Maglocunus

Définition

Guy Jackson
par , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié sur 21 septembre 2022
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Disponible dans d'autres langues: Anglais
Maelgwn Gwynedd (by National Library of Wales, Public Domain)
Maelgwn Gwynedd alias Maglocunus
National Library of Wales (Public Domain)

Maglocunus, connu sous le nom de Maelgwn Gwynedd en gallois ou encore roi Malgo ou Malcune (mort vers 547), était un monarque du VIe siècle basé à Gwynedd, dans le nord-ouest du pays de Galles. Le nom de Maglocunus signifie "chien princier" et il étendit son influence pour devenir l'un des principaux souverains de Grande-Bretagne au VIe siècle.

Fait inhabituel pour un roi britannique du haut Moyen Âge, nous disposons d'un récit contemporain de son règne, sous la forme du De Excidio Britanniae (Sur la ruine de la Grande-Bretagne) de Gildas le Sage. Gildas (c. 500-570) le présente comme un souverain violent et tyrannique; les auteurs ultérieurs, cependant, le dépeignent généralement sous un jour plus neutre ou positif. Maglocunus est la version de son nom donnée par Gildas, et semble provenir du brython commun *Maglo-kunos ou "chien princier". Ce nom évolua pour devenir Mailcun en vieux gallois et Maelgwn en gallois moyen et moderne; les trois versions du nom lui sont données dans les sources historiques et légendaires.

Contexte du règne de Maglocunus

Après le retrait de l'armée romaine de la Grande-Bretagne romaine et l'effondrement de l'autorité romaine au cours du Ve siècle, l'île repassa sous le contrôle de chefs britanniques autochtones qui régnaient sur de petits royaumes basés sur les anciens districts gouvernementaux romains, ou civitates, comme on les appelait en latin. Ces petits royaumes étaient vulnérables aux raids et aux invasions, notamment de la part des Irlandais à l'ouest et des Pictes au nord. Pour tenter de renforcer leurs défenses, les Britanniques engagèrent des mercenaires saxons qu'ils payèrent en terres et en nourriture - une stratégie copiée sur l'Empire romain d'Occident.

Comme souvent, cette stratégie se solda par un désastre, car un différend sur la rémunération poussa les Saxons à se rebeller contre leurs anciens employeurs vers 441 de notre ère. Cependant, et c'est presque unique parmi les habitants de l'ancien Empire romain, les Britanniques parvinrent à s'organiser contre les envahisseurs avant qu'ils ne soient complètement submergés. Il s'ensuivit une guerre d'environ un demi-siècle entre les Britanniques et les Saxons, avec de nombreuses victoires de part et d'autre. Bien que les Britanniques n'aient pas réussi à chasser les Saxons de Grande-Bretagne, ils contrôlaient la majeure partie de l'île, les Saxons étant repoussés dans les parties orientales de l'île. Une période de paix relative s'ensuivit, qui dura jusqu'en 577 environ, et c'est à cette époque que se situe la carrière de Maglocunus.

Ancêtres de Maglocunus

La famille de Maglocunus occupait une place importante en Grande-Bretagne depuis l'époque romaine. Son ancêtre Paternus (Padarn en gallois) était surnommé Beisrudd ou "Manteau rouge"; les manteaux écarlates étaient la marque d'un rang élevé dans l'armée romaine, et il semble donc probable que Paternus ait exercé une sorte de commandement militaire de haut niveau. Une tradition plus tardive place ses descendants dans la région de Gododdin, à peu près coïncidente avec l'actuel Lothian. L'un des descendants de Paternus, Cunedda de son nom, s'installa dans le nord du Pays de Galles et chassa les Irlandais qui occupaient la région. L'historien Nennius, du 9e siècle, situe cet événement 146 ans avant le règne de Maglocunus, c'est-à-dire à la fin du 4e siècle. Il est possible que Cunedda ait agi sous l'autorité impériale pour renforcer les défenses d'une partie vulnérable de la Grande-Bretagne romaine.

Récit de Gildas

Gildas nous apprend que Maglocunus était un homme particulièrement puissant, tant sur le plan politique que physique.

La plupart des informations sur Maglocunus proviennent du De Excidio Britanniae de Gildas le Sage. Gildas était un moine qui pensait que l'immoralité et la méchanceté des Britanniques entraîneraient le jugement divin et le désastre sur le pays. Il écrivit le De Excidio afin de mettre en évidence les péchés des dirigeants séculiers et religieux de la Grande-Bretagne et de les exhorter à se repentir. Dans ce cadre, il condamne nommément cinq rois britanniques: Constantin de Domnomée, Aurelius Caninus, Vortiporius, Cuneglas et - "dernier dans mes écrits, premier dans la méchanceté" (Gildas, De Excidio Britanniae, 33) - Maglocunus.

Gildas nous dit que Maglocunus était un homme particulièrement puissant, à la fois politiquement et physiquement: "Le roi de tous les rois t'a rendu supérieur à presque tous les rois de Grande-Bretagne, à la fois en termes de royaume et de taille" (Gildas, De Excidio Britanniae, 33). Ce pouvoir avait été acquis par des moyens violents: alors qu'il était encore jeune, Maglocunus avait renversé son propre oncle et pris le contrôle de son royaume, puis il déposa et tua "plusieurs des tyrans mentionnés précédemment" (Gildas, De Excidio Britanniae, 33) - soit les quatre autres nommés, soit les tyrans britanniques en général que Gildas avait déjà fustigés en bloc.

Ces actions violentes semblent avoir troublé la conscience de Maglocunus, car quelque temps après avoir pris le pouvoir, il abdiqua et se fit moine, ce qui causa "beaucoup de joie et d'agrément, tant au ciel que sur la terre" (Gildas, De Excidio Britanniae, 34). Il est possible qu'il ait rencontré Gildas en personne pendant cette période: Gildas connaît l'apparence physique exceptionnelle du tyran, ce qui indique peut-être une connaissance personnelle, et une amitié suivie d'un éloignement pourrait expliquer une partie du vitriol dont Gildas fait preuve à son égard.

Gildas
Gildas
Romary (CC BY)

Maglocunus ne resta pas longtemps dans son monastère. Il retourna très vite à ses anciennes habitudes, "comme un chien malade à son effrayant vomissement" (Gildas, De Excidio Britanniae, 34), et semble avoir repris le contrôle de son royaume. Il se maria peu après, avant de se lasser de sa nouvelle épouse et d'assassiner son propre neveu pour épouser la femme de ce dernier.

Autres sources

Gildas, qui écrivait du vivant de Maglocunus, ne donne naturellement aucun détail sur sa mort. Les Annales Cambriae (Annales du Pays de Galles) du Xe siècle rapportent toutefois que "Mailcun, roi de Gwynedd" mourut d'une "grande peste" en 547. Il s'agit probablement de la peste de Justinien (541-542), qui frappa l'Empire byzantin et se répandit ensuite dans toute l'Europe et le Moyen-Orient, causant la mort de millions de personnes.

Maglocunus est également mentionné, sous le nom de "Mailcunus", dans l'Historia Brittonum (Histoire des Britanniques) de Nennius, datant du IXe siècle. Moine gallois, Nennius nous apprend que Maglocunus "régnait comme grand roi parmi les Bretons, c'est-à-dire dans la région de Gwynedd", à l'époque où "Talhaern Tataguen était célèbre pour sa poésie, et Neirin, Taliesin, Bluchbard, et Cian, qui est appelé Guenith Guaut, étaient également célèbres dans la poésie britannique" (Nennius, Historia Brittonum, 62). Nous savons par Gildas que Maglocunus aimait écouter des poèmes de louange composés en son honneur, et il est possible que certains ou tous les poètes mentionnés par Nennius aient trouvé un patronage à la cour de Maglocunus.

Les livres d'archives ecclésiastiques ultérieurs, tels que le Liber landavensis du XIIe siècle, mentionnent Maglocunus en tant que bienfaiteur de l'Église. Ses donations sont enregistrées dans tout le Pays de Galles, ce qui indique que son contrôle s'étendait au-delà des frontières du Gwynedd. Il est également commémoré dans un rare exemple d'épigraphie britannique de l'âge des ténèbres: une pierre à Nevern, dans le Pembrokeshire, porte une inscription en latin et en ogham : "[Le monument] de Maglocunus fils de Clutorus".

Maglocunus Stone
Pierre de Maglocunus
Chris Gunns (CC BY)

Fiabilité des sources

Bien que nous disposions de plus de sources sur la vie de Maglocunus que sur presque tous les autres souverains du VIe siècle, nous devons néanmoins garder à l'esprit leurs limites. Gildas, en tant que contemporain et possible connaissance personnelle du monarque, devrait disposer des informations les plus fiables, bien que l'objectif moral de son De Excidio Britanniae le pousse à mettre l'accent sur ce qu'il considère comme les aspects les plus négatifs du règne de Maglocunus. Nous ne savons pas dans quelle mesure l'évaluation négative de Gildas était partagée par les contemporains.

Il est possible que Maglocunus ait commencé sa carrière en tant que souverain de Gwynedd avant de conquérir les royaumes voisins et de devenir l'un des principaux monarques.

Nennius, qui écrivait plusieurs siècles après la mort de Maglocunus, se serait appuyé sur des récits oraux et écrits de sa vie; comme ces récits n'ont pas survécu, nous ne sommes pas en mesure de vérifier leur exactitude. Nennius ne montre aucune connaissance du récit de Gildas - des détails tels que Maglocunus renversant son oncle, rejoignant un monastère et épousant la femme de son neveu sont tous absents de l'Historia - il semble donc qu'il offre au moins une confirmation indépendante du statut de Maglocunus en tant que monarque puissant. L'association de Maglocunus avec le Gwynedd a été remise en question au motif que le Gwynedd du VIe siècle était une sorte d'arrière-pays, alors que Maglocunus était manifestement un personnage puissant. Il est toutefois possible de réconcilier ces deux données: Gildas rapporte que Maglocunus avait renversé de nombreux autres tyrans; il est donc possible qu'il ait commencé sa carrière en tant que souverain de Gwynedd, avant de conquérir les royaumes voisins et de devenir ainsi l'un des principaux monarques de Grande-Bretagne.

De même, les Annales Cambriae semblent indépendantes de l'Historia Brittonum. Le manuscrit original ne donne pas de dates pour les événements qu'il relate: il s'agit plutôt d'une séquence d'années, chacune désignée par le mot "an." (abréviation du latin annum, "année"). Pour calculer les dates des événements, il faut partir d'un événement dont on connaît la date et compter en avant ou en arrière. Malheureusement, ces événements ne sont pas tous séparés par le bon nombre d'années. Ainsi, selon l'événement que nous prenons comme point de départ, la mort de Maglocunus pourrait être située aussi tôt que 537 ou aussi tard que 550.

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Héritage de Maglocunus

Comme il est de mise pour un personnage aussi puissant, Maglocunus est resté dans la légende galloise longtemps après sa mort. Il est mentionné dans les Triades galloises médiévales: sa vache Brech ("mouchetée") était apparemment l'une des trois principales vaches de l'île de Grande-Bretagne, quelle qu'ait été la signification de ce terme. Maglocunus joua également un rôle important en tant qu'antagoniste de l'Ystoria Taliesin ou Conte de Taliesin, datant de la fin du Moyen Âge. Il y est dépeint comme un monarque riche et puissant, mais aussi quelque peu arrogant: il emprisonne Elphin, l'ami de Taliesin, lorsque ce dernier prétend avoir une femme plus vertueuse et un barde plus habile que le roi, jusqu'à ce que Taliesin ne le libère en utilisant la magie. Taliesin et Maglocunus semblent avoir été contemporains, à en juger par le récit de Nennius, mais l'Ystoria Taliesin, comme les romans arthuriens qui circulaient à la même époque, est fondamentalement une œuvre de fiction qui s'appuie sur des traditions historiques concernant la Grande-Bretagne du début du Moyen Âge, mais qui n'est en aucun cas liée par elles.

En dehors du Pays de Galles, Maglocunus était surtout connu pour son apparition dans la pseudo-histoire Historia Regum Britanniae (Histoire des rois de Grande-Bretagne) de Geoffroy de Monmouth. Le récit de Geoffroy sur Maglocunus (ou "Malgo", comme Geoffroy l'appelle) est largement basé sur Gildas, bien que Geoffroy donne une tournure beaucoup plus favorable aux actions du monarque.

Geoffrey of Monmouth
Geoffroy de Monmouth
ndl642m (CC BY-NC-ND)

Faisant écho à Gildas, Maglocunus est décrit comme "le plus beau de presque tous les dirigeants de la Grande-Bretagne". On nous dit également qu'il "s'est efforcé de se débarrasser de ceux qui gouvernaient le peuple avec dureté" (Geoffroy de Monmouth, Historia Regum Britanniae, 11.7), apparemment sur la base du rapport de Gildas selon lequel il avait "chassé un grand nombre des tyrans mentionnés précédemment, aussi bien de la vie que du royaume" (Gildas, De Excidio Britanniae, 33). Le seul vice que Geoffroy attribue à Maglocunus est celui de la sodomie, une interprétation peut-être exagérée de la description de Gildas selon laquelle il "[se vautre] dans une si vieille mare de crimes noirs, comme s'il était gorgé du vin pressé de la vigne de Sodome" (Gildas, De Excidio Britanniae, 33).

Contrairement à Gildas, pour qui Maglocunus n'est qu'un monarque britannique, certes puissant, Geoffroy affirme que Maglocunus "devint le souverain de l'île entière" (Geoffroy de Monmouth, Historia Regum Britanniae, 11.7); cette affirmation provient presque certainement de la conception anachronique de Geoffroy selon laquelle la "Grande-Bretagne" (c'est-à-dire l'Angleterre) avait toujours été unie, plutôt que d'une véritable tradition du haut Moyen-Âge. Geoffroy prétend même que l'autorité de Maglocunus s'étendait au-delà de la Grande-Bretagne pour englober les six "îles" voisines que sont l'Irlande, l'Islande, Gotland, les Orcades, la Norvège et le Danemark. Sa source pour cette affirmation n'est pas claire, bien que nous puissions être certains qu'aucune autorité réelle du VIe siècle n'a jamais régné sur toutes ces terres.

Ses descendants, les rois de Gwynedd, se souviennent de Maglocunus comme d'un membre important de leur dynastie. Bien que le contrôle de Gwynedd sur les royaumes environnants ne semble pas lui avoir survécu, ses descendants régnèrent sur Gwynedd pendant plus de sept siècles après sa mort, faisant de leur famille peut-être la plus ancienne maison royale de l'Europe médiévale au moment de leur disparition. Le Gwynedd redevin le royaume gallois le plus puissant sous le règne de Rhodri le Grand (844-78) et fut le dernier de tous les territoires gallois à tomber aux mains des envahisseurs anglais en 1282. Pendant environ 400 ans, les descendants de Maglocunus jouèrent donc un rôle de premier plan dans les affaires galloises et dans le maintien de l'indépendance de leur pays face aux descendants de ces mêmes Anglo-Saxons que ses ancêtres avaient combattus au Ve siècle.

Questions et réponses

Qui était Maglocunus ?

Maglocunus était un monarque de Gwynedd, au Pays de Galles, au VIe siècle. Il étendit son influence pour devenir l'un des principaux souverains de Grande-Bretagne.

Quels sont les ouvrages qui mentionnent Maglocunus ?

Notre principale source (et peut-être la plus fiable) sur la vie de Maglocunus est le De Excidio Britanniae de Gildas. Il est également mentionné dans l'Historia Brittonum (IXe siècle) de Nennius, dans les Annales Cambriae (Xe siècle) et dans des documents ultérieurs.

À propos du traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

A propos de l'auteur

Guy Jackson
Guy Jackson is an independent writer based in England. His main passions are ancient and medieval history and the history of philosophy.

Citer ce travail

Style APA

Jackson, G. (2022, septembre 21). Maglocunus [Maglocunus]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Récupéré de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-21052/maglocunus/

Le style Chicago

Jackson, Guy. "Maglocunus." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. Dernière modification septembre 21, 2022. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-21052/maglocunus/.

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Jackson, Guy. "Maglocunus." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 21 sept. 2022. Web. 26 avril 2024.

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