Urdubegis

Définition

Khadija Tauseef
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 19 février 2024
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Disponible dans ces autres langues: anglais
Ladies on a Terrace (by Brooklyn Museum, Public Domain)
Dames sur une terrasse
Brooklyn Museum (Public Domain)

Les urdubegis étaient un groupe de femmes guerrières de l'Empire moghol qui protégeaient le zenana, le harem de l'empereur. Bien que les origines des gardes du corps féminins remontent au début des civilisations indiennes, les urdubegis étaient une création moghole. Le seul membre des urdubegis dont on connaisse le nom est Bibi Fatima qui servit à la cour de Humâyûn et d'Akbar.

Origines

À partir de la cour de Chandragupta Maurya, deux textes importants mentionnent la nécessité de disposer de gardes du corps féminins. Le premier texte est celui de Megasthène, un ambassadeur grec à la cour de Chandragupta Maurya (r. d'environ 321 à c. 297 av. J.-C.). Il rapporte la présence de femmes qui protégeaient le roi mauryen, notamment lors de ses parties de chasse. Des chasseuses accompagnaient le roi, montées sur des chars, des chevaux et des éléphants équipés d'armes. Bien que la présence de gardes masculins aux côtés du roi pour le protéger ait été très courante dans le monde occidental, la présence de leurs homologues féminines surprit quelque peu Mégasthène.

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Le deuxième texte est l'Arthashastra, écrit par Kautilya (vers 350-275 av. J.-C.), le conseiller de Chandragupta Maurya. Il a écrit sur la nécessité d'avoir des femmes gardes en raison du nombre de meurtres des rois précédents. Kautilya décrit les dangers du harem:

Lorsqu'il se trouve à l'intérieur du harem, le roi ne doit voir la reine que si sa pureté personnelle est garantie par une vieille servante. Il ne doit toucher aucune femme (à moins d'être informé de sa pureté personnelle); en effet, caché dans la chambre de la reine, son propre frère a tué Bhadrasena; caché sous le lit de sa mère, le fils a assassiné le roi Karusa; mélangé du riz avec du poison, comme s'il s'agissait de miel, sa propre reine a empoisonné Kasiraja; avec un bracelet de cheville peint avec du poison, sa propre reine tua Vairantya; avec une pierre précieuse de sa zone recouverte de poison, sa propre reine tua Souvira; avec un miroir peint avec du poison, sa propre reine tua Jalutha; et avec une arme cachée sous sa touffe de cheveux, sa propre reine tua Viduratha. (1.20, éd. Kangle)

Entre 340 et 293 avant notre ère, un autre groupe de femmes guerrières fut formé sous la direction de Kautilya. Connues sous le nom de Visha Kanya (filles du poison), ces femmes étaient entraînées dès l'enfance en recevant de petites doses de poison, ce qui leur permettait d'acquérir progressivement une tolérance. Ainsi, ces assassins attiraient leur proie en usant de leur beauté et de leur charme, puis administraient le baiser de la mort à l'ennemi du roi. Selon un texte arabe du IXe siècle, le Secreta Secretorum, Aristote (384-322 av. J.-C.) aurait averti son élève Alexandre le Grand (r. de 336 à 323 av. J.-C.) des dangers de ces "vierges venimeuses" avant que le jeune général ne parte pour sa campagne indienne. Selon une autre légende, la mort d'Alexandre le Grand serait due à une étreinte avec une Visha Kanya, qui lui aurait été offerte comme trophée par le roi Poros après sa défaite.

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Les femmes gardes du corps ne protégeaient pas seulement le roi, mais ajoutaient également à sa stature dans une démonstration théâtrale de la puissance divine.

Les Visha Kanya étaient indiennes, mais d'autres gardes du corps féminins auraient pu être amenées d'Asie centrale, où les Grecs anciens croyaient que se trouvaient les Amazones et d'autres femmes guerrières. Malheureusement, de nombreuses sources restent muettes sur l'origine sociale de ces femmes armées. Dans l'Inde ancienne, la suite de femmes d'un roi témoignait de son pouvoir, de sa richesse et de son statut. Les femmes gardes du corps semblaient donc avoir une double fonction: non seulement elles protégeaient le roi, mais elles renforçaient également sa stature, dans une démonstration théâtrale du pouvoir divin. Bien que ces guerrières aient existé, elles n'avaient pas de titre spécifique par lequel elles étaient connues, jusqu'à l'ère moghole.

Les Moghols et le harem

En juin 1492, Babur, à l'âge de 12 ans, hérita de la province de Ferghana (une petite province fertile située dans les environs de l'actuel Ouzbékistan). Malheureusement, en raison des troubles politiques, il perdit son trône et se rendit à Kaboul, où il établit sa forteresse. En 1505, il se rendit pour la première fois en Inde, ce qui donnerait lieu à plusieurs autres expéditions. Le harem de Babur était un harem nomade qui voyageait avec lui au cours de ses exploits. S'inspirant peut-être des femmes gardes du corps des rois indiens précédents, il créa les urdubegis, un groupe spécial de femmes qui ne portaient pas le parda (c'est-à-dire le voile), ce qui leur permettait de se déplacer facilement.

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Babur, Mughal Emperor
Babur, empereur moghol
Unknown Artist (Public Domain)

Ce n'est que sous Akbar (r. de 1556 à 1605) que le harem et les règles qui le régiraient jusqu'à la fin de la dynastie moghole furent véritablement établis. Le livre Magnificent Mughals (p. 37-38) décrit la disposition du zenana:

La vie dans le zenana était aussi diversifiée, complexe et multicouche que celle d'une petite ville. En règle générale, plusieurs milliers de femmes étaient logées dans les différents mahals moghols, parmi lesquelles des mères, des grands-mères, des épouses, des sœurs, des filles, des tantes et d'autres membres de la famille. En outre, le nombre de "femmes de service" était très élevé et comprenait les concubines, les servantes, les esclaves, les femmes gardes, les espionnes, les amuseuses, les devins et divers visiteurs séjournant pour des durées indéterminées. D'après la plupart des témoignages, la vie dans les appartements des femmes était physiquement sûre, financièrement sécurisée, politiquement relativement stable et remplie de luxe matériel, de divertissements quotidiens et saisonniers, ainsi que des hauts et des bas d'une compagnie féminine constante à très grande échelle. (37-38)

Si le concept de zenana moghol est loin des jardins d'agrément qui viennent à l'esprit, l'accès au harem était effectivement restreint. De nombreuses femmes résidant dans le zenana pratiquaient le parda. Gull-i-Hina décrit dans son article comment les femmes mogholes devaient se comporter:

La vie publique des femmes de la noblesse était régie par les lois de la réclusion. Le pratique du parda, ou séquestration des femmes derrière un voile ou un mur, était déjà connue dans l'Inde ancienne et médiévale et avait été utilisée tout au long de l'histoire par de nombreuses classes supérieures. À l'époque des Moghols, la réclusion était un mode de vie accepté par les familles aristocratiques. (464)

En raison de l'augmentation du nombre d'habitants, il fallait des personnes pour aider à maintenir le bon fonctionnement du zenana. Outre les eunuques, il y avait des femmes fonctionnaires (qui étaient mariées et résidaient souvent dans leurs propres maisons loin du harem impérial) comme les angas (mères nourricières), les daroghas (matrones), les mahaldars (surintendants), et les urdubegis (femmes gardes armés).

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Mughal Princess Reclining on a Terrace with Attendants
Princesse moghole allongée sur une terrasse avec des domestiques
The Cleveland Museum of Art (Public Domain)

Les urdubegis étaient des guerrières entraînées et appartenaient souvent à des tribus qui ne pratiquaient pas le parda, ce qui leur permettait d'être visibles pour les hommes en certaines occasions. Elles étaient formées à l'utilisation de toutes les armes, comme les arcs et les flèches, les lances, les poignards courts et les épées.

Une autre mention des urdubegis se trouve dans les Voyages de François Bernier, diplomate français placé à la cour moghole. Dans ses écrits, il fait référence à Shah Jahan (r. de 1628 à 1658) en tant que Chah-Jehan et à la princesse Jahanara comme Begum-Saheb. Dans son carnet de voyage, il mentionne la guerre de succession au cours de laquelle le roi Shah Jahan envoya une invitation à son fils, Aurangzeb, pour qu'il vienne au palais:

Le prince prudent se méfiait également de Chah-Jehan, car il savait que la Bégum-Saheb ne le quittait ni nuit ni jour, qu'elle avait dicté le message et qu'il y avait dans la forteresse plusieurs femmes tartares grandes et robustes, comme celles qui sont employées dans le sérail, dans le but de lui tomber dessus les armes à la main, dès qu'il entrerait dans la forteresse. (61)

Les sources montrent clairement que les princes craignaient les urdubegis; leur loyauté envers le roi faisait d'eux une force féroce avec laquelle il fallait compter. C'est pourquoi Aurangzeb ne se promenait pas imprudemment à la cour, car il savait que s'il tombait entre les mains des urdubegis, il pourrait ne pas en sortir vivant.

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Bibi Fatima

Bibi Fatima était la principale femme armée sous les règnes d'Humayun et d'Akbar.

Si les empereurs moghols ont laissé de nombreux documents sur leur vie, il est rarement fait mention des urdubegis qui protégeaient les rois et leur harem. Le seul nom qui apparaît dans les archives est celui de Bibi Fatima, qui était la principale femme armée sous les règnes de Humâyûn (r. de 1530 à 1540 et de 1555 à 1556) et d'Akbar. Son service sous le règne de l'empereur Humâyûn est consigné dans le Humayun-Nama, rédigé par sa demi-sœur Gulbadan Begum. Le rôle principal des urdubegis était peut-être d'assurer la sécurité, mais plusieurs mentions dans le Humayun-Nama montrent que d'autres tâches auraient pu leur être confiées. Lorsque Humâyûn voulut envoyer des émissaires à Haram pour demander en mariage l'une de ses filles, les deux membres choisis pour cette tâche furent Khwaja Jalal-ud-din Mahmūd et Bibi Fatima.

En 1546, lorsque Humâyûn tomba malade, il n'y avait que quelques personnes de confiance autour de lui pour s'occuper du jeune prince. Comme l'écrit la princesse Gulbadan: "On dit qu'il est resté insensible pendant quatre jours. Il fut soigné par Māh-chūchak et Bibi Fatima, une femme armée (ordū-begi) du haram (180)" Un autre aspect de la vie de Bibi Fatima mentionné dans le livre est le nom de sa fille, Zuhra. Ses années de service furent récompensées en assurant à sa fille un bon mariage; il fut proposé qu'elle épouse le frère de Hamida, la femme de Humâyûn. Sous le règne du fils de Humâyûn, l'empereur Akbar, Bibi Fatima est à nouveau mentionnée, mais cette fois pour une raison beaucoup plus triste:

En 1564, Bibi Fatima se plaignit à Akbar que Khwaja Mu'azzam avait menacé de tuer sa femme Zuhra, qui était sa fille. L'empereur envoya donc un message au Khwaja pour lui dire qu'il venait chez lui et suivit le message de près. Alors qu'il entrait, le Khwaja poignarda Zuhra et lança ensuite son couteau, comme un défi, parmi les fidèles. (65-66)

Malgré cet incident, on peut supposer que Bibi Fatima continua à servir sous Akbar, car il n'y a aucune mention de son départ.

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The Court of Akbar
La Cour d'Akbar
Unknown artist (Public Domain)

Les textes des biographies mogholes mentionnent généralement les urdubegis, mais le seul membre des urdubegis connu par son nom est révélé dans le Humayun-Nama, un livre écrit par une femme. Peut-être Gulbadan Begum pensait-elle que les contributions de Bibi Fatima méritaient d'être mentionnées et qu'elles méritaient d'être reconnues par les générations futures.

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Questions & Réponses

Qui étaient les urdubegis ?

Les urdubegis étaient des femmes guerrières de l'Empire moghol, responsables de la sécurité des zenana.

Y a-t-il eu des urdubegis célèbres ?

Le seul membre des urdubegis connu par son nom est Bibi Fatima qui servit sous les règnes de Humâyûn et d'Akbar.

Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Khadija Tauseef
History is my passion and chosen career, I wish to learn as much as I can and share the knowledge for future generations. It is a story of the past that I would love to unravel.

Citer cette ressource

Style APA

Tauseef, K. (2024, février 19). Urdubegis [Urdubegis]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-22610/urdubegis/

Style Chicago

Tauseef, Khadija. "Urdubegis." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le février 19, 2024. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-22610/urdubegis/.

Style MLA

Tauseef, Khadija. "Urdubegis." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 19 févr. 2024. Web. 04 mai 2024.

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