Dvin (alias Dwin), située à 40 km au sud de l'actuelle Erevan, fut la capitale de l'Arménie médiévale précoce pendant quatre siècles. Fondée au IVe siècle de notre ère, la ville prospéra et devint le chef administratif de l'église arménienne. Restée capitale sous la domination du califat arabe omeyyade à partir du milieu du VIIe siècle, Dvin sera finalement remplacée en tant que première ville d'Arménie, d'abord par Partav en 789, puis par Ani en 961.
Fondation
Dvin fut fondée par le roi arménien Khosrov III Kotak (r. de c. 330 à 338 de notre ère) qui convertit ce qui était déjà un petit établissement et un parc de chasse royal en une nouvelle ville. Situé au bord de la rivière Azat sur un promontoire naturel, le site était également facile à défendre grâce aux murs de fortification construits comme moyen de dissuasion supplémentaire. Le fils de Khosrov, le roi Tiran, transféra la résidence royale à Dvin, et au Ve siècle de notre ère, c'était une ville prospère. Sa croissance fut grandement favorisée par la décision des suzerains de l'Arménie de l'époque, l'Empire sassanide, de faire de Dvin la nouvelle capitale administrative de leur partie du pays (l'autre étant contrôlée par l'Empire romain). Dvin n'était cependant pas sans concurrence, surtout en termes de commerce ; une rivale notable étant l'ancienne capitale et plus ancienne ville d'Artashat (Artaxata ou Artaxate), située à quelques kilomètres à l'ouest.
Capitale politique et religieuse
L'éloignement de l'ancienne capitale de Vagharchapat visait à dissocier le nouveau régime de celui de l'ancienne dynastie régnante d'Arménie, la dynastie arsacide (12 - 428 de notre ère), et à renforcer la loyauté envers le vice-roi ou marzpan perse. Dvin, en tant que siège du tout-puissant marzpan, était le lieu où se trouvaient les archives centrales de l'État qui répertoriaient les titres et les privilèges des familles nobles d'Arménie, dont beaucoup étaient régulièrement renouvelés. Les archives étaient également importantes pour le marzpan afin de rassembler les quotas d'hommes armés devant servir dans l'armée perse.
Dans le domaine religieux également, Dvin occupa le devant de la scène puisque les Perses y transférent le siège du premier évêque de l'Église arménienne, le katholikos. Cela faisait, une fois encore, partie d'une stratégie visant à affaiblir la structure religieuse du pays. Le catholicosate, chef administratif et centre d'archives de l'Église arménienne, resterait à Dvin pendant les cinq siècles suivants. Une grande cathédrale fut construite, adaptée au nouveau statut religieux de la ville et dédiée à Saint Grégoire l'Illuminateur (vers 239 - vers 330 de notre ère), premier évêque d'Arménie en 314 de notre ère. La ville possédait également de nombreuses basiliques de qualité et accueillit plusieurs synodes importants, notamment les conciles de 505 et 554.
Une ville prospère
Dvin bénéficia des plaines fertiles environnantes qui permirent à l'agriculture de prospérer, en particulier l'élevage et la spécialité arménienne, longtemps célèbre, d'élevage de chevaux. Les ressources naturelles à proximité comprenaient les matières premières nécessaires à une industrie manufacturière prospère dans et autour de la ville, le tissage et les produits textiles, notamment les tapis, étaient produits en grand nombre.
Dvin s'enorgueillit d'une population cosmopolite de plus de 100 000 résidents grâce à l'afflux d'administrateurs, de nobles, de marchands, d'artisans, de savants et de membres du clergé. Se mêlèrent aux Arméniens des Syriens, des Juifs, des Perses, des Arabes, des Kurdes, des Turcs et des Géorgiens, entre autres. Les négociants internationaux à longue distance y élirent également domicile temporairement, car la ville était située sur les routes commerciales bien établies entre la Chine, l'Inde, la Perse et la Méditerranée. Les marchandises importées comprenaient la soie, les épices, les médicaments et les pierres précieuses, tandis que les principales exportations étaient les chevaux, les céréales, le vin, le pétrole, les métaux et les textiles. Les dimensions du commerce de la ville et son étendue sont attestées par le nombre et la variété des pièces de monnaie mises au jour sur le site à l'époque moderne.
L'historien byzantin Procope, écrivant au 6ème siècle de notre ère, donne la description suivante des avantages et des charmes de Dvin :
Doubios [Dvin] est une terre excellente à tout point de vue, et surtout dotée d'un climat sain et d'une eau abondante et de qualité... Dans cette région, il y a des plaines propices à l'équitation, et de nombreux villages très peuplés sont situés très près les uns des autres, et de nombreux marchands y font leurs affaires... car de l'Inde et des régions voisines de l'Ibérie et de pratiquement toutes les nations de la Perse et de certaines de celles qui sont sous l'emprise romaine, ils apportent des marchandises et y font leurs transactions. (cité dans Hovannisian, 102)
Des temps troublés
Alors que l'Arménie était perpétuellement disputée par les puissances régionales pour sa position stratégique importante, la riche ville de Dvin attirait également les convoitises des souverains étrangers. En 591, l'Empire byzantin et les Sassanides firent un nouveau partage de l'Arménie. En vertu de ce nouvel accord, Dvin devint soudainement une ville frontière entre les deux sphères d'influence et, par conséquent, un territoire contesté. Une armée byzantine de l'empereur Héraclius (r. de 610 à 641) attaqua Dvin en 623, car il cherchait à étendre son empire aux dépens des Perses, ce qu'il fit après leur défaite écrasante à Ninive en 627. Puis, en 636, la nouvelle puissance de la région, le califat arabe Rashidun, remporta une victoire impressionnante contre Héraclius à Yarmak. Les Arabes, apparemment sortis de nulle part, étaient dirigés par le brillant général Khalid qui avait forgé une armée formidable et très mobile à l'aide de chameaux. En octobre 640, il attaqua et prit Dvin. L'Arménie faisait désormais partie de l'empire Rashidun. Les empereurs byzantins n'avaient pas abandonné l'Arménie et, en 642, Constants II (641-668) attaqua Dvin, mais sans succès. Pour l'instant, du moins, c'étaient les Arabes qui régnaient sur le Caucase.
Domination arabe et histoire ultérieure
Les Arabes établirent un gouverneur de l'Arménie, tout comme les Sasanides, mais cette fois, son titre était vostikan, et sa capitale resta Dvin pendant 150 ans. Au cours de la première décennie du 8e siècle, Dvin fut agrandie et refortifiée avec des murs massifs à contreforts et des portes, et la ville entière fut entourée d'un fossé. En 789, des raids aux frontières de ce qui était alors le califat abbasside nécessitèrent le déplacement de la capitale administrative vers Partav, qui semblait plus sûre. Dvin fut ainsi reléguée au rang de deuxième ville de la province d'Arménie, même si l'Église y conserva son siège.
L'événement suivant dans l'histoire de la ville fut désastreux : l'énorme tremblement de terre de 892 qui détruisit une grande partie de Dvin et tua des dizaines de milliers d'habitants. Cette catastrophe fut le troisième grand tremblement de terre dans la région au cours des derniàres décennies. Le katholikos, une fois son palais en ruines, fut obligé de déménager. La ville et la région étant plongées dans le chaos, l'émir Sadjid d'Azerbaïdjan, Afshin, en profita pour envahir l'Arménie et s'empara facilement de Dvin, qui n'avait ni défenses ni défenseurs. La ville fut transformée en base militaire et fit ensuite partie de plusieurs émirats indépendants, mais pas de l'Arménie proprement dite. Ani devint la capitale de l'Arménie en 961 et, après plusieurs tentatives infructueuses des rois arméniens pour reprendre Dvin, la ville fut abandonnée à son sort sous domination étrangère. La ville continua néanmoins à être un centre civique important jusqu'à sa destruction lors de l'invasion mongole de 1236 et son abandon définitif.
This article was made possible with generous support from the National Association for Armenian Studies and Research and the Knights of Vartan Fund for Armenian Studies.