Marie de France

Définition

Joshua J. Mark
de , traduit par Yves Palisse
publié le 04 avril 2019
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Disponible dans ces autres langues: anglais, portugais, espagnol
Marie de France (by Torana, Public Domain)
Marie de France
Torana (Public Domain)

Marie de France (active c.1160-1215) était une poétesse et traductrice polyglotte, la première poétesse de France et une voix littéraire de premier plan dans l'Europe du XIIe siècle. On dit (de façon controversée) qu'elle fit à elle seule du roman de chevalerie un genre littéraire à part entière, contribua à l'évolution de la légende arthurienne et fit du lai breton (un court poème) une forme d'art reconnue. Parmi les ouvrages publiés de Marie se trouvent :

  • Des Lais (dont les œuvres arthuriennes Chevrefueil et Lanval)
  • Les fables d'Esope (une traduction du moyen anglais au français) et d'autres fables.
  • Le purgatoire de Saint Patrick (également connu sous le nom de La légende du Purgatoire de Saint Patrick)

Elle était trilingue, écrivait dans le dialecte francien (parisien) et avait une parfaite maîtrise du latin et du moyen anglais. Ses lais furent élaborés à partir de la forme poétique antérieure du lai breton. Elle devait donc connaître le breton celtique et la Bretagne. Ses œuvres influencèrent des poètes ultérieurs, notamment Geoffroy Chaucer, et ses images du Purgatoire de Saint-Patrick seraient utilisées par des auteurs ultérieurs pour décrire l'au-delà chrétien.

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Les œuvres de Marie étaient populaires dans les cercles nobiliaires, alors même qu'elles présentaient souvent des personnages issus des classes sociales inférieures avec plus de dignité et de noblesse que leurs soi-disant supérieurs hiérarchiques et mettaient toujours en vedette des personnages féminins forts. Sa conception de l'égalité des femmes lui valut d'être qualifiée de proto-féministe à l'époque moderne, et ses œuvres restent aussi populaires aujourd'hui qu'elles l'étaient de son vivant.

Identité

Son nom réel est inconnu: 'Marie de France' est un nom de plume qui ne lui fut donné qu'au XVIème siècle. Tout ce que l'on sait d'elle provient de son œuvre, dans laquelle elle s'identifie en tant que Marie de France. En se basant sur les détails de son œuvre, notamment sa connaissance des noms de lieux et de la géographie, ainsi que sur les sources qu'elle utilisa, des chercheurs ont déterminé que Marie aurait passé un temps considérable en Angleterre, à la cour d'Henri II (r. de 1154 à 1189) et de son épouse Aliénor d'Aquitaine (c. 1122-1204).

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LES ŒUVRES DE MARIE S'INSPIRENT CLAIREMENT D'UNE TRADITION PRÉEXISTANTE DE LITTÉRATURE D'AMOUR COURTOIS DONT ELLE INVERSE LES MOTIFS CENTRAUX.

Les chercheurs suggèrent que Marie pourrait être la demi-sœur d'Henri qui l'aurait peut-être suivi de Normandie en Angleterre lorsqu'il en devint roi en 1154. Les lais de Marie de France sont dédiés à 'un noble roi' qui est très probablement Henri II d'Angleterre, mais la signification exacte de cette dédicace n'est pas claire. En effet, la poésie de Marie met souvent en scène des femmes emprisonnées ou maltraitées par les hommes et ce thème reflète la relation d'Henri avec Aliénor.

Tout au long de leur mariage, Henri fut notoirement infidèle à sa femme et entretint même une liaison publique avec Rosamund Clifford, une femme de la noblesse anglaise. En outre, pour la punir d'avoir pris le parti de ses fils lors de leur rebellion contre leur père en 1173-1174, le roi fit emprisonner Aliénor pour les 16 années suivantes. Ce même type de relation, souvent avec des détails similaires, apparaît dans un certain nombre d'œuvres de Marie. De plus, Henri ne semble pas avoir été aussi friand de poésie et de poètes que sa femme, ce qui rend probable une interprétation sarcastique de la dédicace de Marie.

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Dans les études modernes, on attribue presque toujours à Marie la création du genre de la littérature chevaleresque, mais cela semble peu probable car ses œuvres s'inspirent clairement d'une tradition préexistante de littérature d'amour courtois dont elle inverse les motifs centraux. Ainsi, dans la poésie d'amour courtois traditionnelle, c'est le chevalier qui sauve la demoiselle en détresse. Or, dans les œuvres de Marie, le chevalier est souvent celui qui l'a emprisonnée en premier lieu ou, parfois, celui qui a besoin d'être sauvé.

L'amour courtois et les romans arthuriens

L'amour courtois était peut-être un jeu social des cours françaises médiévales ou une représentation allégorique du culte hérétique des Cathares - personne ne le sait réellement- mais le concept d'un amour exalté et passionné entre une dame mariée et un chevalier célibataire était depuis longtemps au cœur de la poésie des troubadours du sud de la France au XIIe siècle. Le plus grand de ces poètes était Chrétien de Troyes (c. 1130-1190) qui établit certains des aspects les plus familiers de la légende arthurienne, comme la liaison de Lancelot avec Guenièvre, la quête du Graal et le nom de la cour d'Arthur, Camelot. Les auteurs de la littérature médiévale écrivaient sous le patronage d'un membre de la noblesse qui les payait pour leur travail, et la patronne de Chrétien était Marie de Champagne (1145-1198), fille d'Aliénor d'Aquitaine, qui était probablement la protectrice de Marie de France.

Eleanor of Aquitaine
Aliénor d'Aquitaine
Mark Cartwright (CC BY-NC-SA)

Les œuvres de Chrétien illustrèrent le monde de l'amour courtois en établissant des modèles de comportement chevaleresque suivant lesquels une dame pouvait exiger la soumission totale d'un chevalier, qui se devait alors d'endurer patiemment toutes sortes d'épreuves ou d'humiliations pour avoir l'honneur de la servir. L'exemple le plus typique de ce comportement peut s'observer dans Lancelot ou le chevalier de la charrette, de Chrétien. Dans cette histoire, Guenièvre est enlevée par le fourbe Méléagant et Lancelot se lance à leur poursuite. Lorsque son cheval meurt d'épuisement, Lancelot doit continuer à pied, mais il rencontre bientôt un nain conduisant une charrette qui consent à l'aider pour peu que le chevalier prenne place dans la charrette. Les charrettes étant associées aux criminels et à la classe inférieure, Lancelot hésite un instant avant d'y monter.

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Tout au long du reste de l'œuvre, Lancelot se voit régulièrement humilié pour être monté dans la charrette, mais il finit par rejoindre Guenièvre dans sa tour et tente de la sauver. Elle le réprimande cependant pour son hésitation: il a placé son propre honneur et la façon dont les autres le considéreraient au-dessus de sa loyauté envers elle. Lancelot doit alors la reconquérir en faisant ses preuves, allant même jusqu'à perdre contre des concurrents de moindre valeur dans un tournoi, à l'insistance de Guenièvre. À la fin, cependant, Guenièvre est sauvée par son chevalier. Telle était alors la vision de l'amour courtois. C'est ce monde que Marie de France inversa.

Dans le poème Yonec de Marie, pour ne citer qu'un exemple, une belle jeune fille est enlevée par le vieux seigneur du village de Caerwent et amenée de force dans son château. Elle est si jolie que son seigneur craint qu'elle ne lui soit infidèle et l'enferme dans une haute tour. Au fil des années, la jeune fille commence à dépérir par manque d'amour et prie Dieu de lui envoyer un champion qui la sauvera, le même genre de héros que celui dont elle a lu les récits dans la littérature romanesque.

MARIE DÉPEINT FRÉQUEMMENT LE MARIAGE COMME UNE PRISON ET LES AMOURS ADULTÈRES COMME UNE SOURCE DE LIBERTÉ, DÉFIANT AINSI LES VUES ET L'AUTORITÉ DE L'ÉGLISE MÉDIÉVALE ET DE L'ARISTOCRATIE.

Un jour, après ses prières, elle voit un faucon s'approcher de sa fenêtre et se transformer en un beau chevalier, Muldumarec, qui devient son amant. Chaque fois que le vieux seigneur s'absente du manoir, Muldumarec rend visite à la jeune fille. La sœur du seigneur la surveille, mais elle n'a jamais rien remarqué de suspect jusqu'à ce que la jeune fille ne commence à rayonner de beauté grâce à son nouvel amour. En resserrant sa surveillance, la sœur voit Muldumarec arriver sous sa forme de faucon et s'empresse d'en informer le seigneur. Le seigneur plante alors des pointes de fer dans la fenêtre, et la fois suivante le faucon se pose et se voit mortellement blessé. Il parvient toutefois à s'envoler. Éperdue d'angoisse, la jeune fille bondit hors de sa tour et le suit, pour finalement le retrouver dans une ville d'argent. Mourant, il lui annonce qu'elle est enceinte mais lui donne un anneau magique qui fera oublier leur liaison à son seigneur. Il lui donne également une épée qu'il lui demande de transmettre à leur fils, qui vengera un jour la mort de son père.

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La jeune fille retourne à sa prison chez le seigneur et donne naissance à un fils, qu'elle nomme Yonec. Une fois le garçon devenu adulte, elle voyage avec lui et son seigneur, et ils arrivent à l'endroit où se trouvait jadis la cité d'argent, désormais une abbaye. Or, à la vue du magnifique tombeau du prince Muldumarec, la jeune fille s'effondre de chagrin au souvenir de son amant. Elle raconte à son fils l'histoire de son père et lui donne l'épée, puis meurt au pied du tombeau. Yonec tue le seigneur, fait enterrer sa mère à côté de Muldumarec et devient le nouveau seigneur de Caerwent.

Cette histoire de femme emprisonnée attendant d'être secourue se démarque évidemment des thèmes du conte de Chrétien sur un certain nombre de points, mais le plus significatif est que la jeune femme est obligée de se sauver elle-même. La jeune fille prie pour un héros et prend ce héros comme amant, mais Muldumarec ne peut la sauver. Elle s'échappe de sa tour, puis, se retrouvant dans le monde extérieur sans protection ni moyens de subsistance, se soumet à nouveau à sa prison et joue finalement un rôle prépondérant dans le processus de vengeance de la mort de son amant. Tout au long de son œuvre, Marie dépeint fréquemment le mariage comme une prison et les amours adultères comme une source de liberté, défiant ainsi la morale et l'autorité de l'Église médiévale ainsi que de l'aristocratie.

Les deux œuvres arthuriennes de Marie perpétuent ce thème: Chevrefueil ('chèvrefeuille', motif central du poème) célèbre l'amour adultère de Tristan et d'Iseut lors d'un spectacle organisé par Marc, le mari d'Iseut (et oncle de Tristan). Lanval va cependant plus loin en dépeignant la reine Guenièvre, mariée, comme malheureuse et unie à un homme qu'elle n'aime pas, alors que la princesse des fées - qui choisit Lanval comme amant - rayonne de joie et de bonheur dans un célibat épanoui. Lanval renverse encore le paradigme de l'amour courtois en ce sens que, dans ce poème, c'est la dame qui sauve le chevalier.

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Lanval quitte la cour du roi Arthur après s'être senti insulté et pénètre dans le royaume de la princesse des fées. Les deux personnages tombent amoureux, et la princesse lui fait jurer de garder leur liaison secrète. À son retour à la cour, Guenièvre lui fait des avances qu'il refuse. Elle l'accuse de lâcheté, et déclare qu'il doit être homosexuel pour l'avoir ainsi rejetée. Il pense alors qu'il n'a pas d'autre choix que de lui dire qu'il est amoureux de la princesse des fées, rompant ainsi son serment. Guenièvre, offensée, dit à Arthur que Lanval lui a fait des avances, et Lanval est traduit en justice.

Sa condamnation semble inévitable, mais la princesse des fées arrive juste à temps, chevauchant un modeste palefroi, et le sauve en le hissant sur le dos de son cheval. L'image finale du poème - le chevalier chevauchant un palefroi (au lieu d'un destrier) s'accrochant à la taille de sa dame - est une inversion saisissante du thème du chevalier sauvant la demoiselle en détresse et l'emportant dans le soleil couchant.

On ne sait pas exactement dans quelle mesure les œuvres d'auteurs tels que Chrétien reflétaient l'idéal des classes supérieures de la société en matière de relations amoureuses, mais celles de Marie dépeignent systématiquement ces relations de manière plus conforme à ce que l'on sait de la position de la femme dans la société médiévale. Marie dépeint la relation entre deux époux comme unilatérale, l'homme détenant tout le pouvoir et la femme ne pouvant compter que sur sa propre force intérieure et ses capacités intellectuelles pour échapper à une situation intolérable. Le mariage malheureux reflétait assez largement la situation de ses lectrices, et leur engouement pour son œuvre l'a rendue suffisamment populaire pour être traduite dans d'autres langues et même pour susciter la critique de la part d'autres auteurs.

Œuvres et critiques

Comme pour chaque aspect de la vie et de l'œuvre de Marie, il est vain de tenter d'attribuer une date à ses poèmes et fables. Certains auteurs pensent qu'elle aurait commencé sa carrière en tant que traductrice, dans ce cas ses Fables d'Esope et autres fables auraient été publiées en premier, tandis que d'autres affirment que les poèmes étaient antérieurs et que les fables suivirent. Il est cependant fort probable que les fables soient arrivées en premier car, dans le prologue de ses Lais, Marie adresse des commentaires à ceux qui avaient critiqué injustement son œuvre, il parait donc évident qu'elle dut avoir des publications antérieures.

Bien que certains chercheurs supposent que l'œuvre de Marie ait dû faire l'objet de nombreuses critiques, une seule d'entre elles nous est parvenue, celle du moine Denis Pyramus (vers 1180, également connu sous le nom de Piramus) de l'abbaye de Bury St. Edmunds, qui condamne une certaine 'Dame Marie' pour avoir écrit des œuvres 'qui ne sont point vraies du tout' mais qui 'plaisent aux dames; elles les écoutent joyeusement et volontiers, car elles sont exactement ce qu'elles désirent entendre' (Lindahl et al., 255). Il n'y a rien de surprenant à ce qu'un moine se soit élevé contre les œuvres de Marie, car elles allaient directement à l'encontre des enseignements de l'Église, selon lesquels les femmes valaient moins que les hommes. Marie répondit à cette critique, peut-être à Pyramus spécifiquement, dans le prologue de son poème Guigemar:

Mes seigneurs, daignez écouter les paroles de Marie qui, lorsqu'elle en a l'occasion, ne gaspille pas ses talents. Il est juste de féliciter ceux qui acquièrent une bonne réputation, mais lorsqu'il existe dans un pays un homme ou une femme de grande renommée, les gens qui sont envieux de leurs capacités en parlent souvent de manière insultante afin de nuire à leur réputation. Ils se mettent alors à agir comme des chiens hargneux, lâches et perfides qui mordent les passants par pure méchanceté. Mais il en faudrait plus que l'acharnement d'une poignée de mauvaises langues aigries à me trouver des défauts pour me faire baisser les bras. (Burgess & Busby, 43)

Le poème qui suit ce passage, Guigemar, est l'une des rares œuvres de Marie à comporter une fin heureuse dans laquelle un chevalier sauve sa dame mais non sans que, conformément à sa vision habituelle, la dame ait d'abord dû se sauver elle-même. Le poème met en scène le chevalier Guigemar qui, blessé dès le début de l'histoire, ne pourra être guéri que par une femme qui l'aimera autant qu'il l'aime. Le chevalier se retrouve par hasard dans un bateau qui l'emmène contre son gré dans un pays lointain où il est soigné par une jeune fille et sa dame, toutes deux emprisonnées dans une tour. Guigemar et la dame tombent amoureux mais sont découverts par le mari de la dame, qui bannit le chevalier et emprisonne à nouveau sa femme. Avant de se séparer, la dame donne à Guigemar un nœud qu'elle seule peut dénouer et il lui donne une ceinture qu'il a seul le pouvoir d'ôter.

Ne pouvant plus supporter son incarcération, la dame s'échappe en empruntant le bateau mystérieux qui avait conduit Guigemar jusqu'à elle. Elle arrive sur ses terres de Bretagne où elle sera enlevée par un autre seigneur et emprisonnée. La ceinture que Guigemar lui a donnée empêche le seigneur de la violer, et Guigemar sait que la dame est vraiment sienne lorsqu'elle défait le nœud qu'elle lui a donné plus tôt; il la sauve ensuite après une bataille sanglante au cours de laquelle le seigneur félon perd la vie.

Yonec
Yonec
Titlutin (Public Domain)

Ce genre de thèmes est également exploré dans les 102 fables de Marie, dont beaucoup sont des traductions de l'œuvre d'Ésope agrémentées de certaines compositions (ou, du moins, d'embellissements) signées Marie. À la manière d'Esope, de nombreuses fables de Marie mettent en scène des animaux, et la dynamique des relations entre les sexes est tout aussi semée d'embûches dans le monde de la nature que dans celui des chevaliers, des dames et des cours. Les femelles de l'espèce sont régulièrement grugées, dépouillées de leur doux foyer, violées ou menacées de l'être, et doivent soit trouver un moyen de se libérer, soit succomber.

Dans la fable de Marie, La souris et la grenouille, par exemple, une souris heureuse est persuadée par ruse d'abandonner son foyer pour suivre une grenouille à travers un champ marécageux. La souris ne parvient à s'échapper que parce qu'elle fait du bruit, ce qui attire un faucon crécerelle qui fond sur elle et s'empare de la grenouille, laissant la souris libre de rentrer chez elle. Dans Le loup et l'agneau, un loup colérique et autoritaire trouve à redire sur la façon dont un agneau boit en aval de lui et amorce une querelle qui se termine par le meurtre du petit agneau. Dans cette fable, l'agneau est un mâle mais il est contraint, comme de nombreux personnages féminins dans l'œuvre de Marie, de se soumettre à une puissante figure patriarcale. Ainsi, lorsque l'agneau refuse de se soumettre, le loup le tue sans autre forme de procès. Marie conclut alors la fable en faisant remarquer à quel point le loup est semblable aux juges et aux nobles qui détruisent la vie des gens du peuple par leur suffisance et leur prétention.

Conclusion

La compassion de Marie pour les classes inférieures est également évidente dans Le Purgatoire de Saint-Patrick, sa propre version d'une pièce ecclésiastique écrite vers 1180 par le moine Henri de Saltry. La pièce d'Henry mettait l'accent sur l'enseignement de l'Église relatif aux notions de péché et de punition; celle de Marie se concentre sur la descente du héros Owen aux enfers et sur sa rédemption grâce à ses propres mérites, et non à ceux de l'Église. Les âmes qu'Owen rencontre au cours de son voyage sont dépeintes avec sympathie, ne méritant pas toujours le sort que l'Église leur a réservé. L'écrivain Pack Carnes commente:

En effet, toutes les œuvres de Marie qui ont survécu sont imprégnées d'un sentiment de compassion rare pour son époque, une compassion qui va même au-delà de sa sympathie pour le sort des femmes. (Lindahl et al. 257)

Carnes souligne également que les paysans qui apparaissent dans les œuvres de Marie sont systématiquement intelligents, nobles et dignes de respect, contrairement aux représentations qu'en font les autres auteurs de l'époque. Les femmes, les chevaliers, la noblesse et les paysans décrits par Marie influenceraient plus tard des auteurs tels que Christine de Pizan, Geoffroy Chaucer, Dante Alighieri et Thomas Malory. Dans l'épilogue de ses Fables, elle écrit :

Au terme de cet écrit, qu'en Français j'ai tourné et dit, je donnerai mon nom pour la postérité: j'ai pour nom Marie et je suis de France. Il se peut que de nombreux écrivains s'approprient mon travail, mais je ne veux pas que quelqu'un d'autre se l'attribue. Celui qui se laisse tomber dans l'oubli fait une mauvaise affaire. (Martin, 253)

Il se trouve que Marie n'avait rien à redouter de ce côté-là, puisque son nom reste à jamais attaché à une œuvre qui suscite toujours autant d'admiration depuis sa publication. La remarquable puissance imaginative et les talents artistiques de Marie ont fait en sorte qu'on se souvienne encore d'elle de nos jours, car ses poèmes et ses fables étaient si populaires à son époque qu'ils ont été copiés et recopiés; de sorte qu'il reste aujourd'hui plus de ses œuvres intactes que de la plupart des écrivains de son époque. C'est pourquoi, plus de 800 ans après sa mort, Marie de France est encore considérée comme l'un des plus grands poètes du Moyen Âge.

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Traducteur

Yves Palisse
Linguiste passionné d'Histoire, Yves P Palisse est un traducteur indépendant possédant des années d’expérience dans les domaines de la traduction, de l’analyse des médias et du service à la clientèle. Après avoir beaucoup voyagé dans toute l'Europe, Il a fini par poser ses bagages à londres en 1999. Il a une passion pour les sciences humaines, le droit et la justice sociale.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2019, avril 04). Marie de France [Marie de France]. (Y. Palisse, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18076/marie-de-france/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Marie de France." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. modifié le avril 04, 2019. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18076/marie-de-france/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Marie de France." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 04 avril 2019. Web. 25 avril 2024.

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