Le Jolly Roger et autres drapeaux de pirates

Article

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 18 août 2021
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Disponible dans ces autres langues: anglais, chinois, tchèque

Le Jolly Roger, avec sa tête de mort blanche sur fond noir, est devenu un élément plutôt jovial du folklore pirate, mais, à l'époque, ce drapeau et d'autres aux motifs similaires à vous glacer le sang, avaient un objectif unique et terrifiant. Le hissage du drapeau des pirates, qui n'était généralement hissé qu'à la dernière minute, signifiait que le navire approché devait se rendre immédiatement ou risquer non seulement d'être attaqué et abordé, mais aussi risquer que tous à bord ne soient exécutés. La menace de ne pas faire de quartier était souvent renforcée par le hissage d'un drapeau supplémentaire, entièrement rouge. Les pirates arboraient de nombreux autres types de pavillons pour signaler leur terrible intention d'approcher un navire, généralement avec des images macabres comme des squelettes, des épées et des cœurs en sang. Les drapeaux nationaux étaient également utilisés, souvent comme une ruse pour masquer l'intention des pirates de piller et de tuer.

The Jolly Roger
Le Jolly Roger
WarX (CC BY-SA)

Le Jolly Roger

Le terme "Jolly Roger" désignait à l'origine tout type de drapeau hissé par les pirates et les corsaires (pirates sponsorisés par l'État) et les modèles étaient certainement variés. Depuis, le nom "Jolly Roger" a fini par désigner un type particulier de drapeau de pirate: un fond noir avec un crâne humain blanc placé au-dessus de deux os croisés, également blancs. L'origine du nom n'est pas connue avec certitude, mais elle pourrait provenir du mot "Roger" qui, à cette époque, désignait le diable, un personnage souvent appelé "Vieux Roger". Un groupe de pirates pendus à Newport, dans le Rhode Island, en 1723, avait appelé "Vieux Roger" leur drapeau représentant un squelette tenant un sablier et un cœur qui saigne. Le terme "Roger" s'appliquait également aux mendiants errants ou aux vagabonds et les corsaires étaient parfois appelés "mendiants de la mer", notamment aux Pays-Bas. Une autre origine est le terme français "le joli rouge", qui s'appliquait au drapeau rouge arboré par les corsaires pendant des siècles. Une autre origine possible (et il y en a plusieurs) est le pirate gallois Black Bart Roberts (alias Bartholomew Roberts, vers 1682-1722) qui était si célèbre pour porter des soies rouge vif au combat que les Français le surnommèrent également "le joli rouge". Roberts était connu pour arborer le drapeau à tête de mort, entre autres, sur sa flotte de navires et ce drapeau serait donc devenu le "Jolly Roger" par association.

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IL SE PEUT QUE LE JOLLY ROGER AIT ÉTÉ CONÇU COMME UN PREMIER AVERTISSEMENT ET QUE, S'IL N'ÉTAIT PAS RESPECTÉ, LE HISSAGE D'UN DRAPEAU ROUGE INDIQUE QU'AUCUN QUARTIER NE SERAIT ACCORDÉ.

La première utilisation enregistrée d'un tel "drapeau noir" par un pirate se trouve sur le navire d'Emmanuel Wynne, un pirate breton qui utilisa une tête de mort et un sablier lors d'un engagement en 1700 au large de Santiago. Bien que Wynne l'ait utilisé, le Jolly Roger ne fut utilisé régulièrement par les pirates britanniques et américains que dans le premier quart du 18e siècle, après que le drapeau noir uni ait été utilisé couramment pendant environ un siècle. Christopher Condent, qui pilla les Caraïbes et le Pacifique entre 1668 et 1672, possédait peut-être une version précoce du Jolly Roger avec trois crânes et des ensembles assortis d'os croisés. Le pirate britannique Richard Worley (pendu à Charleston en 1718) en avait une version avec le crâne superposé aux os croisés. Edward England, qui opéra dans les Caraïbes entre 1717 et 1720, est connu pour avoir fait flotter le Jolly Roger sous la forme que nous lui connaissons aujourd'hui (il a également fait flotter simultanément l'Union Jack et un drapeau rouge pour compléter le tout). Henry Jennings, un pirate anglais actif dans les Caraïbes et l'Atlantique de 1715 à 1717, est un autre de ceux qui firent flotter le Jolly Roger, désormais classique.

Stede Bonnet & the Jolly Roger
stede Bonnet et le Jolly Roger
Benjamin Cole (Public Domain)

Il est certain que la signification du drapeau noir, en particulier, et par extension du Jolly Roger, était connue de la plupart des capitaines respectueux des lois. Un capitaine, Snelgrave, rapporte en 1719 que le Jolly Roger "est destiné à effrayer les honnêtes marchands pour qu'ils se rendent sous peine d'être assassinés s'ils ne le font pas" (Rogozinski, 174). Il se peut que le Jolly Roger ait été conçu comme un premier avertissement et que, s'il n'était pas respecté, le hissage d'un drapeau rouge indiquait qu'aucun quartier ne serait accordé. C'est certainement ainsi que les deux drapeaux furent utilisés par le bateau pirate qui attaqua le capitaine Richard Hawkins, un épisode qu'il relata dans une lettre de 1724.

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Malgré son utilisation plutôt brève dans la pratique, le Jolly Roger s'est fermement établi dans l'imagination populaire grâce à son apparition dans de célèbres histoires de pirates comme le roman de 1858 de R. M. Ballantyne, L'île de Corail, et l'île au trésor de Robert Louis Stevenson, publié pour la première fois sous forme de feuilleton dans un magazine en 1881 et de roman en 1883. Dans les deux livres, le principal navire pirate arbore le Jolly Roger, dont la signification est reconnue par tous. Le drapeau gagna ensuite en popularité grâce à d'innombrables apparitions dans des films hollywoodiens, des films muets aux superproductions du XXIe siècle.

Pirate Flag of Bartholomew Roberts
Le Jolly Roger de Bartholomew Roberts
Orem (CC BY-SA)

Symboles macabres

Les pirates étaient des individus hauts en couleur, il n'est donc pas surprenant qu'ils aient souvent voulu un drapeau qui leur soit propre. Le fond le plus courant du drapeau d'un pirate était noir ou rouge et les images qui y figuraient devaient rappeler aux victimes les terribles conséquences de la résistance. Les squelettes, les crânes, un cœur ensanglanté, un sablier (signifiant que le temps passé sur cette terre touche à sa fin imminente) et des ailes (le temps s'envole) étaient tous des motifs courants sur les drapeaux. Comme beaucoup de ces symboles étaient également présents sur les pierres tombales de l'époque, tout le monde savait ce qu'ils signifiaient. Les armes étaient un autre symbole favori, comme les épées, les coutelas à lame courbe, les boulets de canon enflammés et les lances. Par exemple, le pirate anglais John Rackham (mort en 1720), dont le surnom était "Calico Jack", arborait un drapeau noir avec une tête de mort blanche au-dessus de deux coutelas croisés sur ses navires qui pillaient l'Atlantique et les Caraïbes.

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CERTAINS PIRATES N'AVAIENT AUCUN SCRUPULE À UTILISER DES DRAPEAUX NATIONAUX ORDINAIRES POUR TROMPER LEURS VICTIMES.

Henry Every, un pirate britannique actif en mer Rouge et dans l'Atlantique entre 1692 et 1695, arborait un corps humain sur son drapeau, le personnage tenant un sablier dans une main et un cœur saignant après un coup de lance dans l'autre. Le pirate le plus célèbre de tous, Edward Teach ("Barbe noire", mort en 1718), avait un drapeau similaire mais le rendit plus effrayant en transformant le corps en squelette. Black Bart Roberts, lui, opta pour un drapeau plus amusant, qui le montrait buvant une coupe de vin avec un squelette ou un diable tenant une lance enflammée. Les pirates n'hésitaient pas non plus à faire un peu d'auto-promotion. La bannière personnelle de Roberts le montre avec une épée debout sur deux crânes. Sous les crânes se trouvaient les lettres ABH et AMH, signifiant qu'ils représentaient les têtes décapitées des gouverneurs de la Barbade et de la Martinique respectivement ("A Barbadian Head" une tête des Barbades et "A Martiniquan Head" une tête de la Martinique), qui avaient tous deux envoyé des navires à la poursuite de Roberts. Enfin, certains pirates semblent avoir eu du mal à décider quel symbole utiliser sur leur drapeau et des ensembles plutôt désordonnés furent donc créés, comme celui attribué (peut-être à tort) à Christopher Moody, qui comprenait une tête de mort, des os croisés, une épée et un sablier avec des ailes, le tout sur un fond rouge.

Pirate Flag
Drapeau des pirates
Bastianow (CC BY-SA)

Pavillons colorés et drapeaux nationaux

Les pavillons pouvaient également être utilisés par les pirates pour leurs propres communications. Le grand pirate chinois Cheng Ier (alias Zheng Yi, l. 1765-1807) terrorisait les mers d'Asie de l'Est, du Vietnam à Hong Kong. Cheng finit par prendre la tête d'une alliance de six chefs pirates asiatiques à partir de 1801, et les flottes de chacun des commandants hissaient un drapeau de couleur pour se différencier. Les couleurs utilisées étaient le rouge, le noir, le blanc, le vert, le bleu et le jaune. En outre, chaque drapeau avait une forme différente. Chaque commandant opérait dans une zone particulière, mais l'utilisation des drapeaux permettait d'éviter toute confusion lorsque les navires ennemis traversaient les zones d'attaque.

Certains pirates arboraient le drapeau de leur principal commanditaire, soit un drapeau familial, soit un drapeau national. L'utilisation de drapeaux nationaux était également une tentative de donner un mince vernis de respectabilité aux actions des pirates qui se considéraient davantage comme des corsaires et des ennemis légitimes des propres ennemis de leur souverain. En 1694, l'Amirauté britannique obligea tous les corsaires opérant au nom de la Couronne à arborer un drapeau rouge, le "Red Jack", en plus du drapeau national. Au 18e siècle, les corsaires américains avaient tendance à arborer un drapeau rouge avec des bandes blanches horizontales.

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Bartholomew Roberts
Bartholomew Roberts
Benjamin Cole (CC BY-NC-SA)

Certaines organisations comme les Côtes Barbaresques d'Afrique du Nord et les Chevaliers de Malte (alias les Chevaliers Hospitaliers) qui ciblaient les navires marchands musulmans insistaient pour que les pirates travaillant pour eux battent leur pavillon. D'autres capitaines étaient fiers de leur nationalité et battaient un pavillon approprié, comme le corsaire/private Hamidou Reis (1790-1815) qui opérait en Méditerranée et naviguait sous pavillon anglais.

Enfin, certains pirates utilisaient des pavillons nationaux ordinaires pour tromper leurs victimes. Le pirate anglais John Deane, qui opérait dans les Caraïbes dans les années 1670, est un des capitaines célèbres qui utilisèrent cette ruse. Dean faisait flotter des drapeaux néerlandais, espagnols et français pour leurrer ses victimes et leur donner un faux sentiment de sécurité. Parfois, les autorités utilisèrent la même ruse, comme dans le cas des navires américains qui hissèrent des pavillons anglais en 1815 et s'approchèrent suffisamment près du navire de Hamidou Reis pour tirer un boulet de canon qui coupa le corsaire en deux. Il est clair que, pour les deux camps, les pavillons pouvaient être un élément mortel dans les batailles navales qui impliquaient pirates et corsaires.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2021, août 18). Le Jolly Roger et autres drapeaux de pirates [The Jolly Roger & Other Pirate Flags]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1813/le-jolly-roger-et-autres-drapeaux-de-pirates/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Le Jolly Roger et autres drapeaux de pirates." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le août 18, 2021. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1813/le-jolly-roger-et-autres-drapeaux-de-pirates/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Le Jolly Roger et autres drapeaux de pirates." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 18 août 2021. Web. 18 avril 2024.

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