Athènes à l'Époque Hellénistique

Article

Ian Worthington
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié sur
Disponible dans ces autres langues: anglais
Imprimer l'article PDF

Lorsque l'on évoque l'Athènes antique, il s'agit presque toujours de la ville classique. On pense à ses nombreux monuments (le Parthénon sur l'Acropole, par exemple), à l'embellissement omniprésent, à l'Agora grouillante de gens qui font des affaires, discutent de l'actualité et bavardent, et à sa vie intellectuelle, artistique et littéraire florissante, avec de grands philosophes comme Socrate, Platon et Aristote, des orateurs comme Périclès et Démosthène, et des fêtes qui à la fois honoraient les dieux et constituaient un point de ralliement pour les gens. La vie quotidienne était ancrée dans les idéaux de liberté et de démocratie et, au Ve siècle avant notre ère, Athènes était une puissance impériale sans égale dans la Méditerranée.

Stoa of Attalos, Athens
Stoa d'Attale, Athènes
Ava Babili (CC BY-NC-ND)

Mais en 338 avant notre ère, la vie de tous les Grecs du continent changea à jamais lorsque Philippe II de Macédoine (r. de 359 à 336 av. J.-C.) vainquit une armée grecque à la bataille de Chéronée (en Béotie) et imposa son hégémonie sur la Grèce. Hormis quelques vaines tentatives de reconquête de leur liberté, les Grecs restèrent sous la domination macédonienne pendant plus d'un siècle, jusqu'à ce que la nouvelle puissance du monde méditerranéen, Rome, n'absorbe la Macédoine et la Grèce dans son empire.

Supprimer la pub
Publicité

Le monde hellénistique

Philippe II fut assassiné en 336 avant notre ère et son fils Alexandre le Grand lui succéda (r. de 336 à 323 av. J.-C.). Il mourut à Babylone en 323 avant notre ère, après avoir renversé l'empire perse achéménide et marcha jusqu'en Inde. Les trois siècles qui s'écoulèrent entre la mort d'Alexandre et la conquête finale de l'Orient par Rome, avec la prise de l'Égypte en 30 avant notre ère, sont communément appelés la période hellénistique. C'était l'époque des royaumes de Syrie séleucide, d'Égypte ptolémaïque, de Grèce antigonide et de Pergame attalide; l'époque où l'ouverture de l'Est à l'Ouest par les conquêtes d'Alexandre se concrétisa, les Grecs réalisant que leur monde était bien plus vaste que la Méditerranée; l'époque où la langue et la culture grecques se répandirent en Orient; et où le grand musée et la bibliothèque d'Alexandrie en firent l'épicentre intellectuel et scientifique du monde.

Supprimer la pub
Publicité
À l'époque hellénistique, Athènes ne semblait être qu'une ville de second ordre, ses politiciens se pliant aux ordres étrangers, sa démocratie dévoyée et son économie en ruine.

Quelle était la place d'Athènes dans ce monde hellénistique? En quoi était-elle différente militairement, politiquement, économiquement et culturellement de son prédécesseur classique? Comment étaient les habitants et comment réagirent-ils face à leurs maîtres macédoniens et romains? C'est sur ces questions que porte mon livre, et de nouvelles réponses inédites y sont apportées.

Athènes avait été une puissance impériale aux Ve et IVe siècles avant notre ère, mais à l'époque hellénistique, elle ne semblait être qu'une ville de second ordre, ses hommes politiques se pliant aux ordres étrangers, sa démocratie dévoyée, son économie en ruine et même ses institutions civiques et religieuses réduites à néant. Sous la domination macédonienne, elle avait même subi des garnisons dans le port du Pirée et dans la ville à proprement parler, à portée de vue de l'Acropole, où vivait la déesse protectrice Athéna.

Supprimer la pub
Publicité

Après la chute de la Macédoine par Rome au IIe siècle avant notre ère, Athènes fut soumise à la volonté de Rome. En particulier, l'activité de construction romaine à Athènes, notamment sous Auguste (r. de 27 av. J.-C. à 14 av. J.-C.) et Hadrien (r. de 117 à 138 av. J.-C.), éloignait Athènes de ce que Périclès avait fièrement proclamé "l'école de l'Hellas" dans son oraison funèbre de 430 av. J.-C. (cf. Thucydide 2.41.1). Les Athéniens assistèrent à l'appropriation par les Romains d'une grande partie de leur culture pour leurs propres besoins et furent victimes d'un pillage généralisé des œuvres d'art dans toute la Grèce, qui furent emportées à Rome pour des expositions publiques et privées.

Pourtant, ce sombre tableau du déclin et de la chute ne correspond pas à la réalité. Elle est le résultat de l'hostilité des sources anciennes et surtout, comme je le montre, de la tendance erronée à comparer l'Athènes hellénistique à l'Athènes classique dans tous les domaines. Après la bataille de Chéronée, Athènes était encore une force avec laquelle il fallait compter; son peuple était résistant; il combattut ses maîtres macédoniens quand il le pouvait et, plus tard, il s'allia à des dirigeants étrangers contre Rome pour retrouver sa liberté.

Achaean League c. 200 BCE
Ligue achéenne vers 200 avant notre ère
Raymond Palmer (Public Domain)

Compte tenu de la diminution des forces terrestres de la ville et de l'absence de sa marine, autrefois puissante, la résistance courageuse du peuple à l'oppression, face à de terribles obstacles, fut l'un des traits marquants de son histoire. Ainsi, en 268 avant notre ère, les Athéniens ont, de manière idéaliste, uni leurs forces à celles de l'Égypte et de Sparte pour défier Antigone II de Macédoine, avant d'être totalement vaincus sept ans plus tard. En 229 avant notre ère, ils retrouvèrent effectivement leur indépendance, mais la guerre contre Philippe V de Macédoine (r. de 221 à 179 av. J.-C.) après 200 avant notre ère conduisit à un appel à l'aide de Rome. Dès lors, l'avenir des Athéniens fut lié à cette ville.

Supprimer la pub
Publicité

L'Athènes romaine

En 146 avant notre ère, Rome annexa la Grèce, mais lorsque l'occasion de recouvrer la liberté se présenta dans les années 80 avant notre ère, les Athéniens se rangèrent du côté de Mithridate VI du Pont (r. de 120 à 63 av. J.-C.) contre Rome. Cette décision allait les conduire à leurs heures les plus sombres, car en 86 avant notre ère, le général romain Lucius Cornelius Sulla assiégea et saccagea la ville, causant de terribles pertes humaines et la destruction des bâtiments.

Mais le peuple s'en remit, avant de participer à la chute de la République romaine. Après avoir accueilli Pompée (106-48 av. J.-C.), puis César (100-44 av. J.-C.), ils donnèrent refuge à Brutus après l'assassinat de César aux Ides de mars en 44 av. J.-C., et à Marc-Antoine après qu'il eut vaincu Brutus et Cassius à Philippes en 42 av. J.-C. Après la bataille d'Actium en 31 avant notre ère, Athènes dut se résoudre à vivre sous le règne d'Octave (Auguste), mais le peuple refusa de se laisser intimider. Lorsqu'Auguste visita la ville en 21 avant notre ère, il fut irrité par le fait que des dissidents avaient aspergé de sang la statue d'Athéna sur l'Acropole et l'avaient tournée vers l'ouest, comme si la déesse crachait avec mépris sur Rome.

Un siècle plus tard, sous Hadrien, la ville fut à nouveau propulsée au premier plan du monde grec lorsque l'empereur romain la choisit comme centre d'une ligue de villes nouvellement créée à l'est, appelée le Panhellénion. Athènes connut alors une véritable renaissance.

Supprimer la pub
Publicité

Facade, Library of Hadrian, Athens
Façade, bibliothèque d'Hadrien, Athènes
Mark Cartwright (CC BY-NC-SA)

Continuité et changement

L'Athènes hellénistique était loin d'être un post-scriptum à l'époque classique; son histoire riche et variée se poursuivit et son statut de géante culturelle et intellectuelle, en particulier dans le domaine de la philosophie et de la rhétorique, attira de plus en plus de Romains dans la ville, certains pour la visiter (comme Cicéron), d'autres pour y faire des études. Athènes ne devrait plus se contenter de vivre dans l'ombre de son prédécesseur plus célèbre.

L'histoire de l'Athènes "hellénistique" n'est pas seulement marquée par l'imposition d'une autorité étrangère, mais aussi par les changements apportés à la ville à proprement parler.

Mon livre ne se termine pas avec la date communément admise de la fin de la période hellénistique, en 30 avant notre ère, mais, de manière controversée, en 132 de notre ère, avec Hadrien. La périodisation (le fait de diviser une période historique en périodes et de donner un nom à chacune d'entre elles) est une arme à double tranchant: elle est pratique, mais elle ne prend pas en considération que les points de départ et d'arrivée ne reflètent pas nécessairenent des choses qui commencent et se terminent mais qui se poursuivent tout simplement avec des changements. Le terme "hellénistique" fut inventé en 1836 par l'historien allemand Johann Gustav Droysen parce qu'il pensait que ces trois siècles étaient définis par la diffusion de l'hellénisme (la langue et la culture grecques), et le terme s'est alors imposé. Mais il ne faut pas oublier que les Grecs n'avaient pas cette notion du temps, et quand on regarde ce qu'Actium et l'annexion de l'Égypte par les Romains ont signifié pour Athènes - et pour la Grèce - une image différente se dessine.

Certes, 31 et 30 avant notre ère furent des années importantes pour Rome, mais en 31 avant notre ère, les Grecs faisaient partie de l'Empire romain depuis plus d'un siècle; Octave n'était qu'un dirigeant romain parmi d'autres, et rien ne prit fin à Athènes. Octave avait pardonné au peuple d'avoir soutenu Antoine et lui avait donné des céréales dont il avait grand besoin, tout comme César et Antoine leur avaient pardonné d'avoir soutenu leurs rivaux et avaient fait des cadeaux à la ville. Il est donc difficile d'imaginer que les Athéniens (ou les Grecs) aient pu penser qu'Actium et, un an plus tard, la chute de l'Égypte aux mains de Rome, marquaient la fin d'une période pour eux.

Vous aimez l'Histoire?

Abonnez-vous à notre newsletter hebdomadaire gratuite!

Selon moi, l'inscription sur l'arc d'Hadrien en dit long: "C'est la ville d'Hadrien, et non de Thésée". La domination romaine bien sûr se poursuivit après Hadrien, mais ce ne fut pas seulement l'imposition d'une domination étrangère qui fut à l'origine de l'histoire de l'Athènes "hellénistique", mais aussi les changements apportés à la ville physique. Les souverains hellénistiques avaient financé des bâtiments à Athènes (la Stoa d'Attale de Pergame dans l'Agora - aujourd'hui reconstruite - est peut-être la plus célèbre), à la fois pour embellir la ville et pour se faire honorer en tant que bienfaiteurs. Ces souverains ne prirent pas le contrôle de la ville, mais ce sont les Romains qui le firent. Leurs constructions, en particulier le programme de construction grandiose d'Hadrien (y compris l'achèvement du temple de Zeus Olympien, à Athènes, dont la taille gigantesque vous coupe le souffle aujourd'hui), eurent un impact encore plus important sur la ville.

The Temple of Olympian Zeus, Athens
Temple de Zeus Olympien, Athènes
George Rex (CC BY-SA)

Ce qu'Hadrien avait construit, où et pourquoi, n'était autre que son choix. Athènes était alors devenue ce qui se rapprochait le plus d'une ville provinciale avant de se faire une place dans ce qui deviendrait le Bas-Empire romain. L'arc d'Hadrien est le point culminant d'une période de l'histoire athénienne qui doit être considérée, selon moi, comme un bloc allant de Philippe II de Macédoine à Hadrien, lorsque la ville n'était plus seulement celle "de Thésée". Athènes a certainement connu des hauts et des bas, mais elle est restée une ville dynamique, avec un peuple toujours résilient, une culture qui captivait les Romains et qui inspirait le respect dans le monde grec et à Rome. L'Athènes hellénistique brillait donc toujours, mais pas de la même manière que la ville classique.

Supprimer la pub
Publicité

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Ian Worthington
Ian Worthington FSA, FRHistS, did his BA at Hull (UK), MA at Durham (UK) and PhD at Monash University. He has written and edited 20 books and over 100 articles on Greek history and oratory. He has won numerous research and teaching awards.

Citer cette ressource

Style APA

Worthington, I. (2020, novembre 11). Athènes à l'Époque Hellénistique [Athens in the Hellenistic World]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1639/athenes-a-lepoque-hellenistique/

Style Chicago

Worthington, Ian. "Athènes à l'Époque Hellénistique." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le novembre 11, 2020. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1639/athenes-a-lepoque-hellenistique/.

Style MLA

Worthington, Ian. "Athènes à l'Époque Hellénistique." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 11 nov. 2020, https://www.worldhistory.org/article/1639/athens-in-the-hellenistic-world/. Web. 07 juil. 2025.

Adhésion