Viriate

Définition

Ludwig Heinrich Dyck
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 07 avril 2017
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Disponible dans ces autres langues: anglais, portugais
Viriathus (by Eduardo Barrón, CC BY-SA)
Viriate
Eduardo Barrón (CC BY-SA)

Viriate ( ou Viriathe, c. 180-140 av. J.-C.) était le chef des Lusitaniens dans leur guerre contre Rome. En 150, il échappa au massacre romain et à la réduction en esclavage des Lusitaniens qui s'étaient rendus pacifiquement. Viriate continua à se battre dans la résistance et devint le chef des tribus. De 147 à 142 av. J.-C., il remporta une victoire après l'autre contre les Romains. Cependant, Viriate n'était pas en mesure d'égaler les vastes ressources de Rome et il s'épuisa à l'usure. En 140 avant J.-C., il reprit les négociations de paix, mais il fut trahi et assassiné par des amis proches. Viriate, l'un des ennemis les plus efficaces et charismatiques de Rome, est depuis devenu le premier héros du Portugal.

Viriate et les Lusitaniens se rendent à Rome.

Les Lusitaniens étaient l'un des grands groupes tribaux d'Hispanie (Espagne), nom romain de la péninsule ibérique. Les terres des Lusitaniens correspondent à peu près à celles du Portugal actuel. En 206 av. J.-C., après que Rome se fut approprié les domaines carthaginois du sud de l'Espagne, les Ibères autochtones se révoltèrent. Les conflits en cours finirent par impliquer les tribus libres celtes-ibériques du centre de l'Espagne. Les Lusitaniens commencèrent à combattre les Romains en 194 av. J.-C., en faisant des incursions en Hispania Ulterior, la plus proche des deux provinces espagnoles romaines. Lorsqu'en 179 av. J.-C., les hostilités finirent par cesser, c'est en grande partie grâce au respect que les Lusitaniens avaient acquis pour le gouverneur romain Tiberius Sempronius Gracchus (l'Ancien). C'est à cette époque que Viriate vit le jour.

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Viriate passa son enfance à garder les moutons dans les collines et les terres sauvages. Lorsqu'il est devint adolescent, Viriate commença probablement à participer à des raids locaux. Tout comme de nombreux autres jeunes guerriers, il cherchait à prouver sa valeur dans le banditisme qui était courant dans les tribus. En atteignant l'âge adulte, Viriate vit les relations de sa tribu avec Rome se détériorer. Les gouverneurs qui étaient venus prendre la place de Gracchus étaient des hommes cupides qui opprimaient les tribus voisines. Après que les plaintes des Lusitaniens auprès du Sénat romain n'eurent pas réussi à améliorer la situation, les Lusitaniens reprirent les hostilités contre l'Hispania Ulterior en 154 avant Jésus-Christ. Viriate aurait eu une vingtaine d'années à l'époque. En 153 avant Jésus-Christ, certains Lusitaniens franchirent même les piliers d'Hercule (Gibraltar) et pénétrèrent en Afrique. Deux ans plus tard, les Lusitaniens infligèrent une défaite au gouverneur d'Hispania Ulterior, Servius Sulpicius Galba. Il est fort probable que Viriate ait pris part à au moins certaines de ces campagnes, son charisme et son talent de leader l'ayant très certainement gratifié d'un groupe de partisans.

Viriate se trouvait Parmi les survivants du massacre des lusitaniens par Galba; il jura de se venger de Rome.

Bien que les Lusitaniens soient restés insoumis, les années de guerre avaient fait des ravages. Viriate avait certainement perdu des parents et des amis proches. Épuisés d'avoir vu leurs maisons brûlées, leur peuple tué ou réduit en esclavage, les Lusitaniens envoyèrent des émissaires à Galba. Il leur rétorqua qu'il comprenait leurs raisons de faire la guerre. "La pauvreté du sol et la pénurie vous obligent à faire ces choses. Mais je donnerai à mes pauvres amis de bonnes terres, et je les installerai dans un pays fertile, en trois divisions" (Appien, Histoire romaine, VI. X. 59, 60). Viriate avait entendu parler du grand Gracchus par ses aînés. Peut-être Galba était-il lui aussi un homme de parole.

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Le gouverneur Galba trahit les Lusitaniens

Viriate rejoignit les hommes, les femmes et les enfants qui se rassemblaient dans les villages de Lusitanie. Ils partirent avec leurs biens, leurs charrettes, leur bétail et leurs armes, pour en retrouver d'autres jusqu'à ce que la foule ne devienne des centaines, puis des milliers de personnes. Nous étions en 150 avant Jésus-Christ et les Lusitaniens se livraient aux Romains. Ils étaient au moins 30 000 lorsque les soldats romains dirent aux chefs que les Lusitaniens devaient se séparer en trois groupes. Escortés par des légionnaires et des auxiliaires, les groupes furent conduits hors de vue les uns des autres.

Iberian Falcata Sword
Falcata, épée Ibérique
Luis Garcia (CC BY-SA)

Galba rendit visite au premier groupe, leur demandant de déposer leurs armes pour montrer leurs intentions pacifiques. Les Lusitaniens firent ce qu'on leur demandait, mais ils regardèrent avec appréhension les soldats romains creuser une tranchée autour d'eux. Les légionnaires se frayèrent ensuite un passage à travers les familles Lusitaniennes en panique. Les Romains saisirent les Lusitaniens en âge de se battre et les tuèrent sur place. Une vie d'esclavage attendait les autres. Les deux autres groupes furent traités de la même manière. Dans ce qui dut être une course folle pour échapper au massacre, seuls quelques-uns réussirent à s'échapper. Galba garda presque tout le butin et n'en donna qu'une petite partie à ses soldats. De retour à Rome, le Sénat fut scandalisé par le comportement dédaigneux de Galba mais ne put le réprimander en raison de sa grande richesse.

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Viriate mène les Lusitaniens à la victoire

Parmi les survivants du massacre de Galba se trouvait Viriate qui jura de se venger de Rome. Viriate devint un jeune chef et, en 147 av. J.-C., il rejoignit une armée lusitanienne qui faisait des raids dans la Turdétanie pacifiée par les Romains. Le légat Gaius Vetilius réagit vigoureusement et piégea les Lusitaniens contre une rivière. Découragés, les Lusitaniens envoyèrent à Vetilius des émissaires avec des branches d'olivier. Ils réitèrent leur demande de terres plus fertiles où pouvoir s'installer.

Vetilius accepta les demandes des Lusitaniens mais exigea en retour la remise de leurs armes. Viriate ne voulut rien entendre et rappela aux tribus la trahison de Galba. Ses paroles réveillèrent leurs cœurs et leurs esprits, si bien qu'ils demandèrent à Viriate de prendre le commandement de toute leur armée. Rassemblant la cavalerie lusitanienne, Viriate la dirigea dans des feintes contre les lignes romaines. Les escarmouches désorientèrent les commandants romains et permit à l'infanterie lusitanienne de fuir le champ de bataille.

Roman Legionary Kit
Nécessaire de légionnaire romain
Carole Raddato (CC BY-SA)

Cette nuit là, Viriate et la cavalerie s'enfuirent pour rejoindre son infanterie. Vetilius les poursuivit mais les légionnaires lourdement blindés ne purent rattraper les Lusitaniens légèrement armés. Viriate resta juste hors de portée, attirant les Romains dans la vallée de la rivière Barbesula jusqu'à ce que la colonne romaine ne s'étire le long d'un col étroit, avec une pente couverte de fourrés d'un côté et une falaise de l'autre. C'est là que Viriate tendit son piège, en faisant tourner sa cavalerie et en attaquant de front tandis que les tribus cachées dans les fourrés descendaient la pente. Les Lusitaniens lancèrent des javelots puis se rapprochèrent en brandissant des épées courtes et les mortelles falcata, ces épées incurvées en forme de faucille qui s'élargissent vers la pointe. Les Romains réussirent à s'en sortir, mais pas avant d'avoir perdu plus de la moitié de leurs effectifs. Vetilius faisait partie des 4000 victimes.

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Au fur et à mesure que la renommée de Viriate grandissait, de plus en plus de membres de la tribu se rangèrent de son côté. C'était un chef que même les Romains ne pouvaient battre.

Comme la renommée de Viriate augmentait, de plus en plus de membres de tribus se rallièrent à lui. C'était un chef que même les Romains ne pouvaient battre. Viriate partageait toujours le butin équitablement, distribuant même sa propre part à ses guerriers les plus courageux. Dans un récit de son mariage, Viriate n'était pas impressionné par l'or et l'argent de son beau-père romanisé. Il s'appuya sur sa lance et mangea peu, offrant des sacrifices à la manière des Lusitaniens, puis installant son épouse sur son cheval et il s'éloigna dans les collines.

En 146 av. J.-C., Viriate fit une incursion dans les terres fertiles des Carpétans. Se repliant devant des forces romaines plus importantes, il fit volte-face pour frapper la colonne romaine en déroute et lui infligea de lourdes pertes. Les Romains nommèrent cette méthode de combat par feinte et contre-attaque, le concursare. La même année, Viriate battit une autre armée romaine autour du mont Veneris (montagne de "Vénus"), harcela les garnisons romaines en Espagne centrale et s'empara de Segóbriga. Viriate déploya les étendards romains sur les flancs des collines. Le commandant de l'armée romaine, Claudius Unimanus, laissa un récit de la férocité des combats :

Dans un col étroit, 300 Lusitaniens affrontèrent 1000 Romains ; 70 des premiers et 320 des seconds moururent dans l'action. Lorsque les Lusitaniens victorieux se retirèrent et se dispersèrent avec confiance, l'un d'entre eux, à pied, se retrouva séparé et entouré par un détachement de cavalerie qui le poursuivait. Le guerrier solitaire perça de sa lance le cheval d'un des cavaliers, et d'un coup d'épée coupa la tête du Romain, produisant une telle terreur parmi les autres qu'ils se retirèrent prudemment sous son regard arrogant et méprisant (Orosius, Sept livres d'histoire contre les païens, 5.4).

L'usure du temps use les Viriate

Les victoires de Rome lors de la quatrième guerre macédonienne (149-148 av. J.-C.) et de la troisième guerre punique (149-146 av. J.-C.) libérèrent des ressources supplémentaires pour la scène hispanique. En 145 avant notre ère, le consul Fabius Maximus Aemilianus, de la célèbre famille des Scipions, arriva en Hispania Ulterior avec deux légions toutes fraîches et des alliés totalisant 15 000 hommes de pied et 2 000 chevaux. Fabius prit son temps pour entraîner ses troupes et les limita à des escarmouches. En 144 avant Jésus-Christ, il engagea directement Viriate, il en sortit victorieux et brûla deux villes. Lorsque Fabius fut remplacé par Quintus Pompeius l'année suivante, Viriate reprit sa marche en avant et tendit une embuscade à Quintus près du mont Veneris.

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Roman Victory
Victoire romaine
CA (Copyright)

En 142 avant J.-C., le sort de la guerre tourna de nouveau lorsque le frère de Fabius, le consul Fabius Maximus Servilianus, amena avec lui 20 000 soldats et mit Viriate en déroute près d'Itucci. Lors de l'affrontement qui suivit, Viriate riposta par une de ses contre-attaques typiques et infligea 3 000 pertes. Néanmoins, épuisé par l'attrition, Viriate se replia du centre de l'Espagne vers la Lusitanie. Servilianus le suivit et assiégea la ville d'Erisana. Viriate vint à la rescousse de la ville et piégea les Romains dans un défilé; puis il proposa des conditions de paix.

La seule demande de Viriate à Rome était que les frontières lusitaniennes soient respectées et que les Lusitaniens deviennent amici populi Romani - "Amis du peuple romain". Bien que Servilianus ait accepté et que le Sénat ait ratifié les conditions, la fierté romaine avait du mal à pardonner à un chef de guérilla qui avait humilié Rome. Les Romains provoquèrent les Lusitaniens jusqu'à ce que la guerre n'éclate une nouvelle fois en 140 avant J.-C. Le frère de Servilianus, le consul Q. Servilius Caepio, qui avait pris le pouvoir en Hispania Ulterior, poursuivit Viriate à travers la Carpétanie, la Lusitanie et les terres des Vettons. Le passage des forces romaines fut marqué par la destruction. Lorsque Caepio fut rejoint par Popilius Laenas de l'Hispania Citerior, les Lusitaniens étaient prêts à plaider pour la paix. Laenas était prêt à l'accorder, mais seulement si les déserteurs romains et toutes les armes leur étaient remis. Les Romains punirent les déserteurs à la manière hispanique, en leur coupant la main droite. Réticent à rendre ses armes, Viriate choisit trois amis proches, Audax, Ditalco et Minuros pour poursuivre les négociations.

Le meurtre de Viriate

Viriate, qui pendant des années avait été plus malin que ses ennemis, ne fut pas en mesure de reconnaître l'ennemi parmi ses proches. Après leur retour du camp Romain, ses trois "amis" se présentèrent à la tente de Viriate pendant la nuit. Après avoir dit au garde qu'ils devaient s'entretenir d'urgence avec Viriate, deux d'entre eux saisirent Viriate endormi pendant que le troisième lui enfonçait un couteau dans le dos. Lorsque le meurtre fut découvert, les partisans de Viriate furent envahis de tristesse et de colère. Les trois conspirateurs s'enfuirent chez les Romains. Ayant reçu une somme en avance, ils exigèrent maintenant le reste de leur paiement mais on leur répondit que Rome ne payait pas les traîtres. Dans le camp lusitanien, le corps de Viriate fut habillé de riches vêtements puis brûlé sur un bûcher funéraire. Des sacrifices furent offerts et les guerriers coururent et firent courir leurs chevaux autour du bûcher.

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Bien qu'un guerrier nommé Tantalus ait tenté de renverser la situation des Lusitaniens, sans Viriate, un grand nombre d'entre eux se rendirent à Laenas en 139 avant Jésus-Christ. Heureusement, Laenas prouva être un homme de parole, et il attribua des terres agricoles à certains et déporta les autres vers de nouvelles régions. La Lusitanie resta néanmoins libre de la domination romaine jusqu'au règne de l'empereur Auguste (27 avant J.-C. - 14 après J.-C.), lorsque la conquête de toute l'Hispanie fut achevée.

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Ludwig Heinrich Dyck
Né en Allemagne, Ludwig H. Dyck est devenu citoyen canadien grâce à la citoyenneté de son père. Depuis sa première publication en 1998, Dyck a collaboré avec de nombreux magazines d'Histoire très populaires aux États-Unis. Son premier livre est "The Roman Barbarian Wars".

Citer cette ressource

Style APA

Dyck, L. H. (2017, avril 07). Viriate [Viriathus]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-15855/viriate/

Style Chicago

Dyck, Ludwig Heinrich. "Viriate." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le avril 07, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-15855/viriate/.

Style MLA

Dyck, Ludwig Heinrich. "Viriate." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 07 avril 2017. Web. 24 avril 2024.

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