Lucius Aelius Seianus ou Séjan (20 avant J.-C. - 31 de notre ère) était le commandant de la garde prétorienne sous l'empereur Tibère (14-37 de notre ère). Issu d'une obscure famille équestre, il réussit à devenir l'un des plus proches conseillers de Tibère, espérant devenir son successeur ou le régent d'un jeune héritier. Après la mort de Drusus, le fils de Tibère, il commença à persécuter tous ses rivaux potentiels, une tâche qu'il rendit plus simple en poussant Tibère à la paranoïa et en le convainquant de se retirer à Capri dans un exil auto-imposé. Mais Tibère finit par se méfier de son ministre et de ses ambitions, et ordonna son exécution. Les enfants de Séjan et nombre de ses amis tombèrent avec lui dans une purge politique sanglante.
Jeunesse et débuts de carrière
Lucius Aelius Seianus nacquit vraisemblablement en 20 avant Jésus-Christ dans la ville étrusque de Volsini. Son père était Lucius Seius Strabo, un riche cavalier qui devint préfet prétorien en 2 avant notre ère. Même si sa famille n'était pas noble, elle était très importante ; la grand-tante de Séjan était en effet l'épouse de Mécène, l'un des conseillers les plus fiables d'Auguste. Nous savons très peu de choses sur le début de la carrière de Séjan: il suivit probablement Gaius César, le neveu d'Auguste, dans sa mission dans les provinces orientales, et fut peut-être le favori du célèbre gastronome Apicius - même si nous ne savons pas s'il le prostitua réellement, comme le prétend Tacite. Séjan épousa une femme nommée Apicata, qui lui donna trois enfants.
À la mort d'Auguste, en 14 de notre ère, Strabo enrôla son fils dans la préfecture prétorienne. Le nouvel empereur, Tibère, envoya Séjan avec son propre fils Drusus pour réprimer une mutinerie en Pannonie. Peu de temps après, Strabo fut nommé préfet d'Égypte, laissant son fils seul dans sa fonction. Bien que nous sachions très peu de choses sur les premières années de Séjan en tant que préfet, il est certain qu'il parvint à se lier à la famille impériale, puisqu'il fut autorisé à fiancer sa fille Iunilla au fils du futur empereur Claude. Cependant, le garçon mourut, ruinant ainsi les plans de Séjan. À la même époque, il fut autorisé à construire le Castra Praetoria à Rome, un camp permanent pour les membres de la garde prétorienne. Son influence, à juste titre, grandit par la suite.
Conseiller de Tibère
Tibère lui faisait sûrement confiance, considérant Séjan un ministre compétent (il avait même aidé à éteindre un incendie dans le théâtre de Pompée en 22 de notre ère, ce qui lui valut une statue) ; ce n'était pas le cas du fils de l'empereur, Drusus. En fait, il ne pouvait pas accepter qu'un homme d'aussi basse naissance puisse être aussi bien honoré par l'empereur. Il frappa même Séjan au cours d'une querelle. Cependant, en 23 de notre ère, Drusus perdit la vie. Les sources antiques suggèrent qu'il fut tué par Séjan dont les ambitions l'avaient poussé à séduire la femme de Drusus, Livilla, qui avait été convaincue par le ministre sournois de l'aider à tuer son mari. Cependant, tout le monde pensait que Drusus était mort d'une maladie, car il était très connu pour ses excès.
Après la mort de Drusus, Néron et Drusus Julius, les enfants de Germanicus, l'héritier présomptif qui était mort en 19 de notre ère, et l'énergique Agrippine devinrent de plus en plus importants. L'ambitieux Séjan commença à pousser Tibère à la paranoïa, lui disant que la ville était divisée et qu'il y avait une "partie d'Agrippine" qui pourrait être un danger pour l'État. À partir de 24 de notre ère, Séjan commença donc à abuser des lois de la trahison pour éliminer les amis d'Agrippine. En 25 de notre ère, Séjan demanda à Tibère d'épouser Livilla, mais l'empereur refusa la demande. Le préfet méprisé commença alors à convaincre son maître de se retirer, un désir que l'empereur cultivait depuis un certain temps. Il n'avait jamais voulu gouverner, étant fondamentalement républicain, et il n'aimait pas du tout prendre des décisions. Seul son sens du devoir bien ancré l'avait empêché de se retirer. En 26 de notre ère, Tibère se retira enfin au sud de Rome, d'abord à Sperlonga, puis (en 27 de notre ère) à Capri.
Bien que Tibère n'ait jamais laissé Séjan comme souverain de fait, puisqu'il restait toujours plus ou moins solvable à ses fonctions, on peut affirmer que l'influence de Séjan pendant l'absence de l'empereur s'accrut fortement. Entre 27 et 29 de notre ère, Séjan lança l'attaque finale contre Agrippine : elle fut d'abord assignée à résidence à Herculanum, puis définitivement exilée avec Néron. Drusus suivit leur sort en 30 de notre ère. Ils étaient tous morts en 33 de notre ère, morts de faim ou poussés au suicide. Séjan, quant à lui, reçut de grands honneurs : par exemple, il fut voté que son nom soit inclus dans les serments, et des autels à Amicitia et Clementia furent lui dédiés ainsi qu'à Tibère. L'empereur promit également à Séjan de partager avec lui le consulat de l'an 31 de notre ère. Son anniversaire fut célébré publiquement et les sénateurs commencèrent à le flatter pour obtenir les faveurs de Tibère.
La chute de Séjan
Cependant, Tibère se méfia rapidement des ambitions de son ministre. Il craignait probablement que Séjan ne complote pour l'écarter ou le tuer. Alors, il agit sournoisement : il commença à promettre à Séjan des honneurs encore plus grands, et lui permit probablement d'épouser Livilla ; en même temps, il commença à montrer indirectement que le préfet avait perdu sa faveur. Par exemple, il quitta le poste de consul en mai et obligea Séjan à faire de même ; il commença à critiquer certains amis de Séjan tout en en louant d'autres ; et dans ses lettres au Sénat, il cessa d'inclure les titres de Séjan. Il commença à se montrer affectueux envers ses neveux Gaius (plus connu sous le nom de Caligula), le dernier fils survivant de Germanicus, et Tiberius Gemellus, le fils de Drusus, qu'il convoqua à Capri. Ce comportement ambigu amena certains amis de Séjan à s'éloigner de lui.
Dès qu'il vit que le nombre des partisans de Séjan avait diminué, Tibère nomma secrètement Sutorius Macro (Macron) préfet prétorien et l'envoya à Rome avec des instructions précises. Dans la nuit du 17 au 18, Macron entra dans Rome et rencontra le préfet des vigiles, Laco, et le consul Regulus ; le lendemain, il rencontra Séjan devant le temple d'Apollon sur le Palatin, où devait se tenir la réunion du Sénat. Macron lui annonça qu'une lettre était arrivée de Capri qui lui conférait la tribunicia potestas, le signe qu'il serait le prochain empereur. Cependant la fameuse lettre ne contenait que des mots ambigus. Tibère le louait, puis le critiquait et demandait, à la fin, de mettre Séjan en état d'arrestation avec deux sénateurs qui lui étaient liés.
Séjan fut immédiatement conduit au Tullianum, la prison de Rome. Le peuple de Rome était heureux, car il ne pouvait oublier ce que Séjan avait fait à Agrippine, qu'il aimait. Les statues de Séjan furent démolies par une foule en colère, sous ses yeux. Le Sénat se réunit très vite pour décider du sort de Séjan et le condamna à mort. Il fut étranglé, son corps exposé sur l'escalier des Gémonies, puis jeté dans le Tibre (après avoir été malmené par la population pendant 3 jours) ; une damnatio memoriae fut émise à son nom, et les statues le représentant furent détruites. Ses enfants aussi moururent dans l'hystérie générale ; sa fille, qui était vierge et donc à l'abri des peines capitales, fut violée avant d'être étranglée. Apicata, qui avait été répudiée par Séjan plusieurs années avant son mariage avec Livilla, décida de se venger et envoya une lettre à Tibère, lui révélant, que cela ait été vrai ou non, que Séjan et Livilla avaient tué Drusus. Puis, elle se suicida. Tibère devint inconsolable et paranoïaque, et Livilla périt peu après que la lettre de Séjan ait été lue. En 33 de notre ère, la plupart des amis et des parents de Séjan étaient morts.