Vikings en Islande

Article

Joshua J. Mark
de , traduit par Yves Palisse
publié le 17 janvier 2019
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Disponible dans ces autres langues: anglais, afrikaans

Les sources médiévales sur la découverte et la colonisation de l'Islande qualifient souvent les explorateurs de 'Vikings', mais, techniquement, ce n'était pas le cas. Le terme 'Viking' ne s'applique qu'aux pillards scandinaves, et non aux Scandinaves en général. Certains des hommes et des femmes qui ont colonisé l'Islande avaient peut-être participé à des raids vikings, mais c'est en tant que fermiers désireux de commencer une nouvelle vie dans un nouveau monde qu'ils sont arrivés en Islande.

Contrairement à d'autres régions colonisées par les Vikings, l'Islande ne comptait aucune population locale à leur arrivée. Lorsque les Vikings attaquèrent l'abbaye de Lindisfarne, en Northumbrie britannique, en 793, ou plus tard lors de leurs raids dans le Wessex, la Mercie, l'Irlande ou l'Écosse, ils durent faire face à ceux qui occupaient déjà les lieux. En Islande, en revanche, il n'y avait personne à combattre ni d'églises ou d'abbayes à piller pour s'emparer de leurs trésors. Les populations qui devaient coloniser le pays venaient avant tout de Norvège (plus tard des Orcades, des Shetlands et de l'Irlande) et étaient gouvernées par des aristocrates norvégiens très riches qui possédaient leurs propres bateaux et par conséquent étaient en mesure de convaincre ou de forcer d'autres migrants à les accompagner.

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L'histoire des premiers Scandinaves d'Islande est généralement divisée en trois périodes par les chercheurs modernes:

  • L'âge de la colonisation, c. 870-930;
  • L'âge de l'État libre islandais, 930-1200;
  • L'âge des Sturlungar, 1200-1262.

Reconstructed Viking Village in Hofn, Iceland
Reconstitution d'un village viking à Hofn, en Islande
adriana serra (CC BY-NC-SA)

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Le christianisme s'imposa en Islande vers 999/1000, remplaçant la religion norvégienne traditionnelle, mais il semble évident que la majorité de la population n'embrassa pas la nouvelle foi de son plein gré. Elle lui fut plus ou moins imposée par le roi norvégien Olaf Tryggvason (r. de 995 à 1000), qui avait converti la Norvège par la force, et contrôlée par le législateur Thorgeir Ljosvetningagodi (actif vers 985-1001). Selon le chercheur Robert Ferguson (entre autres), cette adhésion de façade au christianisme vers 999/1000 engendra la période de violence et de guerre civile qui marqua l'âge des Sturlungar. Cette période devait précipiter la fin de l'État libre et l'acceptation par l'Islande de l'autorité norvégienne vers 1262.

L'âge de la colonisation

Les sources les plus anciennes sur l'histoire de l'Islande sont l'Íslendingabók ('le Livre des Islandais', c. XIIe siècle) et le Landnámabók ('le Livre de la colonisation', c. XIIIe). Selon le Landnámabók, le premier colon d'Islande fut Naddodd le Viking (c. 830) qui découvrit l'Islande après avoir dérivé hors de sa voie alors qu'il faisait route vers les îles Féroé.

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Herjolf et Thorolf firent l'éloge de cette nouvelle terre, Thorolf allant jusqu'à déclarer qu'elle était si belle que les brins d'herbe produisaient du beurre. Ce sont leurs récits qui incitèrent davantage de Norvégiens à émigrer vers l'Islande.

Il fut suivi plus tard par Gardar le Suédois (également connu sous le nom de Garðarr Svavarsson, vers les années 860) qui aurait peut-être lui aussi dérivé vers l'Islande. Il établit une petite colonie sur les rives de la baie de Skjálfandi (correspondant à la ville actuelle de Húsavík), dans le nord. Gardar rebaptisa la terre 'l'île de Gardar' et rentra chez lui. L'un des membres de son équipage, un homme du nom de Nattfari, resta cependant sur place avec un esclave et une servante. On dit que ces trois personnes restèrent dans la baie de Skjálfandi et devinrent ainsi les premiers colons permanents.

Le troisième explorateur scandinave de l'Islande, et le plus connu de tous, fut Flóki Vilgerðarson (par ailleurs connu sous le nom de Hrafna-Flóki, c. 868), qui se lança délibérément dans la colonisation de l'Islande. Flóki resta plus longtemps que les deux premiers explorateurs et établit une communauté sur le Borgarfjord (Borgarfjörður, sur lequel se trouve la ville moderne de Borgarnes) sur la côte ouest.

En raison des glaces qui obstruaient le fjord, Flóki ne put repartir et fut contraint de rester sur l'île bien plus longtemps qu'il ne l'avait prévu. Avant son départ, il baptisa l'endroit 'Islande' et, à son retour en Norvège, il parla à tout le monde de cette terre inhospitalière couverte de glace et de neige. Toutefois, deux membres de son équipage, Herjolf et Thorolf firent l'éloge de cette nouvelle terre, Thorolf allant jusqu'à déclarer qu'elle était si belle que les brins d'herbe produisaient du beurre. Ce sont leurs récits qui incitèrent davantage de Norvégiens à émigrer vers la nouvelle terre, qui, malgré les louanges d'Herjolf et Thorolf, conserva le nom que Flóki lui avait donné.

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Après le retour de Flóki, l'attrait pour la migration vers l'Islande s'accrut considérablement en Norvège. Dans les sources, non seulement l'Íslendingabók et le Landnámabók, mais aussi dans les œuvres des chroniqueurs chrétiens, cette situation est souvent attribuée à la 'tyrannie' du roi norvégien Harald Ier de Norvège, dit Harald à la belle chevelure (r. de 872 à 930). La forme précise que prit cette 'tyrannie' n'est pas précisée, mais elle avait quelque chose à voir avec l'attribution des terres et le haut niveau de taxation imposé en Norvège. En comparaison, un nouveau pays, où l'on pouvait établir une exploitation sur une grande étendue de terre, sans être écrasé par les taxes, devait sembler tout à fait attrayant aux contribuables norvégiens.

The Settlement of Iceland
Colonisation de l'Islande
Max Naylor (Public Domain)

Le Landnámabók raconte longuement l'histoire du premier colon historique de l'Islande, Ingólfr Arnarson (vers 874). Après avoir participé à un règlement de comptes sanglant en Norvège, Ingolfr et son frère adoptif Hjörleifr décidèrent de partir pour l'Islande. On dit qu'ils auraient rencontré des moines irlandais déjà présents sur l'île qui seraient repartis parce que ne voulant pas vivre au milieu des païens. Par la suite, Hjörleifr et son groupe furent massacrés par les esclaves qu'ils avaient amenés d'Irlande. Ingólfr poursuivit les meurtriers et les mit à mort. En 874, après avoir vengé son frère adoptif, Ingólfr fonda la communauté qui allait devenir l'actuelle Reykjavík.

Une fois l'établissement permanent établi, d'autres colons ne tardèrent pas à arriver. Le Landnámabók relate comment, vers 927, alors que l'Islande était déjà en grande partie colonisée, le peuple renvoya un homme nommé Ulfljot en Norvège afin qu'il élabore un code juridique pour l'Islande basé sur le système juridique norvégien. Ulfljot revint en 930 et remit le code à l'Althing (l'assemblée générale des hommes libres) d'Islande. À ce moment-là, l'Islande avait été divisée en 36 principautés et chacune d'entre elles avait un chef qui la représentait à l'assemblée en vue d'établir une communauté pacifique et harmonieuse.

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L'âge de l'État libre

La première période de l'âge de l'État libre (930-1030) est également connue sous le nom d''âge des sagas', car c'est à cette époque que se déroulent la plupart des récits des grandes sagas islandaises. Ces histoires furent transmises oralement jusqu'aux XIIe et XIIIe siècles, dates à partir desquelles elles furent consignées par écrit. Elles comprennent des récits sur la colonisation de l'Islande (Íslendingabók et Landnámabók), ainsi que les célèbres Saga des Volsung, Saga de Ragnar Lodbrok, l'Edda en prose et l'Edda poétique, qui ont fourni aux générations suivantes des sources d'information sur les croyances et les coutumes norvégiennes préchrétiennes.

CHAQUE PRINTEMPS ET CHAQUE ÉTÉ, LE CHEF DE CHAQUE PRINCIPAUTÉ SE RÉUNISSAIT AVEC LES AUTRES À L'ALTHING ET VOTAIT DES LOIS AINSI QUE DIVERSES DÉCISIONS, TANT RELIGIEUSES QUE SÉCULIÈRES.

Ces récits soulignent l'aspect égalitaire de la société norvégienne dans la mesure où, bien qu'il y ait eu un seul chef par tribu, les décisions étaient prises après consultation de conseillers qui représentaient les intérêts parfois divergents de la communauté. Il existait de nombreuses communautés distinctes appelées 'communes' le long des côtes de l'Islande. Dans chaque commune, les habitants vivaient de l'agriculture, de l'élevage, de la pêche, de la chasse et du commerce.

Chaque commune était dirigée par cinq hommes élus pour un an. L'un d'entre eux était envoyé comme représentant à l'Althing pour régler les litiges et réglementer les lois. Les chercheurs Stefan Brink et Neil Price soulignent qu''il ne fait guère de doute que la commune était l'institution sociale la plus importante d'Islande au Moyen Âge.' (574). Cette affirmation est validée par le fait que chaque commune avait sa propre identité mais coopérait toutefois volontiers avec les autres en matière juridique afin d'assurer l'égalité et l'harmonie entre les communautés.

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Chaque printemps et chaque été, le chef de chaque principauté était envoyé pour rencontrer les autres à l'Althing afin de voter les lois ainsi que diverses décisions, tant religieuses que séculières. L'universitaire Kirsten Wolf commente l'importance du droit dans la société scandinave, elle écrit:

Il ne fait aucun doute que les lois étaient importantes pour les Scandinaves de l'ère Viking. À tel point que le mot anglais moderne 'law' (loi) est un emprunt anglo-saxon au vieux norrois log (qui signifie 'ce qui a été établi ou réglé'). Il semblerait singulier que les Anglo-Saxons aient emprunté un tel mot à un peuple qui n'aurait pas eu la réputation d'avoir l'esprit porté sur le droit. (150)

L'Althing constituait la base non seulement du droit islandais, mais également du développement culturel de l'Islande en maintenant l'harmonie et l'équilibre entre les communes. Le gouvernement islandais était une oligarchie, une 'union de chefs sans roi' (Wolf, 151). Le président de l'Althing était le diseur de lois, qui connaissait par cœur le système juridique et le récitait au commencement de chaque assemblée. Le président de l'Althing était élu pour une période de trois ans, puis un nouvel homme était choisi. En Islande, les lois étaient communiquées de façon orale jusqu'en 1117 environ, date à laquelle elles furent rédigées.

L'Althing reconnaissait et l'imposait la loi, mais n'avait pas le pouvoir de la faire appliquer. Une fois qu'un jugement était rendu, il appartenait aux individus de veiller à ce que justice soit faite. L'Althing pouvait légiférer sur les litiges fonciers et trancher en faveur d'un cultivateur contre un autre, mais il n'avait pas le pouvoir de s'assurer que cette décision soit respectée. Il incombait donc à chaque individu de faire respecter les décisions de l'Althing et, pour autant que l'on puisse en juger, c'est ce qui se passait. Les traditions norvégiennes de vengeance familiale, inspirées par la loi du talion, furent remplacées en Islande par un système d'amendes. Les châtiments corporels furent remplacés par la peine de mise hors-la-loi, par laquelle une personne était mise au ban de la communauté.

Logberg – Althing Meeting Place at Thingvellir, Iceland
Logberg – Althing (Assemblée Générale) à Thingvellir, Islande
Adam Fagen (CC BY-NC-SA)

Ces lois étaient fondées sur les croyances religieuses communautaires et les précédents, tels qu'interprétés par les chefs et le diseur de lois. Wolf écrit:

Ces chefs portaient le titre de godi (pluriel godar), un mot dérivé du vieux norrois god (qui signifie dieu). Ce titre montre donc que les chefs remplissaient des fonctions à la fois religieuses et séculières. (151)

La paix était assurée tant que chacun reconnaissait la légitimité de ces lois et leur caractère sacré, mais cette paix fut de plus en plus menacée par les missionnaires chrétiens envoyés de Norvège.

Le christianisme

Selon la Kristni Saga (récit de la christianisation de l'Islande au XIIIe siècle), les deux premiers missionnaires chrétiens furent un Allemand nommé Fredrik (vers 981) et un Norvégien choisi spécialement par Olaf Tryggvason (avant son accession au trône), Thorvald le Grand Voyageur. Thorvald subit tant de quolibets et de d'humiliations de la part des Islandais qu'il finit par en tuer deux et dut s'enfuir en Norvège, Fredrik l'accompagnant dans sa fuite.

Après son accession au pouvoir, Olaf expédia un autre groupe de missionnaires en Islande avec à leur tête un dénommé Stefnir (vers 997). Celui-ci, après avoir compris qu'il ne parviendrait à convertir personne par ses seules paroles, entreprit d'évangéliser l'Islande en détruisant les temples et les sanctuaires païens. Le chercheur Robert Ferguson commente la réaction des Islandais de la façon suivante: 'Le fait que les Islandais, au vu des actions de Stefnir, se soient tournés vers la loi pour décourager le fanatisme des adeptes de la nouvelle religion témoigne de leur inquiétude face à la nature intolérante du christianisme'. (300). Au bout du compte, Stefnir fut déclaré hors-la-loi et dut même quitter le pays.

Olaf choisit ensuite un représentant chrétien, Thangbrand (v. 999), qui réagit de la même manière que Thorvald devant les moqueries dont il fit l'objet et tua deux des personnes qui l'avaient humilié. Il fut également déclaré hors-la-loi et retourna en Norvège. En réponse à son échec, Olaf fit confisquer les biens que les Islandais possédaient en Norvège et menaça de les faire exécuter ou mutiler. Ce furent deux chefs chrétiens islandais, Gissur Teitsson et son gendre Hjalti Skeggjason, qui parvinrent à l'en dissuader en lui promettant qu'ils réussiraient là où les autres avaient échoué auparavant. Pour s'assurer de leur réussite, Olaf prit quatre otages, tous parents des quatre chefs islandais les plus puissants.

Olaf Tryggvason
Olaf Tryggvason
Vegard Ottervig (CC BY-SA)

À leur retour, Gissur et Hjalti rejoignirent les autres à l'Althing où il devint bientôt évident que ni les chrétiens ni les païens n'étaient prêts à faire des concessions, il fallait donc trouver un compromis. Le diseur de lois Thorgeir Ljosvetningagodi, après avoir médité pendant 24 heures, rendit le verdict suivant: tout le monde deviendrait chrétien et serait baptisé, mais les païens pourraient continuer à pratiquer leur religion en privé.

Comme le raconte la Kristni Saga, cette décision fut prise dans un souci d'unité, car le zèle des chrétiens était tel qu'il menaçait de diviser le pays en deux: les croyances et les lois païennes régissant une partie du pays et les idéaux chrétiens, l'autre. Thorgeir semble avoir estimé que la conversion au christianisme était inévitable au vu de la détermination d'Olaf, mais il faut aussi considérer que sa décision fut influencée par les otages détenus par Olaf ainsi que la possibilité qu'il ait été soudoyé par l'un des chefs.

Quelle qu'ait pu être la raison de sa décision, les Islandais se soumirent à son autorité en tant que législateur et se convertirent à la nouvelle religion. Ferguson écrit:

À titre individuel, en tant que voyageurs et commerçants, la conversion leur a peut-être tout simplement épargné la gêne de se sentir dépassés dans un monde moderne, de devenir des rustres s'accrochant à des idées périmées aux confins du monde connu. Sur le plan politique, elle a peut-être préservé une indépendance dont ils étaient fiers en écartant la menace immédiate d'une invasion norvégienne. (322)

Olaf Tryggvason mourut en l'an 1000 et, vers 1025, l'Althing d'Islande négocia un traité avec le roi Olaf Haraldsson de Norvège (également connu sous le nom de Saint Olaf, Olaf II, r. de 1015 à 1028), garantissant leurs droits et libertés individuels en Norvège et leur autonomie en Islande. La morale chrétienne devenait désormais la base du droit islandais et l'Église gagnait encore en puissance, devenant particulièrement influente dans l'élaboration de nouvelles lois. Les premières lois ecclésiastiques écrites de l'Islande datent d'environ 1097, mais elles furent probablement ratifiées bien plus tôt et transmises oralement, comme cela avait toujours été le cas.

L'âge des Sturlungar

VERS 1220, LE ROI NORVÉGIEN HAAKON HAAKONSSON COMMENÇA À VOULOIR CONTRÔLER L'ISLANDE ET ENTAMA DES NÉGOCIATIONS AVEC CELUI QUI ÉTAIT ALORS LE CHEF DES STURLUNGAR, SNORRI STURLUSON.

Bien que l'Althing ait continué à être convoqué, son champ d'action se vit influencé par l'évêque d'Islande, qui présidait depuis le diocèse de Skálholt. Le premier évêque fut Ísleifur Gissurarson (1056-1080) et de nombreux autres suivirent. Les communes continuèrent également à fonctionner comme auparavant, mais en observant désormais les coutumes et les traditions chrétiennes au lieu de celles de la religion norvégienne traditionnelle. Cependant, au lieu d'être dirigées par cinq hommes élus, les communes étaient désormais dirigées par un seul chef, qui, avec le temps, accumula beaucoup de pouvoir et de richesses en ajoutant d'autres communes à la sienne.

Le pouvoir finit par passer aux mains de six clans familiaux, les Sturlungar étant les plus puissants d'entre eux. Vers 1220, le roi norvégien Håkon Håkonsson (également connu sous le nom de Håkon le Vieux et Håkon IV, r. de 1217 à 1263) commença à s'intéresser de près aux moyens de contrôler l'Islande et entreprit des négociations avec celui qui était alors le chef des Sturlungar, Snorri Sturluson (c. 1179-1241), le grand mythographe et historien islandais. Snorri accepta de devenir le vassal de Håkon et promit d'user de son influence pour amener les autres chefs à se soumettre à l'autorité norvégienne, l'objectif final consistant à assurer la souveraineté de la Norvège sur l'Islande.

Snorri, pour une raison indéterminée, ne fit jamais rien pour tenir parole et c'est son neveu Sturla Sighvatsson (1199-1238) qui reprit le flambeau. Sturla remplaça Snorri en tant que chef et lança des campagnes militaires contre les autres clans, Snorri, quant à lui, fut exilé en Norvège. Sturla et son père, le poète Sighvatr Sturluson (1170-1238) affrontèrent les clans des familles Ásbirningar et Haukdælir lors de la bataille d'Örlygsstaðir en 1238, au cours de laquelle ils furent vaincus et trouvèrent tous deux la mort. Gissur Thorvaldsson (1208-1268) du clan Haukdælir et Kolbeinn ungi Arnórsson (1208-1245) du clan Ásbirningar étaient désormais les deux chefs les plus puissants d'Islande et contrôlaient les clans les plus faibles ainsi que leurs communes.

Prose Edda
Edda en prose
Unknown (Public Domain)

Gissur devint alors vassal du roi Håkon Håkonsson de Norvège et incita les autres chefs à accepter à leur tour la souveraineté norvégienne. En 1241, Snorri Sturluson revint d'exil et Gissur, obéissant à des ordres donnés par Håkon, prit la tête d'une équipe de guerriers pour aller assassiner l'écrivain dans sa propre maison. Vers 1242, le neveu de Snorri, Thordur kakali Sighvatsson (r. de 1247 à 1250), revint à son tour de Norvège en Islande pour venger la mort de son oncle ainsi que celles de son père et de son frère à Örlygsstaðir. Son combat contre Kolbeinn ungi Arnórsson se solda par un résultat nul lors de la bataille navale de Flóabardagi (bataille du Golfe) en 1244. Il défit également les forces de Brandur, le frère de Kolbeinn, lors de la bataille de Haugsnes en 1256. Brandur y trouva la mort. Le pouvoir des Ásbirningar était brisé.

Thordur kakali Sighvatsson devint le chef le plus puissant d'Islande tout en étant le vassal de Håkon de Norvège. Gissur et lui en appellent tous deux au roi pour lui demander de choisir celui qui gouvernerait l'Islande en son nom. Håkon choisit Thordur et Gissur retourna en Norvège. En 1250, Håkon changea d'avis et ordonna à Thordur revenir auprès de lui. Gissur fut renvoyé en Islande en 1252 dans le but d'encourager les chefs à accepter les termes de l'accord connu sous le nom de Vieux Pacte. Cet accord, qui établissait la souveraineté norvégienne sur l'Islande, fut finalement officialisé entre 1262 et 1264. L'Islande devait ainsi rester sous contrôle norvégien jusqu'en 1944.

Conclusion

La cause exacte des évènements violents de l'âge des Sturlungar n'est pas clairement établie, mais certains chercheurs suggèrent qu'elle est liée à la conversion forcée des Islandais à une nouvelle foi, au détriment de leurs croyances traditionnelles. Ferguson, par exemple, écrit:

Cette descente inexorable dans la barbarie a peut-être été encouragée par l'abandon forcé d'un ensemble de mœurs et de valeurs culturelles et par l'adoption sous la contrainte et sans enthousiasme populaire d'un autre ensemble très différent qui a conduit, au fil du temps, à un état confus de désorientation morale dont il s'avéra trop difficile de se remettre. (323)

Cette conclusion est vraisemblable car du temps de l'ancienne religion, la société norvégienne était basée sur la notion d'égalité. Tout semble indiquer par ailleurs que l'Islande primitive d'avant l'an 1000, se conformait à cette norme. Ce n'est qu'après l'adoption forcée du christianisme que ce paradigme changea pour un nouveau modèle dans lequel un seul homme (l'évêque) devenait l'autorité suprême en matière de religion et, par conséquent, de droit.

Les croyances polythéistes norvégiennes accordaient une place à tout dieu qui semblait digne de vénération. Il n'était pas rare en effet que des images et des amulettes représentant Jésus-Christ coexistent avec le marteau de Thor. À l'époque, aucune divinité n'était considérée comme supérieure à une autre. L'obstination du christianisme à prôner un dieu unique et une façon unique de l'adorer était aussi complètement en contradiction avec l'éthique culturelle norvégienne que la violence et le chaos de l'âge des Sturlungar l'étaient avec les tout premiers jours de la colonisation de l'Islande.

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Traducteur

Yves Palisse
Linguiste passionné d'Histoire, Yves P Palisse est un traducteur indépendant possédant des années d’expérience dans les domaines de la traduction, de l’analyse des médias et du service à la clientèle. Après avoir beaucoup voyagé dans toute l'Europe, Il a fini par poser ses bagages à londres en 1999. Il a une passion pour les sciences humaines, le droit et la justice sociale.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2019, janvier 17). Vikings en Islande [The Vikings in Iceland]. (Y. Palisse, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1310/vikings-en-islande/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Vikings en Islande." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. modifié le janvier 17, 2019. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1310/vikings-en-islande/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Vikings en Islande." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 17 janv. 2019. Web. 27 avril 2024.

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