Histoires du Papyrus Westcar

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Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
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Disponible dans ces autres langues: anglais
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Le papyrus Westcar, daté de la deuxième période intermédiaire de l'Égypte (1782 - environ 1570 av. J.-C.), mais très probablement écrit pendant le Moyen Empire (2040-1782 av. J.-C.), contient certains des récits les plus intéressants de l'Égypte ancienne. Le papyrus tire son nom de l'homme qui en fit l'acquisition en premier, Henry Westcar, qui acheta le papyrus vers 1824. Westcar n'a jamais révélé comment il était entré en possession du rouleau ni où, et personne ne sait donc dans quel contexte il fut trouvé ni où il se trouvait à l'origine.

Le rouleau fut ensuite acheté ou acquis par l'égyptologue Karl Lepsius vers 1839, qui n'en déchiffra que certaines parties, avant d'être finalement traduit en allemand en 1890 par Adolf Erman. La traduction d'Erman est alors devenue la norme sur laquelle les chercheurs ultérieurs se sont appuyés. C'est Erman qui, le premier, a qualifié les histoires du papyrus de "contes de fées", et cette définition s'est ainsi imposée. Elle est également appropriée dans la mesure où les quatre histoires contenues dans le papyrus tournent toutes autour d'événements magiques et fantastiques.

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The Westcar Papyrus
Le papyrus Westcar
Keith Schengili-Roberts (CC BY-SA)

À l'origine, le manuscrit contenait cinq histoires, mais la première a disparu (et, selon certains spécialistes, la conclusion du papyrus aussi). On suppose que l'ouvrage aurait commencé par une sorte d'invitation de Khéops (alias Khoufou) à ses fils à raconter des histoires sur les grandes merveilles du passé, ou peut-être qu'il s'agissait d'un concours entre les fils pour raconter le meilleur type d'histoire. Il s'agit bien sûr d'une spéculation, car aucune preuve interne dans les textes ne suggère son introduction.

D'après les dernières lignes du premier récit, il s'agit d'une grande merveille survenue à l'époque du roi Djéser (vers 2670 av. J.-C.) et impliquant très probablement son architecte Imhotep (vers 2667-2600 av. J.-C.). La partie du récit qui a été conservée est un morceau de décor qui apparaît également dans les deux récits suivants, dans lesquels Khéops approuve l'histoire racontée et décrète qu'un sacrifice élaboré doit être fait en l'honneur des personnages de l'histoire.

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Le crocodile de cire

Le deuxième conte est généralement traduit par "Le prodige sous le roi Nebka". Nebka est un personnage mystérieux de l'histoire de l'Égypte ancienne qui aurait régné sous la IIIe dynastie (vers 2670-2613 av. J.-C.). Les égyptologues ne parviennent toujours pas à s'accorder sur son identité et sa période de règne. Beaucoup le considèrent comme un synonyme d'un premier roi nommé Sanakht qui aurait fondé la IIIe dynastie, mais ce point est contesté. D'autres chercheurs placent Nebka vers la fin de la IIIe dynastie, juste avant Huni, le dernier à avoir régné avant l'Ancien Empire d'Égypte.

Le papyrus de Westcar est l'un des rares documents de l'Égypte ancienne à mentionner Nebka. Son emplacement dans l'ouvrage, à la suite de Djéser, est logique s'il s'agit du souverain qui précéda Huni, mais pas s'il s'agit du fondateur de la IIIe dynastie.

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Le manuscrit comportait à l'origine cinq histoires, mais la première a disparu.

Cette histoire est racontée par Khafrê (Khéphren, le successeur de Khoufou) et est généralement traduite par "Le crocodile de cire". Nebka se rend au temple de Ptah à Memphis et s'arrête chez un prêtre et scribe nommé Ouba-iner. La femme d'Ouba-iner remarque un beau jeune homme dans l'entourage du roi et lui envoie un cadeau, auquel il répond en demandant à passer du temps avec elle dans le pavillon du domaine. L'épouse ordonne au concierge de préparer le pavillon pour eux, et ils y passent la journée à boire, à festoyer et à faire l'amour. Ensuite, le jeune homme va se baigner dans le lac voisin.

Le lendemain matin, le gardien estime qu'il est de son devoir d'informer son maître de ce qui s'est passé, et Ouba-iner demande qu'on lui apporte son coffre d'herbes magiques et de sortilèges et crée un crocodile de cire. Il dit au gardien de le jeter dans le lac derrière le jeune homme la prochaine fois qu'il s'y baignera. Plus tard dans la journée, la femme demande à nouveau au gardien de préparer le pavillon pour elle et son amant et, lorsqu'ils ont terminé, le jeune homme descend au lac pour se baigner. Le gardien laisse tomber le crocodile de cire dans l'eau et celui-ci se transforme instantanément en une créature vivante de plus de douze pieds de long qui saisit le jeune homme dans ses mâchoires et disparaît sous la surface de l'eau.

Nebka reste au domaine pendant sept jours jusqu'à ce que, au moment où il s'apprête à partir, Ouba-iner lui dise qu'il doit voir par lui-même ce qui s'est passé. Il amène le roi au lac et appelle le crocodile pour qu'il ramène le jeune homme. Le crocodile apparaît avec le jeune homme dans sa gueule et le dépose sur le rivage. Nebka est effrayé par la créature, mais Ouba-iner tend la main et la touche, et elle redevient une figure de cire. Il raconte alors à Nebka la liaison entre le jeune homme et sa femme et Nebka dit au crocodile: "Prends ce qui t'appartient". Ouba-iner touche à nouveau le crocodile, qui revient à la vie, attrape le jeune homme et saute dans l'eau. Nebka ordonne alors que la femme adultère soit brûlée sur un bûcher, puis que ses cendres soient jetées dans la rivière.

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Lorsque Khafrê termine son récit, Khoufou le déclare bon et ordonne que des sacrifices soient faits en l'honneur de Nebka et de Webaoner.

Snéfrou et le joyau vert

Baoufrê, le fils de Khéops, prend ensuite la parole pour raconter une histoire sur le roi Snéfrou (vers 2613-2589 av. J.-C.), le père de Khéops. Dans cette histoire, Snéfrou est déprimé et erre dans son palais à la recherche d'une distraction pour se détendre. Son prêtre en chef, Djaja-em-ânkh, suggère: "Que Votre Majesté se rende au lac du palais et qu'elle s'équipe d'un bateau avec toutes les beautés qui se trouvent dans la chambre de votre palais. Le cœur de Votre Majesté sera rafraîchi en les voyant ramer de haut en bas".

Snéfrou est ravi de cette suggestion et donne son ordre:

Qu'on m'apporte vingt rames d'ébène, garnies d'or, avec des crosses de bois de santal garnies d'électrum. Qu'on m'amène vingt femmes, les plus belles de forme, aux seins fermes, aux cheveux bien tressés, ne s'étant pas ouvertes pour enfanter. Qu'on m'apporte vingt filets, et que ces filets soient donnés à ces femmes lorsqu'elles auront ôté leurs vêtements.

Lorsque tout cela est fait, Snéfrou sort sur le lac avec les femmes et "le cœur de Sa Majesté se réjouissait de les voir ramer" jusqu'à ce que l'une d'entre elles ne perde un bijou en forme de poisson dans ses cheveux et ne s'arrête de ramer. Les autres femmes s'arrêtent également et Snéfrou demande ce qui se passe. La femme lui raconte qu'elle vient de perdre son bijou et il lui répond que ce n'est pas grave, qu'il lui en donnera un autre. La femme répond: "Je préfère ce qui est à moi à tout autre". Le roi convoque alors Djaja-em-ânkh, qui se trouve sur le bateau, et lui expose le problème.

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Djaja-em-ânkh récite alors une formule magique et sépare l'eau, plaçant "un côté de l'eau du lac sur l'autre" et récupère le bijou. Tout comme Moïse le fera plus tard avec la mer Rouge dans le célèbre récit de l'Exode, une fois le bijou rendu à la femme, Djaja-em-ânkh permet aux eaux de se remettre en place. Satisfait, Snéfrou récompense le prêtre et continue à profiter de sa journée sur le lac. Lorsque l'histoire se termine, Khoufou ordonne à nouveau que des sacrifices soient faits à Snéfrou et à Djaja-em-ânkh.

Khoufou et le magicien

Le prince Hordjédef se lève alors et dit à Khoufou: "Vous avez entendu des exemples de l'habileté de ceux qui sont morts, mais là, on ne peut pas distinguer le vrai du faux. Mais il y a auprès de Votre Majesté, en votre temps, quelqu'un qui ne vous est pas connu." Il parle ensuite à son père d'un magicien nommé Djedi qui a plus de 100 ans, mange 500 pains, une épaule de viande, boit 100 cruches de bière et sait rattacher une tête qui a été coupée d'un corps et faire revivre la personne, ainsi qu'accomplir d'autres miracles et merveilles. Hordjédef affirme également que Djedi connaît le nombre de sanctuaires de l'enceinte de Thot, ce que Khoufou souhaitait découvrir. Khoufou est intrigué et envoie Hordjédef chercher cet homme.

Hordjédef trouve Djedi et lui demande de l'accompagner au palais. L'histoire décrit le voyage avec la famille de Djedi et sa demande d'un bateau pour ses livres, et ils arrivent finalement au palais. Khoufou est impatient de voir l'exploit consistant à rattacher une tête qui a été coupée et fait amener un prisonnier, mais Djedi dit qu'il ne peut pas faire cela sur un être humain parce que c'est contraire à la volonté des dieux. Une oie est apportée à la place et sa tête est coupée. Le corps est placé d'un côté de la salle et la tête de l'autre et les deux se rapprochent, le corps de l'oie se dandinant sans tête et la tête caquetant jusqu'à ce qu'ils ne se rejoignent et que l'oie soit à nouveau entière. On procède ensuite de la même manière avec un oiseau aquatique et un bœuf.

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Pharaoh Khufu
Pharaon Khoufou (Khéops)
Osama Shukir Muhammed Amin (Copyright)

Khoufou, satisfait, raconte qu'il a entendu dire que Djedi connaissait le nombre de sanctuaires dans l'enceinte de Thot, mais Djedi prétend que ce n'est pas le cas, qu'il sait seulement où ils sont rangés. Lorsque Khoufou lui demande de les apporter, il répond qu'il ne peut le faire car il est écrit que seul le fils aîné de Reddjédet pourra les apporter. Lorsque Khoufou demande qui est Reddjédet, on lui répond qu'elle donnera naissance à trois fils qui occuperont de hautes fonctions dans le pays et remplaceront la lignée de Khoufou. Khoufou est contrarié d'apprendre que ses propres fils n'hériteront pas du trône, mais on lui assure qu'ils régneront et que ce n'est qu'après l'un de ses fils (Khafrê), puis son fils Menkaourê, que le fils de Reddjédet montera sur le trône.

Contrairement aux récits précédents, celui-ci ne se termine pas par un épisode où le roi ordonne des sacrifices, mais par l'attribution à Djedi d'une allocation et d'un logement chez Hordjédef. Cette histoire prépare le lecteur au dernier des cinq contes dans lesquels naîtront les fils de Reddjédet.

Khoufou et le magicien est souvent cité par des spécialistes (tels que Barbara Watterson) comme décrivant le roi comme insensible et sans cœur. On a également prétendu que le papyrus de Westcar avait pu influencer l'opinion ultérieure (célèbrement exprimée par Hérodote) selon laquelle Khoufou était un monarque cruel et méprisé par le peuple. Rien dans le texte n'indique une telle conclusion. Khoufou demande que le prisonnier soit amené parce qu'il s'attend à ce que Djedi soit capable de rattacher la tête coupée et, même s'il échouait, l'homme serait exécuté de toute façon. La raison pour laquelle certains chercheurs ont conclu que l'histoire présentait Khoufou sous un mauvais jour n'est pas claire, car l'épisode du prisonnier est la raison la plus souvent citée.

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La naissance des rois

Le dernier récit n'a pas de narrateur et est raconté à la troisième personne. Il raconte la naissance magique des trois premiers rois de la Ve dynastie: Ouseref, Sahourê et Kékou. Reddjédet, épouse d'un prêtre de , a un accouchement difficile et le dieu Rê, l'apprenant, envoie Isis, Nephtys, Meskhenet, Héket et Khnoum pour l'aider. Ces divinités se transforment en danseuses et en musiciens et se rendent à la maison où elles trouvent le mari de Reddjédet bouleversé par l'état de sa femme. Elles lui demandent si elles peuvent l'aider, puisqu'elles connaissent l'accouchement, et il leur dit de faire ce qu'elles devaient faire.

L'histoire détaille ensuite les naissances des trois rois et est censée dépeindre l'accouchement réel dans l'Égypte ancienne et le rôle des sages-femmes: "Elles entrèrent en présence de Reddjédet. Elles s'enfermèrent alors dans la pièce avec elle. Isis se plaça devant elle, Nephthys derrière elle, et Héket hâta l'accouchement". Isis parle à l'enfant, il voit le jourt, est lavé, le cordon ombilical est coupé, puis il est placé sur un coussin. Les naissances des deux garçons suivants sont décrites de la même manière, sauf qu'à chaque fois, Isis leur donne leur nom avec un sort légèrement différent.

Lorsque les enfants sont tous nés sains et saufs, les déesses sortent de la pièce, le mari les remercie et leur offre un sac de grains pour la fabrication de la bière. Les divinités s'en vont quand Isis dit soudain aux autres: "Qu'est-ce que c'est que ce départ sans avoir fait un prodige pour ces enfants?" et eIles confectionnent trois couronnes royales et les mettent dans le sac de grains. Elles provoquent alors une énorme tempête, et retournent à la maison et demandent si elles peuvent y laisser le grain pour qu'il ne soit pas mouillé. Elles ajoutent qu'elles le récupéreront sur le chemin du retour, et le sac est placé dans une pièce fermée à clé.

Egyptian Woman Giving Birth
Femme égyptienne en train d'accoucher
Rémih (CC BY-SA)

Reddjédet se remet de son accouchement au bout de 14 jours et appelle sa servante pour qu'elle s'assure que la maison a bien été purifiée est que tout est prêt pour un festin. La servante répond que tout est prêt, sauf la bière, car il n'y a pas de céréales dans la maison, à l'exception de ce que le mari avait donné aux musiciens et aux danseuses qui avaient participé à l'accouchement. Reddjédet lui dit de l'utiliser et que son mari remplacera le sac avant le retour des filles.

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Mais lorsque la servante entre dans la pièce, elle entend de la musique et des bruits de danse et de fête venant de nulle part et court le dire à Reddjédet. Lorsque la maîtresse de maison se rend dans la chambre, elle découvre que les bruits proviennent du sac de grain et qu'il contient trois couronnes royales pour ses fils. Elle est ravie de leur bonne fortune et le dit à son mari, mais ils enferment le sac dans un coffre et le scellent dans une pièce de peur que Khoufou n'apprenne l'existence des futurs rois et ne soit pas content.

Quelques jours plus tard, Reddjédet se dispute avec sa servante et la bat. La jeune fille est bouleversée et sort de la maison en courant après avoir crié qu'elle ira voir le roi et lui dira ce que contient le coffre et ce qu'il signifie. Elle est en route lorsqu'elle croise son frère, un autre serviteur de la maison, qui bat le lin. Lorsqu'il lui demande où elle va dans un tel état, elle lui raconte toute l'histoire. Le frère est scandalisé qu'elle traite ainsi sa maîtresse, trahissant sa confiance, et la bat avec un fouet de lin. La jeune fille court à la rivière pour boire de l'eau, mais elle est saisie par un crocodile et dévorée.

Le frère va annoncer la nouvelle à Reddjédet et la trouve assise, triste. Lorsqu'il lui demande ce qui ne va pas, elle lui raconte qu'elle s'est disputée avec sa sœur, qui est partie la dénoncer au roi. Le frère lui assure que tout ira bien car sa sœur a été enlevée par un crocodile, et c'est à ce moment-là que l'histoire se termine.

À l'origine, on pensait que le manuscrit s'était interrompu après cette scène, car le rouleau est divisé en sections et, de même que le début est manquant, on pensait que la conclusion l'était aussi. Cependant, selon un certain nombre de spécialistes (dont Lichtheim, Verner et Lepper), le manuscrit est complet, à l'exception de la perte évidente de la première histoire. Le manuscrit se termine en laissant au lecteur la certitude que le secret des trois garçons qui deviendront les souverains de l'Égypte, mettant fin à la lignée de Khoufou, restera en sécurité auprès de leur mère et que la 5e dynastie perpétuera la gloire de l'Égypte.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Joshua J. Mark est cofondateur et Directeur de Contenu de la World History Encyclopedia. Il était auparavant professeur au Marist College (NY) où il a enseigné l'histoire, la philosophie, la littérature et l'écriture. Il a beaucoup voyagé et a vécu en Grèce et en Allemagne.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2017, avril 13). Histoires du Papyrus Westcar [Stories from the Westcar Papyrus]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1039/histoires-du-papyrus-westcar/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Histoires du Papyrus Westcar." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le avril 13, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1039/histoires-du-papyrus-westcar/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Histoires du Papyrus Westcar." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 13 avril 2017, https://www.worldhistory.org/article/1039/stories-from-the-westcar-papyrus/. Web. 30 juil. 2025.

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