéressé par la théorie stoïcienne que par l'application politique de ses principes - en particulier lorsqu'ils chevauchaient les valeurs républicaines démodées. Selon l'historien Anthony Everitt, les valeurs de Sénèque s'exprimaient en deux mots latins: pietas (loyauté et devoir) et virtus (bravoure et caractère). Sénèque vouait une grande admiration aux Grecs, écrivant même en latin un certain nombre de tragédies grecques, telles qu'Agamemnon, Œdipe, Thyeste et Médée. Au cœur de sa philosophie personnelle se trouvait la croyance en une vie simple et la dévotion à la fois à la vertu et à la raison.

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Seneca
Sénèque
Matas Petrikas (CC BY-NC)

Il écrivit un certain nombre d'essais philosophiques, tels que De Clementia, De Beneficiis, De Providentia, et 124 lettres (Epistulae Morales ad Lucilium). Il soutenait que le seul bien était la vertu et qu'une personne ne pouvait atteindre le vrai bonheur qu'en agissant conformément à sa vraie nature et devait se contenter de son sort dans la vie. Selon Sénèque, le problème de la vie n'est pas qu'elle soit courte, mais que l'on la gaspille. Il ne faut pas se préoccuper de l'avenir. Comme d'autres stoïciens, il parla de la mort: "Celui qui craint la mort ne fera jamais rien pour aider les vivants. Mais celui qui sait que cela a été décrété au moment où il a été conçu vivra par principe...."(Comment mourir, 15) Dans une lettre, il dit: "Rien ne peut vous être aussi profitable, dans votre recherche de la modération en toutes choses, que de contempler fréquemment la brièveté de votre vie et son incertitude" (11). Il faut profiter de la vie et ne pas s'inquiéter de sa brièveté: "Je profite de ma vie jusqu'à présent parce que je ne passe pas trop de temps à mesurer combien de temps tout cela durera .... La mort est la fin de toutes nos peines, une fin au-delà de laquelle nos maux ne peuvent aller : elle nous ramène à cette paix dans laquelle nous reposions avant de naître" (37).

Sénèque, ancien précepteur et conseiller de l'empereur Néron (r. de 54 à 68 de notre ère), fut accusé de faire partie d'une conspiration. Bien qu'il n'y ait aucune preuve de son implication, Sénèque, obéissant à l'ordre de Néron, prépara son suicide. Après avoir réfléchi aux meilleures méthodes pour se suicider, il essaya la saignée, mais en vain, il essaya le poison, mais en vain, et finalement ses serviteurs le mirent dans un bain chaud, et la vapeur l'étouffa.

Épictète

Un autre philosophe stoïcien romain - qui influença plus tard Marc Aurèle - fut Épictète (c. 50 à c. 130 de notre ère). Ses écrits - les Discours et l'Enchiridion - furent publiés à titre posthume par son élève Arrien, futur auteur et historien des campagnes d'Alexandre le Grand. Né esclave à Hiérapolis, en Phrygie, il avait été rendu boiteux par son maître Épaphrodite, secrétaire personnel de l'empereur Néron. Épictète fut libéré à la mort de Néron en 68 de notre ère. Alors qu'il était encore esclave, il avait étudié la philosophie à Rome avec le stoïcien Musonius Rufus. Avec d'autres philosophes romains, il fut banni par l'empereur Domitien (r. de 81 à 96 de notre ère), qui se sentait menacé par l'influence croissante des philosophes romains. Épictète ne retournerait jamais à Rome; il s'installa dans la ville de Nicopolis, en Épire, où il enseigna la philosophie.

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Pour lui, la philosophie était un mode de vie et non une simple discipline théorique. Il menait une vie simple, préférant vivre dans une hutte. "La vertu est notre objectif et notre but", écrivit-il (103). Il pensait que le devoir d'un philosophe était d'aider les gens à relever les défis quotidiens et à faire face à leur inévitabilité. Il encourageait la maîtrise de soi et la tolérance à l'égard de toutes choses. Il pensait que "la liberté est le seul bien digne de la vie. Elle se gagne en ignorant les choses qui échappent à notre contrôle" (26). Il comprenait que certaines choses sont sous notre contrôle et d'autres non. Ce sont les opinions, les aspirations, les désirs et les choses qui nous rebutent qui sont sous notre contrôle.

Epictetus
Épictète
MB (Public Domain)

Il enseignait qu'une vie menée selon les principes stoïciens n'était pas facile, "car ceux qui poursuivent la vie supérieure de la sagesse, qui cherchent à vivre selon des principes spirituels, doivent être prêts à être moqués et condamnés" (30). Cependant, une vie de sagesse est une vie de raison où l'on doit apprendre à penser clairement, en laissant sa raison être suprême: "Conduis-toi dans tout ce qui est grand et public ou petit et domestique en accord avec les lois de la nature." (9) Pour Épictète, le but de la philosophie est d'"éclairer la façon dont notre âme a été infectée par des croyances mal fondées, des désirs tumultueux indomptés, des choix de vie douteux et des préférences qui ne sont pas dignes de nous" (84). L'antidote est l'examen de conscience appliqué avec bienveillance. Pour Épictète, une vie heureuse est une vie vertueuse; le bonheur et l'épanouissement personnel sont le résultat de l'action juste, car il faut mettre les actes et les devoirs en harmonie avec la nature.

Marc Aurèle

L'empereur et philosophe romain du IIe siècle Marc Aurèle (121-180 de notre ère), fils adoptif de l'empereur Antonin le Pieux (138-161 de notre ère), fut sans aucun doute l'un des plus grands adeptes du stoïcisme. Véritable stoïcien, Aurèle écrit dans son livre Méditations qu'il recherche la vérité, "un concept qui n'a jamais fait de mal à personne; le mal est de persister dans son autodéception et son ignorance" (50). Il ajoute que si quelqu'un pouvait lui prouver qu'il a tort et lui montrer son erreur, il changerait volontiers.

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Bien qu'elles contiennent un soupçon de platonisme, les Méditations - le dernier des écrits stoïciens - furent rédigées alors qu'il était en campagne sur le Danube. L'empire traversait alors une période difficile: catastrophes naturelles, famines, inondations et la peste antonine qui finirait par coûter la vie à l'empereur. En tant que dernier des cinq bons empereurs, Marc Aurèle est considéré par certains comme l'accomplissement du philosophe-roi de Platon. Dans l'une de ses réflexions, il fait référence aux quatre vertus cardinales de Platon, un concept qui résume les principes stoïciens fondamentaux:

Si tu découvres dans la vie humaine quelque chose de meilleur que la justice, la vérité, la maîtrise de soi et le courage, bref, quelque chose de meilleur que la souffrance de ton propre esprit qui te fait agir en accord avec la vraie raison ... alors tourne-toi vers elle de tout ton cœur. (14)

La mort est un sujet exploré à la fois par les stoïciens et les épicuriens: tous deux concluent qu'il ne faut pas craindre la mort, car elle est inévitable. "Tout ce qui existe changera bientôt. Ou bien il sera transformé en vapeur, si toute la matière est unie, ou bien il sera dispersé en atomes." (46) Les stoïciens pensaient que la mort et l'adversité sont indépendantes de la volonté de chacun et qu'elles arrivent à tout le monde - il faut les accepter avec dignité. C'est comme la naissance, un mystère de la nature, et il faut vivre en harmonie avec la nature. Pour Aurèle, "la mort est un soulagement par rapport à la réaction des sens, aux chaînes de marionnettes de l'impulsion, à l'esprit analytique et aux services de la chair" (51).

En véritable stoïcien, il se rendit compte qu'il existe une lutte interne entre la raison et les pulsions: l'appétit, la passion et l'ambition, mais qu'il faut les poursuivre et les repousser. Il écrit: "Serez-vous jamais complet et libre de tout besoin, ne manquant de rien, ne désirant rien, vivant ou inanimé pour la jouissance du plaisir ?" (94) Avant sa propre mort, il se demanda ce qu'il avait à craindre, écrivant: "le dieu qui te laisse partir est en paix avec toi" (122).

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Questions & Réponses

Quelle était la philosophie des Romains ?

Bien qu'il y ait eu des adeptes du platonisme et de l'épicurisme, la majorité des philosophes romains, tels que Cicéron, Sénèque, Épictète et Marc Aurèle, étaient des adeptes du stoïcisme.

Existe-t-il des philosophes romains ?

Oui, les philosophes romains les plus célèbres sont Cicéron, Sénèque, Épictète et Marc Aurèle.

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Donald L. Wasson
Donald a enseigné l’histoire antique et médiévale ainsi que l’histoire des États-Unis à Lincoln College (Illinois). Éternel étudiant d’histoire depuis qu’il a découvert Alexandre le Grand, il met toute son énergie à transmettre son savoir à ses étudiants.

Citer cette ressource

Style APA

Wasson, D. L. (2023, octobre 27). Philosophie Romaine [Roman Philosophy]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18113/philosophie-romaine/

Style Chicago

Wasson, Donald L.. "Philosophie Romaine." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le octobre 27, 2023. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18113/philosophie-romaine/.

Style MLA

Wasson, Donald L.. "Philosophie Romaine." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 27 oct. 2023. Web. 28 avril 2024.

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