
L'armée romaine se composait de trois divisions distinctes: les célèbres légions, la cavalerie et, enfin, les auxiliaires. Les auxiliaires (auxilia) étaient composés de cohortes d'infanterie, d'infanterie montée et d'unités de cavalerie ou d'ailes (alae). Si les légions étaient considérées comme la colonne vertébrale de l'armée, la cavalerie, qui comprenait les auxilia, était les "yeux et les oreilles" de l'armée.
Avant que les Romains ne s'engagent dans une bataille, les auxilia étaient utilisés pour repérer les campements potentiels et les sources de nourriture et d'eau, ainsi que pour évaluer le terrain. Tout en surveillant la frontière avec les légions, les auxilia, entre autres tâches, étaient utilisés pour patrouiller et contenir les raids. Selon Conor Whatley dans son ouvrage An Introduction to the Roman Military, les auxilia "offraient des capacités de combat non fournies par les légions, ce qui permettait à Rome de faire face à un large éventail de menaces". (87)
Origines
L'armée de la République romaine s'appuyait sur des troupes civiles recrutées parmi les citoyens aisés qui servaient sans rémunération dans les légions pendant toute la durée de la guerre. Elles étaient assistées par un contingent de cavalerie dirigé par leurs propres commandants et disposant de leurs propres chevaux. Avec la conquête et l'expansion de Rome, les réformes du consul Caius Marius (vers 157-86 av. J.-C.) apportèrent des changements. Les réformes de Marius simplifièrent les conditions d'enrôlement et le légionnaire romain reçut alors tout l'équipement essentiel: armes, armures et vêtements. Selon l'ouvrage The Roman Army de l'historienne Patricia Southern, une clause des traités romains exigeait que les alliés fournissent des troupes en temps de guerre. Ces unités ou contingents alliés sont connus sous le nom d'alae sociorum ou "ailes des alliés" (239). Bien que chaque unité ait été commandée par un magistrat local, le commandant général était un équestre romain.
Dès son accession au trône, l'empereur Auguste (27 av. J.-C. à 14 ap. J.-C.), conscient de la nécessité d'un changement, restructura complètement l'armée. Cette réorganisation incluait les auxiliaires. L'historien Nic Fields illustre les effets de ces changements dans son livre Roman Auxiliary Cavalry en écrivant que "la cavalerie reçut un statut régulier similaire à celui de l'infanterie". Il ajoute qu'elle était entraînée selon les mêmes normes de discipline que les légions et "qu'elle était considérée comme un professionnel à long terme, comme les légionnaires, et servait dans des unités tout aussi permanentes" (4). Outre la promesse d'une solde et de fournitures régulières, les auxiliaires bénéficiaient également d'un plan de démobilisation et de retraite.
Autre changement important, Auguste demanda à l'infanterie et à la cavalerie de prêter serment de fidélité (ius iurandum / sacramentum) à l'empereur romain, et non au Sénat romain ou au peuple de Rome. Dans ce serment d'allégeance, qui était renouvelé chaque année le 3 janvier, l'individu jurait d'obéir aux ordres de l'empereur et d'être prêt à sacrifier sa vie pour l'Empire romain.
Les cavaliers alliés
L'armée étant devenue professionnelle et permanente, il fallait des soldats pour remplir les légions et les auxiliaires. La main-d'œuvre nécessaire pour remplir les rangs des auxilia provenait des alliés romains dans les provinces, les pérégrins (peregrini, terme désignant les étrangers ou les personnes qui ne sont pas romaines). Pour inciter ces non-citoyens à s'engager dans l'armée, on leur promettait la citoyenneté romaine, ainsi qu'à leur famille, après un engagement de 25 ans. Field a écrit que de nombreux pérégrins au sein des auxiliaires étaient des personnes qui avaient été d'anciens ennemis de Rome et qui avaient été "élevés en selle" et recrutés à la "périphérie de l'empire" (6). Ces anciens adversaires - les Gaulois (qui étaient considérés comme les plus habiles), les Celtibères, les Germains et les Thraces - étaient tous connus pour leurs talents de cavaliers. Et, comme dans de nombreux autres domaines militaires, les Romains empruntèrent ou adoptèrent l'équipement et les tactiques de ces anciens ennemis. Cependant, ces nouvelles recrues constituaient une "arme de combat que les Romains eux-mêmes ne maîtrisaient pas"(ibid).
Dans ses Annales , l'historien Tacite (vers 56 à environ 118 de notre ère) décrit la campagne parthe du commandant romain Cnaeus Corbulo en 63 de notre ère:
Corbulon congédia ceux que l'âge ou les infirmités avaient affaiblis, et demanda des recrues. Des levées se firent dans la Galatie et dans la Cappadoce. Il lui vint en outre une légion de Germanie, ayant avec elle ses auxiliaires tant à pied qu'à cheval. (Annales 13.35)
Bien que ces cavaliers aient été déjà expérimentés, ils étaient néanmoins formés et encadrés selon la tradition romaine. Intégrés à la cavalerie, ils étaient utilisés pour le maintien de l'ordre, les combats d'escarmouches, la reconnaissance et la communication.
Les auxiliaires connurent un changement majeur avec l'arrivée des Roxolans sarmates. Il s'agissait d'une race de cavaliers complètement différente: les cataphractarii (cataphractaires) ou clibanarii (clibanaires). Le cavalier, qui portait un masque, et le cheval étaient tous deux lourdement armés. Se défendant sans bouclier, le cataphractaire se battait avec une lourde lance (contus) de 3,6 mètres de long, tenue à deux mains et utilisée pour les chocs. Les Romains avaient affronté les Roxolans pour la première fois en Moésie en 69 de notre ère. Tacite commenta cette rencontre et les inconvénients d'un soldat et d'un cheval en armure complète. Au cours de la bataille, les Roxolans avaient été gênés par le sol humide et glissant:
les Sarmates, dispersés par l'ardeur de piller ou surchargés de bagages, et ne pouvant tirer parti de la vitesse de leurs chevaux dans des chemins glissants, ... C'était un jour de pluie et de dégel: ni les piques, ni ces longs sabres qu'ils tiennent à deux mains, ne pouvaient leur servir, à cause des faux pas de leurs chevaux et du poids de leurs cataphractes.".(Histoire 1.79)
Un siècle plus tôt, les Romains avaient vu ce que les cataphractaires parthes pouvaient faire lorsque le commandant romain Marcus Crassus (115-53 av. J.-C.) les avait affrontés à la bataille de Carrhae, en 53 avant notre ère. Spécialement entraînée à combattre en terrain découvert, la cavalerie parthe ne ressemblait à rien de ce que les Romains avaient pu rencontrer. Sans infanterie, les Parthes utilisaient des cataphractaires portant des lances et des archers montés légèrement armés. Ces cavaliers se déplaçaient rapidement et tiraient vite, mettant l'accent sur l'agilité et une superbe équitation avec des charges rapides et des retraites feintes. Leurs cavaliers utilisaient le tir parthe: l'archer partait à toute vitesse et, tout en tournant sur sa selle, il tirait des flèches depuis la croupe de son cheval. La bataille de Carrhae fut l'un des pires désastres militaires de l'histoire romaine.
Complètement différents des clibanarii, les auxilia romains utilisaient également des cavaliers numides d'Afrique, qu'ils avaient déjà rencontrés lors de leur affrontement avec Hannibal (247-183 av. J.-C.) pendant la deuxième guerre punique (218-201 av. J.-C.). Contrairement aux Roxolans, ils montaient sans selle ni même bride et n'étaient pas armés, comptant sur leur vitesse et leur agilité. Ils portaient une lance légère et un petit bouclier, ainsi qu'une tunique courte et sans manches.
Outre ces cavaliers, les Romains avaient recours à des archers à cheval (sagittariorum), qui étaient utilisés "pour démoraliser et désorganiser l'ennemi en lui infligeant des pertes à distance" (Fields, 11). Southern soutient que de nombreux archers seraient peut-être venus d'Orient. Ils portaient une arme à hampe, plus courte que celle de l'infanterie, et un arc composite construit à partir de différents bois collés les uns aux autres. Les archers apprenaient à tirer de chaque côté et de l'arrière, en utilisant le tir parthe.
Organisation
Il existait deux grandes catégories d'alae. Bien que les sources varient sur les nombres exacts, l'ala quingenaria était composée de 16 turmes de 30 (ou 32) cavaliers dans chaque turme, soit un total de 480 (ou 512) tandis que l'ala milliaria d'élite était composée de 24 turmes, soit un total de 720 (ou 768) hommes. Outre ces deux alae, il existait également des cohortes mixtes composées d'infanterie et de cavalerie. Les cohortes equitatae quingenaria étaient composées de six centuries (80 hommes chacune) de fantassins et de quatre turmes de cavaliers. Dans les cohortes equitatae milliaria, il y avait huit turmes et dix centuries. Beaucoup de cavaliers des cohortes equitatae avaient servi comme fantassins avant d'être entraînés pour la cavalerie. En Orient, de nombreuses unités comprenaient des chameliers appelés dromedarii. Les unités mixtes constituaient une unité mobile de patrouille et de maintien de l'ordre.
Le commandant général de l'alae était un praefectus cohortes, généralement de la classe équestre. Chaque turme était commandée par un décurion, souvent promu dans les rangs, qui était responsable de leur formation et de leur discipline. Comme dans les légions, il y avait d'autres officiers: le signifiant alae, imaginifier, custos armorum, medicus, optio et vexillarius.
Entraînement
L'entraînement des nouvelles recrues de la cavalerie (tironis) était long, environ quatre mois, et exigeant, surtout pour ceux qui n'avaient pas d'expérience de l'équitation - on ne sait pas si ces quatre mois incluaient ou non une formation à l'équitation. Comme toutes les autres recrues, la recrue ou le tiro passait d'abord un examen (probatio) pour évaluer son aptitude. Outre l'apprentissage de l'équitation, on lui apprenait à construire des palissades et à creuser des fossés, compétences essentielles pour la construction de campements. Après avoir appris à monter à cheval, la recrue apprenait à se battre à pied comme un fantassin, si cela s'avérait nécessaire au cours d'une bataille.
Pour se perfectionner, les futurs cavaliers participaient à des tournois, pratiquant des manœuvres tactiques, des poursuites, des retraites et des contre-charges, tout en acquérant de l'expérience avec le javelot et la lance. À l'issue de sa formation, la recrue était affectée à une turme et prêtait serment à l'empereur romain. Tout comme dans l'infanterie, il lui était interdit de se marier et il était soumis à la même discipline rigoureuse. La solde était bonne et les récompenses comprenaient de l'argent liquide ainsi qu'une part du butin, bien que l'argent liquide ait été donné à toute l'unité, et non à un individu, en cas de bonne performance.
Formation de combat
La cavalerie auxiliaire faisait ses preuves tant en temps de paix qu'au cours de la guerre romaine. Avant la bataille, lorsque l'armée était en marche, la cavalerie jouait le rôle d'éclaireur, protégeant à la fois l'arrière et les flancs. Fields écrit que la cavalerie "assumait tous les rôles qui exigeaient mobilité et rapidité" (47). Après avoir établi le camp, la cavalerie et l'infanterie auxiliaire occupaient les avant-postes. Au combat, le type de terrain dictait l'alignement des auxiliaires. Dans la formation typique - le triplex acies ou trois lignes - les cohortes d'auxiliaires étaient stationnées de part et d'autre du centre formé par les légions tandis que les alae protégeaient les flancs. Tacite décrit la formation de combat utilisée par le commandant romain Vocula contre Caius Civilis, chef de la révolte des Bataves en 69-70 de notre ère:
Tout ce qu'il put faire dans le désordre d'une surprise fut d'ordonner qu'on fortifiât le centre en y plaçant les légionnaires. Les alliés se répandirent confusément sur les ailes ; la cavalerie sortit brusquement, et, reçue par un ennemi qui l'attendait en bon ordre, elle tourna bride et se rejeta sur les siens. Ce fut dès lors un carnage, et non un combat. (Histoire 4.33)
Bien que les auxiliaires n'aient pas été censés charger l'infanterie ennemie, ils devaient poursuivre l'ennemi en retraite et l'empêcher de se rallier. La cavalerie "était très confiante et, parce qu'elle était bien entraînée et dirigée, elle était capable de se rallier plus facilement après une poursuite et un combat et de conserver sa formation" (Fields, 51).
Équipement
Les casques de la cavalerie étaient en fer ou en cuivre et couvraient les oreilles et la nuque du cavalier, protégeant ainsi le côté et l'arrière de la tête, contrairement au casque de l'infanterie qui couvrait les oreilles. La cavalerie avait besoin de la protection supplémentaire du visage pour éviter les coups sur le côté ou l'arrière de la tête, tandis que l'infanterie devait pouvoir entendre le centurion hurler ses ordres. La couronne du casque était renforcée par des croisillons fixés à l'aide de rivets. Tout comme l'infanterie, la cavalerie portait des bottes (caligae), souvent munies d'éperons. Les armures corporelles étaient de deux types: la lorica hamata (armure de mailles) et la lorica squamata (armure d'écailles). Seuls les fantassins portaient la lorica segmentata (armure segmentée). Leurs boucliers étaient plats, ovales ou hexagonaux. Ils portaient une lance légère utilisée pour lancer ou pousser. En outre, ils utilisaient la spatha, une épée large à double tranchant (66-90 cm de long), ainsi que le contus de 3,6 mètres.
La pièce d'équipement la plus importante était, bien sûr, le cheval. Southern écrit que l'approvisionnement en bons chevaux était un casse-tête permanent pour les unités de cavalerie. Ils étaient obtenus par capture, par prélèvement sur un ennemi vaincu et grâce à l'élevage. L'entretien des chevaux relevait de la responsabilité de chaque cavalier. Et, bien sûr, il y avait un vétérinaire dans chaque unité. Bien que les Romains n'aient pas utilisé d'étriers, une protection adéquate était également nécessaire pour le cheval: le chanfrein protégeait le visage (avec des protections pour les oreilles et les yeux), le plastron était accroché au harnais du cheval, et la barde cuirassée protégeait le corps du cheval. Les Romains utilisaient une selle à quatre cornes sous laquelle se trouvait un tapis de selle pour protéger le cheval des frottements. Grâce à un entraînement adéquat du cavalier et du cheval et à l'équipement essentiel, l'auxilia était prêt à faire face à la paix ou à la guerre.