Femmes en Chine Antique

Article

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 19 octobre 2017
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Disponible dans ces autres langues: anglais, arabe, indonésien, italien, espagnol, Turc

Dans la Chine ancienne, les femmes ne jouissaient pas du statut, social ou politique, accordé aux hommes. Les femmes étaient d'abord subordonnées à leur père, puis à leur mari, et enfin, en cas de veuvage, à leur fils dans un système connu sous le nom de "trois obédiences" ou sancong. Souvent maltraitée physiquement, victime d'une ségrégation sociale et obligée de rivaliser avec ses concubines pour obtenir l'affection de son mari, la place de la femme était peu enviable. Pourtant, malgré la dure réalité de la vie dans une société dominée par les hommes et le poids des normes philosophiques et religieuses créées par les hommes pour les hommes, certaines femmes réussirent à franchir ces barrières. Les réalités pratiques de la vie quotidienne permirent à de nombreuses femmes de contourner les conventions, et certaines d'entre elles vécurent des vies extraordinaires, produisant de grandes œuvres littéraires et universitaires, voire dirigeant même l'empire chinois.

Théories sur les femmes

Au moins en termes théoriques, la contribution, voire la nécessité, des femmes à la société était reconnue dans le principe du yin et du yang. Mais même dans ce cas, le mâle (yang), avec les qualités qui lui sont associées, est prédominant et ses associations le considèrent subtilement comme supérieur à la femme (ying) : dur contre mou, énergique contre soumis, plat contre courbe, clair contre sombre, riche contre pauvre, etc.

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Han Woman, Dahuting Tomb
Femme Han, Tombe Dahuting
Unknown Artist (Public Domain)

En Chine, tout le monde savait qu'il valait mieux naître de sexe masculin, et même les personnages féminins de la littérature traditionnelle déclaraient parfois qu'ils avaient été un homme dans une vie antérieure, mais qu'ils étaient réapparus en tant que femme dans celle-ci, en punition de leurs actes passés. Une autre introduction courante à un personnage féminin dans ces histoires était la phrase "malheureusement, elle est née femme". Un enfant de sexe masculin grandissait pour contribuer financièrement à la famille, accomplir des rituels tels que ceux du culte des ancêtres et perpétuer le nom de la famille. En revanche, une femme ne pouvait pas gagner d'argent et quittreait un jour la famille pour rejoindre celle de son mari. Par conséquent, de nombreuses petites filles étaient abandonnées peu après leur naissance. Les filles qui survivaient recevaient des noms tels que Chasteté, Perle, Parcimonie, ou des noms de fleurs et d'oiseaux dans l'espoir qu'elles soient à la hauteur de leur nom et reçoivent des offres de mariage attrayantes.

C'est amer d'avoir la forme d'une femme !

Il serait difficile de nommer une chose plus vile.

Si c'est un fils né au foyer et à la maison

Il vient sur terre comme s'il était envoyé par le ciel,

Un cœur et une volonté héroïques, comme les Quatre Mers,

Pour affronter dix mille lieues de vent et de poussière !

Engendrer une fille est quelque chose que personne ne veut,

Elle n'est pas un trésor pour sa famille.

(Poème de Fu Hsuan, 3e siècle de notre ère, in Dawson, 272)

Les femmes devaient exceller dans quatre domaines : la fidélité, la prudence dans les propos, l'assiduité et la grâce dans les manières. La vertu d'une femme était un attribut particulièrement apprécié dans la société chinoise. Les femmes jugées particulièrement vertueuses, comme les veuves chastes, avaient parfois l'honneur d'avoir un sanctuaire, un monument ou une plaque commémorative après leur mort ou voyaient leur nom publié dans des nécrologies honorifiques. Cette pratique fut particulièrement populaire à la suite des travaux de l'érudit néo-confucéen Zhu Xi au 12e siècle.

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Mariage

Dans la Chine ancienne, les mariages étaient généralement arrangés par les deux couples de parents. Ce n'est pas l'amour mais des considérations économiques et sociales qui étaient au centre des préoccupations de chacun. Il existait même des marieurs professionnels chargés de trouver les couples adéquats, qui tenaient également compte de l'astrologie pour guider leurs choix. Certains parents n'attendaient pas non plus que leurs enfants soient majeurs, car de nombreux mariages avaient été arrangés alors que les couples étaient encore de jeunes enfants, voire des bébés. L'âge typique du mariage était la vingtaine pour les hommes et la fin de l'adolescence pour les femmes, bien que les mariages d'enfants n'aient pas été rares, même si cette pratique était interdite par la loi. Si un mariage avait été arrangé mais que le marié mourait peu avant la cérémonie, le mariage pouvait quand même avoir lieu et la mariée rejoignait sa nouvelle famille en tant que veuve.

Chinese Female Figurine
Figurine féminine chinoise
Liana Miate (CC BY-NC-SA)

La mariée allait vivre avec le marié dans sa maison ou celle de ses parents, en gardant son nom de famille. Son transfert de domicile devenait une grande procession où elle était portée sur une chaise nuptiale rouge et ses pieds ne touchaient jamais le sol entre les maisons afin d'éloigner les mauvais esprits. À son arrivée, elle rencontrait son mari, souvent c'était la première rencontre du couple. Une fête de mariage était organisée et les tablettes ancestrales étaient "informées" de la nouvelle arrivée. L'historien R. Dawson poursuit l'histoire :

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Le mariage n'était pas enregistré auprès de l'autorité civile, et la famille de la mariée ne prenait aucune part à la cérémonie ni aux réjouissances, bien que le couple soit allé quelques jours plus tard rendre une visite officielle à la maison de la mariée. Les rites du mariage symbolisaient le fait que le corps, la fertilité, le service domestique et la loyauté de la mariée avaient été transmis par une famille à une autre. Ils donnaient également l'occasion à la famille du marié d'afficher son aisance et de se glorifier de son prestige au sein de la communauté. Le faste de ces occasions pesait lourdement sur les ressources de la famille... Les cadeaux à la famille de la mariée, les cadeaux de fiançailles, constituaient une dépense supplémentaire, un prix à peine déguisé pour la personne de la belle-fille et une indication claire de son asservissement total à sa nouvelle famille. (143)

Le fait qu'une femme n'était guère plus qu'une pièce physique de la propriété de son mari est illustré par la pratique ancienne du bandage des pieds. Les filles âgées de trois ans et plus avaient les pieds écrasés dans des liens pendant des années, dans l'idée que les petits pieds qui en résultaient plairaient à leur futur mari.

En droit chinois, un homme pouvait divorcer de sa femme mais celle-ci n'avait pas ce droit, sauf si le mari maltraitait la famille de sa femme.

En droit chinois, un homme pouvait divorcer de sa femme, mais celle-ci n'avait pas ce droit, sauf si le mari maltraitait la famille de sa femme. Les motifs de divorce acceptés étaient l'incapacité d'enfanter un fils, la preuve d'infidélité, le manque de piété filiale envers les parents du mari, le vol, la souffrance d'une maladie virulente ou infectieuse, la jalousie et le fait de trop parler. Certains de ces motifs semblent assez superficiels à nos yeux modernes, mais il ne faut pas oublier que dans la société chinoise, le divorce était un acte grave ayant des répercussions sociales négatives pour les deux parties. En outre, un homme ne pouvait pas divorcer de sa une femme si elle n'avait pas de famille où retourner ou si elle avait traversé la période de deuil de trois ans pour les parents décédés de son mari. Par conséquent, dans la pratique, le divorce n'était pas aussi courant que ces motifs pourraient le laisser croire.

Une autre convention sociale voulait que les veuves ne se remarient pas. Beaucoup le faisaient quand même dans les classes inférieures, mais l'idée que les Parques et les cartes astrologiques avaient ordonné qu'un couple particulier vive ensemble dans le mariage était un obstacle difficile à surmonter dans le cas d'un second mariage. Un obstacle encore plus important était d'ordre financier, car une veuve n'héritait pas des biens de son défunt mari et n'avait donc rien à offrir à un nouveau mari dans ce domaine.

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Vie familiale et vie professionnelle

Le mariage et les enfants étaient le parcours normal attendu pour tous les adultes, et seuls les hommes qui ne pouvaient pas se permettre d'avoir une femme ne se mariaient pas. Pendant la dynastie Han, par exemple, les femmes non mariées faisaient l'objet d'une taxe supplémentaire pour leur famille. Les femmes ayant des bébés étaient exemptées d'impôt pendant trois ans et leur mari pendant un an. En ce qui concerne le sexe des enfants, les fils étaient beaucoup plus désirés que les filles. Comme le disait le vieux proverbe : "Un garçon naît tourné vers l'intérieur ; une fille naît tournée vers l'extérieur", ce qui signifie qu'une fille finissait par quitter la famille pour rendre hommage aux ancêtres d'une autre famille. Avoir un fils aidait donc grandement l'épouse à se faire accepter dans sa famille d'adoption.

Women Checking Silk, Song China.
Femme Vérifiant de la Soie, Chine des Song
Unknown Artist (Public Domain)

Pour les femmes de la classe supérieure, leur vie était peut-être plus strictement contrôlée qu'à tout autre niveau social. Elles étaient censées rester à l'intérieur de la maison familiale et n'avaient qu'une liberté de mouvement très limitée. Au sein du foyer, les femmes avaient des responsabilités importantes, notamment la gestion des finances du ménage et l'éducation des enfants, mais cela ne signifiait pas qu'elles étaient à la tête du foyer familial.

Les femmes de statut inférieur, telles que les épouses d'agriculteurs, devaient travailler dans les champs, en particulier dans les régions où le riz était cultivé. Comme de nombreux agriculteurs ne possédaient pas leurs propres terres mais les exploitaient en tant que locataires, leurs épouses étaient parfois victimes d'abus de la part des propriétaires fonciers. De nombreuses femmes étaient contraintes de se prostituer en période de sécheresse ou de mauvaises récoltes. Les femmes travaillaient à la maison, tissant la soie et s'occupant des vers à soie qui la produisaient. Certaines étaient appelées, comme les hommes, à effectuer le service du travail qui constituait une forme d'imposition à de nombreuses époques de la Chine ancienne, mais ce n'était que dans des circonstances exceptionnelles. À l'époque de la dynastie Song (960-1279), les femmes jouissaient d'une plus grande liberté et dirigeaient des auberges ou exerçaient la profession de sage-femme, entre autres.

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Concubines et prostituées

Bien que les hommes chinois n'aient généralement qu'une seule femme, ils avaient ouvertement recours à des courtisanes et invitaient des concubines à vivre en permanence dans la maison familiale. La prostitution faisait ouvertement partie de la vie des villes et des villages, les fonctionnaires et les marchands fréquentant les maisons où les prostituées exerçaient leur métier à des fins de divertissement collectif. Les concubines, quant à elles, outre les plaisirs que leurs charmes pouvaient procurer, fournissaient souvent à une famille l'héritier mâle indispensable lorsque l'épouse ne produisait que des filles. Elles n'avaient pas le même statut juridique que l'épouse, puisqu'elles étaient considérées comme des domestiques, et les enfants d'une concubine n'avaient pas le même statut ni les mêmes droits de succession que les enfants de l'épouse. Le nombre de concubines dans le ménage était uniquement limité par les moyens du mari. La femme ne devait jamais manifester de jalousie à l'égard des concubines de son mari - c'était, comme nous l'avons vu, un motif de divorce, mais on pensait aussi qu'un coin particulièrement méchant de l'enfer attendait les épouses jalouses.

Les concubines venaient généralement des classes inférieures et entraient dans les ménages des familles les plus riches de la société. Une fille issue d'une famille plus riche n'aurait été donnée comme concubine qu'à une famille encore plus riche ou au palais royal. Il n'était cependant pas rare qu'une jeune sœur accompagne une mariée et vive dans la maison conjugale de son frère ou de sa sœur en tant que concubine. Cette stèle funéraire d'une concubine des Han orientaux constitue un témoignage intéressant de leurs fonctions :

Quand elle est entrée dans la maison,

Elle était diligente dans les soins et a ordonné notre voie familiale,

Traitant tous nos ancêtres comme des êtres nobles.

Elle recherchait la bonne fortune sans s'égarer,

sa conduite n'omettant ni n'ajoutant rien.

Se gardant économe, elle filait du fil,

et plantait des cultures rentables dans les vergers et les jardins.

Elle respectait l'épouse légitime et instruisait les enfants,

Rejetant l'arrogance, ne se vantant jamais de ses bontés.

Les trois garçons et les deux filles

Se tenaient tranquilles dans les appartements des femmes.

Elle soumettait les filles aux rituels,

tout en donnant du pouvoir aux garçons.

Sa chasteté dépassait celle des temps anciens,

et sa direction n'était pas oppressive.

Tous les membres de notre famille étaient harmonieux et proches,

comme des feuilles attachées à l'arbre.

(Lewis, 170-171)

Empress Wu Zetian
Impératrice Wu Zetian
Unknown (Public Domain)

Femmes chinoises célèbres

Malgré les restrictions imposées par les hommes et les conventions sociales de l'époque, certaines femmes chinoises (réelles ou fictives) défièrent les conventions pour devenir des poètes, des artistes, des calligraphes, des historiennes et même des souveraines célèbres. Voici quelques détails sur deux de ces femmes, l'une étant le paradigme de la vertu, l'autre étant plus ambiguë et controversée.

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Ban Zhao (41 - vers 115 de notre ère) était l'une des femmes écrivains et érudites les plus célèbres de la Chine ancienne. Elle a écrit des commentaires sur les classiques confucéens, et son œuvre la plus célèbre reste son Nuje ou "Instructions pour les femmes", qui développe les quatre vertus attendues des femmes (discours, vertu, comportement et travail) décrites pour la première fois dans le texte rituel classique Liji. Bien que Zhao ait insisté sur le fait que les femmes devaient rester soumises à leur mari, elle a exprimé sa croyance dans les avantages de l'éducation des femmes (pour mieux aider le travail de leur mari). Le texte Nuje a eu une grande influence, il a été étudié par d'innombrables générations de femmes et même récité à celles qui ne savaient pas lire.

Wu Zetian (alias Wu Zhao) vécut de 623 ou 625 à 705. Concubine des empereurs de la dynastie Tang Taizong (r. de 626 à 649) et Gaozong (r. de 649 à 683), elle fut officiellement nommée impératrice par ce dernier en 655. À la mort de Gaozong, elle régna comme régente pour son fils Zhongzong (684) et son successeur et frère aîné Ruizong (r. de 684 à 690). En 690, Wu Zetian franchit une étape supplémentaire et s'empara du trône en se déclarant "empereur", installa sa cour à Luoyang et déclara le début d'une nouvelle dynastie, les Zhou. Son règne, du moins dans la tradition chinoise (qui donna un autre aperçu de l'attitude à l'égard des femmes), fut marqué par une terreur despotique, ponctuée d'assassinats familiaux et d'intrigues politiques. Néanmoins, son approche impitoyable conduisit à l'expansion de la bureaucratie d'État et elle fut un grand mécène de l'art bouddhique, notamment dans les grottes de Longmen. À la fin de son règne, elle fut contrainte de réintégrer la lignée de la dynastie Tang et de choisir Zhongzong comme héritier présomptif.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2017, octobre 19). Femmes en Chine Antique [Women in Ancient China]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1136/femmes-en-chine-antique/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Femmes en Chine Antique." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le octobre 19, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1136/femmes-en-chine-antique/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Femmes en Chine Antique." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 19 oct. 2017. Web. 19 avril 2024.

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