Guerre Anglo-Nepalaise

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 05 décembre 2022
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Disponible dans ces autres langues: anglais
Gurkha Soldiers, 1815 (by Unknown Artist, Public Domain)
Soldats Gurkhas, 1815
Unknown Artist (Public Domain)

La guerre anglo-népalaise (ou guerre des Gurkhas, 1814-16) vit la Compagnie britannique des Indes orientales (East India Company ou EIC) perdre plusieurs batailles contre les Gurkhas népalais avant de remporter la victoire au terme d'une campagne âprement disputée qui, pour la première fois, étendit le contrôle de l'EIC au-delà des frontières de l'Inde. Impressionnés par les capacités de combat des Gurkhas, les Britanniques les ont enrôlés dans leurs armées depuis lors.

Expansion de la Compagnie des Indes orientales

La Compagnie britannique des Indes orientales avait été fondée en 1600 et, au milieu du 18e siècle, elle tirait profit de son monopole commercial en Inde pour enrichir considérablement ses actionnaires. La Compagnie était en fait le bras colonial du gouvernement britannique en Inde, mais elle protégeait ses intérêts en utilisant sa propre armée privée et en engageant des troupes de l'armée régulière britannique. Dans les années 1750, la Compagnie souhaitait étendre son réseau commercial et commencer à exercer un contrôle territorial plus actif dans le sous-continent.

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Robert Clive (1725-1774) remporta une célèbre victoire pour l'EIC contre le souverain du Bengale, le Nawab Siradj al-Dawla (né en 1733), lors de la bataille de Plassey en juin 1757. Le Nawab fut remplacé par un souverain fantoche, l'immense trésor de l'État confisqué et l'exploitation systématique des ressources et de la population du Bengale commença. L'EIC remporta une autre victoire importante en octobre 1764, lors de la bataille de Buxar contre l'empereur moghol Shah Alam II (r. de 1760 à 1806). L'empereur accorda ensuite à l'EIC le droit de percevoir les revenus fonciers (dewani) au Bengale, au Bihar et en Orissa. Il s'agissait d'un développement majeur qui garantissait que la Compagnie disposait désormais de vastes ressources pour développer et protéger ses commerçants, ses bases, ses armées et ses navires.

Les possessions népalaises et britanniques partageaient une frontière d'environ 1125 km de long.

L'EIC poursuivit son expansion par la diplomatie et les conquêtes militaires. Des victoires furent remportées contre le royaume méridional de Mysore au cours des trois guerres anglo-mysore (1767-1799). Les trois guerres Anglo-Marathes (1775-1819) contre la confédération Marathe des princes hindous du centre et du nord de l'Inde se mêlèrent à ces conflits. Une fois de plus, l'EIC sortit gagnante. La Compagnie avait étendu son contrôle sur le sous-continent non seulement par des possessions territoriales directes, mais aussi par une politique d'alliances subsidiaires, en vertu de laquelle les dirigeants des États princiers indiens étaient tenus d'avoir un résident de l'EIC à leur cour, d'accueillir et de payer une garnison de l'EIC, et de céder la direction de la politique étrangère aux Britanniques. Une grande partie de l'Inde étant désormais à sa portée, la Compagnie des Indes orientales toujours plus cupide et son nouveau gouverneur général, le marquis de Hastings (en poste de 1813 à 1823), commencèrent à se tourner vers le Grand Nord pour y trouver de nouvelles opportunités de profit. Par conséquent, la prochaine cible de l'EIC fut le Népal, et elle déclara la guerre au royaume en avril 1814.

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Marquess of Hastings
Marquis d'Hastings
Martin Archer Shee (CC BY-NC-SA)

Victoires des Gurkhas

Le royaume himalayen du Népal, avec sa capitale à Katmandou et ses féroces combattants, les Gurkhas (alias Gorkhas), était depuis longtemps en conflit avec ses voisins. Le Nawab du Bengale avait tenté de limiter l'expansion des Gurkhas en 1762 mais avait été sèchement battu à la bataille de Makwanpur. Les Gurkhas achevèrent ensuite leur domination de la vallée du Népal et, en 1768, Katmandou régnait sur divers chefs de collines soumis dans la région.

Les Népalais étaient particulièrement désireux de s'étendre à la région frontalière du sud, qui était alors contrôlée par l'État d'Awadh (alias Provinces unies d'Agra et d'Oudh), un protectorat de l'EIC depuis qu'il avait signé un traité d'alliance subsidiaire en 1801. Les Népalais et les Britanniques partageaient donc une frontière d'environ 1 125 km de long. Au XIXe siècle, les raids des Gurkhas sur le territoire de leur voisin du sud étaient incessants. Une petite force de l'EIC envoyée pour mieux garnir la région fut anéantie en avril 1814. Le gouverneur général Hastings était convaincu que seule une action militaire de grande envergure permettrait de régler la question, et il nota: "Se faire déjouer par les Gurkhas, ou faire un compromis déshonorant avec eux, aurait conduit à un malheur incalculable" (James, 65). Ce n'est pas la première fois que les Britanniques s'étaient convaincus qu'une pacification coloniale d'une région ne pouvait, à terme, que lui apporter une plus grande prospérité. En conséquence, Hastings envoya quatre armées distinctes au Népal, mais trois de ces colonnes furent vaincues à plusieurs reprises au cours d'affrontements acharnés.

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Gurkha Kukri
Khukuri gurkha
Mieciu K2 (CC BY-SA)

L'armée Gurkha, dont le commandant en chef était Amar Singh Thapa (1751-1816), ne comptait qu'entre cinq et huit mille hommes pendant la guerre, mais, fait crucial, elle combattait sur un territoire familier. Une perte notable de l'EIC eut lieu à la bataille de Jitgurh (alias Jit Gadhi), où l'armée de l'EIC était dirigée par le général Wood. Le commandant des Gurkhas victorieux était Ujir Singh Thapa (1852-1881). Une perte notable au début de la guerre fut le major général Gillespie qui avait commandé une autre force de l'EIC qui n'avait pas réussi à prendre le fort de Jaitak près de Dehra en octobre-novembre 1814. Le terrain rendait difficile le transport de l'artillerie et le soutien logistique général dont les armées de l'EIC présentes avaient besoin. Un siège, par exemple, dut être abandonné simplement par manque de munitions pour les canons. Les forts dans lesquels les Gurkhas se repliaient étaient également très difficiles à attaquer, car beaucoup étaient perchés au sommet de collines, ce qui rendait les assauts de l'artillerie et de l'infanterie difficiles.

En 1815, Hastings fut obligé d'envoyer des armées plus grandes et mieux dirigées à la frontière pour une nouvelle série de combats.

Les Gurkhas étaient avant tout des hommes durs au combat. Leur arme la plus célèbre était le khukuri, couteau dont la longue lame incurvée ressemblait à une machette et qui était utilisé comme une arme tranchante, un outil pour se frayer un chemin dans la forêt et un moyen de mutiler les ennemis morts, ce pour quoi les Gurkhas sont devenus tristement célèbres. Les Népalais étaient également armés de fusils à mèche. Les tactiques des Gurkhas impliquaient une guérilla qui exploitait au mieux le terrain difficile et accidenté des montagnes et des forêts. Ils évitaient les batailles ouvertes ou les grandes opérations offensives, ce qui signifiait que l'EIC pouvait rarement utiliser sa cavalerie. La combinaison incommode de canons et de forts au sommet de collines est, de manière significative, illustrée par la médaille que l'EIC délivra aux participants de la guerre anglo-népalaise. Les Gurkhas avaient également l'avantage de pouvoir chercher et pêcher leur nourriture, et ils pouvaient facilement retourner dans leurs villages de montagne entre les affrontements, alors que la logistique britannique était mise à rude épreuve si loin de leurs bases au Bengale. Les Britanniques étaient en outre gênés par les Gurkhas qui empoisonnaient certaines sources d'eau, une tactique remarquée lorsque plusieurs éléphants et chevaux utilisés par l'EIC comme moyen de transport moururent inopinément. En fin de compte, Hastings fut obligé d'envoyer des armées plus importantes et mieux dirigées à la frontière lors d'une nouvelle série de combats en 1815.

Anglo-Nepalese War Medal
Médaille de guerre anglo-népalaise
Unknown Artist (Public Domain)

Ochterlony et la victoire

Le commandant de l'EIC qui réussit le mieux au Népal fut Sir David Ochterlony (1758-1825), connu pour sa planification méticuleuse et son approche conservatrice de la guerre. Il avait tiré les leçons des erreurs que lui et ses collègues commandants avaient commises au début de la guerre et commença à inverser la tendance des pertes de l'EIC. Ochterlony assiégea le principal fort Gurkha de Malaon et captura Kumaun (Kumaon) en mai 1815.

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L'EIC tenta de négocier un accord de paix, mais les Népalais n'étaient pas prêts à céder des territoires ni leur indépendance et décidèrent donc de poursuivre le combat. L'accalmie provisoire des hostilités permit aux Népalais de fortifier lourdement les trois cols menant à la vallée du Népal. L'EIC, et ce n'était pas la première fois dans ses guerres, utilisa des subterfuges pour prendre le dessus sur l'ennemi. Employant des contrebandiers locaux comme guides, une armée de l'EIC de 15 000 hommes, la plus importante jamais employée dans le conflit, se fraya un chemin à travers les collines, contournant les cols habituellement fortifiés.

Le 28 février 1816, lors de la bataille de Makwanpur, Ochterlony orchestra la victoire la plus décisive de l'EIC au Népal. D'autres batailles et sièges suivirent, Ochterlony prenant le temps de construire des routes afin de placer ses canons lourds dans de meilleures positions pour faire sauter les forts Gurkhas. Les Gurkhas représentaient une menace constante pour les lignes d'approvisionnement de l'EIC, mais leur stratégie globale, qui privilégiait les actions défensives aux actions offensives, signifiait que l'ennemi prenait l'initiative. Finalement, Katmandou étant directement menacée par Ochterlony et confrontée à la campagne incessante de l'EIC, dont les ressources bien supérieures lui permettaient de combler continuellement ses pertes en matériel et en hommes, les Népalais décidèrent de demander la paix.

British Conquest in India c. 1857
Conquête britannique en Inde vers 1857
Simeon Netchev (CC BY-NC-SA)

Suites de la guerre

Aux termes du traité de Sugauli de 1816, les dirigeants népalais furent obligés d'avoir un résident britannique permanent à leur cour, de se retirer du Sikkim et de céder une grande partie de leur territoire à l'EIC, y compris les royaumes de Kumaun et Garhwal. En fait, le Népal devint un protectorat britannique, mais au moins, contrairement à de nombreux États princiers indiens, il ne fut pas obligé de verser une subvention annuelle à l'EIC. Contrairement à d'innombrables autres traités de ce type, celui-ci dura, et il n'y eut aucune d'autre hostilité entre le Népal et l'EIC.

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Après la guerre du Népal, l'EIC se déplaça ensuite vers le nord-est pour combattre les trois guerres anglo-birmanes (1824-85) et vers le nord-ouest et les deux guerres anglo-sikhs (1845-49). Les Gurkhas, quant à eux, devinrent de précieux alliés de la Compagnie des Indes orientales, avec, par exemple, des bataillons de Gurkhas participant aux guerres sikhes et jouant un rôle important dans la répression par la Compagnie de la révolte des Cipayes en 1857-58. L'historien militaire R. Beaumont affirme que les Gurkhas devinrent "les mercenaires les plus célèbres d'Asie" (29). En 1914, un sixième de l'armée indienne était composé de Gurkhas. Le prestige et la réputation de loyauté des Gurkhas étaient tels qu'ils furent les premiers soldats non britanniques à avoir l'honneur de garder le palais de Buckingham, la résidence londonienne de la famille royale britannique. Les Gurkhas servent encore aujourd'hui dans les armées népalaise, britannique, indienne et malaise.

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Questions & Réponses

Qui remporta la guerre anglo-népalaise ?

La Compagnie britannique des Indes orientales remporta la guerre anglo-népalaise et le Népal devint un protectorat britannique.

Quelle était la principale raison de la guerre anglo-népalaise ?

La principale raison de la guerre anglo-népalaise était les raids répétés des Gurkhas contre leur voisin du sud, l'Awadh, qui était un protectorat de la Compagnie britannique des Indes orientales.

Quelles furent les conséquences de la guerre anglo-népalaise ?

Les conséquences de la guerre anglo-népalaise sont que le Népal devint un protectorat britannique et que la Compagnie britannique des Indes orientales sécurisa sa frontière nord. Les soldats Gurkha furent ensuite recrutés dans l'armée britannique en Inde.

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2022, décembre 05). Guerre Anglo-Nepalaise [Anglo-Nepalese War]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-21334/guerre-anglo-nepalaise/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Guerre Anglo-Nepalaise." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le décembre 05, 2022. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-21334/guerre-anglo-nepalaise/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Guerre Anglo-Nepalaise." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 05 déc. 2022. Web. 24 avril 2024.

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