Omar Khayyam

Définition

Joshua J. Mark
par , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié sur 27 mai 2020
Disponible dans d'autres langues: Anglais, Turc
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Omar Khayyam (by Yamaha5, CC BY-SA)
Omar Khayyam
Yamaha5 (CC BY-SA)

Omar Khayyam (1048-1131) était un polymathe, un astronome, un mathématicien et un philosophe persan, mais il est surtout connu en Occident en tant que poète, auteur des Rubaiyat d'Omar Khayyam. Son œuvre est devenue célèbre en Occident après avoir été traduite au 19e siècle.

Le Rubaiyat fut traduit et publié en 1859 par le poète anglais Edward Fitzgerald (1809-1883) et est devenu l'une des œuvres les plus populaires, les plus souvent citées et les plus fréquemment anthologisées de la langue anglaise. Le nom de Khayyam est devenu si connu des anglophones que des organisations ont été fondées en son honneur, ce qui a encouragé l'intérêt pour d'autres poètes persans et leurs œuvres.

En Orient, cependant, Khayyam est surtout connu en tant que scientifique, en particulier comme astronome et mathématicien qui contribua au calendrier Jalali (ou calendrier persan, une carte solaire qui corrigeait le calendrier islamique) et comme philosophe dont les travaux furent un prélude aux mouvements existentialistes et humanistes. Jusqu'à une date relativement récente, Khayyam n'était pas reconnu en tant que poète en Orient - certainement pas de la stature de Rumi ou de Hafez Shiraz - et les érudits modernes ont mis en doute le fait que Khayyam ait même écrit les poèmes qui composent son célèbre Rubaiyat car, pour certains, la poésie représente une vision du monde très différente des œuvres philosophiques.

Pour Khayyam, les réalités douloureuses de l'existence humaine ne pouvaient s'expliquer par l'insistance du Coran sur un Dieu d'amour et un plan divin.

Cette apparente contradiction peut toutefois s'expliquer par le fait que Khayyam utilise la poésie pour exprimer ses sentiments personnels sur la vie, sentiments qu'il ne souhaite pas formuler sous la forme d'un discours philosophique. Pour Khayyam, bien que musulman dévot, les réalités douloureuses de l'existence humaine ne pouvaient être expliquées par l'insistance coranique sur un Dieu aimant qui avait créé le monde selon un plan divin. Ses convictions le mirent en conflit avec les juristes musulmans dévots et il modéra donc son discours public et probablement écrit ses poèmes pour lui-même.

Ces poèmes s'inspirent, consciemment ou non, du système de croyances persan pré-islamique du zorvanisme, dans lequel le temps infini est le créateur et le contrôleur de toutes choses, la vie humaine est prédestinée (et brève) et il n'y a rien que l'on puisse faire pour changer son destin. La seule voie rationnelle qui s'offre à un être humain est donc de profiter de la vie du mieux qu'il peut - surtout en buvant et en étant bien entouré - et de laisser de côté les soucis qui ne servent qu'à gâcher le peu de temps qui lui est imparti sur terre.

Jeunesse et influences

Khayyam vit le jour à Nishapur (aujourd'hui dans le nord-est de l'Iran), où il passerait la majeure partie de sa vie. On pense que sa famille était (ou descendait de) fabricants de tentes, une profession respectable et lucrative. Ses parents appartenaient certainement à la classe supérieure, car il fut envoyé étudier auprès des plus grands professeurs de la ville, qui n'acceptaient que les étudiants issus de familles éminentes. L'un de ces professeurs était le mathématicien Bahmanyar (+ 1067), ancien élève du grand polymathe et médecin Avicenne (980-1037) et ancien zoroastrien converti à l'islam. Il est possible que Khayyam ait appris de lui les préceptes zoroastriens/zorvanistes, mais il a également été suggéré que le père de Khayyam était un ancien zoroastrien qui s'était également converti à l'islam, et si tel est le cas, le jeune érudit aurait été familiarisé avec l'ancienne foi dès son plus jeune âge. Les références de Khayyam à lui-même en tant qu'"élève d'Avicenne" sont des allusions à son séjour auprès de Bahmanyar, qui lui enseigna la méthode scientifique d'observation et d'enquête d'Avicenne.

Son premier professeur semble avoir été l'imam Mowaffak de Nishapur, un érudit renommé et, selon Edward Fitzgerald (dans sa préface aux Rubaiyat), c'est sous la tutelle de Mowaffak qu'il rencontra Nizam al-Mulk (+ 1092), le futur vizir de Bagdad. Fitzgerald rapporte un passage du testament d'al-Mulk dans lequel le vizir raconte son séjour à Nishapur et ses deux plus proches amis et camarades de classe, Omar Khayyam et Hasan Ben Sabbah. Un jour, Ben Sabbah fit remarquer à ses amis qu'il était bien connu que ceux qui avaient étudié sous la direction de Mowaffak avaient connu un grand succès et qu'il était fort probable qu'au moins l'un d'entre eux y parviendrait. Il proposa alors que celui d'entre eux qui connaîtrait le plus grand succès le partagerait équitablement avec les autres.

The Assassination of Nizam al-Mulk
Assassinat de Nizam al-Mulk
Unknown artist (Public Domain)

Les trois garçons acceptèrent ce pacte et, plus tard, lorsqu'al-Mulk fut vizir, ses amis vinrent lui rappeler leur accord. Ben Sabbah réclama un poste administratif élevé, qu'al-Mulk lui accorda. Son ambition s'avéra cependant trop grande et il tenta de se faire valoir par des intrigues de cour, rejoignant finalement les Assassins et accédant à un poste de leader (il ordonna alors la mort d'al-Mulk, qui serait tué en 1092). Khayyam, quant à lui, demanda humblement s'il pouvait vivre paisiblement sous le règne du vizir et poursuivre ses études scientifiques. Il fut récompensé par une allocation et retourna à Nishapur. Plus tard, Khayyam serait critiqué pour son refus d'accueillir des étudiants et acquerrait la réputation d'un reclus asocial. Il est probable, cependant, que cette allocation ait fait de l'enseignement un fardeau inutile et lui ait permis de se concentrer entièrement sur son propre travail.

Mathématiques, astronomie et philosophie

Il contribua au perfectionnement du calendrier Jalali, un calendrier solaire considéré comme beaucoup plus précis que le calendrier grégorien.

En mathématiques, Khayyam écrivit des traités qui, selon l'interprétation de certains spécialistes, montrent qu'il comprenait et utilisait le concept du théorème binomial et qu'il était également capable de réviser et d'améliorer le travail d'Euclide avec une apparente facilité. Il contribua également à la compréhension et à l'utilisation de l'algèbre et de la géométrie, travaillant dans ce qu'il appelait l'arithmétique pure, ce qui lui permit de mener à bien ses travaux astronomiques. Sous le patronage du Nizam al-Mulk, Khayyam se rendit à Ispahan en 1074, dans un observatoire nouvellement établi, où il contribua au perfectionnement du calendrier Jalali, un calendrier solaire considéré comme beaucoup plus précis que le calendrier grégorien, encore utilisé aujourd'hui dans la région du Grand Iran.

Dans ses travaux philosophiques, il défend l'idée que Dieu est un être nécessaire (très proche du Mouvement immobile d'Aristote) dont tout découle et que, par conséquent, le libre arbitre de l'homme est soumis à la volonté divine. Puisque l'on n'a aucun contrôle sur le moment où l'on naît, sur la position que l'on occupe dans la vie, sur la région où l'on vit ou sur les circonstances dans lesquelles on vit, la vie commence nécessairement au-delà de la capacité de contrôle de l'individu et se poursuit à partir de ce moment avec une vie déterminée par la volonté de Dieu. S'il en est ainsi, Dieu est également responsable du mal dans le monde, ce qui constitue une grave contradiction de définition étant donné que Dieu, pour être digne d'être adoré, doit être tout-puissant. Khayyam contourne ce dilemme en caractérisant le mal comme une absence de bien. Le mal apparaît lorsque les directives de Dieu sont ignorées, lorsque l'on s'oppose à ce qui est divinement déterminé, ou lorsqu'il s'agit simplement de l'interprétation que l'on fait d'un événement naturel.

The Rubaiyat of Omar Khayyam
Les Rubaiyat d'Omar Khayyam
William Creswell (CC BY)

Selon ce point de vue, ce que les humains définissent comme des "actes mauvais" est une contradiction avec le plan de Dieu et n'en fait pas partie, alors que les conséquences de tels actes peuvent toujours faire partie du plan divin dans la mesure où une personne peut les reconnaître et y répondre correctement. On pourrait alors affirmer que tout n'est pas "déterminé" puisque la réponse d'une personne serait un acte de sa propre volonté mais, en même temps, cet exercice du libre arbitre est déterminé par le passé de la personne jusqu'à ce moment-là.

Khayyam avance la théorie (plus tard articulée sous la forme de la hiérarchie des besoins par le psychologue Abraham Maslow, 1908-1970) selon laquelle on ne peut pas chercher à s'améliorer ou à atteindre des objectifs plus élevés tant que les nécessités de base de la vie ne sont pas satisfaites. Khayyam écrit:

Dieu a créé l'espèce humaine de telle sorte qu'il ne lui est pas possible de survivre et d'atteindre la perfection si ce n'est par le biais de la réciprocité, de l'assistance et de l'aide. Tant que la nourriture, les vêtements et un foyer, qui sont les éléments essentiels de la vie, ne sont pas préparés, la possibilité d'atteindre la perfection n'existe pas. (Aminrazavi & Van Brummelen, 8)

Ce concept fait également écho à Aristote qui, dans son Éthique à Nicomaque, affirme que le but de la vie humaine est le bonheur mais que, pour atteindre cet état, il faut d'abord avoir pourvu à ses besoins physiques (Livre I, 1098b.12-32 ; Livre III, 112b.12-30). Le concept de vertu de Khayyam, défini comme le fait d'agir conformément aux préceptes les plus élevés du moi, est également aristotélicien, tandis que son argument concernant l'essence - c'est-à-dire ce que signifie être un être humain - est platonicien. Dans son utilisation de ces philosophes, ainsi que d'autres et de concepts religieux, Khayyam ajoute sa propre touche personnelle, largement influencée par le zorvanisme.

Le zorvanisme et les Rubaiyat

Le zorvanisme était une secte (parfois qualifiée d'hérésie) de la religion perse du zoroastrisme qui semble avoir émergé pour la première fois durant la dernière partie de l'empire achéménide (c. 550-330 av. J.-C.) et s'être pleinement développée à l'époque de l'empire sassanide (224-651 de notre ère). Selon le zoroastrisme, il existe une divinité suprême, toute bonne et incréée - Ahura Mazda (plus tard appelé Ormuzd) - à partir de laquelle tout le reste a été créé, et les êtres humains ont le libre arbitre de choisir de suivre les préceptes d'Ahura Mazda ou de le rejeter et de se ranger du côté de son grand rival Angra Mainyu (également connu sous le nom d'Ahriman), l'incarnation du mal. Le problème de cette construction religieuse est que si Ahura Mazda était tout-puissant, d'où venaient Ahriman et le mal?

Le zorvanisme tenta de résoudre cette contradiction en élevant Zorvan, un dieu mineur du Temps de la religion iranienne primitive, au rang de divinité suprême. L'androgyne Zorvan, qui représente le Temps infini, souhaite avoir un fils et prie pour que sa fécondation aboutisse à un bon résultat. Cependant, rien ne se passe et il connaît un moment de doute - au cours duquel Ahriman est conçu - mais il chasse ensuite ce doute et retrouve la foi en lui-même - engendrant Ahura Mazda/Ormuzd. Zorvan proclame qu'il donnera la souveraineté du monde au jumeau qui naîtra le premier et Ahriman, entendant cela, se fraye un chemin hors de l'utérus et s'empare du pouvoir. Zorvan corrige cette situation en décrétant qu'Ahriman n'exercera sa souveraineté que pendant 9 000 ans, après quoi Ahura Mazda/Ormuzd régnera. Ahura Mazda est donc le créateur du monde, mais le "mal" dont on fait l'expérience dans la vie vient d'Ahriman.

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Ahriman Statue Front View
Statue d'Ahriman vue de face
Touraj Daryaee (CC BY-NC-SA)

La croyance que la divinité suprême était le Temps a cependant encouragé une approche fataliste de la vie dans l'une des sectes du zorvanisme. Les fatalistes pensaient que, puisque le Temps avait créé et contrôlait toutes les choses, le destin de chacun était déjà écrit à la naissance. On naissait, on vivait et on mourait, et on ne pouvait rien faire entre la naissance et la mort pour changer quoi que ce soit de significatif dans sa vie. Khayyam utilise cette croyance dans ses œuvres philosophiques, mais centre l'ensemble des Rubaiyat sur ce concept, dont la strophe 51 est la meilleure illustration:

Le doigt mobile écrit et, après avoir écrit,

Se déplace ; ni toute votre piété ni tout votre esprit

Ne l'attirera pas pour annuler une demi-ligne,

Ni toutes vos larmes n'en effaceront un mot.

La vie quotidienne est dictée par le Temps - le "doigt qui bouge" - dont les écrits nous propulsent dans la vie, que l'on veuille avancer ou rester là où l'on est, et il n'y a rien que l'on puisse faire pour changer cela. C'est pourquoi, comme le propose Khayyam tout au long de l'ouvrage, la meilleure chose à faire est de manger, de boire et d'être aussi joyeux que possible avant d'être happé par la mort de manière inattendue. La brièveté de la vie et la meilleure façon d'y répondre sont au cœur de l'œuvre du début à la fin. La traduction de Fitzgerald s'attache à présenter les différents poèmes sous forme de récit, en commençant par l'ouverture d'une taverne le matin et en passant par l'un des patrons qui réfléchit au sens de la vie, à l'injustice, au mal, au plaisir et à la mort, avant de terminer par le lever de la lune la nuit et le souvenir comme seul espoir d'immortalité.

La strophe 1 éveille le lecteur au matin du récit, la strophe 2 encourage à remplir sa coupe "avant que la liqueur de la vie dans sa coupe ne soit sèche" et la strophe 3 voit les clients se rassembler devant la porte de la taverne, exigeant qu'elle soit ouverte car "Vous savez le peu de temps que nous avons à rester/Et une fois partis, nous ne pouvons plus revenir", tandis que les dernières strophes, 74 et 75, décrivent la fin de la journée, la lune se levant au-dessus du jardin de la taverne dans le ciel nocturne, et la façon dont, à une date future inconnue, la bien-aimée du locuteur regardera le jardin où ils se sont amusés et le trouvera parti. Le poème se termine par la demande faite à la bien-aimée de se souvenir de l'orateur en refusant un verre vide à l'endroit où ils avaient l'habitude de passer du temps ensemble, comme l'envisage la célèbre strophe 11 :

Un livre de vers sous le rameau

Une cruche de vin, une miche de pain, et toi

Près de moi, chantant dans le désert -

Ah, le désert, c'est le paradis.

La réponse la plus raisonnable à la tyrannie du temps est le défi sous la forme de la jouissance sensuelle, comme le souligne Khayyam à plusieurs reprises, comme, pour ne citer que deux exemples, dans les premiers vers de la strophe 23, "Ah, profitez au maximum de ce que nous pouvons encore dépenser/avant que nous ne tombions nous aussi dans la poussière" et dans la strophe 37:

Ah, remplis la coupe; ce qui le pousse est de répéter

Comment le temps glisse sous nos pieds

Demain à naître et hier mort

Pourquoi se préoccuper d'eux si aujourd'hui est doux.

Bien que certains érudits aient affirmé que l'utilisation par Khayyam du vin et de l'ivresse était conforme à la tradition soufie (exprimée dans les œuvres de Rumi et de Hafez Shiraz), cette affirmation est insoutenable car les soufis de l'époque de Khayyam ont rejeté son œuvre et Khayyam ne montre aucune affinité avec le soufisme dans aucun de ses écrits. Les soufis le considéraient comme un athée trop scientifique d'après ses traités et ses discours. Dans son œuvre philosophique, Khayyam aborde la nature de la vie et ses diverses déceptions d'un point de vue objectif et scientifique et souligne l'importance d'une réponse éduquée et rationnelle à l'existence humaine. On souffre - ou on semble souffrir - à cause de l'interprétation que l'on fait des événements extérieurs qui sont prédéterminés, ce qui n'est guère conforme à la philosophie soufie. Dans les Rubaiyat, en revanche, il déplore la brièveté de la vie, la perte d'amis et la façon dont le temps nous prive de la jeunesse et du plaisir, ce qui ne correspond pas non plus à la vision soufie.

Auteur et traduction

Le pessimisme de Khayyam et son adhésion à une vie d'hédonisme éclairé ont incité certains chercheurs à suggérer que l'auteur des Rubaiyat ne peut être le même que l'Omar Khayyam qui a écrit les discours philosophiques. Après tout, le Rubaiyat rejette les activités intellectuelles au profit du vin, de la bonne compagnie et de la chanson. La strophe 27 dénigre complètement les activités académiques:

Lorsque j'étais jeune, j'ai fréquenté avec avidité

Les docteurs et les saints et j'ai entendu de grands discours

A ce sujet et à propos, mais toujours

Je sortais par la même porte que j'étais entré.

Cette critique ne tient cependant pas compte du fait que le locuteur du poème est un personnage fictif, qui peut ou non parler au nom de l'auteur. Même si c'est le cas, le philosophe-poète, quelle que soit l'époque ou la culture, n'est pas toujours en mesure d'équilibrer les deux côtés de manière égale; ce que le philosophe explique, le poète le dénonce. Loin de suggérer que les Rubaiyat ne peuvent être écrits par le même auteur que les discours ou les traités mathématiques, les vers de Khayyam agissent comme une sorte de miroir de sa prose, reflétant précisément la réponse opposée à la vie.

Personne ne conteste que Khayyam ait écrit de la poésie, mais il est possible qu'il n'ait pas écrit les pièces qui composent son célèbre Rubaiyat. L'historien et érudit persan Imad ad-Din al-Isfahani (1125-1201) et le polymathe persan Fakhr al-Din al-Razi (1150-1210), qui cite intégralement la strophe 62 du Rubaiyat, attestent que Khayyam était un poète. Malgré cela, certains érudits continuent d'entretenir la critique selon laquelle le livre pourrait être l'œuvre d'un autre poète.

Illuminated Manuscript of the Rubaiyat
Manuscrit enluminé des Rubaiyat
Digital Collections at the University of Maryland (CC BY-NC-ND)

Le seul cas où cette critique est valable est celui de la traduction de Fitzgerald de 1859 (et des éditions suivantes), dont Fitzgerald lui-même admet librement avoir traduit de manière approximative et façonnée selon les goûts de son public victorien. L'érudit Peter Avery note qu'à l'époque de Fitzgerald, les poètes popularisèrent un genre connu sous le nom d'"imitation", qui cherchait à saisir l'esprit d'une œuvre étrangère sans s'embarrasser de la précision de la traduction. Avery écrit:

Edward Fitzgerald [...] n'a pas entrepris de traduire les quatrains d'Omar Khayyam. Dans une lettre, il remarque que "Dieu ne veut pas" que l'on pense qu'il traduit. En fait, il travaillait dans la tradition, aujourd'hui presque oubliée, de l'imitation. Comme il possédait le génie d'un poète, son imitation est l'un des poèmes les plus réussis de la langue anglaise... Fitzgerald a utilisé à son sujet le terme de "transmogrification". (Lewisohn, xiii)

Malgré cela, Fitzgerald avait appris le persan avec son collègue et ami Edward Byles Cowell (1826-1903) et il travaillait donc à partir de Khayyam dans la langue originale. Les Rubaiyat d'Omar Khayyam de Fitzgerald est donc autant l'œuvre du poète anglais de l'époque victorienne que celle du Persan médiéval. Cette "collaboration" a été reconnue comme l'une des plus réussies de l'histoire littéraire, puisque Les Rubaiyat d'Omar Khayyam allait attirer l'attention du monde entier au début du XXe siècle, initier un public occidental à la littérature persane, influencer d'innombrables artistes dans différents domaines, raviver l'intérêt pour l'étude de Khayyam en Orient et demeurer un best-seller au cours des cent dernières années. Le public moderne réagit à l'œuvre de Khayyam aussi chaleureusement que les Victoriens pour la même raison: la beauté d'une vision poétique offrant une alternative au désespoir dans une vie caractérisée par la perte et définie par l'inévitabilité de la mort.

À propos du traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

A propos de l'auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

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Style APA

Mark, J. J. (2020, mai 27). Omar Khayyam [Omar Khayyam]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Récupéré de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18977/omar-khayyam/

Le style Chicago

Mark, Joshua J.. "Omar Khayyam." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. Dernière modification mai 27, 2020. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18977/omar-khayyam/.

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Mark, Joshua J.. "Omar Khayyam." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 27 mai 2020. Web. 08 oct. 2024.

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