Mammouth laineux

Définition

Emma Groeneveld
par , traduit par Ingrid Fischer
publié sur 23 août 2017
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Wooly Mammoth (by Tracy O, CC BY-SA)
Mammouth laineux
Tracy O (CC BY-SA)

Le mammouth laineux, Mammuthus primigenius, est un herbivore éteint apparenté aux éléphants, qui peuplait les steppes et les toundras d’Eurasie et d’Amérique du Nord il y a environ 300 000 ans. Leur population s’effondre environ 11 000 ans avant notre ère. Les derniers d’entre eux ont survécu jusque dans l’Holocène, en se réfugiant sur des îles au large de la Sibérie et de l’Alaska. Le dernier groupe connu de mammouths vivait encore sur l’île Wrangel il a seulement 3 700 ans.

Immenses et imposants, les mammouths sont célèbres pour leurs longues défenses incurvées, leur épaisse fourrure hirsute et leurs couches de graisse isolante: ces grand voraces aux yeux ronds sont les stars du Pléistocène. Pour nos ancêtres chasseurs-cueilleurs (et notre cousin, l’Homme de Néandertal), ces animaux représentaient une formidable source de protéines. Leurs os servaient aussi bien à construire des huttes qu’à fabriquer des outils et d’autres objets – du moins lorsque la chasse avait été bonne ou qu’ils pouvaient récupérer des ossements abandonnés.

Cette chasse intensive pratiquée par l’Homme est probablement une des raisons majeures de l’extinction du mammouth laineux. Mais le mystère de cette extinction n’est pas encore complètement levé : le réchauffement climatique qui marque la fin du Pléistocène pourrait y avoir joué un rôle aussi.

Une histoire poilante

Les recherches génétiques menées au cours de la dernière décennie ont déterminé que l’éléphant d’Asie est le plus proche parent vivant du mammouth laineux. Leur forte ressemblance est un bon indice de ce lien génétique – même si le mammouth était nettement mieux adapté au climat glacial que son cousin des tropiques.

Ce tank préhistorique arborait un crâne allongé et proéminent, flanqué d’énormes défenses incurvées.

Dans les plaines à mammouths, appelées steppe-toundra, les températures pouvaient varier d’une relative douceur (−30 °C) à un froid plus inconfortable (−50 °C) : pour survivre, le mammouth laineux a dû développer une série d’adaptations pour préserver la chaleur de sa masse titanesque. Pour commencer, il avait de petites oreilles et une petite queue, pour limiter au maximum la déperdition de chaleur. Ensuite, il cachait une confortable couche de graisse sous-cutanée sous une fourrure longue et épaisse, dont la couleur variait probablement de blonde et ambrée à presque noire. Sa peau et sa fourrure, toutes deux imperméables, l’isolaient parfaitement des intempéries. Au plus fort de l’hiver, il pouvait puiser chaleur et protéines dans ses réserves de graisse – de grosses masses brunes, implantées entre son cou massif et son dos en pente douce. Leur sang lui-même a muté pour minimiser la perte de chaleur. Pour couronner le tout, ce tank préhistorique arborait un crâne allongé et proéminent, flanqué d’énormes défenses incurvées.

Woolly Mammoths
Mammouths laineux
Mauricio Antón (CC BY)

Habitat

L’habitat du mammouth laineux est connu sous le nom de «steppe à mammouths» : il s’agit d’une steppe-toundra aride, qui s’étend à cette période de l’Europe de l’ouest au nord-ouest du Canada, en traversant l’immense Pont terrestre de Béringie. Au sud, elle descend jusque dans l’actuelle Espagne. Le mammouth semble avoir été un herbivore très spécialisé, fermement ancré dans sa propre niche écologique. En hiver, il se nourrissait de plantes gelées, qu’il dégageait peut-être en balayant la neige et la glace de ses défenses ou par piétinement.

Les mammouths partageaient leur territoire avec d’autres herbivores, comme les bisons, les aurochs, les cervidés (dont certaines espèces colossales, comme le mégacéros – aussi appelé grand cerf des tourbières – ou encore les élans) et avec une autre force de la nature: le rhinocéros laineux. Certains prédateurs avaient aussi élu domicile dans ces steppes, par exemple le Canis dirus (un loup préhistorique), ou encore certaines espèces d’ours et de lions, endémiques des cavernes ou non.

Relations avec l’Homme

LES PREMIERS HUMAINS MODERNES fureNT LES ARTISANS D’UNE GRANDE QUANTITÉ D’OUTILS ET D’OBJETS D’ART FIGURATIF EN IVOIRE DE MAMMOUTH.

La relation entre les mammouths laineux et le genre humain dépasse largement le cadre de la simple chasse – qui reste toutefois leur premier point de contact. Pour nourrir un groupe d’humains très actifs et affamés, la maxime «plus c’est gros, mieux c’est» résume parfaitement les méthodes de chasse – nul doute qu’elle a incité les humains à inventer des stratégies pour abattre ces géants laineux. Il est facile de comprendre que ces chasses n’avaient rien d’une promenade de santé et ont non seulement exigé d’utiliser des armes, mais aussi de faire preuve de stratégie et de coopération. Les preuves directes de la chasse aux mammouths semblent cependant assez difficiles à trouver et nous n’avons pas de certitude quant à leur fréquence. Nous savons que l’Homme de Néandertal s’alimentait presque exclusivement de chair de mammouth : ses techniques de chasse étaient donc probablement mieux adaptées aux grands mammifères, comme les mammouths, que celles d’Homo Sapiens.

Certains groupes humains d’Europe centrale et orientale utilisaient les ossements de mammouths (chassés ou trouvés dans la nature) pour construire leurs habitats. Les peuples du Messinien, dont la présence est notamment attestée en Ukraine, utilisaient des ossements de mammouth pour construire les murs extérieurs de leurs huttes, par exemple des mâchoires, des os longs et même des os peints disposés selon des motifs géométriques. Des fouilles conduites dans le corridor Rhin-Danube ont mis au jour des gisements d’os de mammouth, qui pourraient avoir été abandonnés là par les premiers humains modernes : ils se réunissaient en effet une fois par an, profitant des conditions marécageuses pour organiser une grande chasse aux mammouths. Fait intéressant: bien que la tentation soit grande d’attribuer cette méthode de construction aux seuls humains modernes, il se pourrait que l’Homme de Néandertal soit en fait le premier architecte à l’utiliser. En effet, la structure en os de mammouth retrouvée en Ukraine serait néandertalienne.

Venus of Brassempouy
Dame de Brassempouy
Jean-Gilles Berizzi (Public Domain)

Les premiers humains modernes (et peut-être aussi Néandertal, bien que les preuves fassent encore défaut) ne se sont pas contentés d’utiliser ces ossements pour la construction de leurs habitats : ils ont aussi fabriqué une grande quantité d’outils et d’objets d’art figuratif en ivoire. Les mammouths sont aussi représentés sur d’impressionnantes fresques pariétales du Paléolithique supérieur en Europe, comme dans les grottes de Rouffignac et de Chauvet en France. Les côtes et les défenses incroyablement longues des mammouths faisaient d’excellents projectiles. Ces mêmes défenses ont aussi fourni l’ivoire qui a permis de sculpter différents animaux et même des représentations zooanthropiques – des sculptures qui mêlent forme animale et humaine. Enfin, une flûte en ivoire de mammouth, mise au jour dans le sud-ouest de l’Allemagne, est attribuée aux habiles Aurignaciens. Le sens exact des peintures pariétales du Paléolithique reste auréolé d’un certain mystère – mais on comprend aisément que les mammouths laineux aient fait forte impression sur les humains, assez pour qu’ils les immortalisent au charbon de bois sur les parois des grottes.

Extinction

Entre 26 500 et 19 000 ans environ avant notre ère s'installe un réchauffement climatique, qui suit directement le dernier maximum glaciaire – c’est-à-dire la période froide la plus récente, au cours de laquelle les calottes glaciaires atteignent leur croissance maximale. Comme beaucoup d’autres grands mammifères (collectivement appelés «mégafaune») qui peuplent les plaines du Pléistocène, le mammouth laineux souffre de ce changement. La controverse fait rage au sein de la communauté scientifique: l’extinction des mammouths est-elle due au réchauffement climatique ou à la chasse par l’Homme ? Comme bien souvent, la vérité se trouve probablement à mi-chemin de ces deux hypothèses et le débat n’est pas clos. Les scientifiques s’accordent toutefois sur une hypothèse de travail.

Mammoth Steppe
Steppes à mammouths
Александр Лещёнок (CC BY-SA)

Les mammouths étaient des herbivores spécialisés, fermement ancrés dans leur propre niche écologique, les steppes-toundras glaciales. D’après les études scientifiques, 90 % des steppes à mammouths disparaissent entre 42 000 et 6 000 ans environ avant notre ère. L’organisme de ces géants étant incapable de s’adapter rapidement, le nombre d’individus s’effondre. Pour le plus grand malheur des mammouths, cette période coïncide avec l’installation des humains modernes dans le nord de l’Eurasie : les populations de mammouths, déjà fragilisées, sont alors d’autant plus vulnérables à la chasse, quelle que soit son ampleur. Cette tempête qui allait s’abattre sur les mammouths s’annonçait donc d’une ampleur épique: leur vulnérabilité due au réchauffement climatique est encore amplifiée par les lances des humains – même s’il reste difficile de déterminer leur degré d’importance relative. Seul un très petit groupe de mammouths a réussi à survivre jusque dans l’Holocène – mais seulement en se réfugiant sur certaines îles isolées au large des côtes de l’Alaska et de la Sibérie. Le dernier groupe connu de mammouths vivait encore sur l’île Wrangel il y a seulement 3 700 ans.

Pas tout à fait disparu?

Avec sa légendaire mégalomanie et son habitude de se prendre pour une divinité, la race humaine pourrait remonter l’horloge qui a sonné le glas du mammouth laineux. Enfouis dans le pergélisol sibérien, les premiers mammouths mis au jour ressemblent à des momies de glace surdimensionnées, dont les tissus mous et la fourrure sont étonnamment bien conservés. Depuis ce jour, le monde scientifique envisage de ressusciter ces animaux à partir de leur ADN – une version moins effrayante de Jurassic Park.

Young Woolly Mammoth Carcass
Dépouille de jeune mammouth laineux
Cyclonaut (CC BY-SA)

Avec l’appui de la science, la vie pourrait reprendre ses droits – au cours des années à venir, certains chercheurs pensent même pouvoir utiliser de l’ADN de mammouth laineux pour hybrider un éléphant asiatique (un ADN de dinosaure intégré à un amphibien, ça vous parle ?). Cette perspective soulève évidemment de sérieuses questions éthiques. Dans nos sociétés modernes et évoluées, le mammouth laineux ne serait pas du tout à sa place: son existence serait détournée au profit des humains et soumise à la curiosité fascinée des populations. Dans l’ensemble, cette idée semble donc plutôt catastrophique – il ne reste plus qu’à espérer que les scientifiques accepteront de laisser ces herbivores géants reposer en paix pour se concentrer plutôt sur la recherche: raconter leur histoire au lieu d’écrire une sorte d’addendum intéressé.

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À propos du traducteur

Ingrid Fischer
Passionnée de langues mortes et de chocolat, Ingrid est traductrice spécialisée en allemand, anglais et français. Depuis 1999, elle traduit des contenus marketing, avant de lancer en 2017 dans l’anthropologie et l’ethnologie de la préhistoire.

A propos de l'auteur

Emma Groeneveld
Emma a étudié l'histoire et l'histoire ancienne. Pendant sa maîtrise, elle s'est concentrée sur Hérodote, ainsi que sur les anecdotes croustillantes de la politique des cours antiques. Plus récemment, elle s'est plongée dans la préhistoire au sens large.

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Style APA

Groeneveld, E. (2017, août 23). Mammouth laineux [Woolly Mammoth]. (I. Fischer, Traducteur). World History Encyclopedia. Récupéré de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-15545/mammouth-laineux/

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Groeneveld, Emma. "Mammouth laineux." Traduit par Ingrid Fischer. World History Encyclopedia. Dernière modification août 23, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-15545/mammouth-laineux/.

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Groeneveld, Emma. "Mammouth laineux." Traduit par Ingrid Fischer. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 23 août 2017. Web. 24 avril 2024.

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