Les sépultures de Stonehenge

Article

Brian Haughton
de , traduit par Caroline Martin
publié le 20 janvier 2011
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Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol

On a beaucoup écrit sur les raisons de la construction du monument préhistorique de Stonehenge, dans le Wiltshire, dans le sud de l'Angleterre. Peut-être fut-il conçu comme un temple dédié aux ancêtres, un calendrier astronomique, un centre de guérison ou un ordinateur géant? Pourrait-il même avoir fonctionné comme chacune de ces choses à différents moments de son histoire durant 1500 ans? La façon dont nos ancêtres construisirent ce grand monument a également suscité une attention considérable au fil des ans. En effet, un certain nombre d'expériences soigneusement organisées ont été menées à Stonehenge afin de découvrir comment les pierres bleues galloises et les pierres de sarsen locales furent transportées sur la plaine de Salisbury et quelle méthode fut utilisée pour les ériger une fois sur le site.

Stonehenge
Stonehenge
Jan van der Crabben (Copyright)

Tout cela est assez fascinant, mais Stonehenge conserve ses aspects moins explorés et plus sombres, dont des sépultures énigmatiques dispersées dans et autour de ce célèbre monument néolithique, qui ne sont pas sans importance. Que peuvent nous apprendre ces sépultures, qu'il s'agisse de crémations ou d'inhumations, sur les rituels et les activités qui se déroulaient à Stonehenge il y a plus de quatre millénaires?

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Ce que les visiteurs modernes voient lorsqu'ils se rendent à Stonehenge, c'est un ensemble circulaire de grandes pierres debout entourées de remblais, les vestiges du dernier d'une série de monuments construits sur le site entre environ 3100 et 1600 av. JC. Au cours de ses 1500 ans d'histoire, Stonehenge fut construit avec trois grandes phases de construction, bien qu'il y ait eu de nombreuses sous-phases entre elles, et il existe des preuves d'activité humaine sur le site avant et après ces dates.

LE PREMIER MONUMENT DU SITE, COMMENCÉ VERS 3100 AV. JC, ÉTAIT UN «HENGE» CIRCULAIRE FAIT DE TERRE.

Le premier monument du site, commencé vers 3100 av. JC, était un «henge» circulaire fait de terre d'environ 110 mètres de diamètre, un «henge» au sens archéologique étant une zone plate de forme circulaire ou ovale entourée d'un terrassement de délimitation. Cette structure contenait probablement un anneau de 56 poteaux en bois (ou peut-être un premier cercle en pierre bleue), dont les emplacements sont appelés les «trous d’Aubrey» (d'après l'antiquaire local du 17e siècle John Aubrey). Plus tard, vers 3000 av. JC. (le début de la phase II de Stonehenge), une sorte de structure en bois semble avoir été construite dans l'enceinte, et Stonehenge fonctionna comme un cimetière de crémation, le plus ancien et le plus grand découvert à ce jour en Grande-Bretagne.

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Le cimetière de crémation

Au cours du 20e siècle, près de 60 sépultures par crémation ont été mises à jour à Stonehenge, et il en reste peut-être deux cents autres dans des zones non fouillées du monument. Il est intéressant de noter que la dernière de ces crémations a été datée au radiocarbone de 2300 av. JC environ, ce qui montre que la crémation était encore pratiquée à Stonehenge bien après l'érection des pierres bleues et celles de sarsens.

Plan of Stonehenge
Plan de Stonehenge
Adamsan (CC BY-SA)

Un autre aspect intéressant et inhabituel des restes incinérés découverts à Stonehenge est que la majorité d'entre eux sont des hommes adultes, la plupart dans la tranche d'âge de 25 à 40 ans. On ne peut qu'en conclure que seules certaines personnes furent sélectionnées pour être enterrées dans ce premier monument de Stonehenge. Ces hommes étaient politiquement importants, peut-être des aristocrates et/ou des chefs de clan, et ils étaient probablement des figures d'autorité sur le site au cours de la première moitié du troisième millénaire av. JC.

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La plupart des autres sépultures (par inhumation) dans la zone du monument sont à peu près contemporaines les unes des autres, datant de 2400 à 2150 av. JC (période de l'âge du bronze précoce), bien qu'il n'y ait qu'un seul squelette complet parmi elles. L'examen de ce squelette intact, trouvé en 1978, enterré dans le fossé extérieur du monument, a révélé que l'homme avait été abattu à bout portant par jusqu'à six flèches à pointe de silex, probablement par deux personnes, l'une tirant de la gauche, l'autre de la droite. S'agirait-il d'une exécution, voire d'un sacrifice humain rituel?

L'archer d'Amesbury – le roi de Stonehenge?

La sépulture de «l'archer d'Amesbury» près de Stonehenge, la plus riche des sépultures associées à Stonehenge, et la plus riche jamais découverte en Grande-Bretagne à l'âge du bronze, a été trouvée au milieu de tombes romaines à Amesbury, à 5 km au sud-est du monument. Cette sépulture de haut rang, connue sous le nom de «l'archer d'Amesbury» ou du «roi de Stonehenge» et datée entre 2400 et 2200 av. JC, a livré un ensemble étonnant d'objets funéraires pour l'époque.

On a trouvé à côté du squelette cinq gobelets en terre cuite, seize pointes de flèches en silex magnifiquement ouvragées, des défenses de sanglier, deux protège-poignets en grès (pour protéger les poignets de la corde d'un arc et d'une flèche), une paire d’ornements en or pour les cheveux, trois minuscules couteaux en cuivre, un ensemble d'outils de taille de silex et de travail du métal, et un anneau de ceinture en schiste. La découverte d'objets funéraires aussi riches avec cette sépulture indique qu'il s'agissait d'un individu de haut rang qui était aussi probablement l'un des premiers métallurgistes des îles.

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Fait fascinant, l'analyse chimique a montré que l'un des couteaux en cuivre de «l'archer» était d'origine espagnole et que l'or pouvait également provenir de l'extérieur de la Grande-Bretagne. L'étude des restes du squelette par Jackie McKinley de Wessex Archaeology a révélé que c’était un homme bien bâti, âgé de 35 à 45 ans, bien qu'il ait eu un abcès à la mâchoire et qu'il ait eu un accident dans sa jeunesse qui lui arracha la rotule du genou gauche. Ainsi, pendant une grande partie de sa vie, «l'archer» aurait marché en boitant de manière prononcée.

Stonehenge, Amesbury, UK
Stonehenge, Amesbury, UK
Colleen Filipek (CC BY)

Mais l'élément le plus surprenant de l'histoire de «l'archer» était encore à venir. Des recherches utilisant l'analyse des isotopes de l'oxygène sur l'émail de ses dents ont révélé qu'il avait grandi dans la région des Alpes, soit en Suisse, en Autriche ou en Allemagne. On pense qu’il arriva en Grande-Bretagne à un très jeune âge, peut-être lorsqu'il était enfant. Pourquoi avait-t-il parcouru une si longue distance? Peut-être pour sceller une alliance entre des peuples éloignés? Ou possédait-il des compétences «magiques» (le nouvel art «mystique» de la métallurgie, peut-être?) qui auraient été nécessaires à la construction de Stonehenge?

Si cette dernière hypothèse est vraie, peut-être que la sépulture exceptionnellement riche du «roi de Stonehenge», qui était manifestement une personne de haut rang, signifie qu'il joua un rôle important dans la construction du premier monument en pierre du site.

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Il est intéressant de noter qu'une deuxième sépulture, datant de la même période que celle de «l'archer», a été localisée près de sa tombe. Ce squelette, celui d'un homme âgé d'environ 20-25 ans, dont l'analyse osseuse a montré qu'il s'agissait du fils, du frère ou du cousin de «l'archer», avait été enterré avec une paire d'ornements en or pour les cheveux du même style que ceux de «l'archer», mais pour une raison quelconque, ils avaient été laissés à l'intérieur de la mâchoire de l'homme. L'analyse des isotopes de l'oxygène a révélé que cet homme avait grandi dans la région de la plaine de Salisbury, mais qu'il avait peut-être passé la fin de son adolescence dans les Midlands ou dans le nord-est de l'Écosse. Ces sépultures fascinantes correspondent manifestement à des personnages importants, mais s'agissait-il de rois ou de prêtres, ou peut-être de membres d'une famille ou d'un clan local?

Les archers de Boscombe

«Les archers de Boscombe» sont un groupe de sépultures du début de l'âge du bronze (datées d'environ 2 300 av. JC), trouvées dans une seule tombe à Boscombe Down, un site d'essais d'avions au sud d'Amesbury. Connus sous le nom d'archers en raison de la quantité de pointes de flèches en silex trouvées dans leur tombe, les sépultures se composent de sept individus: trois enfants, un adolescent et trois hommes, tous apparemment apparentés les uns aux autres.

Les découvertes de la tombe sont similaires à celles de «l'archer d'Amesbury» et elles comprennent une quantité inhabituellement élevée de gobelet en terre cuite, des outils en silex, une défense de sanglier et une sorte d’attache en os finement travaillée. Une fois de plus, ce sont les tests chimiques effectués sur les dents qui ont fourni l'indice de l'origine de ces personnes. Dans ce cas, les hommes avaient grandi au Pays de Galles mais ils avaient migré vers le sud de la Grande-Bretagne pendant leur enfance. Une origine britannique pour ces «archers» est intéressante, compte tenu de la nature continentale de nombre de leurs objets funéraires (les gobelets en terre cuite décorés de cordons tressés, l’attache en os). Ce n'est certainement pas une coïncidence si l'un des rares parallèles de ce type de matériel funéraire en Grande-Bretagne est la sépulture voisine de «l'archer d'Amesbury».

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Les sépultures de Stonehenge par Brian Haughton: Étant donné que «les archers de Boscombe» étaient à peu près contemporains du transport et de l'érection des pierres de taille galloises à Stonehenge, de nombreux chercheurs pensent qu'ils ont pu accompagner les pierres dans leur périple de 300 km depuis le sud du pays de Galles jusqu'à la plaine de Salisbury. Considérées dans leur ensemble, les sépultures de «l'archer d'Amesbury» et «des archers de Boscombe» offrent des preuves fascinantes non seulement de l'implication de personnes ayant participé à la conception et à la construction de Stonehenge, mais aussi de l'existence de liens étroits entre la Grande-Bretagne et l'Europe continentale il y a plus de 4200 ans.

Le garçon au collier d'ambre

Une autre sépulture sensationnelle a été mise à jour en septembre 2010 à Stonehenge, alors que la tombe avait été découverte en 2005. Surnommé «le garçon au collier d'ambre», le squelette provient à nouveau de Boscombe Down, mais cette fois-ci, il est rattaché à la fin de l'âge du bronze précoce (il a été daté par radiocarbone à environ 1550 av. JC).

Le squelette, qui a été découvert à côté d'un tumulus de l'âge du bronze, était celui d'un garçon de 14 ou 15 ans, enterré avec un collier d'environ 90 perles d'ambre. Les colliers d'ambre sont des objets rares et exotiques; l'ambre aurait été apporté dans la région de Stonehenge depuis la mer Baltique, peut-être du Danemark, et il pourrait être arrivé sous forme de morceaux de matière brute avant d'être façonné localement en minuscules perles.

Un examen approfondi du squelette a révélé un autre fait étonnant. Lorsque le professeur Jane Evans, responsable des sciences archéologiques au British Geological Survey, a analysé des échantillons d'émail dentaire de l'adolescent, elle a découvert qu'il n'était pas originaire de la région. Loin de là. Les résultats du professeur Evans ont montré que «le garçon au collier d'ambre» avait en fait grandi dans un climat beaucoup plus chaud que la Grande-Bretagne, probablement dans la région Méditerranéenne. Mais que faisait-il à Stonehenge? Le collier suggère que ce jeune homme était une personne de statut et d'importance significatifs, mais guère plus.

Une théorie veut qu’il ait voyagé au sein d'un groupe familial pour une sorte de pèlerinage à Stonehenge, même si le grand monument avait déjà 1500 ans à cette époque.

La famille du garçon aurait-elle participé à la dernière phase de construction connue de l'histoire de Stonehenge (au 16e siècle av. JC), les trous Y et Z ? Ces caractéristiques mystérieuses, deux anneaux de fosses circulaires concentriques creusées autour de l'extérieur du cercle de Sarsen, sont d'origine et de fonction inconnues et elles ont longtemps laissé les archéologues perplexes. Malheureusement, en l'absence d'une analyse plus approfondie du squelette du «garçon au collier d'ambre» et d'autres découvertes provenant de sépultures contemporaines, il est impossible de se prononcer.

Néanmoins, la fascinante série de sépultures autour de Stonehenge montre que les gens parcouraient d'énormes distances pour se rendre au monument sur une période d'un millier d'années, ce qui suggère qu'il avait une réputation européenne comme l'un des lieux les plus sacrés et les plus vénérés du monde ancien.

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Bibliographie

Traducteur

Caroline Martin
Française, ayant vécu au Royaume Uni pendant 20 ans, Caroline Martin est totalement bilingue. Lectrice passionnée depuis son plus jeune âge, elle a développé un amour de l'histoire qui remonte a ses années sur les bancs de l’école. Elle s'intéresse maintenant beaucoup à l'histoire en général et à la géopolitique.

Auteur

Brian Haughton
Auteur et chercheur de livres sur les civilisations et monuments antiques, les sites sacrés et le folklore surnaturel. Archéologue qualifié avec un BA (Hons) de l'Université de Nottingham et un MPhil en archéologie grecque de l'Université de Birmingham.

Citer cette ressource

Style APA

Haughton, B. (2011, janvier 20). Les sépultures de Stonehenge [The Stonehenge Burials]. (C. Martin, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-206/les-sepultures-de-stonehenge/

Style Chicago

Haughton, Brian. "Les sépultures de Stonehenge." Traduit par Caroline Martin. World History Encyclopedia. modifié le janvier 20, 2011. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-206/les-sepultures-de-stonehenge/.

Style MLA

Haughton, Brian. "Les sépultures de Stonehenge." Traduit par Caroline Martin. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 20 janv. 2011. Web. 23 avril 2024.

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