Chârvâka

Définition

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 17 juin 2020
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Disponible dans ces autres langues: anglais
The Four Elements (by Mana Lesman, Copyright, fair use)
Les quatre éléments
Mana Lesman (Copyright, fair use)

Chârvâka (également appelé Cârvâka) était une école de pensée philosophique développée en Inde vers 600 avant notre ère, qui mettait l'accent sur le matérialisme comme moyen de comprendre le monde et d'y vivre. Le matérialisme soutient que la matière perceptible est tout ce qui existe; les concepts tels que l'âme et toute autre entité surnaturelle ou plan d'existence ne sont que des inventions de personnes à l'imagination bien développée.

La signification du nom est contestée, certains affirmant qu'il fait référence à l'acte de mâcher, Chârvâka soulignant l'importance de profiter de la vie en mangeant et en buvant, tandis que d'autres soutiennent qu'il s'agit du nom du fondateur ou que Chârvâka était un disciple du fondateur, un réformateur du nom de Brihaspati. Le système de croyance est également connu sous le nom de Lokâyata ("philosophie du peuple") et Birhaspatya en référence à Brihaspati.

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La vision Chârvâka rejette toute revendication surnaturelle, toute autorité religieuse et toute écriture, l'acceptation de la déduction et du témoignage dans l'établissement de la vérité, et tout rituel ou tradition religieuse. Les principes essentiels de cette philosophie sont les suivants:

  • La perception directe est le seul moyen d'établir et d'accepter toute vérité.
  • Ce qui ne peut être perçu et compris par les sens n'existe pas.
  • Tout ce qui existe, ce sont les éléments observables que sont l'air, la terre, le feu et l'eau.
  • Le bien ultime dans la vie est le plaisir; le seul mal est la douleur.
  • La recherche du plaisir et l'évitement de la douleur sont les seuls buts de l'existence humaine.
  • La religion est une invention des forts et des intelligents qui s'attaquent aux faibles.

Il convient toutefois de noter que, bien que les principes ci-dessus soient acceptés comme étant ceux de Chârvâka, aucun texte original du Chârvâka n'a été trouvé à ce jour; tout ce que l'on sait de ce système de croyances provient d'ouvrages hindous, jaïns et bouddhistes ultérieurs, qui étaient hostiles à cette philosophie et ont consigné ses croyances pour les réfuter. On pense que le Chârvâka aurait été développé par Brihaspati (à ne pas confondre avec le grand sage de la lumière Brihaspati du Dharma Shastra) en réponse à ce qu'il percevait comme des absurdités superstitieuses par lesquelles les gens se laissaient berner et qu'ils acceptaient comme des vérités irréfutables.

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Le Brihaspati Sutra, considéré comme le texte central du Chârvâka, a été perdu ou détruit, et toute affirmation concernant cette philosophie doit être considérée avec un esprit critique.

Certains pensent que le disciple de Brihaspati, Chârvâka, aurait développé sa vision originale. Il est tout aussi possible que Chârvâka ait été le fondateur et Brihaspati le disciple, mais il est également possible que ni l'un ni l'autre n'ait existé. Le Brihaspati sutra, considéré comme le texte central de Chârvâka, a été perdu ou détruit et toute affirmation concernant cette philosophie doit être considérée d'un œil critique, y compris dans le présent article. Bien qu'elle semble avoir exercé une influence considérable en son temps, notamment en développant ce que l'on appellerait aujourd'hui la méthode scientifique, elle n'a jamais pris racine et s'est éteinte au 12e siècle.

Les concepts exprimés, cependant, ont non seulement contribué au climat intellectuel qui permit le développement de la pensée scientifique, mais ont également anticipé l'athéisme de Critias d'Athènes (c. 460-403 av. J.-C.), l'école hédoniste d'Aristippe de Cyrène (c. 435-356 av. J.-C.) et, plus célèbre encore, les travaux d'Épicure (c. 341-270 av. J.-C.) et son développement de "l'hédonisme éclairé" dans son école d'Athènes. Ces penseurs, et ceux qui les ont suivi, ont influencé les philosophies empiristes et utilitaires du 19e siècle et le mouvement existentiel du 20e siècle. Le Chârvâka était donc un système de croyances très en avance sur son temps, même s'il n'a pas directement influencé ces systèmes ultérieurs.

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Période védique et Chârvâka

Le Chârvâka était une réponse à la vision religieuse acceptée en Inde à l'époque, basée sur les Védas. Les Védas sont les principaux textes religieux sur lesquels repose l'hindouisme (connu des adeptes sous le nom de Sanatan Dharma, "Ordre éternel" ou "Voie éternelle"). Le mot Veda signifie "connaissance" et les quatre Vedas - Rig Veda, Sama Veda, Yajur Veda et Atharva Veda - sont censés contenir les connaissances essentielles pour comprendre l'ordre éternel de l'univers et la place de chacun dans le monde.

Ces textes sont considérés comme Shruti ("ce qui est entendu") par les hindous orthodoxes, car ils sont censés avoir été "prononcés" par l'univers par le biais de vibrations à un moment donné dans un passé lointain et "entendus" par des sages, dans des états méditatifs, quelque temps avant environ 1500 ans avant notre ère. Ces sages ont préservé les messages sous forme orale jusqu'à ce qu'ils ne soient mis par écrit au cours de la période védique (c. 1500 - c. 500 av. J.-C.), accompagnés d'autres textes (dont les Upanishads) qui les commentent et les clarifient.

The Vedas (Rig-veda)
Les Védas (Rig-veda)
BernardM (CC BY-SA)

La vision des Védas a donné naissance au mouvement religieux/philosophique connu sous le nom de brahmanisme, qui soutenait que le monde fonctionnait selon certaines règles, observables et démontrables, et que l'existence de ces règles, connues sous le nom de rita ("ordre"), justifiait l'existence d'un créateur de règles. L'existence de ces règles, appelées rita ("ordre"), plaide en faveur de l'existence d'un créateur de règles. Ce créateur de règles est un être d'une grandeur incompréhensible qui a créé et est l'univers, et qu'ils appellent Brahman.

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Brahman ne pouvait cependant pas être saisi par les esprits mortels individuels, et il a donc été déterminé que chaque être humain portait en lui une étincelle de cet être divin connu sous le nom d'Atman, et que le but de la vie était de réaliser l'union de l'Atman avec Brahman. On y parvient en accomplissant son devoir (dharma) conformément à l'action juste (karma) pour atteindre la libération (moksha) et s'affranchir du cycle des renaissances et de la mort. Les gens pouvaient soit embrasser la poursuite de l'accomplissement personnel et de l'union (en devenant de meilleures versions d'eux-mêmes), soit rejeter la vérité divine et souffrir en conséquence dans cette vie et dans toutes celles qui suivraient jusqu'à ce qu'ils n'embrassent finalement la voie de l'amour et de l'ordre divins.

Les Védas étaient chantés par la classe sacerdotale en sanskrit, la langue dans laquelle les œuvres avaient été "entendues" et composées. Les gens qui entendaient ces chants ne comprenaient pas le sanskrit et devaient croire sur parole que ces textes venaient directement de Dieu. Les écoles religieuses et philosophiques qui acceptaient les Védas en tant qu'autorité spirituelle étaient connues sous le nom d'astika ("il existe") et acceptaient donc également l'existence de l'Atman, de Brahman et du reste de la vision védique. Ceux qui n'acceptaient rien de tout cela étaient appelés nastika ("il n'existe pas"). Les écoles de pensée nastika comprenaient le jaïnisme, le bouddhisme et le chârvâka.

La vision de Brihaspati exprimait sa conviction que le but de la vie était d'en profiter au maximum sans craindre de châtiment dans cette vie ou dans une autre.

D'après des commentaires, des critiques et des remarques tirés de textes ultérieurs, Brihaspati trouvait absurde que les gens acceptent la parole des prêtres selon laquelle ces textes incompréhensibles étaient la parole de Dieu et, plus encore, qu'ils suivent systématiquement les règles, les rituels, les pénitences et les proscriptions établis par les prêtres, alors qu'il semblait évident que tout cela n'était qu'un moyen astucieux permettant aux prêtres de la classe supérieure de bien vivre aux dépens de la classe inférieure qui avait été trompée et qui avait accepté leurs fables comme des vérités.

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Il n'existe aucun moyen de savoir ce qui aurait motivé Brihaspati, ni même quelles furent ses premières actions au mépris des croyances orthodoxes, mais il semble qu'à un moment donné, il ait prêché une nouvelle vision ou composé un texte exprimant sa conviction que le but de la vie était d'en profiter au maximum sans craindre de châtiment dans cette vie ou dans une autre, car la vie que l'on vivait n'avait manifestement pas de gouverneur divin et qu'il n'y en aurait pas d'autre.

Croyances et arguments

La principale objection du Chârvâka à la vision védique était qu'elle ne pouvait être prouvée; elle devait être acceptée sur la base de la foi et cette foi était encouragée par une classe sacerdotale qui en bénéficiait manifestement aux dépens des autres. Les sacrifices, les cadeaux et les gestes de pénitence enrichissaient les prêtres tout en contribuant à la pauvreté de la classe inférieure. Cet enrichissement était rendu possible par l'affirmation non vérifiable que les prêtres connaissaient l'ultime vérité qui, si elle était acceptée, garantissait une existence plus prospère et plus satisfaisante dans cette vie et des retrouvailles heureuses avec Dieu après la mort. La peur de ce qui se trouve au-delà de la mort, la perspective d'incarnations sans fin, de lutte, de vie après vie après vie, encourageaient les gens à accepter les affirmations des prêtres dans l'espoir qu'elles soient vraies; mais, selon le Chârvâka, elles n'étaient pas vraies parce qu'elles manquaient de preuves substantielles.

Bhagavata Purana
Bhagavata Purana
The Trustees of the British Museum (Copyright)

Cette objection a conduit à la croyance fondamentale du Chârvâka selon laquelle seule la perception directe de quoi que ce soit, quel qu'il soit, peut établir la vérité et, en outre, que ce qui ne peut être perçu ou reconnu par les sens ne peut exister. Comme indiqué, d'autres écoles de pensée nastika, le jaïnisme et le bouddhisme, se sont développées parallèlement au Chârvâka et ont également rejeté la vision védique, mais le Chârvâka s'en distingue nettement, comme le note le spécialiste John M. Koller:

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Le Chârvâka est le seul système complètement matérialiste; tous les autres acceptent des modes de vie spirituels. Le jaïnisme, par exemple, tente de montrer comment sortir de l'esclavage karmique. Il met l'accent sur une vie de non-violence qui culmine dans la libération finale de la servitude par la réalisation méditative de soi. Le bouddhisme analyse la nature et les causes de la souffrance humaine et présente l'octuple sentier comme un remède à la souffrance. (7)

Le Chârvâka, à l'inverse, affirme que la souffrance n'est que la privation de plaisir et que le remède à ce problème est la poursuite de la jouissance sensuelle. Il n'existe aucun devoir envers qui ou quoi que ce soit d'autre que soi-même et aucune "dette karmique" que l'on puisse accumuler car il n'y a pas de Dieu pour tenir un quelconque compte des actions ou des méfaits de chacun. Ce que l'on voit dans la vie est tout ce qu'il y a dans la vie, affirme le Chârvâka, et les préceptes, règles et rituels religieux ne sont qu'un moyen pour les forts et les intelligents de poursuivre leur propre plaisir.

Le Chârvâka rejette la cosmologie religieuse au motif qu'il n'est tout simplement pas nécessaire de spéculer sur la création de l'univers. De telles spéculations sont une perte de temps, car il est impossible de savoir comment l'univers est apparu. L'observation permet de conclure que la nature se régénère et se reproduit selon des lois naturelles. Il était donc logique de conclure que, quelle que soit la manière dont le cosmos est apparu, il s'est développé selon ce même type de lois. Le fait de savoir comment l'univers a commencé ne peut en aucun cas enrichir la vie d'une personne et la cosmologie peut donc être écartée sans risque.

L'épistémologie était considérée comme tout aussi inutile, car on reconnaît la vérité par la perception et il n'y avait aucune raison de chercher à savoir comment on savait que l'on tenait une grosse pierre alors qu'il était évident que l'on tenait une grosse pierre. Ils ont donc rejeté les pramanas religieux ("sources ou preuves de la connaissance"), en particulier la déduction et le témoignage personnel. On ne pouvait pas se fier à la déduction pour établir la vérité car, contrairement à la perception directe, la déduction d'une personne pouvait être erronée.

L'exemple le plus couramment utilisé pour discuter du problème que pose la déduction pour Chârvâka est celui de la présence de fumée comme preuve d'un incendie. On voit de la fumée sortir de la fenêtre d'un bâtiment et on en déduit qu'il doit y avoir du feu dans cette pièce, mais ce n'est pas nécessairement le cas; quelqu'un dans cette pièce peut être en train de nettoyer une cheminée ou un poêle, remuant de la suie qui s'échappe par la fenêtre de telle manière qu'elle apparaît à l'observateur comme de la fumée. Les témoignages sont donc tout aussi peu fiables, puisqu'une personne ayant vu ce qu'elle pensait être de la fumée par une fenêtre serait susceptible de déclarer que le bâtiment était en feu alors qu'en réalité, la fumée qu'elle prétendait avoir vue n'était pas du tout de la fumée.

House on Fire
Maison en feu
Gilbert Mercier (CC BY-NC-ND)

Les systèmes éthiques étaient également rejetés parce qu'ils étaient définis par de prétendues "lois morales" qui n'étaient qu'une autre série de fables créées par les prêtres pour contrôler les autres et s'enrichir. Ce qui est bon dans la vie, c'est ce que l'individu ressent comme bon et ce qui est mauvais, c'est ce qu'il ressent comme mauvais. Les systèmes éthiques ne font que compliquer cette vérité très simple, priver les gens de plaisir, les accabler de culpabilité et ne font rien d'autre que contribuer au contrôle du plus grand nombre par quelques-uns. Anticipant de plusieurs siècles les travaux de Jeremy Bentham (1748-1832) et de John Stuart Mill (1806-1873), le Chârvâka dirait que le "bon comportement" est celui qui produit le plus grand bien pour le plus grand nombre de personnes et que le "mauvais comportement" est celui qui cause le plus de douleur.

Le concept de "bien" serait ici compris comme le "plaisir". Le mal, en tant qu'opposé du bien, était reconnu comme étant simplement l'absence de plaisir. L'impossibilité de poursuivre son propre plaisir encourageait à s'engager dans des actions visant à éliminer les obstacles à ce plaisir, et c'est ainsi que les gens initiaient ou participaient à des actes que d'autres condamnaient comme étant illégaux et pour lesquels ils punissaient les auteurs. Ceux qui administraient les punitions n'étaient cependant pas plus vertueux que ceux qui avaient commis le crime; les autorités essayaient simplement de maintenir leur propre niveau de plaisir aux dépens de ceux qui en avaient été privés.

Similitude avec les systèmes ultérieurs

Ces mêmes concepts furent développés, très probablement de manière indépendante, dans la Grèce antique et ailleurs. Bien que l'homme politique athénien Critias n'ait jamais créé d'école officielle, ses travaux font écho à la même vision que celle de Brihaspati. Critias écrit que la religion n'est rien d'autre qu'un moyen par lequel les forts contrôlent les faibles, s'enrichissant en maintenant des lois qui fonctionnent à leur avantage. La philosophie d'Aristippe de Cyrène est presque identique à celle du Chârvâka en ce sens qu'il pensait que le but le plus noble auquel on pouvait se consacrer dans la vie était la recherche du plaisir.

Aristippe croyait qu'il fallait vivre l'instant présent et s'amuser autant que possible. Sa philosophie est souvent comparée à celle du philosophe hédoniste chinois Yang Zhu (440-360 av. J.-C.), qui pensait lui aussi que la religion était une construction artificielle destinée à contrôler les gens et que se préoccuper de ce qui définissait une "bonne action" ou une "mauvaise action" était une perte de temps, alors que l'on pouvait s'amuser à faire ce que l'on voulait.

L'hédoniste le plus connu est bien sûr Épicure, qui pensait lui aussi que la recherche du plaisir devait être le but suprême de chacun. La philosophie d'Épicure est cependant très éloignée du type d'hédonisme défendu par le Chârvâka, Aristippe ou Yang Zhu. Pour Épicure, la recherche du plaisir consiste à jouir pleinement de ce que l'on a sans se soucier de ce que l'on n'a pas. Le plaisir ne produit le bonheur que tant qu'on peut en jouir sans stress ni inquiétude, ce qui signifie qu'il faut faire preuve de modération en toutes choses afin de vivre le plus longtemps possible dans un état de santé optimal pour profiter au maximum.

Epicurus Bust, British Museum
Buste d'Épicure, British Museum
Osama Shukir Muhammed Amin (Copyright)

On ne sait pas si le Chârvâka a influencé l'un ou l'autre de ces auteurs ultérieurs, mais il est intéressant de noter les concepts chârvâkiens exprimés dans d'autres cultures. Les auteurs grecs ont jeté les bases d'auteurs ultérieurs tels que l'empiriste écossais David Hume (1711-1776), dont l'une des affirmations est que, si l'on ne disait jamais à quelqu'un que Dieu existe, il ne trouverait rien dans le monde qui puisse suggérer une telle entité. La philosophie utilitariste développée par John Stuart Mill présente des similitudes remarquables avec le Chârvâka et, à quelques différences près, il en va de même pour les œuvres des existentialistes, notamment Jean-Paul Sartre (1905-1980) et ses disciples.

Conclusion

Ces auteurs et systèmes philosophiques plus tardifs n'ont pas été bien accueillis par l'establishment lorsqu'ils sont apparus pour la première fois, et certainement pas par la religion organisée. La réponse religieuse de l'Inde ancienne au Chârvâka a suivi ce même paradigme. Le rejet de la religion par le Chârvâka et son insistance sur la recherche du plaisir ont sapé l'autorité des prêtres et de la classe supérieure, mais, ce qui est tout aussi important, on dit qu'il aurait perturbé le statu quo en privant les gens de l'espoir d'un sens ultime à la vie et d'une sécurité après la mort.

L'affirmation du Chârvâka selon laquelle il n'y avait pas de vie après la mort promettant une récompense finale pour les personnes méritantes ne pouvait guère être une bonne nouvelle. Les auditeurs de Brihaspati, comme tous les humains, considéraient la mort comme une certitude et on leur avait enseigné que la bonne conduite conduisait à une vie après la mort heureuse, tandis que ceux qui s'étaient mal comportés seraient punis. Le Chârvâka ne promettait rien de tel; il n'y avait qu'une seule fin pour les vertueux et les méchants et rien de ce que l'on faisait dans la vie ne pouvait changer le fait que le chemin que l'on suivait menait directement à une extinction certaine.

Bien qu'elle ait été appelée Lokâyata - "la philosophie du peuple" - rien ne prouve qu'elle ait jamais été largement adoptée. L'érudit P. Ram Manohar note qu'elle "ne s'est jamais imposée comme une école de pensée prédominante" (Paranjape, 5). Il semble que ce terme ait été inventé pour signifier "populaire", c'est-à-dire sans poids intellectuel (comme dans l'expression "opinion populaire" par opposition à une opinion mieux informée) et, enfin, comme une sorte de synonyme de matérialisme qui nie la valeur des objectifs supérieurs de la vie.

Le Chârvâka, cependant, était loin d'être "mal informé" puisqu'il a inspiré le développement de la méthode scientifique en Inde en encourageant l'observation directe des phénomènes, l'élaboration d'une hypothèse pour expliquer ces phénomènes et des conclusions basées sur la corroboration empirique de cette hypothèse. Manohar note que le Chârvâka "a exercé une influence puissante et a contribué à établir un équilibre entre les visions spirituelle et matérielle du monde" (Paranjape, 5). Même si le système de Brihaspati n'a jamais remplacé l'orthodoxie, il a certainement influencé le paysage intellectuel de l'Inde.

Les maux tels que la maladie et les blessures ou les expériences positives de prospérité et de bonne fortune inattendue étaient compris comme des phénomènes naturels et non comme des actes divins visant à punir ou à récompenser un comportement. Les Dharmashastras et des ouvrages comme l'Arthashâstra ont été rendus possibles grâce à la reconnaissance de la valeur du matérialisme du Chârvâka sous une forme modifiée. Malgré cela, le Chârvâka finit par être distancé par les systèmes hindous, jaïns et bouddhistes, qui offraient une vision plus optimiste de la vie après la mort et du sens à donner à l'existence quotidienne. Cependant, le message du Chârvâka allait changer la façon dont les gens voyaient le monde, même s'ils ne pouvaient pas adhérer pleinement à sa vision d'une vie vécue pleinement et uniquement selon les valeurs personnelles de chacun, sans attente de récompense ni crainte de punition.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2020, juin 17). Chârvâka [Charvaka]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-11763/charvaka/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Chârvâka." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le juin 17, 2020. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-11763/charvaka/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Chârvâka." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 17 juin 2020. Web. 27 avril 2024.

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