Pseudépigraphes de l'Ancien Testament

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William Brown
de , traduit par Jerome Couturier
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Les Pseudépigraphes de l'Ancien Testament sont des écrits non canoniques du Judaïsme et du Christianisme, datés du Ve siècle av. J.-C. au IXe siècle ap. J.-C. Le terme "pseudépigraphes" vient d'un nom grec désignant des écrits portant une fausse suscription ou un faux nom. Dans le dialogue moderne autour du Christianisme et du Judaïsme primitifs, il en est cependant venu à désigner des écrits non canoniques (par exemple, le Testament de Job, le premier livre d'Hénoch, la Lettre d'Aristée) pour le canon biblique protestant. Les Pseudépigraphes sont essentiels à la compréhension des développements et des fondements historiques du Judaïsme et du Christianisme, car ils sont liés à leur contexte historique et illustrent les différents courants de traditions et types de communautés.

Définition et cadre

Ce qui constitue réellement les Pseudépigraphes de l'Ancien Testament est souvent contesté. Cependant, James Charlesworth fournit cinq lignes directrices de base dans son ouvrage monumental intitulé The Old Testament Pseudepigrapha:

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La collection suivante, composée de cinquante-deux écrits… a évolué à partir du consensus selon lequel les Pseudépigraphes doivent être définis au sens large, de manière à inclure tous les documents appartenant vraisemblablement aux Pseudépigraphes de l’Ancien Testament… Ces écrits 1) sont juifs ou chrétiens; 2) sont souvent attribués à des figures emblématiques du passé d’Israël; 3) prétendent habituellement contenir la parole ou le message de Dieu; 4) s’appuient fréquemment sur des idées et des récits présents dans l’Ancien Testament; 5) et ont presque toujours été composés entre 200 av. J.-C. et 200 ap. J.-C., ou, bien que tardifs, semblent préserver, bien que sous une forme modifiée, des traditions juives datant de cette période. (Charlesworth, XXV)

Comme le montre Charlesworth, l’utilisation du terme de "pseudépigraphes" comporte une part d'ambiguïté et d'incertitude. En fin de compte, il faut reconnaître que ce terme est principalement destiné à désigner un groupe spécifique d'écrits définis par un cadre relativement lâche. En raison de la grande variété des Pseudépigraphes, il convient de noter que le terme désigne également un ensemble de textes compilés dans son ouvrage de 1983. Il y a encore débat, dans les discussions scientifiques récentes, sur ce qui doit ou non être considéré comme Pseudépigraphes, même s'il s'agit d'un terme adéquat pour catégoriser cette littérature.

Paternité de l'œuvre

NOUS IGNORONS QUI a RÉELLEMENT écrit LE TEXTE DE CHAQUE PSEUDÉPIGRAPHE, MAIS NOUS POUVONS CEPENDANT DÉTERMINER LE LIEU OÙ IL a été ÉCRIT ET LA VISION DU MONDE QU’AVAIT SON AUTEUR.

Comme mentionné précédemment, "pseudépigraphe" signifie en grec "faux auteur". Cependant, contrairement à nos jours où l'auteur et les informations relatives au droit d'auteur sont des éléments importants d'un livre, dans l'Antiquité, les œuvres étaient plus malléables et ouvertes aux modifications, et les auteurs étaient au second plan. Ainsi, dans 2 Baruch, par exemple, il est dit que le livre fut écrit par le disciple de Jérémie nommé Baruch, personnage historique du VIe siècle av. J.-C., associé à la rédaction du livre prophétique de la Bible hébraïque appelé Jérémie. Des preuves internes indiquant une date de composition plus tardive (IIe siècle ap. J.-C.), nous savons qu'il ne fut en fait pas écrit par Baruch. Malgré cela, l'attribution du texte à un personnage ancien ne posait pas de problème aux gens, car cela lui conférait une autorité ancienne et une valeur intrinsèque.

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Nous ignorons qui a réellement écrit le texte de chaque pseudépigraphe, mais nous pouvons cependant souvent déterminer le lieu où il a été écrit et la vision du monde qu’avait son auteur. Comprendre le point de vue de l'auteur est important, car cela fournit un excellent aperçu de la situation historique et des développements du Judaïsme et du Christianisme primitifs.

Valeur Historique

Les Pseudépigraphes donnent un aperçu d'une multitude de communautés issues du Christianisme et du Judaïsme primitifs. Ils nous permettent d'appréhender les différentes situations historiques et réactions socio-religieuses aux conflits. Cela se reflète dans les descriptions d'autres personnes, les déclarations théologiques et les appropriations de personnages et d'histoires de la Bible hébraïque et de l’Ancien Testament.

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Par exemple, entre le IIe siècle av. J.-C. et le VIIIe siècle ap. J.-C., les communautés juives et chrétiennes composèrent leurs propres versions des Oracles sibyllins, un genre littéraire bien connu dans le monde antique. Héraclide du Pont, philosophe grec (vers 360-325 av. J.-C.), considère que la Sibylle originelle vécut des milliers d'années avant son époque, et sa voix et sa prophétie étaient pourtant toujours présentes. De la même façon, la tradition juive considère la Sibylle comme la fille de Noé. Les similitudes entre les interactions de ces deux traditions montrent comment les premiers auteurs juifs ont parfois transféré des rôles non bibliques à des personnages bibliques. Nous reconnaissons ainsi que les premiers auteurs juifs étaient connectés au monde en pleine hellénisation et aux traditions qui les entouraient.

En outre, la compilation des Oracles sibyllins nous donne un aperçu de l’évolution des visions du monde au sein de la communauté de leurs auteurs. Dans un appel à l'accomplissement eschatologique, ou à la perfection des choses lors des derniers temps, le troisième livre des Oracles sibyllins évoque ce qui arrivera au monde à la fin des temps:

Alors Dieu comblera les hommes d'une grande joie,

Car la terre, les arbres et d'innombrables troupeaux de brebis

Donneront aux hommes des fruits véritables

Du vin, du miel doux et du lait blanc

Et du maïs, le meilleur pour les mortels.

(Oracles sibyllins 3:619-623, d’après traduction anglaise de J. J. Collins)

Il est remarquable que la Sibylle applique l'image d'une terre où coulent le lait et de miel au monde entier, alors qu'elle était à l'origine exclusivement utilisée pour la "Terre promise" des Israélites dans le livre de l'Exode. Sur la base des preuves internes et leur corroboration par des preuves historiques externes, ce passage pourrait avoir été composé entre 163 et 145 av. J.-C. Dans un Oracle sibyllin postérieur, l'auteur nous donne une image complètement différente:

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Mais seule la terre sainte des hommes pieux portera toutes ces choses:

Un ruisseau doux comme du miel jaillira du rocher et de la source,

Et un lait céleste coulera pour tous les justes.

Car, avec une grande piété et foi, ils placent leur espoir

En l'unique créateur, Dieu, qui seul est éminent.

(Oracles 5:280-285, traduction J. J. Collins)

Contrairement au précédent, cet oracle est nettement plus exclusif et applique l'image d'une terre où coulent le lait et le miel exclusivement à la terre des pieux, la terre d'Israël. Si les deux textes concordent sur de nombreuses idées théologiques, le second fut écrit dans une période de troubles socio-religieux et politiques, autour de la destruction du Second Temple (70 ap. J.-C.) et de la révolte de Bar Kokhba (vers 135 ap. J.-C.). Ces deux événements marquent des changements significatifs dans les identités juive et chrétienne. En comparant ces écrits issus de communautés juive du IIe siècle av. J.-C. pour le premier, et du IIe siècle ap. J.-C. pour le second, nous voyons l'évolution de la manière dont les gens réagirent réellement à leurs conflits et situations historiques. Cette trajectoire nous permet ainsi de mieux interpréter et comprendre les débuts des histoires juive et chrétienne dans leur contexte historique.

Autres Pseudépigraphes

Il existe, bien sûr, de nombreux textes considérés comme des Pseudépigraphes. Les paragraphes suivants présentent une sélection de textes et expliquent brièvement en quoi ils sont utiles à l'interprétation et la compréhension de l'histoire ancienne.

1 Énoch (IIe siècle av. J.-C. – Ier siècle ap. J.-C.) – Ce texte est attribué à Énoch, septième génération après Adam et Ève selon la tradition biblique. Basé sur le verset dans lequel Dieu enlève Énoch (Genèse 5:24), 1 Énoch est un livre composite dans lequel Dieu révèle à Énoch les secrets de l'univers, le cours de l'histoire et l'avenir. Les couches les plus anciennes du livre reflètent les événements entourant la révolte des Maccabées. L’influence d'autres livres est également évidente, témoignant du développement de l'idéologie socioreligieuse juive. Il influença 2 Énoch (Ier siècle apr. J.-C.) et 3 Énoch (vers le Ve siècle ap. J.-C.).

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Oracles sibyllins (IIe siècle av. J.-C. – VIIe siècle ap. J.-C.) – Compilation de plusieurs oracles, ces textes sont, dans la tradition judéo-chrétienne, attribués à la fille de Noé. À la suite de l'établissement de l'empire d'Alexandre le Grand, la culture, la littérature et les pratiques religieuses juives furent influencées par la culture hellénistique. Les Oracles sibyllins témoignent de la manière dont les Juifs s'approprièrent des genres littéraires et prophétiques non autochtones. De plus, tout au long des Oracles, nous voyons comment les auteurs interagissaient avec leurs situations historiques à travers ce support littéraire.

Livre des Jubilés (161–140 av. J.-C.) – Basé sur la tradition biblique, notamment les livres de la Genèse et de l'Exode, le Livre des Jubilés est un récit remanié de ce qui aurait été révélé à Moïse au mont Sinaï. Datant d'environ 150 av. J.-C., il est précieux car il révèle les réactions d'un groupe de Juifs face à Antiochos IV, qui, selon 1 Maccabées, était intolérant à l’égard des pratiques juives comme la circoncision, encourageait fortement la nudité, et manifestait un profond manque de respect envers Yahweh, toutes choses profondément contraires à la sensibilité des Juifs de l'époque. Par conséquent, c'est aussi un témoignage de l'idéologie fondatrice des sectes juives ultérieures, en particulier de la secte essénienne, qui accordait une grande importance à la pureté.

Traité de Sem (Ier siècle av. J.-C.) – S'appuyant sur le zodiaque, ce texte applique celui-ci à la pensée juive, et partant du signe du Bélier, écrit pour le signe de chaque année. Il montre qu'au tournant du millénaire, les Juifs s'intéressaient effectivement à l'astrologie. L'utilisation du zodiaque par les Juifs à cette époque fournit un contexte historique important pour sa présence dans les documents juifs rabbiniques et dans une ancienne synagogue du 6ème siècle ap. J.-C. (Beth Alpha, Galilée). En outre, il montre comment les auteurs juifs anciens développaient leur vision du monde par le biais de supports alternatifs, en l'occurrence le zodiaque.

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Roue du Zodiaque, Mosaïque, Synagogue de Beth Alpha
Unknown (Public Domain)

Testament des Douze Patriarches (IIe siècle av. J.-C.) – Dans la Bible hébraïque, Jacob a douze fils, et chacun est considéré comme le chef d'une tribu d'Israël dans les traditions postérieures. Si l’on met de côté divers ajouts chrétiens, chaque patriarche a sa propre section dans le texte dans laquelle il "réfléchit à des aspects de sa vie, confesse ses méfaits, exhorte sa famille à éviter ses péchés et à donner l’exemple de la vertu, concluant par des prédictions sur l'avenir d'Israël et donnant des instructions concernant ses funérailles" (H. C. Kee, 776). Plus important encore, ce texte montre la diversité des Judaïsmes avant la révolte des Maccabées et, comme d'autres Pseudépigraphes, il illustre comment certaines idées hellénistiques étaient appropriées aux identités et visions du monde juives.

Conclusion

Ces textes ne sont en aucun cas exhaustifs ni représentatifs de la diversité des Pseudépigraphes. Les quelques Pseudépigraphes sélectionnés ont plutôt pour but d'illustrer pourquoi cette littérature, communément appelée Pseudépigraphes de l'Ancien Testament, est importante pour comprendre les fondements historiques du Judaïsme et du Christianisme, et leur diversité. Pour les chercheurs, ces textes aident à interpréter comment le Nouveau Testament et le Judaïsme rabbinique ont émergé des ruines du temple de Jérusalem en 70 apr. J.-C. De même, ils démontrent et illustrent de manière saisissante la diversité du Judaïsme primitif et ses liens avec le monde et les cultures environnants.

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Bibliographie

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Traducteur

Jerome Couturier
Je suis médecin, spécialisé en Génétique. J'aime l'Histoire et l'Antiquité depuis mon plus jeune âge. J'ai toujours eu un interêt pour la recherche dans divers domaines scientifiques, dont l'archéologie.

Auteur

William Brown
William Brown dirige la Biblical Review et est le responsable de la révision d'Ancient History Encyclopedia. Il maîtrise l'hébreu, l'akkadien et le grec, et a publié quelques articles dans des revues académiques et dans Ancient History Encyclopedia.

Citer cette ressource

Style APA

Brown, W. (2016, avril 26). Pseudépigraphes de l'Ancien Testament [Old Testament Pseudepigrapha]. (J. Couturier, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-893/pseudepigraphes-de-lancien-testament/

Style Chicago

Brown, William. "Pseudépigraphes de l'Ancien Testament." Traduit par Jerome Couturier. World History Encyclopedia. modifié le avril 26, 2016. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-893/pseudepigraphes-de-lancien-testament/.

Style MLA

Brown, William. "Pseudépigraphes de l'Ancien Testament." Traduit par Jerome Couturier. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 26 avril 2016, https://www.worldhistory.org/article/893/old-testament-pseudepigrapha/. Web. 17 juil. 2025.

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