Intimidation Psychologique à la Bataille de Carrhes

Article

Patrick Scott Smith, M. A.
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 10 novembre 2022
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Disponible dans ces autres langues: anglais

L'intimidation psychologique dans les conflits militaires est un élément clé de l'art de la guerre depuis les temps anciens. Se basant sur des informations erronées, des mouvements feints, des messages subtils et des démonstrations d'agressivité, elle est destinée à déstabiliser l'ennemi avant l'engagement. Surena, le commandant parthe, l'utilisa brillamment contre Crassus de Rome, avant et pendant la bataille de Carrhes, en 53 avant Jésus-Christ.

Parthian Cataphract
Cataphractaire parthe
Simeon Netchev (CC BY-NC-SA)

Conflit entre Rome et la Parthie

Après avoir fini par consolider les péninsules italienne et ibérique, puis soumis la Grèce et certaines parties de l'Afrique du Nord, et enfin avoir conquis l'Anatolie et les provinces orientales, dont le Pont, la Syrie et la Palestine, puis la Gaule (tout cela dans la seconde moitié du premier millénaire avant notre ère), Rome commença à convoiter la Mésopotamie et ses marchés le long de la route de la soie. Mais il y avait un énorme obstacle sur son chemin : la Parthie. L'empire de Parthie était lui-même immense, et ses revenus considérables. Dominant de 247 avant J.-C. à 224 de notre ère, son territoire s'étendait de la Méditerranée à l'ouest à l'Inde à l'est. Avec ses rois Mithridate Ier à la conquête et Mithridate II à l'expansion et à la consolidation, les Parthes conquirent une grande partie de la région autrefois tenue par les Grecs séleucides. Mais surtout, les Parthes s'emparèrent du croissant fertile de l'Euphrate et du Tigre, connu sous le nom de Mésopotamie, et de la route de la soie qui traversait la Mésopotamie d'est en ouest, ce qui était essentiel pour les anciens intérêts babyloniens, perses et séleucides. Cette route consolida la position de la Parthie en tant que commerçant international. Grâce à cette expansion commerciale, les Parthes devinrent extrêmement riches - une richesse à laquelle le commandant romain Marcus Licinius Crassus (115-53 av. J.-C.) aspirait.

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Crassus

À Rome, comme deux consuls étaient généralement élus pour un an par le sénat, à la fin de la période républicaine, Crassus, Jules César et Pompée formèrent le premier triumvirat afin de promouvoir leurs propres intérêts politiques plutôt que le décret sénatorial. Parmi ces trois personnages, bien que Crassus ait remporté quelques succès martiaux (il avait décimé la rébellion des esclaves de Spartacus), César et Pompée étaient bien plus célèbres que lui en termes d'exploits militaires. En 53 avant J.-C., César s'était imposé en Gaule et avait remporté des succès en Bretagne, tandis que l'apogée des réalisations de Pompée fut sa défaite de Mithridate le Grand du Pont. Pourtant, outre son influence politique considérable dans son pays, Crassus, surnommé "l'homme le plus riche de Rome", possédait un portefeuille considérable de terres et de richesses. Cependant, ayant le sentiment de vivre dans l'ombre de la renommée martiale de Pompée et de César, il en voulait davantage. Conscient de la richesse de la Parthie à l'est, Crassus, sans l'aval du sénat, fomenta le plan de s'emparer de la Parthie. Son intention était double. S'il réussissait, la défaite de la Parthie lui apporterait une richesse inimaginable et la gloire militaire qu'il convoitait. La personne à qui il ferait face dans la bataille serait le brillant commandant parthe, Surena (84-53 avant J.-C.).

Marcus Licinius Crassus, Louvre
Marcus Licinius Crassus, Louvre
Carole Raddato (CC BY-SA)

Surena

Relevant d'un système de gouvernance différent, fondé sur l'équilibre des pouvoirs entre le roi et les nobles, où le rôle du roi était essentiel et respecté mais où il devait rendre des comptes aux nobles, en particulier s'il manquait à ses devoirs ou gouvernait de manière irresponsable, Surena était le principal noble de son époque. Issu de la maison de Suren, qui, pense-t-on, possédait des étendues considérables de terres dans ce qui est aujourd'hui le sud-est de l'Iran, Surena était considéré comme le plus riche des Parthes, "après le roi". A propos de Surena, Plutarque dit,

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Par sa richesse, sa naissance, sa gloire, il était le premier après le roi ; par son courage et son habileté, il l’emportait sur tous les Parthes de son temps. Pour la taille et la beauté du corps, il n’avait point d’égal. Quand il était en marche, il menait toujours avec lui mille chameaux chargés de ses bagages, et deux cents chariots portant ses concubines. Mille chevaux de grosse cavalerie et un plus grand nombre de cavalerie légère formaient son escorte... Pour ce qui est de sa naissance, il possédait le privilège héréditaire de ceindre le premier le diadème aux rois des Parthes à leur avènement... Il n’avait pas alors trente ans, et il avait 186 une fort grande réputation de prudence et de sagesse dans les conseils.(Crassus, 21.6-7)

Avec des troupes romaines derrière lui, c'est le genre de personne que Crassus allait affronter dans sa tentative de prise de contrôle de la Parthie.

Des forces inégales?

En tant qu'armée professionnelle et bien entraînée, les Romains étaient connus pour leur maintien des formations serrées, même sous pression. Leurs légions, de 4000 à 5000 soldats, chacune ayant un étendard derrière lequel se rallier, s'organisaient elles-mêmes en cohortes de 400 à 500 soldats. Toutefois, leurs troupes étaient formées pour s'adapter aux circonstances du terrain. Elles pouvaient se former en manipules individuels, en phalanges, en carrés creux ou en testudo (tortue), une technique de siège consistant à lever des boucliers superposés pour repousser la pluie de projectiles lancés depuis les murs des villes. Leurs tactiques incluaient le lancement de pilums perforants pour les armures et les boucliers : des javelots qui se pliaient ou se brisaient à l'impact pour ne pas être rejetés. Chaque soldat était protégé par un casque standard, une armure laminaire, des protège-tibias et un scutum: un grand bouclier qui fournissait une protection personnelle contre les piques, les flèches et les épées et, lorsqu'il était imbriqué avec d'autres boucliers, servait de mur mobile pour faucher la résistance ennemie. Enfin, si les frondeurs, les archers et la cavalerie étaient complémentaires, l'arme de prédilection était le gladius, une épée courte, large et à double tranchant utilisée pour poignarder et trancher entre et autour de leurs boucliers. Une telle force était irrésistible et permit aux Romains de remporter de nombreuses victoires.

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Roman Legionary Kit
Nécessaire de légionnaire romain
Carole Raddato (CC BY-SA)

En revanche, la guerre des Parthes était complètement différente. Avec un style unique d'actions éclairs, leurs tactiques (y compris la retraite feinte) étaient adaptées pour contrer les mouvements concentrés des troupes. Avec des archers montés sur les chevaux les plus rapides et des chameliers fournissant un approvisionnement régulier en flèches, ils pouvaient faire de toute infanterie une cible facile, incapable d'engager le combat sauf à courte distance. Lorsque la cavalerie de l'adversaire les poursuivait, les Parthes avaient une réponse. Si habiles dans leur art meurtrier, ils développèrent le "tir parthe". Capable de tirer en arrière depuis son cheval au galop, l'archer parthe tirait des coups mortels sur la cavalerie qui le poursuivait. Ainsi, les cavaliers parthes attaquaient les troupes ennemies de toutes les directions, semant la confusion et faisant des ravages. Enfin, leur cavalerie blindée (cataphractaire parthe) apportait un soutien offensif et aidait à éliminer les poches de résistance restantes à l'aide de longues lances et d'épées.

Pour semer le doute, Orodès préfaça son message avec le fait qu'ils savaient déjà que l'invasion de Crassus était impopulaire à Rome.

Avant la bataille, Rome comptait environ 30 000 hommes d'infanterie lourde, 4 000 d'infanterie légère et 4 000 de cavalerie, contre 9 000 archers à cheval et 1 000 cataphractaires pour la Parthie. Avec de tels chiffres, on pourrait penser que Rome aurait facilement le dessus. Néanmoins, c'est l'art de l'intimidation psychologique, dans lequel Surena était expert, qui aida fortement la Parthie. Après tout, Surena venait d'un pays qui s'y était déjà exercé. Par exemple, alors que les Parthes régnaient librement sur un large éventail de cultures, ils utilisaient toujours des messages subtils de manière régulière. Leur message "la diplomatie d'abord, les conséquences militaires si nécessaire" était souvent utilisé. Comme leurs souverains portaient de longs fourreaux d'épée à la taille et se distinguaient par des vêtements amples aux multiples plis horizontaux, leurs statues montrent des nobles ainsi vêtus et armés, mais faisant des signes amicaux. De même, une image très répandue sur leurs pièces de monnaie montre le roi assis sur son trône, tenant bénignement un arc, à plat, non tendu d'une flèche, mais cordé et prêt à être utilisé - si nécessaire. Leur politique de diplomatie avant tout fut également testée sur les Romains. Avant que Crassus n'attaque sans provocation la Parthie, cette dernière fit des ouvertures pacifiques. Même lorsque Crassus se trouvait en Syrie sur le chemin de la Parthie, le roi Orodès II (r. de 57 à 37 av. J.-C.) " envoya des émissaires pour lui reprocher cette invasion et lui demander les causes de la guerre ", ce à quoi Crassus répondit " qu'il lui dirait à Séleucie [la capitale la plus occidentale de la Parthie] les causes de la guerre ". À cela, l'envoyé principal rit et dit, en montrant la paume de sa main tournée vers le haut : "O Crassus, les cheveux pousseront là avant que tu ne voies Séleucie." De plus, pour semer le doute, Orodès avait préfacé son message du fait qu'ils savaient déjà que l'invasion de Crassus était impopulaire à Rome. (Cassius Dio, 40.16 ; Plutarque, 18.1-2) De telles tactiques s'avéreraient efficace pour la Parthie avant et pendant la bataille de Carrhes. Néanmoins, pis encore pour les Romains, les circonstances météorologiques combinées aux décisions et déclarations maladroites de Crassus créèrent une combinaison parfaite de doutes pour ses troupes. En conséquence, elles seraient psychologiquement ébranlées avant même d'arriver à Carrhes.

Les erreurs de Crassus

En ce qui concerne le psychisme des troupes de Crassus, elles étaient, comme beaucoup de Romains, très superstitieuses. Les Romains pratiquaient les sacrifices et la "lecture" des intestins d'animaux pour prédire l'issue favorable d'événements déterminants - nomination à des fonctions, engagement dans une guerre. L'augure, l'étude et la signification du comportement des oiseaux, était également pratiquée. Coïncidant avec la décision non autorisée de Crassus d'envahir la Parthie, Dion Cassius raconte : "De nombreux présages se produisaient à Rome : on voyait des hiboux et des loups, les chiens rôdeurs faisaient des dégâts, certaines statues sacrées exsudaient de la sueur et d'autres étaient détruites par la foudre. Les offices, principalement par les oiseaux et les présages étaient difficilement remplis." (40.17) De plus, on considérait que l'effet des mots sur le destin, surtout dans une malédiction, avait aussi un effet réel.

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Parthian Archer
Archer Parthe
The British Museum (Copyright)

Bien qu'il semble que le plan à long terme de Rome était de s'emparer des routes de la soie de Mésopotamie - car elle bloquait l'accès à la Méditerranée en ayant pris la Syrie et en contrôlant les routes de la soie à travers l'Arabie - la décision de Crassus sur la Parthie était à l'époque impopulaire, et comme Appien le souligne, considérée comme peu propice. Mener une guerre non provoquée contre une nation avec laquelle ils étaient liés par un traité était très mal perçu par les tribuns.(Guerres civiles, 2.3.18) En fait, la ville fut dans tous ses émois et Crassus dut être escorté en toute sécurité hors de la ville par Pompée. Ateius, le tribun, était si contrarié qu'il annonça une rare malédiction sur Crassus aux portes de la ville. On pense que les effets de la malédiction et le caractère peu propice de la décision de Crassus furent également à l'origine d'autres mauvais présages. Mais ses nombreuses maladresses n'aidèrent pas non plus. Après sa sortie de Rome, il se rendit à Brundisium, un port de prédilection pour les départs vers l'est. C'est là que Crassus allait commettre son deuxième faux départ. En raison des terribles tempêtes qui sévissaient en Méditerranée pendant les mois d'hiver, le trafic maritime était paralysé. C'est encore l'hiver, mais Crassus décida de partir quand même. Avec environ 1 000 miles nautiques à parcourir pour atteindre la Syrie, il perdit un grand nombre de ses navires qui transportaient des troupes et du matériel.

Après avoir débarqué en Galatie, juste au nord de la Syrie, puis traversé l'Euphrate et pris et mis en garnison certaines des villes les moins loyales de la Parthie situées à l'ouest, il retraversa la Syrie pour attendre son fils, Publius, qui revenait de la guerre de César en Gaule. Le plan de Crassus était de suivre l'Euphrate vers l'est, puisque le ravitaillement était acheminé par cette voie, et de se diriger vers Séleucie. Mais Artavazde II (r. de 55 à 34 av. J.-C.), roi d'Arménie et allié de Rome, avait un avis différent. Il connaissait le terrain et les Parthes. Les Parthes, avec leurs chevaux, se battaient mieux dans les zones ouvertes de la Mésopotamie. Il suggéra aux Romains de passer par l'Arménie et d'attaquer depuis les montagnes, car le roi les aiderait et les approvisionnerait sur leur chemin. Néanmoins, Artavazde promit des troupes pour aider à combattre les Parthes. Bien que Marc-Antoine (83-30 av. J.-C.) ait tenté la route des montagnes en 36 avant J.-C., Crassus s'en tint à son plan, qui aurait pu fonctionner si Surena n'avait envoyé un espion. Autrefois allié de Pompée, Ariamnès, un chef arabe, connaissait également les capacités des Parthes et changea d'allégeance. Gagnant la confiance de Crassus, il prétendit qu'il savait où se trouvaient les Parthes, et qu'ils étaient peu nombreux ; mais les Romains devaient se dépêcher car ils étaient en train de rassembler leurs effets pour fuir en Scythie ; de plus, leur roi était introuvable (Orodès était en fait en train d'attaquer Artavazde). Ayant informé Surena au préalable, Ariamnès conduisit les Romains dans le désert, puis disparut. C'était un piège ! Assoiffés et épuisés, les Romains finirent par arriver à une source lorsqu'ils découvrirent que les Parthes étaient effectivement proches. Cassius (vers 86-42 av. J.-C.), le lieutenant supérieur de Crassus, suggéra qu'ils se reposent à la source pendant la nuit pour se rafraîchir et attaquer au matin, mais Publius voulait le faire de suite, et Crassus accepta. Pourtant, le conseil de Cassius aurait été le meilleur. Non seulement les troupes étaient physiquement éprouvées, mais plusieurs événements survenus en cours de route les avaient également inquiétées.

Circonstances, déclarations et "signes".

Après le succès initial de Crassus en Mésopotamie occidentale, puis sa jonction avec son fils, qui amena un millier de cavaliers triés sur le volet, il perdit un temps crucial à lever des impôts et à piller le temple en Syrie. Les Parthes eurent ainsi le temps d'accumuler des forces et de consolider leurs plans. Tel un mauvais présage, en quittant le temple de la déesse syrienne de la nature Atargatis à Hiéropolis, Publius trébucha et tomba à sa porte et Crassus tomba sur lui. Puis, alors que les hommes de Crassus avaient d'abord été poussés à croire que leur confrontation avec les Parthes serait un jeu d'enfant, ceux qui s'échappaient des villes occidentales reprises par la Parthie rapportaient des histoires d'archers à cheval tirant des flèches perforantes et de leurs chars à cheval inarrêtables, les cataphractaires parthes. "Lorsque les soldats ont entendu cela, leur courage s'est émoussé." Même certains officiers de Crassus, dont Cassius, pensaient que l'expédition devait être reconsidérée. En plus de cela, les devins firent savoir que tous les signes provenant de leurs sacrifices étaient "mauvais et inauspicieux." (Plutarque 18.2-5) Néanmoins, Crassus ne se laissa pas intimider.

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Parthian Cataphract
Cataphractaire parthe
Simeon Netchev (CC BY-NC-SA)

En retraversant l'Euphrate pour envahir la Parthie, plusieurs autres événements et "signes" néfastes se produisirent. D'abord, de grands coups de tonnerre et d'éclairs, accompagnés de pluies torrentielles et de vents semblables à ceux d'un ouragan, s'abattirent sur le groupe. Ensuite, l'un des meilleurs chevaux de Crassus, richement harnaché, entraîna son manieur sous les flots. Puis, deux éclairs frappèrent la zone où les troupes devaient camper. Puis, à l'heure du repas, on servit d'abord des lentilles et du sel. Cela était considéré comme un mauvais présage car les lentilles et le sel étaient "des marques de deuil et des offrandes aux morts." (19.5) Exaspéré, Crassus sermonna ses hommes au sujet de leur manque d'audace et de leur superstition. Pour envenimer le tout, il dit avec colère qu'il devrait détruire le pont qu'ils venaient de traverser car aucun d'entre eux ne le franchirait à nouveau ! Ses hommes, eux, crurent qu'ils allaient tous mourir, mais Plutarque affirme que Crassus aurait dû reformuler ce qu'il voulait vraiment dire, à savoir que la destruction du pont pourrait les empêcher de battre en retraite, mais il ne le fit pas. En outre, lorsque Crassus se vit remettre les viscères après le sacrifice habituel, il les laissa tomber sur le sol. Puis, après avoir vu que ses hommes étaient "angoissés au-delà de toute mesure", il sourit et dit avec désinvolture : " Telle est la vieillesse, mais aucune arme, vous pouvez en être sûrs, ne tombera de ses mains ". (19.6) Enfin, après avoir reçu la nouvelle que l'aide d'Artavazde ne viendrait pas parce qu'il était attaqué par Orodès ; le jour de la bataille, alors qu'ils étaient prêts à partir, Crassus sortit de sa tente en portant une robe noire au lieu de la robe violette habituelle. Puis, après qu'il se soit rapidement changé, il se trouve que les porte-étendards ne purent, qu'au prix de grands efforts, extraire du sol l'enseigne légionnaire romaine. Sachant que ces incidents seraient interprétés comme de nouveaux mauvais présages, il les prit à la légère. Néanmoins, lorsque Crassus vit finalement quelques éclaireurs revenir mal-en-point avec des rapports indiquant que les autres avaient été tués et que l'ennemi se rassemblait en grand nombre, il comprit qu'il avait été trompé. Les Parthes ne fuyaient pas, ils n'étaient pas peu nombreux et leur roi n'avait pas disparu ! Enfin, après toutes ses déclarations et actions cavalières, Crassus, selon Plutarque, était hors de lui. Et Surena, sans aucun doute, ne manquerait pas d'en rajouter.

La bataille

Alors que les deux camps serraient les rangs, Surena cacha le gros de ses forces derrière son avant-garde pour que son armée paraisse petite. Puis, "pour confondre l'âme et désarçonner le jugement", les Parthes remplirent la plaine d'un assourdissant battement de timbales. Plutarque décrit leur son comme "semblable au mugissement des bêtes mêlé à des sons ressemblant au tonnerre". (23:7) Puis, avant l'avancée des Romains, Surena demanda à sa cavalerie de recouvrir son armure de peaux et de robes. Lorsque les Romains s'approchèrent, les Parthes se déployèrent, découvrirent leurs armures et furent soudain vus par les Romains " flamboyants dans leurs casques et leurs cuirasses ; leur acier margien étincelait, vif et brillant ". (24.1) Ces tactiques psychologiques ne pouvaient qu'ajouter de l'inquiétude aux nerfs déjà fragilisés des légionnaires.

Au moment de la bataille proprement dite, les Parthes allaient montrer combien leurs chevaux légers et lourds fonctionnaient avec souplesse et de concert. Surena pensa initialement envoyer ses cataphractaires pour briser les lignes romaines, mais lorsqu'il vit la profondeur de la formation romaine, avec ses boucliers imbriqués, il opta pour un bombardement de missiles. Entourant les Romains, les archers à cheval parthes lancèrent un nombre impitoyable de flèches qui déchirèrent les armures. Pensant que les Parthes pourraient être à court de munitions lorsque Crassus vit des chameaux parthes arriver avec une nouvelle provision de flèches, il envoya son fils, Publius, à la tête de la cavalerie pour attaquer. La cavalerie légère des Parthes fit alors semblant de battre en retraite et, après une longue poursuite, fit tomber les Romains dans une embuscade de cataphractaires. Alors que les Romains étaient bloqués, la cavalerie légère des Parthes tourna autour d'eux et souleva un nuage de poussière si épais que les Romains resserrèrent leur formation et devinrent à nouveau des cibles faciles. Finalement, Publius chargea les cataphractaires, mais ces derniers, avec leurs meilleurs chevaux, leur armure, leurs lances plus longues et probablement leurs cavaliers plus habiles, l'emportèrent rapidement. Ce jour-là, les Romains subirent leur pire défaite : Publius mourut au combat ; Crassus serait exécuté plus tard ; peu de Romains s'en sortiraient et, pire que tout, leurs étendards seraient pris.

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Officiers et porte-étendards romains
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Conclusion

Alors que Crassus était un politicien accompli et un riche homme d'affaires avec des succès martiaux antérieurs, sa défaite aux mains des Parthes fut le résultat non seulement de ses maladresses tactiques et de ses faux pas verbaux, mais aussi d'événements indépendants de sa volonté qui étaient considérés comme inquiétants par ses troupes, physiquement et mentalement épuisées avant la bataille. De plus, la guerre des Parthes, les messages subliminaux et la diversion d'Orodès, la désinformation d'un espion, l'agressivité de Surena et les mouvements feints sur le champ de bataille, tout cela contribua à la défaite de Rome à Carrhes. Mais le coup psychologique le plus significatif pour les Romains fut sans doute la capture par Surena de leurs étendards, qui auraient certainement été exposés comme trophées. Sous prétexte de reprendre les étendards, Marc-Antoine s'attaqua de nouveau aux Parthes en 36 avant J.-C. en empruntant la route que le roi d'Arménie avait suggérée à Crassus, à savoir les montagnes du nord, mais il fut lui aussi vaincu lors de sa retraite. Ces deux revers amenèrent Rome à demander la paix en 20 avant J.-C. Auguste parvint également à négocier le retour de ses étendards, et Rome put pousser un soupir de soulagement. Cette paix entre les deux camps allait durer plus de cent ans (jusqu'à ce que Trajan ne vienne à nouveau à bout de la Parthie en 115 de notre ère) et était le résultat direct de la brillante campagne de Surena contre Crassus de Rome en 53 avant notre ère.

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Patrick Scott Smith, M. A.
Patrick Smith, M.A., a présenté des recherches pour l’American Schools of Oriental Research et l’Académie des sciences du Missouri. En tant que rédacteur pour l’Association pour l’Étude Scientifique des Religions, il a remporté le prix Frank Forwood pour l’excellence en recherche en 2015.

Citer cette ressource

Style APA

A., P. S. S. M. (2022, novembre 10). Intimidation Psychologique à la Bataille de Carrhes [Psychological Intimidation at the Battle of Carrhae]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2100/intimidation-psychologique-a-la-bataille-de-carrhe/

Style Chicago

A., Patrick Scott Smith, M.. "Intimidation Psychologique à la Bataille de Carrhes." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le novembre 10, 2022. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2100/intimidation-psychologique-a-la-bataille-de-carrhe/.

Style MLA

A., Patrick Scott Smith, M.. "Intimidation Psychologique à la Bataille de Carrhes." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 10 nov. 2022. Web. 24 avril 2024.

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