Juan de Grijalva

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 18 août 2022
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Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol
Juan de Grijalva (by Unknown Artist, Public Domain)
Juan de Grijalva
Unknown Artist (Public Domain)

Juan de Grijalva (1489-1527) était un conquistador espagnol qui explora la côte orientale du Mexique en 1518. Il démontra notamment que le Yucatán était une péninsule et non pas, comme on le pensait auparavant, une île. L'expédition de Grijalva acquit par le biais du commerce certains objets en or, et ces deux découvertes encouragèrent les Espagnols à envoyer d'autres expéditions sur le continent américain.

De Cuba au Mexique

Juan de Grijalva vit le jour à Cuellar, dans la province de Ségovie, en Espagne, en 1489. Son oncle était Diego Velázquez de Cuéllar (1465-1524), le conquistador espagnol qui avait conquis Cuba en 1511 et qui était devenu le premier gouverneur de l'île pendant la décennie suivante. Grijalva avait participé à la conquête de l'île et avait reçu en récompense une encomienda, c'est-à-dire le droit d'utiliser la main-d'œuvre locale forcée pour travailler ses terres.

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Velázquez parraina ensuite des expéditions d'exploration et d'exploitation du continent américain, et Grijalva fut choisi comme chef de la deuxième de ces expéditions. Il avait pour mission de débarquer sur la côte de l'actuel Mexique et d'explorer l'intérieur des terres. La première expédition de Velázquez, envoyée en 1517 et dirigée par Francisco Hernández de Córdoba (1474-1517), avait renvoyé un rapport prometteur sur la péninsule du Yucatán, mais lui et la plupart de son groupe avaient été tués lors d'une bataille contre les Mayas (Córdoba survécut et retourna à Cuba, mais il mourut de ses blessures). Grijalva devait manifestement s'attendre à une résistance lorsqu'il s'enfonça dans les jungles de ce territoire inconnu, que l'on croyait alors être une île comme l'avaient été les autres conquêtes espagnoles dans les Caraïbes.

Nécessitant des arrêts réguliers pour s'approvisionner en eau douce en raison de la petitesse de leurs navires, l'expédition longea la côte mexicaine à sauts de puce.

La flotte de l'expédition de Grijalva quitta Cuba le 8 avril 1518. Il commandait 200 à 240 hommes répartis sur quatre navires. Deux membres de l'expédition, des Mayas pris en otage par Córdoba en 1517 pour servir d'interprètes, seraient très utiles; leurs noms (donnés par les Espagnols) étaient Julian et Melchior. Un autre membre important du groupe, espagnol cette fois, était Bernal Díaz de Castillo (1492 à 1580 environ), qui n'était alors qu'enseigne de vaisseau. Díaz écrivit plus tard son célèbre récit, La conquête de la Nouvelle-Espagne (1568). Cependant, les incohérences occasionnelles de Díaz sur des points de géographie concernant l'expédition de Grijalva ont conduit certains historiens à douter de sa présence dans cette expédition. Díaz consacra cependant un chapitre entier de son livre à l'expédition, qu'il décrit en détail. Díaz indique également que, selon lui, Grijalva "a toujours été un homme courageux avec toutes les qualités d'un chef courageux et audacieux" (39).

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Diego Velázquez de Cuéllar
Diego Velazquez de Cuellar
Unknown Artist (Public Domain)

L'expédition de Grijalva était beaucoup plus importante et mieux équipée que celle de Córdoba, avec notamment plusieurs canons. Ces armes à poudre étaient utilisées pour terroriser les Mayas, qui n'avaient jamais vu de telles choses auparavant. Bien que les canons aient été de type falconet - ils ne pouvaient tirer des projectiles avec précision que sur une cible distante de 135 mètres - le bruit et la fumée étaient des armes efficaces en elles-mêmes. Les conquistadors portaient d'autres armes utiles, notamment des mousquets et des arbalètes. Ces armes étaient utilisées contre des peuples armés d'arcs, de lances, d'épées et de frondes.

La péninsule du Yucatán

L'expédition s'arrêta d'abord pour se réapprovisionner sur l'île de Cozumel, à l'est de la péninsule du Yucatán. Cette île deviendrait un point de passage fréquent pour les futures expéditions des conquistadors. L'historien F. Cervantes décrit les attraits de Cozumel, un avant-goût du monde maya dans lequel Grijalva et ses hommes s'apprêtaient à pénétrer:

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Cozumel était pleine de promesses; le miel local était d'une richesse merveilleuse, et les fruits et légumes étaient aussi exotiques que sains. Les couleurs vives des oiseaux ne ressemblaient à rien de ce qu'ils avaient vu auparavant, un corollaire approprié à la sophistication relative des habitants locaux. Non seulement ils avaient des "livres", comme Pierre Martyr appelait les belles images peintes enduites de bitume et tendues sur de longues feuilles d'écorce, mais ils avaient aussi construit un temple au toit de chaume au sommet d'une haute pyramide où l'on vénérait d'intrigantes idoles. (122)

Après avoir contourné la pointe de la péninsule, l'expédition poursuit sa route vers l'ouest. Nécessitant des escales régulières pour s'approvisionner en eau douce en raison de la petitesse de leurs navires, l'expédition longea la côte, débarquant d'abord à Campeche, puis à Laguna de Términos au début du mois de mai. L'une des raisons de cette prudence était le manque de familiarité avec ces eaux, comme l'explique Díaz: "[Nous nous dirigeâmes] de jour vers l'ouest, en longeant le rivage, mais sans oser naviguer de nuit par crainte des récifs et des hauts-fonds" (31). L'expédition s'arrêta ainsi à Putunchan, Coatzacoalcos, San Juan de Ulúa/Veracruz, Nautla, et enfin Tampico et le fleuve Panuco avant de rebrousser chemin.

Spanish Conquest & Exploration in North America in the 16th century
Conquête et exploration espagnoles en Amérique du Nord au XVIe siècle
Simeon Netchev (CC BY-NC-SA)

Batailles, troc et sacrifices sanglants

Lorsque l'expédition débarqua pour la première fois près de Campeche, au nord de l'actuel Champotòn, elle rencontra les féroces Mayas qui avaient déjà repoussé les envahisseurs espagnols l'année précédente sous Córdoba. Les Mayas étaient des adeptes de la guérilla, de la jungle et de la tactique éclair. Les Espagnols utilisèrent leurs canons à bon escient lors de cet affrontement, mais ils subirent tout de même un certain nombre de morts et plus de 60 hommes furent blessés. En outre, Díaz note: "Grijalva reçut trois blessures de flèches et eut deux dents cassées" (30). Les conquistadors repoussèrent les Mayas dans les marécages de l'intérieur et poursuivirent leur progression le long de la côte.

À l'embouchure du fleuve Tabasco, aujourd'hui appelé fleuve Grijalva, du nom de son "découvreur", une flotte de 50 canoës mayas remplis de guerriers armés vint à la rencontre des Espagnols. Grâce aux interprètes, le conflit fut évité et des marchandises furent échangées. Quelques objets en or comme des statuettes, des diadèmes et des colliers furent acquis, mais lorsqu'ils furent pressés d'en donner d'autres, les Mayas dirent aux conquistadors qu'ils n'en avaient plus, mais qu'ils trouveraient plus d'or plus loin le long de la côte. Cette alternance de batailles et d'échanges pacifiques devint le modèle de l'expédition.

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Juan de Grijalva Meeting a Maya Chief
Juan de Grijalva rencontre un chef maya
Alfonsobouchot (Public Domain)

La flotte trouva plusieurs îles en chemin, et sur l'une d'elles, Isla Verde, elle trouva des traces de sacrifices humains qui serviraient plus tard de justification à la conquête chrétienne des Amériques:

Les bateaux furent alors mis à l'eau, et Juan de Grijalva, accompagné d'un grand nombre de soldats, s'embarqua pour inspecter cette île, car nous avions vu de la fumée s'en échapper. Nous avons trouvé deux bâtiments en pierre de bonne facture, chacun avec une volée de marches menant à une sorte d'autel, et sur ces autels se trouvaient des idoles à l'aspect diabolique, qui étaient leurs dieux. Nous y avons trouvé cinq Indiens qui leur avaient été sacrifiés cette nuit-là. Leurs poitrines avaient été frappées, leurs bras et leurs cuisses coupés, et les murs de ces bâtiments étaient couverts de sang. Tout cela nous étonna beaucoup et nous appelâmes cette île la Isla de Sacrificios. (37)

L'expédition atteignit le point le plus méridional du golfe du Mexique, à Coatzalcoas, puis navigua vers le nord-ouest, en suivant la côte, pour finalement débarquer à Veracruz. Là, les relations avec la population locale furent plus pacifiques et des marchandises (notamment 2 000 perles de verre vert) furent échangées contre des tissus de coton fin et quelques pièces d'or ouvragées. Ils nommèrent l'île située à l'extérieur de Veracruz San Juan de Ulúa parce que le jour de la découverte était le jour de ce saint dans le calendrier et parce que les habitants avaient ordonné un sacrifice humain sur l'île de deux jeunes garçons, expliquant que c'était sur les ordres de "Culhua" (voir ci-dessous), qui fut corrompu par l'interprète en "ulua". San Juan de Ulúa-Veracruz devint plus tard l'un des plus importants ports de trésor espagnol, où les flottes de galions de trésor naviguaient vers l'Espagne et où les galions de Manille débarquaient des Philippines espagnoles.

Grijalva continua ensuite à remonter la côte et toucha à nouveau terre à Panuco, à l'embouchure de la rivière du même nom, le point le plus au nord de l'expédition. Les pluies hivernales arrivant, les provisions s'épuisant et l'un des navires prenant l'eau, il fut décidé de faire demi-tour pour rentrer au pays. L'expédition, après cinq mois d'exploration, retourna finalement à Santiago de Cuba, mais Velázquez avait déjà envoyé une troisième expédition en février 1519 à la recherche de Grijalva, une grande affaire commandée par Hernán Cortés (1485-1547). Velázquez allait regretter son choix, car Cortés dépassa de loin ses ordres de recherche et de reconnaissance et devint un renégat qui finirait par conquérir la civilisation aztèque sans aucun aval officiel pour une entreprise aussi ambitieuse.

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Pedro de Alvarado
Pedro de Alvarado
Jl FilpoC (CC BY-SA)

La déception de Velázquez

De retour à Cuba, Grijalva rapporta à Velázquez que le Mexique n'était pas une île mais qu'il faisait partie d'une grande masse continentale. Mieux encore, Grijalva décrit les grands monuments anciens en pierre qu'il avait vus, signe qu'un grand empire avait été et était peut-être encore présent dans cette partie du Nouveau Monde. Les échanges avec les peuples indigènes révélèrent aux Espagnols l'existence d'une grande civilisation à l'ouest, dirigée par un riche souverain connu sous le nom de "Seigneur de Culhua". Nous savons aujourd'hui que le souverain aztèque Moctezuma II (alias Montezuma, r. de 1502 à 1520) incluait ce nom dans sa longue liste de titres honorifiques et qu'il avait appris le premier débarquement des Espagnols par des messagers. Pour étayer les rumeurs, il y avait même des objets en or acquis par le commerce et dont les conquistadors s'étaient emparés. Certains de ces cadeaux avaient en fait été envoyés par Montezuma aux envahisseurs étrangers dans l'espoir un peu fou qu'ils s'en contenteraient et disparaîtraient aussitôt pour de bon. Grijalva fut réprimandé par son oncle pour ne pas avoir rapporté davantage de ces précieux objets, car la soif d'or du conquistador avait été grandement titillée.

Malheureusement pour Grijalva, sa situation personnelle se dégrada au moment même où celle de la région augmenta dans les estimations espagnoles. Au cours de son expédition de 1518, Grijalva s'était fait un ennemi de l'un de ses conquistadors les plus pénibles, Pedro de Alvarado (1485-1541). La concurrence entre les féroces conquistadors était loin d'être inhabituelle, et Alvarado se révélerait plus tard l'un des plus cruels et des plus sadiques de son espèce. Capitaine de l'un des navires de l'expédition, Alvarado avait contrarié Grijalva lorsqu'il était parti explorer une rivière sans autorisation. À son tour, Alvarado dénonça Grijalva à Velázquez, ce qui pourrait bien expliquer, avec la déception de son oncle devant le peu d'or qu'il ramenait du Mexique, l'absence de Grijalva sur le devant de la scène de l'exploration pendant les quelques années qui suivirent.

Expéditions ultérieures et décès

Grijalva reprit le commandement d'une expédition, ou du moins de sa partie navale, en 1525. Tandis que Francisco de Garay, gouverneur de la Jamaïque, menait une force terrestre dans la région de Pánuco, Grijalva suivait la côte avec une flotte de 12 navires. L'expédition fut un échec, les Européens disparaissant dans les conditions épouvantables de la jungle infestée de moustiques. Grijalva poursuivit son exploration, cette fois dans la direction opposée et vers l'Amérique centrale, mais il fut tué dans ce qui est aujourd'hui le Honduras en janvier 1527. Son fils, Rodrigo de Girjalva, fut également un conquistador, assistant notamment Francisco Pizarro (1478-1541) dans sa conquête du Pérou en 1536.

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Questions & Réponses

Pour quoi Juan de Grijalva est-il connu ?

Juan de Grijalva est connu en tant que conquistador espagnol qui explora la côte du Mexique en 1518. Il démontra que la péninsule du Yucatán n'était pas une île comme on le pensait.

Quel fut le rôle de Juan de Grijalva dans la conquête espagnole du Mexique ?

Juan de Grijalva contribua à la conquête espagnole du Mexique en démontrant que ce pays faisait partie d'un continent et méritait donc d'être exploré. Il découvrit le port de San Juan de Ulua, établit un premier contact avec la civilisation aztèque et rapporta des objets en or qui laissaient présager d'autres richesses pour les conquistadors ultérieurs comme Hernán Cortés.

Que découvrit Juan de Grijalva sur la religion maya ?

Juan de Grijalva fut le premier conquistador à découvrir des preuves concrètes de l'existence de sacrifices humains dans les religions de Mésoamérique. Les sacrifices humains servirent à justifier la conquête espagnole des Amériques.

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2022, août 18). Juan de Grijalva [Juan de Grijalva]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-20964/juan-de-grijalva/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Juan de Grijalva." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le août 18, 2022. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-20964/juan-de-grijalva/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Juan de Grijalva." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 18 août 2022. Web. 27 avril 2024.

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