Incisions Rupestres du Val Camonica

Article

Ingrid Garosi
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 20 mars 2020
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Les incisions rupestres du Valcamonica sont des pétroglyphes préhistoriques gravés dans le grès permien gris-violet poli par les glaciers du Val Camonica, qui s'étend sur 90 km dans les provinces italiennes de Brescia et Bergame, en Lombardie. Le nom de la vallée vient de "Cammunni", le nom que portaient ses habitants à l'âge du fer. Son patrimoine artistique, gravé dans 2500 rochers disséminés tout au long de la vallée, constitue un extraordinaire témoignage figuratif de la vie quotidienne et de la spiritualité des anciens humains.

La première apparition de ces dessins peut être datée de l'époque de l'épipaléolithique (20000-10000 avant notre ère) et la dernière de l'époque médiévale (476-1453) même si la période la mieux représentée est l'âge du fer (1200 av. JC - 200 de notre ère). Entre 200.000 et 300.000 incisions ont été reconnues et cataloguées sur le grès du Val Camonica. La plupart de ces gravures représentent des animaux et des scènes de la vie quotidienne mais aussi la magie, la guerre et la navigation. La particularité de ce site archéologique est que les figures furent réalisées au cours d'une période de 8000 ans et ont résisté jusqu'à aujourd'hui, presque intactes. Les dessins rupestres du Valcamonica ont été ajoutés au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1979 et ont ainsi été le premier site italien à être ajouté à la liste.

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Stag Rock Carving, Valcamonica
Incision de cerf sur roche, Valcamonica
Roger469 (Public Domain)

Histoire et découverte

Contrairement à tous les autres sites européens de ce type, les gravures ont toujours fait partie de l'histoire de la population vivant dans le Val Camonica. Cependant, avant le XXe siècle, elles étaient complètement ignorées et les habitants de la vallée les appelaient pitoti. Ce nom, en dialecte local, signifie "gribouillages", en référence aux dessins abstraits et stylisés réalisés par les enfants. Ce n'est que dans les premières années du XXe siècle, précisément en 1914, que l'alpiniste et géographe Gualtiero Laeng signala, dans le Guide du Touring Club de la région, que deux blocs erratiques de Cemmo arboraient certains des dessins de la vallée. Cela permit de diffuser l'information, ce qui contribua à accroître l'intérêt pour l'art préhistorique des incisions rupestres du Valcamonica.

LA ROSE CAMUNIENNE, L'UNE DES incisions les PLUS CÉLÈBRES DE LA VALLÉE, fut CHOISIE POUR DEVENIR LE SYMBOLE DE LA RÉGION LOMBARDIE.

Dans les années 1920, d'autres études furent menées, suivies dans les années 30 par les recherches à visée politique de Franz Altheim et Erika Trautmann, commandées par l'officier nazi allemand de l'époque, Heinrich Himmler. Le but de leurs études était d'identifier dans les sculptures les origines nord-européennes de la race aryenne afin de la légitimer dans le contexte du troisième Reich d'Hitler. Les fascistes italiens firent de même en revendiquant l'origine italienne des sculptures comme un symbole de l'ardeur au travail qui caractérisait la population du territoire avant la période romaine.

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Pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-45), les recherches archéologiques furent interrompues jusqu'en 1959. Cette année-là, le premier grand pas vers le site tel qu'il est connu aujourd'hui fut réalisé par Laeng lui-même. Il dessina la première carte des gravures rupestres de Naquane et fonda le premier parc archéologique d'Italie. Les études menées par un autre personnage important, Emmanuel Anati, archéologue dont la méthode méticuleuse et scientifique introduisit la technique du relevé manuel des roches sur le terrain, furent d'une importance capitale pour le site. Cette méthode l'aida à développer une classification stylistique de l'art représentatif camunien, lui permettant dans les années qui suivirent de découvrir et de classer des milliers de gravures rupestres dans le site archéologique.

Camunian Rose, Valcamonica
Rose camunienne, Valcamonica
Luca Giarelli (CC BY-SA)

Au cours des années 1970, le pitoti est devenu un symbole de l'identité et du patrimoine du Val Camonica et, en 1975, la rose de Camunia, l'une des incisions les plus célèbres de la vallée, fut choisie pour devenir le symbole de la région Lombardie. La signification de cette sculpture est incertaine, mais le symbolisme présumé qui la sous-tend est celui du soleil, les quatre points cardinaux indiquant la trajectoire du soleil dans le ciel pendant la journée. Anati l'interpréta comme ayant une signification de fortune et de prospérité. En 1979, lors de la troisième réunion du Comité du patrimoine mondial au Caire, le Val Camonica devint le premier site italien de l'UNESCO.

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LES BŒUFS OU LES ÉLANS, REPRÉSENTÉS en tant que PERSONNAGES PRINCIPAUX DES SCÈNES DE CHASSE, SONT TRANSPERCÉS ET TUÉS PAR dES ARMES.

Les sculptures furent réalisées sur du grès permien qui a été lissé par la fonte et le glissement des glaciers. Les principales techniques utilisées pour réaliser les figures étaient au nombre de deux: la technique "marteline" et la technique "filiforme". La "marteline" consistait à taper la surface rocheuse d'abord avec un outil en pierre, puis avec un outil métallique qui crée de petites concavités circulaires. L'autre technique utilisée dans le Val Camonica est la technique "filiforme" ou "graffiti": avec ce procédé, les représentations sont obtenues en gravant la surface rocheuse avec un instrument pointu utilisé comme burin. Cet instrument, frotté plusieurs fois sur les rochers, laissait la marque d'un sillon.

Les incisions rupestres du Valcamonica résultant de ces deux techniques différentes appartiennent à quatre grands groupes stylistiques. Le premier est celui de la période préhistorique, de l'épipaléolithique à l'âge du bronze, où les figures sont isolées ou groupées de manière symbolique. Ensuite, il est possible de voir des sculptures de la période protohistorique de l'âge du fer, où la narration artistique est plus naturaliste et caractérisée par le mouvement et la description d'actions. Enfin, les sculptures appartenant à la dernière période peuvent être associées à la population Cammuni, qui habita la vallée de l'époque romaine à l'époque médiévale.

Rock Spirals, Valcamonica
Spirales sur roche, Valcamonica
G. Dallorto (CC BY)

L'évolution de l'art camunien

Les incisions rupestres appartenant à la période préhistorique sont parfois de dimensions considérables. Ces dessins représentent des figures d'animaux, parmi lesquels des bœufs ou des élans, représentés en tant que personnages principaux de scènes de chasse sont transpercés et tués par des armes. Au cours du Néolithique (10000-5000 av. JC), le centre de la narration caractérisant les sculptures du Val Camonica se déplace des animaux vers les êtres humains. Les représentations symboliques des prières en position de l'orant, appelées "oranti", caractérisent cette période. Il s'agit de figures stylisées d'êtres humains représentant l'adoration, la danse ou la lamentation. C'est également à cette époque que l'on trouve les premières représentations de figures géométriques.

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Au cours du Chalcolithique (5000-4000 avant notre ère), l'art rupestre se caractérise par des stèles et des menhirs sculptés de figures symboliques et naturalistes. Ces roches étaient placées dans des lieux de culte pour des cérémonies et des rites ou avaient une fonction sépulcrale. Ces lieux de culte furent fréquentés pendant des milliers d'années.

L'âge du bronze (3300-1200 av. JC) se caractérise par des sculptures représentant des scènes de labour, des métiers à tisser et des prières, tandis que l'âge du fer (1200 av. JC - 200 après JC) présente des figures de guerriers pendant la chasse, des duels et des chevauchées. Ces scènes représentaient les rites d'initiation auxquels étaient confrontés les jeunes aristocrates afin de devenir des hommes. Dans ces sculptures, les guerriers sont méticuleusement représentés avec une variété d'armes qui ont été redécouvertes par des fouilles archéologiques sur le site du Val Camonica. Dans la représentation de scènes de chasse, les proies sont souvent des cervidés chassés par un homme représenté sur un cheval et aidé par un chien. En outre, on trouve également des dessins représentant de simples bâtiments, des oiseaux aquatiques et des empreintes de pas. Enfin, avec la conquête romaine du territoire, l'Art Camunien connut un déclin principalement dû à la " lutte " promue par les croyants de la doctrine chrétienne, au cours du 4ème siècle de notre ère, contre l'idolâtrie des pierres sculptées, appelée en latin saxorum veneratio. Pendant la période du Moyen Âge (476-1453), les dessins de figures symboliques, de tours, de châteaux et d'églises représentent les toutes dernières gravures rupestres du val Camonica.

Le site aujourd'hui

Le parc archéologique fut créé en 1955 par la surintendance archéologique de Lombardie sous le nom de Parc national des incisions rupestres de Capo di Ponte (Parco nazionale delle incisioni rupestri di Naquane). Plus tard, en 1964, Emmanuel Anati fonda le Centre d'études préhistoriques camunien. Après l'inscription du site sur la liste de l'UNESCO, d'autres recherches se poursuivent encore aujourd'hui pour élargir notre connaissance du site et mettre au jour de nouvelles sculptures et roches. Dans le contexte du site archéologique, huit parcs différents ont été réalisés, parmi lesquels la réserve naturelle de gravures de Ceto, Cimbergo et Paspardo, atteignant une extension de 290 hectares répartis entre 3 municipalités différentes. En outre, l'introduction la plus récente dans le parc a été en 2014 avec la création du Musée national de la préhistoire du Val Camonica (Museo Nazionale di Preistoria della Valcamonica). L'importance et l'unicité des découvertes archéologiques au sein du site témoignent de la grande contribution que le Val Camonica a apporté à notre connaissance sur l'histoire des anciens humains.

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Cet article a été soumis dans le cadre du programme de bourses de l'Université d'été de l'UNESCO de Ancient History Encyclopedia.

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Bibliographie

  • Anati, E. Camonica Valley: A Depiction of Village in the Alps From Neolithic Times to the Birth of Christ as Revealed by Thousands of Newly found Rock Carvings. 1961
  • Anati, E. Evoluzione e stile nell’arte rupestre camuna. Edizioni del Centro, 1975
  • Arca, A. "Incisioni Topografiche e paesaggi agricoli nell’arte rupestre della Valcamonica." Notizie Archeologiche Bergomensi, 1999, pp. 207-34.
  • Parco Nazionale delle Incisioni Rupestri, accessed 19 Mar 2020.
  • UNESCO - Rock Drawings of Valcamonica, accessed 19 Mar 2020.

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Ingrid Garosi
Chef de projet et conseillère en recherche pour les projets européens et les financements de l'UE | Chef d'équipe Durabilité TEDx

Citer cette ressource

Style APA

Garosi, I. (2020, mars 20). Incisions Rupestres du Val Camonica [Rock Drawings of Valcamonica]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1526/incisions-rupestres-du-val-camonica/

Style Chicago

Garosi, Ingrid. "Incisions Rupestres du Val Camonica." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le mars 20, 2020. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1526/incisions-rupestres-du-val-camonica/.

Style MLA

Garosi, Ingrid. "Incisions Rupestres du Val Camonica." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 20 mars 2020. Web. 04 oct. 2024.

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