Méroé

Définition

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 11 août 2010
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Disponible dans ces autres langues: anglais
The Pyramids of Meroe (by B N Chagny, CC BY-SA)
Les Pyramides de Méroé
B N Chagny (CC BY-SA)

Méroé était une riche métropole de le royaume de Koush dans ce qui est aujourd'hui la République du Soudan. C'était la dernière capitale du royaume de Koush (c.1069 av. J.-C. - c. 350 ap J.-C.) après le sac de la capitale de Napata vers 590 av. J.-C.. Avant cette date, Méroé avait été un important centre administratif au sud de Napata. La ville était située au carrefour des principales routes commerciales et prospéra entre 750 av. J.-C. et 350 de notre ère. Méroé est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.

Comme personne n'a encore réussi à déchiffrer l'écriture méroïtique, on ne peut pas dire avec certitude comment Méroé devint la ville merveilleuse décrite par Hérodote vers 430 av. J.-C., mais on sait que la ville était si célèbre pour ses richesses dans l'Antiquité que le roi perse Cambyse monta une expédition pour la capturer. L'expédition échoua bien avant d'atteindre la ville en raison du terrain difficile et inhospitalier du désert (et, selon certaines affirmations, elle n'aurait jamais été montée du tout). Néanmoins, la persistance de l'histoire de l'expédition de Cambyse suggère la grande renommée de Méroé en tant que riche métropole.

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La ville était également connue sous le nom d'île de Méroé car les eaux qui coulaient autour d'elle donnaient cette impression. Elle est mentionnée dans le livre biblique de la Genèse (10:6) sous le nom d'Éthiopie, un nom appliqué à la région située au sud de l'Egypte dans l'Antiquité et qui signifie "lieu des visages brûlés". Bien qu'il existe des preuves de surpâturage et de surexploitation des terres qui causèrent des problèmes considérables, Méroé prospéra jusqu'à ce qu'elle ne soit saccagée par un roi aksoumite vers 330 de notre ère et connut un déclin constant par la suite.

Influence égyptienne et roi Ergaménès

Bien que Méroé ait été colonisée dès 890 av. J.-C. (la plus ancienne tombe découverte, celle du " Seigneur A ", date de cette année-là), la ville connut son apogée entre 750 av. J.-C. et 350 de notre ère. Le royaume de Koush, fondé avec sa capitale à Napata, était gouverné par des Koushites (appelés "Nubiens" par les Égyptiens) qui, très tôt, perpétuèrent les pratiques et les coutumes égyptiennes et, bien qu'ils aient été représentés dans l'art comme étant distinctement koushites, se désignaient eux-mêmes par des titres égyptiens. L'historien Marc Van De Mieroop écrit :

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La culture méroïtique montre beaucoup d'influence égyptienne, toujours mélangée à des idées locales. De nombreux temples abritaient des cultes aux dieux égyptiens comme Amon (appelé Amani) et Isis, mais les divinités indigènes recevaient également le patronage royal. Un dieu nubien très important était le dieu lion Apédémak, un dieu de la guerre dont la popularité augmenta considérablement à cette époque. Les dieux locaux étaient souvent associés aux dieux égyptiens : en Basse-Nubie, Mandoulis, par exemple, était considéré comme le fils d'Horus. L'hybridité est également visible dans les arts et dans l'idéologie royale. Par exemple, les rois de Méroé étaient représentés dans des images monumentales sur des temples à la mode égyptienne mais avec des éléments locaux, tels que des vêtements, des couronnes et des armes. (338).

Avec le temps, cependant, ces pratiques cédèrent la place aux coutumes indigènes et les hiéroglyphes égyptiens furent remplacés par un nouveau système d'écriture connu sous le nom de méroïtique. La rupture avec la culture égyptienne est expliquée par l'historien antique Diodore de Sicile qui écrit qu'avant le règne du roi Ergaménès (295-275 av. J.-C.), les grands prêtres du dieu égyptien Amon à Napata avaient coutume de décider qui devenait roi et de fixer la durée du règne du roi.

Comme la santé du roi était liée à la fertilité de la terre, les prêtres avaient le pouvoir de déterminer si le roi en place n'était plus apte à régner. S'ils le jugeaient inapte, ils envoyaient un message au roi, message censé provenir du dieu Amon lui-même, l'informant que le temps de son règne sur terre était terminé et qu'il devait mourir. Les rois avaient toujours obéi aux ordres divins et s'étaient donné la mort pour le bien supposé du peuple. Cependant, Diodore poursuit:

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Ergaménès qui régnait du temps de Ptolémée second et qui était instruit de la philosophie des Grecs fut le premier qui osa secouer ce joug ridicule. Ayant pris une résolution vraiment digne d'un roi, il s'en vint avec son armée attaquer la forteresse où était autrefois le temple d'or des Éthiopiens. Il fit égorger tous les prêtres et institua lui‑même un culte nouveau.

L'archéologue George A. Reisner, qui fouilla les villes de Méroé et de Napata, mit en doute le récit de Diodore en le qualifiant de "très douteux" et en affirmant que l'histoire d'Ergaménès était un mythe national que Diodore avait accepté comme une vérité historique. Cependant, étant donné qu'il n'existe aucune preuve ancienne contredisant Diodore et qu'il y eut clairement une rupture culturelle significative entre Méroé et l'Égypte avec le règne d'Ergaménès, la plupart des chercheurs acceptent aujourd'hui le récit de Diodore comme étant soit certain, soit proche des événements réels.

Candace Amanitore of Meroe
Candace Amanitore de Méroé
Sven-Steffen Arndt (CC BY-SA)

Les Candaces de Méroé

Ergaménès (également connu sous le nom d'Arkamani I) fut le premier roi à instituer les rites d'enterrement juste en dehors de Méroé (au lieu de suivre la pratique d'enterrer les morts à Napata selon la coutume égyptienne) et adopta les lois qui feront de Méroé une culture distincte de celle de l'Égypte. La langue, l'écriture et l'art égyptiens disparaissent des preuves archéologiques après cette période, soit environ 285 avant notre ère.

Les anciens dieux égyptiens Isis et Amon- se fondirent dans le culte de divinités nubiennes comme Apédémak, le dieu lion, et les reines, plutôt que les pharaons masculins, partagèrent le pouvoir politique du pays avec le roi. Le titre de la reine était Kentake, couramment traduit par "Candace" (ce qui signifie très probablement "reine régente" ou "reine mère"), et il y eut au moins sept Candace entre environ 170 avant notre ère et 314 de notre ère.

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La Candace Amanishakhéto est représentée comme étant extrêmement grosse, une figure imposante conquérant ses ennemis qui sont tous représentés plus petits et sans défense sous son emprise, et la Candace Amanitore est représentée de la même manière sur le temple du Lion à Naga, illustrant clairement le pouvoir et le prestige des femmes souveraines dans la culture méroïtique.

L'événement le plus célèbre (bien que fictif) illustrant l'estime dont jouissaient les Candace est le récit légendaire de Pseudo-Callisthène selon lequel Alexandre le Grand aurait été habilement détourné de son attaque du royaume par une Candace de Méroé en 332 av. J.-C.. Selon cette histoire, la Candace avait si bien disposé son armée qu'Alexandre, observant le champ de bataille, jugea plus prudent de battre en retraite que de poursuivre son attaque.

Le véritable récit de l'affrontement d'Auguste César avec les forces de Méroé lors de la guerre méroïtique (27-22 av. J.-C.) est toutefois plus convaincant. La Candace Amanirenas (c. 40-10 av. J.-C.) non seulement dirigea son peuple pendant la guerre, en orchestrant un certain nombre d'engagements réussis, mais à la fin des hostilités, elle négocia habilement un traité de paix avec Auguste qui favorisait les intérêts méroïtiques par rapport à ceux de Rome, un geste très rare de la part d'Auguste.

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Bronze Head of Augustus
Tête en bronze d'Auguste
Carole Raddato (CC BY-SA)

L'essor et la chute de Méroé

La ville de Méroé occupait plus de 2,5 km carré de terre fertile et, à son apogée, était un grand centre de fonte du fer, d'agriculture et de commerce. Van De Mieroop écrit : "Les Ptolémées [d'Égypte] et les Romains voulaient des produits africains tels que les bois durs, l'ivoire, d'autres produits exotiques et des animaux, notamment des éléphants. Ces animaux étaient devenus importants dans les guerres" (340). En fait, l'un des premiers cas documentés de coopération politique entre le royaume de Méroé et la dynastie ptolémaïque d'Égypte concerne la fourniture par Méroé d'éléphants de guerre à l'Égypte.

L'industrie du fer de Méroé rendit la ville aussi célèbre que sa richesse et, bien sûr, contribua largement à cette richesse, car les ferronniers de Méroé étaient considérés comme les meilleurs, et les outils et armes en fer étaient très recherchés. Située fortuitement sur les rives du Nil, Méroé donnait sur des prairies vallonnées et des champs fertiles. On dit que de larges avenues ouvraient la ville à ses habitants qui passaient devant des statues de grands béliers en pierre pour se rendre au temple d'Amon, situé vers le centre de la ville.

La royauté de la ville vivait dans de grands palais, tandis que la classe ouvrière vivait dans des maisons rectangulaires en terre ou dans des huttes (d'après les preuves archéologiques et les écrits anciens). Les gens recueillaient l'eau de pluie dans de grandes citernes décorées sur les côtés de figures d'animaux, la plus grande d'entre elles mesurant 820 m de diamètre et de 10 m de profondeur.

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Aujourd'hui, Méroé est le site archéologique le plus étendu de la République du Soudan, et les ruines des pyramides, des palais et des bâtiments officiels restent silencieuses là où la ville populeuse prospérait autrefois. Alors que certains ont spéculé sur une disparition "mystérieuse" des habitants de Méroé, la stèle de la victoire sur le site, érigée par un roi chrétien d'Aksoum (que l'on pense être le roi Ezana), indique clairement que la ville fut conquise par les Aksoumites aux alentours de l'an 330 de notre ère.

Cette date marque la mort de la langue écrite et parlée méroïtique. L'invasion aksoumite, associée à une surexploitation des terres entraînant la désertification, conduisit au déclin rapide de Méroé. L'industrie du fer, qui nécessitait d'énormes quantités de bois, entraîna la déforestation des terres environnantes, tandis que le pâturage du bétail et l'agriculture détruisirent les champs et épuisèrent le sol. Méroé fut finalement abandonnée et, au Ve siècle de notre ère, elle se transforma en une ville de mystère et de légende.

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2010, août 11). Méroé [Meroë]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-261/meroe/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Méroé." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le août 11, 2010. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-261/meroe/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Méroé." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 11 août 2010. Web. 19 avril 2024.

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