L'horloge dans la Révolution Scientifique

Article

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 30 octobre 2023
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Disponible dans ces autres langues: anglais, néerlandais, espagnol

Il fallut attendre la seconde moitié du XVIIe siècle, pendant la révolution scientifique (1500-1700), pour voir apparaître des horloges qui perdent chaque jour des secondes et non plus des minutes. La percée eut lieu avec l'horloge à pendule de Huygens en 1657 qui fut encore améliorée par les montres de poche utilisant un spiral à partir de 1675.

Les effets de l'horloge à pendule et de la montre à ressort furent énormes. Une mesure plus précise du temps était essentielle pour les astronomes, les géomètres, les cartographes, les navigateurs et autres scientifiques désireux d'observer, de mesurer et d'enregistrer les phénomènes naturels. La complexité des horloges, les premières d'une longue série de machines, piqua l'intérêt de tous et fit d'elles une métaphore fréquente d'une nouvelle vision mécanique du monde.

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Detail, Tompion Clock Face
Cadran d'horloge de Tompion
Science Museum, London (CC BY-NC-SA)

Le problème du temps

Depuis l'Antiquité et l'invention des cadrans solaires et des horloges à eau, il était possible de mesurer le temps. Le problème, c'est que ces dispositifs n'étaient vraiment fiables que pour déterminer l'heure de la journée, et non la minute précise. Les horloges mécaniques inventées à la fin du 13e siècle ont permis d'améliorer la mesure du temps, mais elles étaient surtout utilisées dans les clochers des églises et les hôtels de ville. Les horloges mécaniques perdaient encore une partie appréciable du temps et devaient donc être remises à l'heure chaque jour, tâche que la plupart des propriétaires accomplissaient à midi en se référant au soleil. En outre, le poids descendant qui réglait l'horloge devait généralement être remonté toutes les 24 heures. La plupart des horloges de cette période étaient des objets ornés et encombrants qui ne pouvaient pas être déplacés. L'accent étant mis sur le design plutôt que sur la fonction, la plupart des horloges mécaniques étaient très chères à l'achat.

Les horloges de la fin du Moyen Âge étaient souvent utilisées pour mesurer des périodes de temps plus longues, par exemple les phases de la lune ou les périodes du zodiaque. Elles servaient également à indiquer le début et la fin des activités communautaires, telles que les marchés et les services religieux. Aucune de ces activités ne nécessitait un chronométrage précis à la minute près. Ces horloges n'étaient guère utiles aux nouveaux scientifiques de la révolution scientifique - en particulier les astronomes, les géomètres et les navigateurs - car ils avaient besoin d'horloges précises qui ne perdaient que quelques secondes par jour. La réponse à ce problème a été apportée par l'invention de l'horloge à pendule.

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L'horloge à pendule

L'un des premiers projets d'horloge fonctionnant à l'aide d'un pendule fut réalisé par l'Italien Galilée (1564-1642). Il avait identifié l'isochronisme d'un pendule, c'est-à-dire qu'il oscille à intervalles réguliers, le rythme étant d'autant plus rapide que la longueur du pendule est courte. D'autres penseurs, dont Léonard de Vinci (1452-1519), le savaient déjà, mais la clé pour fabriquer une horloge à partir d'un pendule était de concevoir un mécanisme dans lequel la régularité de l'oscillation du pendule contrôle précisément la chute d'un poids. Avant le pendule, les horloges utilisaient des roues tournantes, mais ce mécanisme n'était pas fiable et avait tendance à perdre du temps.

Comme pour la plupart des inventions, il y eut des rivalités quant à l'identité du premier inventeur de l'horloge à pendule.

Le Néerlandais Christiaan Huygens (1629-1695) fabriqua la première horloge à pendule fonctionnelle en 1657. Son horloge à pendule perdait au maximum 15 secondes par jour, ce qui permit au Néerlandais d'améliorer considérablement la précision de la mesure du temps. Cette précision était importante pour les astronomes - Galilée et Huygens étaient tous deux des spécialistes dans ce domaine - car elle leur permettait de calculer avec plus de précision le mouvement des corps célestes. Comme pour la plupart des inventions, il y eut des rivalités quant à l'identité du premier inventeur de l'horloge à balancier. Le Néerlandais Salomon Closter était l'un d'entre eux, mais comme il avait déjà collaboré avec Huygens, il est peu probable qu'il ait été l'inventeur original. Huygens présenta son horloge à pendule au monde scientifique dans son livre Horologium (1657), dont la préface attribue l'idée originale à Galilée. Huygens publia un autre ouvrage important sur les horloges à pendule en 1673, son Horologium Oscillatorium.

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Galileo's Design for a Pendulum Clock
Le design de Galilée pour une horloge à pendule
Science Museum, London (CC BY-NC-SA)

La précision de l'horloge à pendule rendait désormais possible toute une série de nouvelles expériences scientifiques. Surtout, la plus grande précision de la mesure du temps permettait aux scientifiques de différents endroits de comparer avec beaucoup plus de précision les résultats obtenus par les uns et les autres lorsqu'ils menaient des expériences similaires.

Horloges et observatoires

L'astronomie fut le moteur de la révolution scientifique, car de nouveaux instruments, comme le télescope, permirent d'observer et de mesurer de nouvelles choses. Des observatoires furent construits pour observer le ciel en permanence, et l'un de leurs instruments essentiels était une horloge précise, de préférence plusieurs. En 1641, Johannes Hevelius (1611-1687) créa un observatoire à Dantzig (Gdańsk) en Pologne, en finançant lui-même le projet. Hevelius combina un sextant, un quadrant et deux horloges à pendule pour mesurer avec précision le mouvement à long terme des corps célestes.

Pour de nombreux penseurs du XVIIe siècle, les horloges devinrent une métaphore, voire un modèle de notre univers.

L'Observatoire royal de Greenwich, fondé en 1675, disposait d'une technologie de pointe, dont deux horloges à pendule, chacune dotée d'un pendule géant mesurant près de 4 mètres de long. Ces horloges se trouvaient dans des niches construites à cet effet dans la grande salle où les principales observations étaient effectuées à l'aide de télescopes. Ces deux horloges avaient été fabriquées par le célèbre horloger londonien Thomas Tompion (1639-1713). Chaque horloge était dotée d'un mécanisme différent afin que les astronomes puissent connaître l'heure exacte de leurs observations du ciel. En outre, une autre horloge se trouvait dans la maison du sextant, et une quatrième fut bientôt ajoutée dans la Grande Salle, celle-ci avec un pendule de 2 mètres. Le coût des quatre horloges s'élevait à 100 guinées (environ 25 000 dollars d'aujourd'hui). Les horloges nécessitaient un entretien constant et, malheureusement, l'une des horloges à pendule de l'observatoire cessa de fonctionner quelques mois après son installation, probablement parce qu'elle n'avait pas été lubrifiée correctement ou que de la poussière s'était introduite dans le délicat mécanisme et l'avait bloqué.

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Huygen's Pendulum Clock
Horloge à pendule Huygen
Science Museum, London (CC BY-NC-SA)

De nombreux observatoires furent créés temporairement pour effectuer un certain nombre de relevés, pour lesquels des instruments furent envoyés par des organismes tels que la Royal Society. Pour illustrer l'utilité et la valeur d'un bon garde-temps, une horloge à balancier fabriquée par John Shelton fut envoyée par la Royal Society dans les années 1760 pour un usage temporaire sur l'île de Sainte-Hélène au milieu de l'Atlantique, à la Barbade dans les Caraïbes et au cap de Bonne-Espérance à l'extrémité méridionale de l'Afrique.

Montres à balancier spiral

Bien que l'horloge à pendule ait constitué un grand pas en avant dans la mesure du temps, elle n'était pas encore assez précise pour les besoins de la navigation. Des inventeurs comme Huygens firent d'incoyables efforts pour construire des horloges à pendule capables de résister au mouvement et à l'humidité des voyages en mer, mais ces efforts ne furent généralement pas couronnés de succès et, dans tous les cas, perdre 10 à 15 secondes par jour n'était tout simplement pas suffisant pour permettre à un navigateur de déterminer avec précision sa longitude (position est-ouest). Pour déterminer la longitude, un navigateur devait connaître l'heure locale de l'endroit où il se trouvait et pouvoir la comparer à une heure de référence, généralement l'heure d'un lieu connu, comme le port d'attache du navire. Les navires faisant désormais le tour du monde, une horloge imprécise censée indiquer l'heure du port d'attache pouvait perdre énormément de temps au cours d'un seul voyage. La recherche de la longitude devint un projet national dans plusieurs pays, avec des prix en espèces offerts à l'inventeur qui parviendrait à mettre au point un chronomètre précis. Des sociétés privées, comme la Compagnie britannique des Indes orientales, offrirent même des fonds aux inventeurs pour qu'ils créent un chronomètre précis.

En 1675, Huygens réussit à construire un petit chronomètre portatif en utilisant l'idée nouvelle d'un ressort de balancier. Ce ressort reproduit effectivement l'action d'un pendule, mais il peut le faire dans un espace très réduit et ne pas être affecté par le mouvement externe de la montre. Lorsque Huygens esquissa pour la première fois sa montre à ressort, il écrivit dans son journal: "Eurêka - je l'ai trouvée" (Jardine, 144). Huygens présenta un modèle fonctionnel de sa nouvelle montre à l'Académie royale de Paris. Malheureusement, il fut ensuite impliqué dans un conflit de priorité concernant le mécanisme du ressort de la montre avec le scientifique anglais et avocat notoire Robert Hooke (1635-1703).

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Balance Spring Watch Mechanism
Mécanisme de montre à balancier spiral
Science Museum, London (CC BY-NC-SA)

Hooke prétendait avoir eu l'idée originale en 1658, mais ne pas l'avoir mise en pratique parce qu'il n'avait pas pu trouver d'investisseurs pour le projet. C'est peut-être l'ami commun de Huygens et de Hooke, Robert Murray (1608-1673), qui aurait communiqué les plans de Hooke à Huygens. Pour prouver ses dires, Hooke construisit une horloge à ressort en 1675, avec l'aide de Tompion, qui fabriqua les premières horloges pour l'Observatoire de Greenwich. Un troisième inventeur, Isaac Thuret, horloger parisien, affirma également avoir mis au point un nouveau type de montre. Huygens avait employé Thuret pour fabriquer un modèle de son invention, et la priorité revendiquée par le Français était donc très douteuse.

En fin de compte, aucun inventeur n'obtint de brevet, et les horlogers du monde entier construisirent des garde-temps à balancier spiral. Le balancier spiral permit d'améliorer la précision et de réduire la taille des horloges. Ces dispositifs étaient désormais suffisamment précis pour qu'il vaille la peine de placer les aiguilles des minutes et des secondes sur leur cadran. Cependant, ils n'étaient pas encore assez performants pour la navigation, où quelques secondes d'écart suffisent à créer de grandes différences géographiques. C'est pourquoi le problème de la longitude ne fut pas résolu avant 1770 et l'arrivée du chronomètre de marine de Harrison, inventé par John Harrison (1693-1776), mais seulement après des décennies de recherche, alors que plusieurs modèles antérieurs moins fiables avaient échoué aux essais en mer par l'Amirauté.

Impact élargi d'un chronométrage précis

L'horloge à pendule donna lieu à plusieurs inventions dérivées. Le mécanisme du pendule lui-même permit l'invention d'un métronome, mentionné pour la première fois dans un texte de 1602 rédigé par un médecin vénitien. Ce pulsilogium était utilisé par les médecins pour déterminer avec beaucoup plus de précision le pouls d'un patient. Isaac Newton (1642-1727) utilisa des horloges à pendule pour chronométrer avec précision ses expériences sur la gravitation. L'amélioration constante de la précision des horloges à pendule et à ressort permit de mesurer la vitesse et les variations de vitesse dans différentes conditions, notamment en altitude, dans le vide et en cas de variations de la pression atmosphérique. Les principes d'une horloge fonctionnelle - engrenages, balanciers et poids - furent également appliqués à de nombreuses autres machines au cours de la révolution industrielle britannique qui suivit plus tard au XVIIIe siècle.

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Tompion Pocket Watch
Montre de poche de Tompion
Science Museum, London (CC BY-NC-SA)

Les horloges devinrent beaucoup plus courantes, tout comme le souci du temps. Dès la seconde moitié du XVIIe siècle, la Grande-Bretagne était à la pointe de l'horlogerie. Cependant, les horlogers britanniques mettaient l'accent sur la fonction par rapport à leurs homologues européens, qui préféraient les grandes horloges faites de matériaux précieux et souvent dotées de figures d'automates. L'exigence d'une connaissance plus précise de l'heure en Grande-Bretagne se reflète peut-être dans cet accent mis sur la fonction. Il est certain que le développement de l'horloge à pendule entraîna la conversion d'innombrables horloges mécaniques plus anciennes, car la redéfinition de la précision de la mesure du temps s'imposa à presque tout le monde. La montre de poche à ressort devint également très populaire, les horlogers du monde entier ayant copié les idées de Huygens et de Hooke.

Les horloges et les montres continuèrent à s'améliorer, notamment avec l'ajout de rubis pour réduire le risque de blocage du mécanisme dû à l'accumulation de poussière et de lubrifiants. Ce sont deux frères français, Pierre et Jacob Debaufre, travaillant en collaboration avec l'inventeur suisse Nicolas Fatio de Duillier, qui fabriquèrent la première montre de poche en utilisant des rubis percés comme pierres d'appui et de terminaison vers 1704 (date de la demande de brevet). Aujourd'hui encore, des rubis sont utilisés dans les montres à cette fin.

L'horloge comme métaphore

Les horloges devinrent une métaphore, voire un modèle de notre univers pour de nombreux penseurs du XVIIe siècle, en particulier ceux qui adhéraient à une explication mécanique de la vie telle que nous la connaissons. Le philosophe mécaniste René Descartes (1596-1650) nota dans son Discours de la méthode, publié en 1637: "Nous voyons que les horloges ont été construites par les hommes, mais qu'elles ne manquent pas pour cela du pouvoir de se mouvoir elles-mêmes" (Wright, 206). Descartes proposa que notre monde était semblable à une horloge, fabriquée par un Créateur divin mais capable de fonctionner seule, sans intervention surnaturelle. L'astronome Johannes Kepler (1571-1630) était du même avis: "Mon but est de montrer que la machine céleste n'est pas comme une créature divine, mais comme une horloge... dans la mesure où presque toute la diversité des mouvements est causée par une force simple, magnétique et corporelle, tout comme tous les mouvements d'une horloge sont causés par un poids très simple" (Wootton, 485).

De même, des médecins et des anatomistes comme William Harvey (1578-1657), Robert Boyle (1627-1691) et Marcello Malpighi (1628-1694) adoptèrent la même approche du corps humain, le considérant comme une machine merveilleusement complexe, à l'instar d'une horloge très élaborée. Le cœur humain était souvent comparé à une horloge en tant que régisseur du mécanisme du corps. Cette métaphore fut étendue à la politique, où un bon souverain était comparé à un maître horloger qui veillait au bon fonctionnement du mécanisme de l'État. Cette métaphore politique avait deux facettes: pour certains, elle pouvait signifier une influence positive sur la société, tandis que pour d'autres, elle représentait un pouvoir insensible et autoritaire. Comme le note l'historien J. Henry, le choix du point de vue dépendait du système politique concerné: "Les attitudes contrastées à l'égard de la métaphore de l'horloge reflétaient donc différentes conceptions de l'ordre: autoritaire sur le continent et libérale en Grande-Bretagne" (106).

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Questions & Réponses

Quelle fut la contribution de l'horloge au développement scientifique ?

La contribution de l'horloge à pendule au développement scientifique fut de permettre aux scientifiques de mesurer avec précision toutes sortes de phénomènes. Le degré de précision de la mesure du temps fit un bond en avant, passant des minutes aux secondes.

Quel effet l'invention de l'horloge eut-elle sur le temps ?

L'invention de l'horloge à pendule eut pour effet de permettre aux horloges d'afficher une aiguille des minutes et même une aiguille des secondes. La précision passa de 15 minutes par jour à 15 secondes.

Pourquoi l'horloge à pendule et la montre à balancier furent-elles inventées ?

L'horloge à pendule et la montre à balancier furent inventées au XVIIe siècle parce que les scientifiques avaient besoin d'une méthode de mesure du temps plus précise que les horloges mécaniques traditionnelles. Cela était particulièrement vrai pour les astronomes et les navigateurs.

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2023, octobre 30). L'horloge dans la Révolution Scientifique [Clocks in the Scientific Revolution]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2315/lhorloge-dans-la-revolution-scientifique/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "L'horloge dans la Révolution Scientifique." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le octobre 30, 2023. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2315/lhorloge-dans-la-revolution-scientifique/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "L'horloge dans la Révolution Scientifique." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 30 oct. 2023. Web. 09 mai 2024.

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