Bataille de Gaugamèles, 331 avant J.-C.

Article

Grant
de , traduit par Yves Palisse
publié le 18 janvier 2012
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Une fois la côte méditerranéenne orientale et l'Égypte sécurisées, Alexandre le Grand décida de pénétrer en Mésopotamie avec l'intention de contraindre Darius à livrer bataille. Ayant traversé l'Euphrate sans rencontrer la moindre opposition, il fit marcher son armée vers l'est, le long des contreforts des montagnes arméniennes, avant de franchir le Tigre. Une fois le Tigre traversé, les éclaireurs macédoniens montés signalèrent qu'ils avaient aperçu des éléments de cavalerie perse à l'horizon. Ne souhaitant prendre aucun risque, Alexandre rangea son armée en ordre de bataille et, tandis que le gros de ses troupes avançait prudemment, il se mit personnellement à la tête d'un contingent de cavalerie et d'infanterie légère, attaqua les Perses, les mit en fuite et captura de nombreux prisonniers. Il apprit de ses captifs que Darius l'attendait à Gaugamèles, un petit village sis sur les rives de la Bumodus.

Greek Phalanx
Phalange grecque
CA (Copyright)

Alexandre établit son camp

Alexandre immobilisa son armée et fit édifier un campement fortifié. L'écart entre les deux armées était désormais d'environ 11 kilomètres, bien qu'aucun des deux camps n'ait été visible de l'autre, car une chaîne de collines les séparait. Laissant ses bagages, les civils et les prisonniers sous bonne garde, Alexandre quitta son campement à la tombée de la nuit, ses troupes prêtes à livrer bataille.

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Vers minuit, l'armée macédonienne franchit les collines, découvrant en contrebas les lueurs de milliers de feux de camp perses. Tandis que les hommes faisaient halte et se reposaient, Alexandre conduisit quelques-uns de ses Compagnons et de son infanterie légère en une mission de reconnaissance de la plaine. Ses généraux le pressèrent de lancer une attaque nocturne, mais Alexandre refusa - ce qui se révéla un bon choix, car les Perses s'attendaient à une manœuvre de ce genre et toute leur armée était déjà en armes, les hommes ayant déjà intégré leurs formations de combat.

Alexandre avait beaucoup appris des Perses qu'il avait capturés. La plaine sur laquelle Darius avait choisi de livrer bataille avait été soigneusement nivelée pour permettre à ses cavaliers et à ses chars de manœuvrer efficacement, et des pièges avaient été mis en place. Alexandre connaissait l'existence de ces pièges et, bien que l'on ne sache pas exactement quand, ils furent neutralisés.

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Lignes de bataille

La bataille proprement dite commença vers le milieu de la matinée. La scène à laquelle l'armée d'Alexandre se vit confrontée dut être impressionnante. La ligne perse s'étendait sur toute la plaine, débordant largement les flancs macédoniens. L'aile gauche des Perses était composé de cavalerie - Bactriens, Scythes et Arachotiens, parmi les meilleurs guerriers montés de l'Empire. Cette force était encadrée par une cavalerie plus importante et 100 chars à faux. Au centre, où Darius lui-même était posté, se trouvait une multitude de fantassins perses et les 2 000 à 10 000 mercenaires Grecs de Darius. Ces hommes étaient les meilleurs fantassins de l'armée achéménide et Darius comptait sur eux pour stopper l'avancée de la redoutable phalange macédonienne. En outre, 50 chars à faux et quinze éléphants protégeaient le centre.

L'aile droite perse était principalement composée de troupes de cavalerie - des Syriens, des Mésopotamiens et des guerriers du golfe Persique. Bien que le chiffre d'un million de fantassins et de 40 000 cavaliers (dont 200 chars à faux et 15 éléphants) soit presque certainement exagéré, l'armée d'Alexandre, avec 40 000 fantassins et 7 000 cavaliers, se trouvait néanmoins en état de nette infériorité numérique. Les estimations modernes évaluent la taille de l'armée de Darius entre 90 000 et 250 000 hommes.

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Map of the Battle of Gaugamela - Setup
Carte de la bataille de Gaugamèles - disposition des armées
US Military Academy (Public Domain)

Cependant, en dépit du nombre de leurs adversaires, les Macédoniens bénéficiaient néanmoins de certains avantages. L'infanterie, les pezhetairoi ou phalangites, combattait en formation de phalange compacte. Leur arme principale, la sarisse, était une pique pouvant atteindre douze coudées de long. Rien qu'en termes de longueur, elle conférait un énorme avantage à l'infanterie macédonienne, car elle lui permettait de commencer le massacre alors que l'ennemi en était encore à essayer d'utiliser ses propres armes. En outre, les fantassins étaient équipés d'une épée, soit le xiphos grec traditionnel, soit le kopis incurvé. Les phalangites qui combattaient dans les premiers rangs de la phalange étaient bien protégés par des cuirasses, des casques et des jambières. Tous les soldats portaient également un bouclier circulaire d'une largeur de deux pieds.

L'infanterie perse, en revanche, ne portait que peu ou pas d'armure, et la plupart des soldats portaient des boucliers d'osier qui n'offraient aucune défense contre l'impressionante puissance de pénétration des sarisses. La plupart d'entre eux étaient des conscrits n'ayant reçu qu'une instruction militaire limitée, et, bien que l'armée perse eut été infiniment nombreuse, elle manquait cruellement de cohésion et de discipline. Par ailleurs, il est fort probable qu'ils aient conservé à l'esprit le fait qu'ils affrontaient un général qui avait déja vaincu leur roi à la bataille d'Issos, et devant lequel Darius s'était enfui. Cet état de fait a dû également avoir un impact sur l'état d'esprit des hommes d'Alexandre.

LES PRINCIPAUX AVANTAGES DONT JOUISSAIENT LES PERSES ÉTAIENT LEUR CAVALERIE ET LE FAIT D'AVOIR SOIGNEUSEMENT PRÉPARÉ LE CHAMP DE BATAILLE. RÉCIPROQUEMENT, UNE PLAINE BIEN NIVELÉE OFFRAIT ÉGALEMENT DES CONDITIONS IDÉALES POUR LE DÉPLOIEMENT DE LA PHALANGE MACÉDONIENNE.

Les principaux avantages dont jouissaient les Perses étaient leur cavalerie et le fait d'avoir soigneusement préparé le champ de bataille. Réciproquement, une plaine bien nivelée offrait également des conditions idéales pour le déploiement de la phalange macédonienn: le moindre renfoncement ou obstacle pouvait compromettre la cohésion d'une phalange en marche, et une haie hérissée de piques étincelantes avait de quoi dissuader n'importe quel cheval de charger.

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Alexandre se posta sur l'aile droite de l'armée macédonienne, le gros de sa cavalerie se composant de Compagnons et de mercenaires, ainsi que d'un grand nombre de psiloi (infanterie légère). Les Compagnons portaient le xyston, une longue lance à deux têtes qui se maniait à deux mains. Ainsi, en cas de rupture de la hampe, ce qui arrivait souvent, le guerrier pouvait l'inverser et frapper avec l'autre extrémité. Les Compagnons portaient des cuirasses, des casques et maniaient le kopis (hachoir) lors des féroces mêlées des combats rapprochés.

Le centre du dispositif était occupé par l'infanterie macédonienne, dont la ligne entière était disposée en échelon, s'éloignant en diagonale vers l'aile gauche. Sur la gauche, le général Parménio commandait d'autres troupes d'infanterie ainsi que la cavalerie thessalienne (parfois considérée comme la meilleure cavalerie de l'armée d'Alexandre). C'est à lui qu'incombait la redoutable tâche de contenir l'attaque principale des Perses pendant qu'Alexandre et ses Compagnons se chargeraient de porter le coup de grâce à l'armée de Darius.

Conscient de la vulnérabilité de la phalange pendant que lui et sa cavalerie seraient engagés, Alexandre positionna une autre phalange derrière la ligne de bataille principale, composée principalement de mercenaires grecs. Cette phalange d'arrière-garde devait faire face à l'éventualité d'un encerclement, ce qui était très probable compte tenu de l'importance des effectifs de Darius.

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Premiers mouvements

Dans un premier temps, Alexandre lança sa cavalerie sur la droite. Darius ordonna aux cavaleries bactriennes et scythes composant son aile gauche, sous le commandement de son cousin Bessus (alias Bessos), de suivre le mouvement de débordement d'Alexandre. En outre, au fur et à mesure que la ligne macédonienne avançait, elle était soumise à la 'dérive de la phalange', un phénomène qui se produisait lorsque chaque homme se blottissait instinctivement derrière le bouclier de son partenaire de droite, ce qui entraînait une dérive progressive vers la droite. Conscient que la ligne macédonienne pourrait ainsi sortir du terrain préparé à l'avance, Darius ordonna à son flanc gauche d'envelopper la cavalerie mercenaire d'Alexandre.

Alexandre lança alors un assaut vigoureux sur le centre de l'aile gauche perse, qui fut contre-attaquée par des cavaliers scythes et bactriens. Bien que l'enveloppement initial ait été contré, de nouvelles réserves de cavalerie bactrienne rallièrent l'aile gauche en fuite et une bataille de cavalerie furieuse s'engagea, au cours de laquelle de nombreux soldats des deux camps perdirent la vie. La cavalerie d'Alexandre se battait contre certains des meilleurs cavaliers du monde antique - de nombreux Scythes, ou Saka, étaient particulièrement bien cuirassés à la manière des cataphractaires. Cependant, Alexandre persista dans son assaut, et l'aile gauche des Perses commença enfin à donner des signes de faiblesse.

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Map of the Battle of Gaugamela - Alexander's Attack
Carte de la bataille de Gaugamèles - l'offensive d'Alexandre
US Military Academy (Public Domain)

Constatant l'échec de sa cavalerie à contenir la manœuvre de débordement d'Alexandre, Darius engagea ses chars et ses éléphants. Ils se heurtèrent à un épais rideau d'infanterie légère macédonienne, qui s'empara des rênes des chars et tua chevaux et conducteurs. D'autres chars et éléphants parvinrent à franchir la barrière des psiloi et tentèrent d'attaquer la phalange - les phalangites ouvrirent leurs rangs, permettant aux chars de passer et d'être réduits à l'impuissances par les hypaspistes et les palefreniers à l'arrière. Les pezhetairoi frappaient également leurs boucliers avec les hampes de leurs sarrisses, provoquant un vacarme épouvantable qui paniquait les chevaux attelés aux chars. L'assaut des chars avait été repoussé, même si l'ampleur de cet échec reste sujette à discussion: Diodore de Sicile affirme qu'ils réussirent à infliger des pertes effroyables avant d'être neutralisés.

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Manœuvres de mi-bataille

Darius déploya la cavalerie perse de réserve pour contenir l'aile droite d'Alexandre, ouvrant ainsi une brèche dans son centre. Laissant derrière lui son commandant Arétas et quelques cavaliers pour faire face aux cavaliers perses qui tentaient toujours d'envelopper l'aile droite macédonienne, Alexandre fit tourner ses escadrons vers la gauche, une volte-face complète qui met en évidence le niveau de discipline et d'entraînement des Macédoniens. La manœuvre dût être rendue encore plus difficile par l'épais nuage de poussière étouffante et la confusion générale qui régnait alors sur le champ de bataille.

Formant un gigantesque coin avec lui-même et ses Compagnons à la pointe, Alexandre rejoignit les éléments d'infanterie de droite de son centre et mena une charge féroce au travers de la brèche dans les lignes perses, en direction de Darius. La phalange, les mercenaires thraces et l'infanterie légère suivirent, et l'élan de leur assaut les propulsa au plus profond des lignes perses. Darius décida de ne pas s'attarder: il s'enfuit, et les Perses qui assistèrent à sa fuite perdirent toute envie de se battre. Des milliers de fantassins perses se mirent à quitter le champ de bataille. Sur la gauche, Bessus finit par céder devant la cavalerie d'Admète.

Alexander the Great in Combat
Alexandre le Grand au combat
Warner Brothers (Copyright, fair use)

Pendant ce temps, sur l'aile gauche macédonienne, Parménion se trouvait en difficulté. Les éléments de l'aile droite de sa ligne avaient suivi Alexandre dans le centre perse, mais leurs camarades avaient été contraints de venir en aide à l'aile gauche. Cela créa une brèche dans la ligne de bataille macédonienne, et la cavalerie perse et indienne s'engouffra dans cette brèche. Certains des attaquants firent demi-tour pour attaquer l'aile gauche macédonienne par l'arrière, mais la plupart contournèrent la phalange de l'arrière et se dirigèrent vers le camp macédonien, situé à plusieurs kilomètres, ce qui se révéla avoir été une grave erreur tactique. En effet, s'ils avaient concentré leur attaque sur la gauche des Macédoniens, ils auraient tout à fait pu réussir à détruire une grande partie de l'armée d'Aexandre.

En l'occurrence, les gardes macédoniens du camp furent massacrés et les prisonniers libérés, et ces derniers se joignirent à la bataille. La phalange d'arrière-garde macédonienne se rua pour sauver le camp, un exploit impressionnant étant donné que la bataille faisait déjà rage depuis peut-être plusieurs heures et qu'ils durent courir en armure complète et en portant leurs armes.

Mazaios, le commandant de l'aile gauche perse, poussa son avantage. Il ignorait que Darius avait fui le champ de bataille et il est probable que l'aile droite perse pensait encore gagner la bataille. Parménion, pratiquement encerclé, envoya un messager à la recherche d'Alexandre pour lui demander de l'aide. Par miracle, ce messager réussit à s'acquitter de sa tâche et Alexandre abandonna sa poursuite du centre perse en déroute et revint au galop pour aider Parménion. Chemin faisant, lui et ses compagnons se heurtèrent de plein fouet à des milliers de cavaliers perses et indiens battant en retraite - dont beaucoup revenaient après avoir pillé ses bagages. Les Compagnons furent contraints de se frayer un chemin à travers eux pour atteindre l'aile gauche de l'armée macédonienne.

Avec l'arrivée d'Alexandre, Mazaios se rendit compte que l'armée perse était en déroute et commença à se retirer, poursuivi sans relâche par le cheval thessalien de Parménion. Alexandre se remit à la poursuite de Darius avec 500 cavaliers, poursuivant et massacrant les Perses en fuite jusqu'au crépuscule, avant d'arrêter ses hommes épuisés pour qu'ils puissent se reposer et abreuver leurs chevaux au bord du Lycus. À minuit, ils se dirigèrent vers Arbèles, où ils trouvèrent plus tard le char de Darius, ses armes et son trésor. Parménion occupa le camp perse, capturant leur train de chameaux et leurs éléphants (curieusement, il n'est pas fait mention du rôle des éléphants dans la bataille).

La victoire

Au total, Arrien affirme que plus de 300 000 Perses furent tués, bien davantage capturés, et que seuls 100 Macédoniens perdirent la vie. Il est presque certain que ces chiffres sont largement exagérés. Une estimation plus modeste fait état de 40 000 morts perses, et Alexandre lui-même affirma que son armée avait déploré environ 500 morts et 5 000 blessés. Les listes de victimes étant très fluctuantes, il est pratiquement impossible de déterminer combien de personnes ont perdu la vie ou un membre à Gaugamèles.

On ne sait pas si Alexandre avait délibérément l'intention de pousser Darius à retirer des hommes de son centre pour contrer le mouvement de flanc macédonien, créant ainsi une brèche fatale. En tout état de cause, ses actions le suggèrent, et Alexandre n'hésita pas à saisir l'occasion lorsqu'elle se présenta.

Bien que Darius ait conservé la vie, son autorité ne fut dès lors plus que l'ombre de ce qu'elle avait jadis été, et il fut finalement assassiné par son cousin Bessus. Après la défaite de Darius et le repos de ses troupes pendant un mois à Arbéla, Alexandre avait la voie libre pour se diriger vers le cœur de la Perse achéménide.

La bataille a été représentée dans le film Alexandre (2004), bien que la représentation de la phalange ouvrant ses rangs et créant des 'souricières' pour piéger les chars de Darius ait été conçue par le capitaine Dale Dye, formateur militaire des acteurs, et que la scène où Cleitos le Noir sauve la vie d'Alexandre ait en fait eu lieu à la bataille du Granique.

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Bibliographie

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Traducteur

Yves Palisse
Linguiste passionné d'Histoire, Yves P Palisse est un traducteur indépendant possédant des années d’expérience dans les domaines de la traduction, de l’analyse des médias et du service à la clientèle. Après avoir beaucoup voyagé dans toute l'Europe, Il a fini par poser ses bagages à londres en 1999. Il a une passion pour les sciences humaines, le droit et la justice sociale.

Citer cette ressource

Style APA

Grant. (2012, janvier 18). Bataille de Gaugamèles, 331 avant J.-C. [The Battle of Gaugamela, 331 BCE]. (Y. Palisse, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-108/bataille-de-gaugameles-331-avant-j-c/

Style Chicago

Grant. "Bataille de Gaugamèles, 331 avant J.-C.." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. modifié le janvier 18, 2012. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-108/bataille-de-gaugameles-331-avant-j-c/.

Style MLA

Grant. "Bataille de Gaugamèles, 331 avant J.-C.." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 18 janv. 2012. Web. 03 oct. 2024.

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