Lois sur l'Esclavage en Virginie et Développement de l'Esclavage dans l'Amérique Coloniale

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Joshua J. Mark
de , traduit par Zsuzsanna Rigó
publié le 27 avril 2021
Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol
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L'esclavage racial se développa dans les colonies anglaises d'Amérique du Nord entre 1640 et 1660 et fut complètement institutionnalisé en 1700. Bien que l'esclavage ait été pratiqué dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre et du Centre, et que la colonie de la Baie du Massachusetts ait adopté la première loi sur l'esclavage en 1641, la Virginie fut la première à pratiquer l'esclavage institutionnalisé. Ainsi, les lois sur l'esclavage de Virginie, adaptées de celles de la colonie anglaise de la Barbade, devinrent le modèle dont d'autres colonies s'inspireraient pour établir leurs propres lois. En l'absence d'un modèle d'esclavage institutionnalisé, la Virginie se tourna vers la Barbade qui avait commencé à importer des esclaves en grand nombre en 1640 pour les faire travailler dans les plantations de canne à sucre.

Slaves Waiting for Sale by Eyre Crowe
Esclaves en attente de vente par Eyre Crowe
Eyre Crowe (Public Domain)

La colonie de Jamestown en Virginie réduisit en esclavage un petit nombre d'Amérindiens dès 1610 et les colonies de la Nouvelle-Angleterre en firent de même après la guerre des Pequots (1636-1638), mais cette pratique était considérée comme conforme à la tradition d'asservissement des prisonniers de guerre. L'esclavage des êtres humains qui n'avaient rien fait pour justifier un tel traitement débuta en Virginie lorsqu'un serviteur noir sous contrat nommé John Punch fut condamné à la servitude à vie en 1640. Par la suite, des lois qui restreignaient de plus en plus les droits de la population noire furent adoptées dans les années 1660 (ce phénomène se développa dans la colonie à partir de 1619), puis conduisirent à la participation de la colonie au Traité Transatlantique des Esclaves, sur la base duquel de plus en plus d'Africains étaient importés vers les Amériques en tant qu'esclaves.

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EN 1610, UN NAVIRE AMENA À JAMESTOWN LE MARCHAND JOHN ROLFE PORTEUR DE GRAINES DE TABAC HYBRIDE.

Au fur et à mesure que les Anglais colonisaient de nouvelles terres, ils importèrent davantage d'esclaves pour les faire cultiver - en particulier dans les colonies du sud (Maryland, Virginie, Caroline et Géorgie) où il y avaient de grandes plantations de tabac et de riz - et chacune de ces colonies institua ses propres lois sur l'esclavage. La colonie de Maryland, fondée en 1632, n'établit pas de lois sur l'esclavage avant que celles de la Virginie n'ait été en vigueur et lorsque la Caroline fut fondée en 1663, la colonie de Virginie avait déjà institutionnalisé l'esclavage. Bien que dérivées du Code Barbadien de l'Esclavage, les lois sur l'esclavage de Virginie servirent de modèle immédiat aux autres colonies (à l'exception de la Caroline, fondée par des planteurs anglais de la Barbade) et servent donc de meilleur modèle pour comprendre le développement de l'esclavage dans l'Amérique coloniale.

Tobacco Field
Champ de tabac
Kipp Teague (CC BY-NC-ND)

Jamestown et le tabac

Jamestown fut fondée en 1607 et lutta pour survivre pendant les trois années suivantes. Les premiers colons avaient entendu parler des richesses du Nouveau Monde pendant des années, l'Espagne s'étant enrichie grâce à ses colonies dans les Antilles, en Amérique du Sud et en Amérique centrale. Ces colons arrivèrent en Virginie avec l'impression qu'il leur suffirait d'empocher l'or qui se trouvait sous tous les rochers et buissons pour devenir des hommes riches. Lorsqu'ils constatèrent que ce n'était pas le cas, ils se mirent à voler les membres de la confédération autochtone Powhatan qui ripostèrent en les enfermant dans leur prison et, finalement, en déclenchant la première des Guerres anglo-powhatanes (1610-1614) qui aboutit, entre autres, à la première mise en esclavage enregistrée d'Amérindiens en 1610.

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La même année, un navire amena dans la colonie le marchand John Rolfe (c. 1585-1622) porteur de graines de tabac hybrides. Le tabac était cultivé avec succès par les Espagnols dans leurs colonies du sud et était déjà reconnu comme une culture commerciale rentable, mais les Espagnols gardaient soigneusement les graines et les plants de leur Nicotiana tabacum, très populaire sur le marché européen. Ainsi, les colons de Jamestown pouvaient seulement tenter de cultiver la Nicotiana rustica, plus rude, utilisée par les indigènes d'Amérique du Nord. Cependant, Rolfe avait acquis des graines de Nicotiana tabacum, qu'il mélanga pour créer la culture commerciale qui non seulement sauva Jamestown, mais qui servit également de modèle aux grandes plantations dans les colonies du Sud.

En même temps, le tabac était une culture à forte intensité de main-d'œuvre, qui nécessitait une importante classe ouvrière pour le planter et le récolter. Ce besoin fut comblé par des serviteurs sous contrat, des personnes qui acceptaient de travailler pour quelqu'un d'autre pendant 4 à 7 ans en échange d'un passage vers le Nouveau Monde et du gîte et du couvert pendant la durée de leur service. À la fin de leur contrat, ils recevaient des terres, généralement quelques outils et un fusil, et étaient libres de faire ce qu'ils voulaient.

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18th-Century Advertisement for Virginia Tobacco
Publicité du XVIIIe siècle pour Virginia Tobacco
The British Museum (CC BY-NC-SA)

Les premiers Africains et John Punch

Les premiers Africains arrivèrent en Virginie plus ou moins par hasard. En 1619, un navire hollandais en quête de ravitaillement accosta à Jamestown et échangea une vingtaine d'Africains asservis au gouverneur Sir George Yeardley (c. 1587-1627) contre des provisions nécessaires. Yeardley est considéré par certains spécialistes comme le premier propriétaire d'esclaves en Virginie, mais il est prouvé que ces premiers Africains étaient traités comme des serviteurs sous contrat, et non comme des esclaves. Les archives ultérieures montrent clairement qu'un certain nombre des Africains arrivés à Virginie en 1619 devinrent eux-mêmes propriétaires terriens et que des serviteurs noirs sous contrat étaient enregistrés jusqu'en 1676, lorsqu'ils participèrent à la rébellion de Bacon aux côtés des serviteurs blancs sous contrat et des esclaves africains.

Jusqu'en 1640, la population noire de Virginie semble avoir été considérée plus ou moins de la même manière que les Blancs. Cette année-là, un serviteur noir sous contrat nommé John Punch quitta le service de son maître avant la fin de son contrat, invoquant de mauvais traitements, et deux serviteurs blancs sous contrat partirent avec lui. Les trois hommes furent capturés et renvoyés pour être punis; le service des deux Blancs fut prolongé de quatre ans, mais Punch fut condamné à la servitude à vie. C'est la première fois que l'on trouve trace d'un Africain réduit en esclavage dans les colonies anglaises et de nombreux spécialistes indiquent cet événement comme date de début de l'esclavage en Amérique.

Premières lois sur l'esclavage et leur justification biblique

En 1650, davantage d'Africains avaient été réduits en esclavage parce qu'il n'y avait pas assez de serviteurs sous contrat pour travailler dans les champs de tabac. Les Autochtones asservis connaissaient la terre et pouvaient facilement s'enfuir pour trouver la liberté auprès d'autres tribus, mais les Africains n'avaient pas cet avantage et c'est pourquoi, entre autres considérations, ils devinrent les esclaves de prédilection. En 1662, les esclaves étaient déja plus nombreux que les serviteurs sous contrat et les relations sexuelles entre les propriétaires blancs et les esclaves noires donnaient naissance à des enfants mulâtres. Cette année-là, une loi fut adoptée déclarant que les enfants de femmes esclaves noires, engendrés par des Blancs, étaient la propriété du maître de la femme:

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Vu que des doutes se sont élevés sur la question de savoir si les enfants d'une femme nègre engendrés par un Anglais devaient être esclaves ou libres, il est donc décrété et déclaré par cette grande assemblée que tous les enfants nés dans le pays seront considérés comme esclaves ou libres en vertu de la condition de la mère, et que si un chrétien commet la fornication avec un homme ou une femme nègre, il ou elle doit payer le double de l'amende imposée. (Chronologie, 1)

L'un des objectifs prétendus de la colonisation anglaise de l'Amérique du Nord était la christianisation des indigènes et, comme de plus en plus d'Africains étaient amenés dans les colonies, certains maîtres s'engagèrent dans l'évangélisation de leurs esclaves. En 1667, une loi fut adoptée déclarant que le baptême d'un esclave ne l'exemptait pas de la servitude. On pouvait convertir un "esclave païen" au christianisme dans le but de sauver son âme immortelle, mais cela ne changeait pas son statut d'esclave.

The Drunkenness of Noah, Sistine Chapel
L'ivresse de Noé, Chapelle Sixtine
Michelangelo (Public Domain)

La reconnaissance par les colons blancs de l'existence d'une âme immortelle chez les Noirs peut sembler en contradiction avec leur pratique de l'esclavage et le fait qu'ils les considéraient comme des biens, mais ce problème fut résolu par l'interprétation intéressante du passage 9:18-24 du Livre de la Genèse. Après le grand déluge, Noé et ses trois fils - Sem, Cham et Japhet - sortirent de l'arche, Noé planta une vigne, s'enivra et se coucha nu à l'extérieur de sa tente. Ham vit la nudité de son père et le dit à ses frères qui couvrirent alors respectueusement leur père sans le regarder. Lorsque Noé se réveilla, il maudit Canaan, le fils de Cham, en disant "Il sera pour ses frères l’esclave des esclaves.", tandis que les enfants de Sem et de Japhet furent bénis pour l'acte de leurs pères qui avaient couvert Noé sans le regarder, et donc sans l'humilier.

Comme le passage indique clairement que "ce sont là les trois fils de Noé, et c'est leur postérité qui peupla toute la terre" (Genèse 9:18) et que la Bible était considérée comme la parole littérale de Dieu, les Noirs étaient regardés comme les enfants de Cham, maudits par Dieu lui-même pour servir d'esclaves aux Blancs, les enfants de Sem et de Japhet. Cette affirmation absurde, qui ne peut en aucun cas être étayée par le texte lui-même (le texte n'affirme pas que Cham était d'une race différente de celle de ses frères ni que quiconque dans l'histoire était un Anglais blanc ou un Africain noir), était associée à d'autres versets tirés de la Bible pour justifier l'esclavage racial.

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Lois ultérieures sur l'esclavage dans les années 1660

Une fois la Bible invoquée comme justification, n'importe quelle loi pouvait être adoptée en toute impunité. En 1669, une loi fut adoptée, libérant tout maître, maîtresse ou surveillant blanc de toute responsabilité dans le meurtre d'un esclave. Vu que les esclaves étaient considérés comme des biens, et personne ne détruirait intentionnellement ses propres biens, le meurtre d'un esclave était considéré comme le résultat accidentel d'une mesure disciplinaire, et pas comme un acte délibéré de meurtre. À cette époque, les droits de la population noire libre étaient sévèrement restreints, y compris le droit de succession. Lorsque Anthony Johnson, considéré comme l'un des premiers Africains de 1619, mourut en 1670, ses terres furent données à un colon blanc, bien que Johnson ait eu des enfants qui s'attendaient à recevoir leur héritage légal. Cette décision fut considérée comme légale car, en tant qu'homme noir, Johnson n'était pas considéré comme un citoyen de Virginie et n'avait donc aucun droit à la propriété foncière, même si, en vertu des lois sur l'engagement, toute personne ayant accompli son service avait légalement droit à la terre pour laquelle elle avait travaillé.

Alors que de plus en plus d'Africains étaient importés comme esclaves dans les colonies et que de plus en plus de lois étaient adoptées pour restreindre les droits de la population noire libre - dont les membres n'avaient pas le droit de voter même s'ils étaient propriétaires terriens -, la possibilité d'une rébellion commença à susciter des inquiétudes. Dans certaines communautés et dans des colonies comme la Caroline, la population d'esclaves était plus nombreuse que celle des colons blancs (parfois le double). Après la rébellion de Bacon en 1676, la servitude sous contrat fut supprimée et davantage d'Africains furent importés comme esclaves. En 1680, alors que la population d'esclaves augmentait, la Virginie adopta la Loi sur l'Insurrection, qui interdisait aux esclaves de se rassembler en grand nombre pour quelque raison que ce soit et de s'armer:

Vu que la réunion fréquente d'un nombre considérable d'esclaves nègres sous prétexte de fêtes et d'enterrements est jugée dangereuse, afin de la prévenir à l'avenir, Qu'il soit décrété.... qu'à partir de la publication de la présente loi, il ne sera pas permis à un nègre ou autre esclave de porter ou de s'armer d'un gourdin, d'un bâton, d'un fusil, d'une épée ou de toute autre arme de défense ou d'attaque, ni d'aller sur le terrain de son maître ou de s'en éloigner sans un certificat de son maître, de sa maîtresse ou de son surveillant, et cette permission ne sera accordée que dans des occasions particulières et nécessaires; et tout nègre ou esclave en infraction, n'ayant pas de certificat comme susdit, sera envoyé à l'agent de police qui est par la présente enjoint et requis de donner audit nègre vingt coups de fouet sur son dos nu, bien étendu, et ainsi le renvoyer chez son maître, maîtresse ou surveillant.... et si un nègre ou un autre esclave a la présomption de lever la main pour s'opposer à un chrétien, il recevra pour une telle infraction, sur preuve faite par serment, trente coups de fouet sur le dos nu... (Chronologie, 1)

Afin d'empêcher les colons blancs d'aider les esclaves, d'interagir avec eux sur un pied d'égalité ou d'exprimer le désir d'épouser un esclave, une loi fut adoptée en 1682, prévoyant une peine de six mois de prison et une lourde amende pour le colon blanc et une punition pour l'esclave. Les esclaves étaient désormais définis comme toute personne non blanche et non chrétienne arrivée dans les colonies contre son gré, de sorte que les personnes de couleur qui avaient été enrôlées comme membres d'équipage à bord d'un navire pouvaient désormais être vendues comme esclaves lorsqu'elles atteignaient la Virginie.

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Lois sur l'esclavage en Virginie au début des années 1700

Cette loi fut élargie en 1705 lorsque l'Assemblée générale de Virginie déclara que tout serviteur qui n'était pas chrétien et qui accompagnait un maître blanc dans le pays était considéré comme un esclave. Ces personnes étaient soumises aux mêmes lois que les esclaves, y compris la liberté pour un colon blanc de les tuer pour n'importe quelle raison, à condition qu'une compensation soit versée au maître.

Slave Cabin Interior, Mount Vernon
Intérieur de la cabine des esclaves, Mount Vernon
Tim Evanson (CC BY-SA)

Afin de renforcer la ségrégation entre les races, une autre loi de 1705 interdit à tout pasteur de présider le mariage d'une personne blanche et d'une personne de couleur:

Qu'il soit édicté qu'aucun pasteur de l'Église d'Angleterre, ou autre pasteur ou personne quelconque, dans cette colonie et dominion, ne présidera jamais sciemment le mariage d'un homme blanc avec une femme nègre ou mulâtre; ou le mariage d'une femme blanche avec un homme nègre ou mulâtre, que sous peine de confiscation et de paiement, pour chaque mariage de ce genre, de dix mille livres de tabac; une moitié à notre souveraine la Reine... et l'autre moitié au dénonciateur. (Chronologie, 1)

Pour être reconnu coupable de ce "crime", il suffisait qu'un colon blanc en règle avec la communauté déclare avoir vu un tel mariage ou avoir entendu un pasteur parler favorablement des mariages interraciaux. Comme pour les accusations de sorcellerie, toute personne ainsi accusée était présumée coupable, car on pensait que personne n'accuserait une autre personne d'un délit aussi grave sans raison valable.

LE SERVITEUR NOIR D'UN MARCHAND BLANC EN VISITE ÉTAIT SOUMIS À LA LOI DE 1705 ET CONSIDÉRÉ COMME UN ESCLAVE. EN TANT QUE TEL, LE SERVITEUR POUVAIT ÊTRE ENLEVÉ ET VENDU AILLEURS.

Vu que les esclaves étaient considérés comme des biens et ainsi ne pouvaient pas être condamnés à payer une amende, ceux qui participaient à un mariage interracial étaient fouettés, marqués au fer rouge ou défigurés. Les esclaves qui interagissaient avec les colons blancs sans déférence et humilité pouvaient également être battus, fouettés ou cloués au pilori. Un esclave reconnu coupable de tentative de viol sur une femme blanche était pendu et tout ce qui était requis pour la condamnation était la parole de la femme ou celle d'un "témoin" blanc du crime.

Tout au long des années 1720, ces lois devinrent plus sévères et celles concernant les Noirs libres plus restrictives. Les marchands noirs, qu'ils aient été originaires de Virginie ou qu'ils soient arrivés d'autres colonies, n'étaient pas autorisés à porter des armes et, les armes de ceux qui venaient d'ailleurs étaient confisquées. Le serviteur noir d'un marchand blanc en visite, même s'il était chrétien, était soumis à la loi de 1705 et considéré comme un esclave. En tant que tel, le serviteur pouvait être enlevé et vendu ailleurs sans que le maître ait de recours légal, car même si le serviteur était défini comme un esclave en Virginie, il n'était pas entré dans la colonie en tant que "propriété", donc il ne s'agissait pas de vol et, pour autant que les magistrats le sachent, l'individu s'était tout simplement enfuit. Alors, aucune compensation n'était due au commerçant. Les lois continuèrent ainsi, devenant encore plus restrictives, jusqu'aux années 1750.

Conclusion

Comme nous l'avons vu, la Virginie emprunta son modèle aux Anglais de la Barbade qui établirent la norme de base en matière de politique esclavagiste brutale, répondant ainsi au besoin de sécurité des colons. Plus les mesures imposées à la population noire étaient restrictives, moins il y avait de chance que cette population puisse organiser un soulèvement de grande importance. Malgré cela, les colons blancs d'Amérique du Nord ressentaient le même inconfort psychologique que les colons de la Barbade, comme l'a noté l'universitaire Alan Taylor:

Les planteurs de la Barbade ont payé un lourd tribut psychologique et physiologique à leur richesse et à leur pouvoir. Étant un peuple particulièrement ethnocentrique, les Anglais trouvaient énormément déplaisant de vivre parmi des Africains jugés si différents par leur teint, leur langage et leur culture. À juste titre, les planteurs souffraient également de cauchemars récurrents dans lesquels les esclaves se levaient pour les tuer dans la nuit. Adoptant une mentalité de siège, les planteurs barbadiens s'enfermèrent dans des maisons fortifiées qui empêchaient les Noirs d'y pénétrer. (216)

De la même manière, les colons de Virginie et d'autres colonies établirent leurs lois sur l'esclavage comme des "maisons fortifiées" pour se protéger de ceux qu'ils avaient injustement réduits en esclavage. Même s'ils défendaient l'asservissement de la population noire en se référant à leurs Écritures, ils reconnaissaient, à un certain niveau, que les esclaves étaient de véritables êtres humains dotés de pensées et de sentiments, comme en témoignent les lois elles-mêmes, qui interdisaient d'apprendre à lire aux Noirs, reconnaissaient que les Noirs avaient une âme qui devait être "sauvée", comprenaient que les familles noires seraient bouleversées si elles étaient vendues à l'écart, et prenaient des mesures pour empêcher les esclaves de se soulever et de réclamer leur liberté.

La nature schizophrénique de l'esclavage institutionnalisé exigeait que les colons blancs considèrent la population noire comme un peuple asservi à juste titre et, à partir de 1750, comme une propriété, mais qui en même temps les obligeait à reconnaître les esclaves comme des êtres humains qui attachaient autant d'importance à leur liberté que n'importe quelle autre personne.

Les révoltes d'esclaves commencèrent en 1712 et continuèrent, de manière sporadique, tout au long des XVIIIe et XIXe siècles, augmentant la peur des colons blancs et conduisant à des punitions plus sévères et à de nouvelles mesures restrictives. Les colonies de la Nouvelle-Angleterre et du Centre abolirent l'esclavage en 1850, mais les colonies du Sud maintinrent l'institution jusqu'à ce qu'elles ne soient contraintes de l'abandonner après avoir perdu la guerre de Sécession (1861-1865). Dès ce moment-là, les Blancs n'eurent d'autre choix que de libérer les esclaves et de reconnaître, du moins juridiquement, la population noire comme égale à eux-mêmes sur le plan de la dignité humaine.

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Traducteur

Zsuzsanna Rigó
Je suis passionnée par l'histoire et j'aimerais contribuer au travail du site en informant d'autres sur les faits intéressants et en même temps faire des traductions en français, la langue dont je suis amoureuse depuis mon enfance.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

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Style APA

Mark, J. J. (2021, avril 27). Lois sur l'Esclavage en Virginie et Développement de l'Esclavage dans l'Amérique Coloniale [Virginia Slave Laws and Development of Colonial American Slavery]. (Z. Rigó, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1740/lois-sur-lesclavage-en-virginie-et-developpement-d/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Lois sur l'Esclavage en Virginie et Développement de l'Esclavage dans l'Amérique Coloniale." Traduit par Zsuzsanna Rigó. World History Encyclopedia. modifié le avril 27, 2021. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1740/lois-sur-lesclavage-en-virginie-et-developpement-d/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Lois sur l'Esclavage en Virginie et Développement de l'Esclavage dans l'Amérique Coloniale." Traduit par Zsuzsanna Rigó. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 27 avril 2021. Web. 31 oct. 2024.

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