Diodore de Sicile: La Bataille de Chéronée

Article

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 18 janvier 2012
X
translations icon
Disponible dans ces autres langues: anglais

Dans l'extrait suivant de sa Bibliothèque historique, livre XVI, chapitre 14, l'historien Diodore de Sicile (1er siècle av. J.-C.) relate la célèbre bataille de Chéronée de 338 avant notre ère, au cours de laquelle Philippe II de Macédoine, son fils Alexandre et leurs alliés vainquirent les forces grecques d'Athènes et de Thèbes, ce qui entraîna l'unification des cités-États grecques sous la domination macédonienne. La contribution d'Alexandre à la bataille (on lui attribue traditionnellement la rupture des lignes thébaines et la victoire) ayant été contestée, il est intéressant de lire le récit d'un historien antérieur sur la bataille.

Greek Phalanx
Phalange grecque
CA (Copyright)

L'année où Charondas était le premier archonte d'Athènes, Philippe, roi de Macédoine, ayant déjà conclu une alliance avec de nombreux Grecs, se mit en tête de soumettre les Athéniens et de contrôler ainsi plus facilement l'ensemble de l'Hellas. Dans ce but, il s'empara d'Elateia [ville phocéenne dominant les cols au sud], afin de tomber sur les Athéniens, croyant les vaincre facilement, car il pensait qu'ils n'étaient pas du tout prêts à la guerre, ayant fait la paix avec lui depuis si peu de temps. Après la prise d'Elateia, des messagers se rendirent de nuit à Athènes pour informer les Athéniens que la place était prise et que Philippe conduisait ses hommes en force pour envahir l'Attique.

Les magistrats athéniens, alarmés, firent sonner les trompettes toute la nuit, et la rumeur se répandit dans toute la ville avec un effet terrifiant. Au lever du jour, le peuple, sans attendre l'appel habituel du magistrat, se précipita vers le lieu de rassemblement. Les fonctionnaires y arrivèrent avec le messager, et lorsqu'ils eurent annoncé leur mission, la peur et le silence envahirent la place, et aucun des orateurs habituels n'eut le cœur de dire un mot. Bien que le héraut ait invité tout le monde "à se prononcer" sur ce qu'il convenait de faire, personne ne se manifesta; le peuple, terrorisé, tourna donc le regard vers Démosthène, qui se leva et lui demanda de prendre courage et d'envoyer immédiatement des émissaires à Thèbes pour traiter avec les Béotiens afin qu'ils se joignent à la défense de la liberté commune; En effet, il n'était plus temps d'envoyer une ambassade pour demander de l'aide ailleurs, car Philippe allait probablement envahir l'Attique dans les deux jours, et comme il devait passer par la Béotie, c'est là qu'il fallait chercher de l'aide.

Supprimer la pub
Advertisement

Philip II of Macedon
Philippe II de Macédoine
Fotogeniss (CC BY-SA)

Le peuple approuva son conseil et un décret fut voté pour l'envoi d'une telle ambassade. Démosthène, qui était l'homme le plus éloquent pour cette tâche, fut choisi et se hâta de partir [à Thèbes]. –Malgré les hostilités passées entre Athènes et Thèbes et les contre-arguments des envoyés de Philippe, Démosthène persuada Thèbes et ses cités béotiennes que leur liberté ainsi que celle d'Athènes étaient réellement en jeu, et de joindre les armes aux Athéniens. Comme Philippe ne parvenait pas à convaincre les Béotiens de se joindre à lui, il décida de les combattre tous les deux. À cette fin, après avoir attendu des renforts, il envahit la Béotie avec environ trente mille hommes de pied et deux mille chevaux. . . .

Les deux armées étaient alors prêtes à s'engager; elles étaient égales en courage et en valeur personnelle, mais le roi avait un grand avantage en ce qui concerne le nombre et l'expérience militaire. En effet, il avait livré de nombreuses batailles, gagné la plupart d'entre elles et avait donc beaucoup appris sur la guerre, mais les meilleurs généraux athéniens étaient maintenant morts, et Charès - le principal d'entre eux qui restait encore - ne différait guère d'un simple hoplite dans tout ce qui avait trait à la véritable fonction de général. Au lever du soleil [à Chéronée, en Béotie], les deux armées se rangèrent en bataille. Le roi ordonna à son fils Alexandre, qui venait d'atteindre l'âge adulte et donnait déjà des signes évidents de son esprit martial, de diriger une aile, bien que certains de ses meilleurs généraux se soient joints à lui. Philippe lui-même, avec un corps d'élite, dirigeait l'autre aile, et disposait les différentes brigades aux postes que l'occasion exigeait. Les Athéniens mirent sur pied leur armée, laissant une partie aux Béotiens et conduisant eux-mêmes le reste.

Supprimer la pub
Advertisement

Les deux armées s'affrontèrent enfin, et la bataille fut violente et sanglante. Elle se prolongea longtemps avec un effroyable carnage, mais la victoire était incertaine, jusqu'à ce qu'Alexandre, désireux de donner à son père une preuve de sa valeur, et suivi d'une bande courageuse, soit le premier à percer le corps principal de l'ennemi, qui s'opposait directement à lui, en tuant beaucoup; il écrasa tout devant lui, et ses hommes, se pressant étroitement, taillèrent en pièces les lignes de l'ennemi; et après que le sol eut été jonché de morts, ils mirent en fuite l'escadre qui résistait à lui. Le roi aussi, à la tête de son corps, combattit avec non moins d'audace et de fureur, afin que la gloire de la victoire ne fût pas attribuée à son fils. Il força les ennemis qui lui résistaient à céder du terrain, puis les mit en déroute, et fut ainsi le principal artisan de la victoire.

Battle of Chaeronia
Bataille de Chéronée
US Military Academy (Public Domain)

Plus de mille Athéniens tombèrent et deux mille furent faits prisonniers. Un grand nombre de Béotiens périrent également, et beaucoup d'autres furent capturés par l'ennemi. . .

Supprimer la pub
Advertisement

Après quelques fanfaronnades du roi, grâce à l'influence de Démadès, un orateur athénien qui avait été capturé, Philippe envoya des ambassadeurs à Athènes et renouvela la paix avec elle [à des conditions très acceptables, en lui laissant la plupart de ses libertés locales]. Il fit également la paix avec les Béotiens, mais plaça une garnison à Thèbes. Ayant ainsi semé la terreur dans les principaux États grecs, il s'efforça de se faire élire généralissime de Grèce. Le bruit ayant couru à l'étranger qu'il ferait la guerre aux Perses, au nom des Grecs, pour venger les impiétés commises par eux contre les dieux grecs, il gagna rapidement la faveur de l'opinion publique dans toute la Grèce. Il se montra également très libéral et courtois à l'égard des citoyens et des communautés, et annonça aux villes qu'il souhaitait les consulter au sujet du bien commun. Il convoqua alors un conseil général [des cités grecques] à Corinthe, où il déclara son intention de faire la guerre aux Perses et les raisons pour lesquelles il espérait réussir; il demanda donc au conseil de se joindre à lui en tant qu'allié dans la guerre. Enfin, il fut nommé général de toute la Grèce, avec un pouvoir absolu, et après avoir fait de puissants préparatifs et désigné les contingents à envoyer par chaque cité, il retourna en Macédoine où, peu après, il fut assassiné par Pausanius, un ennemi personnel.

Supprimer la pub
Publicité

Bibliographie

  • Oldfather, C.H. Diodorus Siculus Library of History. 1935
  • Stearns Davis, W. Readings In Ancient History. 1913

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2012, janvier 18). Diodore de Sicile: La Bataille de Chéronée [Diodorus Siculus: The Battle of Chaeronia]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-99/diodore-de-sicile-la-bataille-de-cheronee/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Diodore de Sicile: La Bataille de Chéronée." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le janvier 18, 2012. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-99/diodore-de-sicile-la-bataille-de-cheronee/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Diodore de Sicile: La Bataille de Chéronée." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 18 janv. 2012. Web. 27 avril 2024.

Adhésion